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08/02/2023 | FRANCE | N°18/04531

France | France, Cour d'appel de Rennes, 9ème ch sécurité sociale, 08 février 2023, 18/04531


9ème Ch Sécurité Sociale





ARRÊT N°



N° RG 18/04531 - N° Portalis DBVL-V-B7C-O7HN













MUTUALITE SOCIALE AGRICOLE DES PORTES DE BRETAGNE



C/



Société CLINIQUE [4]

























Copie exécutoire délivrée

le :



à :











Copie certifiée conforme délivrée

le:



à:

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
>AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 08 FEVRIER 2023





COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :



Président : Madame Elisabeth SERRIN, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Véronique PUJES, Conseillère,

Assesseur : Madame Anne-Emmanuelle PRUAL, Conseillère,



GREFFIER :

...

9ème Ch Sécurité Sociale

ARRÊT N°

N° RG 18/04531 - N° Portalis DBVL-V-B7C-O7HN

MUTUALITE SOCIALE AGRICOLE DES PORTES DE BRETAGNE

C/

Société CLINIQUE [4]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Copie certifiée conforme délivrée

le:

à:

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 08 FEVRIER 2023

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Elisabeth SERRIN, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Véronique PUJES, Conseillère,

Assesseur : Madame Anne-Emmanuelle PRUAL, Conseillère,

GREFFIER :

Mme Adeline TIREL, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 14 Décembre 2022

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 08 Février 2023 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats ;

DÉCISION DÉFÉRÉE A LA COUR:

Date de la décision attaquée : 16 Avril 2018

Décision attaquée : Jugement

Juridiction : Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de VANNES

Références : 21700072

****

APPELANTE :

MUTUALITE SOCIALE AGRICOLE DES PORTES DE BRETAGNE

Service contentieux

[Localité 1]

représentée par Mme [Y] [M], en vertu d'un pouvoir spécial

INTIMÉE :

[Adresse 3]

[Adresse 2]

[Localité 5]

représentée par Me Yvan MARTIN, avocat au barreau de PARIS substitué par Me Stéphanie LEMOIGNE, avocat au barreau de PARIS

EXPOSÉ DU LITIGE

La Clinique [4], établissement de santé privé situé à [Localité 5] (la clinique), a été incluse dans le programme régional de contrôle de la tarification à l'activité (T2A) pour l'année 2015, programme élaboré par l'unité de coordination régionale de Bretagne (l'UCR) et validé par la commission du contrôle du 2 juin 2015.

A la suite du contrôle externe de la production des informations médico-administratives de la clinique opéré par l'UCR en 2015 portant sur les séjours effectués au cours de la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2014 (séjours avec comorbidité-champ 1 et séjours sans nuitée-champ 2) , un rapport a été établi le 21 octobre 2015, porté à la connaissance de la clinique le 16 novembre 2015, le directeur d'établissement indiquant en dernière page, dans la case 'observations' qu'il contestait les facturations concernant les 'séjours sans nuitée-champ 2'.

Par lettre datée du même jour, la clinique a formulé ses observations concernant ce point.

Par avis du 3 février 2016, la commission médicale de l'UCR a déclaré les champs de contrôle 'séjours sans nuitée' et 'séjours CMA' sanctionnables. Elle a précisé que serait établie une proposition de sanction à la commission de contrôle qui en déciderait l'opportunité et les modalités.

Le 22 août 2016, la caisse de mutualité sociale agricole des Portes de Bretagne (la caisse) a notifié à la clinique un indu d'un montant de 97 516 euros dont 41 110,28 euros pour son propre compte concernant :

- des erreurs de codage ;

- l'absence de réalisation d'une prestation facturée ;

- le manquement aux règles de facturation.

Contestant l'indu relatif au champ 2 à hauteur de la somme de 21 572,60 euros concernant la caisse et correspondant à des manquements aux règles de facturation pour des bilans gériatriques pris en charge dans le cadre de la structure d'hospitalisation à temps partiel, la clinique a saisi la commission de recours amiable de l'organisme par lettre datée du 19 octobre 2016.

Après rejet implicite de sa réclamation, elle a porté le litige devant le tribunal des affaires de sécurité sociale du Morbihan le 10 janvier 2017.

Par décision expresse du 4 mai 2017, la commission précitée a validé la notification de l'indu, tant sur la forme que sur le fond.

Par jugement du 16 avril 2018, le tribunal susvisé a :

- déclaré le recours formé par la clinique recevable et bien fondé ;

- constaté l'irrégularité formelle de la décision prise le 22 août 2016 par la caisse ;

- annulé la décision implicite de rejet de la commission de recours amiable de la caisse du 20 novembre 2016, explicitement confirmée le 4 mai 2017 ;

- condamné la caisse à verser à la clinique la somme de 2 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.

Le 22 juin 2018, la caisse a interjeté appel de ce jugement qui lui avait été notifié le 2 juin 2018.

Par ses écritures parvenues au greffe le 29 mars 2022 auxquelles s'est référé et qu'a développées son représentant à l'audience, la caisse demande à la cour :

- d'infirmer la décision entreprise dans toutes ses dispositions ;

Sur la forme,

- de dire et juger que la notification de payer du 22 août 2016 est régulière et conforme à l'article R. 133-9-1 du code de la sécurité sociale ;

Sur le fond,

- de prendre acte que la clinique ne conteste pas les indus émis au titre du champ 1 'séjours avec comorbidité' ;

- de dire et juger que c'est à tort que la clinique a facturé des GHS ;

- de condamner la clinique à lui rembourser la somme de 21 572,60 euros correspondant à l'indu émis pour son compte au titre du champ 2 'séjours sans nuitée' ;

- d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a condamnée au paiement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- de débouter la clinique de sa demande en paiement de la somme de 3 500 euros au titre de ce même texte.

Par ses écritures parvenues au greffe le 7 avril 2022 auxquelles s'est référé et qu'a développées son conseil à l'audience, la clinique demande à la cour de :

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a jugé que la notification d'indu du 22 août 2016 était irrégulière sur la forme et au surplus, dire que les facturations opérées par la clinique s'agissant des bilans gériatriques pris en charge dans le cadre de la structure d'hospitalisation à temps partiel étaient fondées ;

- en conséquence, confirmer l'annulation, ensemble, de la décision implicite du 20 novembre 2016, confirmée par la décision expresse du 4 mai 2017, par lesquelles la commission de recours amiable de la caisse a rejeté le recours amiable formé par la clinique contre la décision du 22 août 2016 en ce que la caisse lui a notifié un indu d'un montant de 97 516,10 euros dont 21 572,60 euros pour son compte correspondant à des manquements aux règles de facturation pour des bilans gériatriques pris en charge dans le cadre de la structure d'hospitalisation à temps partiel ;

- condamner la caisse au paiement de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions susvisées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la régularité de la notification d'indu

La clinique maintient devant la cour que la notification d'indu ne fait pas apparaître, pour chaque créance réclamée au titre du champ 2, la date de versement des prestations comme exigé par l'article R. 133-9-1 du code de la sécurité sociale ; que la mention des dates de mandatement des dotations ne répond pas à cette exigence ; que cette omission ne lui permet donc pas de présenter des observations utiles sur le périmètre de validité de l'action en recouvrement, notamment au regard de la prescription éventuelle de l'indu, et sur la réalité de la créance pour chaque prestation concernée.

La caisse réplique que les exigences posées par l'article R. 133-9-1 du code de la sécurité sociale ont été respectées ; que l'indu notifié le 22 août 2016 (réceptionné le 25 août 2016) au titre de séjours contrôlés sur l'exercice 2014 n'est clairement pas prescrit au regard de la prescription triennale en vigueur ; qu'en outre, la date de versement des prestations indues figure sur le tableau récapitulatif d'indus joint à la notification de payer et correspond aux dates d'entrée et de sortie des patients concernés puisqu'il s'agit de la période de facturation indue émise par l'établissement au titre des GHS; que la mesure de contrôle ayant porté sur les séjours facturés au titre de GHS au cours de l'année 2014, il en ressort que la date du ou des versements indus correspond au règlement de la dotation annuelle réalisée pour cette année d'exercice ; qu'ainsi la mention de la date de versement de la dotation (arrêtés tarifaires) répond à l'exigence de mention de la date de versement des sommes indues sur la notification ; qu'en l'espèce, la date des arrêtés figure dans la notification d'indu ; qu'en tout état de cause, il est de jurisprudence constante que l'omission de cette mention n'entache pas d'irrégularité la notification d'indu dès lors que l'établissement de santé a été mis en mesure de présenter par ailleurs ses observations comme au cas d'espèce ; que la notification d'indu ayant permis à la clinique de connaître la cause, la nature et le montant des sommes réclamées et de présenter ses observations, aucune irrégularité ne saurait être retenue.

Sur ce :

Selon les dispositions de l'article L. 133-4 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction applicable au litige :

'En cas d'inobservation des règles de tarification ou de facturation :

1° Des actes, prestations et produits figurant sur les listes mentionnées aux articles L. 162-1-7, L. 162-17, L. 165-1, L. 162-22-7 ou relevant des dispositions des articles L. 162-22-1 et L. 162-22-6 ;

2° Des frais de transports mentionnés à l'article L. 160-8,

l'organisme de prise en charge recouvre l'indu correspondant auprès du professionnel ou de l'établissement à l'origine du non-respect de ces règles et ce, que le paiement ait été effectué à l'assuré, à un autre professionnel de santé ou à un établissement.

Il en est de même en cas de facturation en vue du remboursement, par les organismes d'assurance maladie, d'un acte non effectué ou de prestations et produits non délivrés.

Lorsque le professionnel ou l'établissement faisant l'objet de la notification d'indu est également débiteur à l'égard de l'assuré ou de son organisme complémentaire, l'organisme de prise en charge peut récupérer la totalité de l'indu. Il restitue à l'assuré et, le cas échéant, à son organisme complémentaire les montants qu'ils ont versés à tort.

L'action en recouvrement, qui se prescrit par trois ans, sauf en cas de fraude, à compter de la date de paiement de la somme indue, s'ouvre par l'envoi au professionnel ou à l'établissement d'une notification de payer le montant réclamé ou de produire, le cas échéant, leurs observations.

Si le professionnel ou l'établissement n'a ni payé le montant réclamé, ni produit d'observations et sous réserve qu'il n'en conteste pas le caractère indu, l'organisme de prise en charge peut récupérer ce montant par retenue sur les versements de toute nature à venir.

En cas de rejet total ou partiel des observations de l'intéressé, le directeur de l'organisme d'assurance maladie adresse, par lettre recommandée, une mise en demeure à l'intéressé de payer dans le délai d'un mois. La mise en demeure ne peut concerner que des sommes portées sur la notification.

Lorsque la mise en demeure reste sans effet, le directeur de l'organisme peut délivrer une contrainte qui, à défaut d'opposition du débiteur devant le tribunal des affaires de sécurité sociale, comporte tous les effets d'un jugement et confère notamment le bénéfice de l'hypothèque judiciaire. Une majoration de 10 % est applicable aux sommes réclamées qui n'ont pas été réglées aux dates d'exigibilité mentionnées dans la mise en demeure. Cette majoration peut faire l'objet d'une remise.

(...)'.

Selon l'article R. 133-9-1 I du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable au litige :

'I.- La notification de payer prévue à l'article L. 133-4 est envoyée par le directeur de l'organisme d'assurance maladie au professionnel ou à l'établissement par tout moyen permettant de rapporter la preuve de sa date de réception.

Cette lettre précise la cause, la nature et le montant des sommes réclamées et la date du ou des versements indus donnant lieu à recouvrement. Elle mentionne l'existence d'un délai de deux mois à partir de sa réception imparti au débiteur pour s'acquitter des sommes réclamées ainsi que les voies et délais de recours. Dans le même délai, l'intéressé peut présenter des observations écrites à l'organisme d'assurance maladie.

A défaut de paiement à l'expiration du délai de forclusion prévu à l'article R. 142-1 ou après notification de la décision de la commission instituée à ce même article, le directeur de l'organisme de sécurité sociale compétent lui adresse la mise en demeure prévue à l'article L. 133-4 par tout moyen permettant de rapporter la preuve de sa date de réception.

Cette mise en demeure comporte la cause, la nature et le montant des sommes demeurant réclamées, la date du ou des versements indus donnant lieu à recouvrement, le motif qui, le cas échéant, a conduit à rejeter totalement ou partiellement les observations présentées ainsi que l'existence du nouveau délai d'un mois imparti, à compter de sa réception, pour s'acquitter des sommes réclamées. Elle mentionne, en outre, l'existence et le montant de la majoration de 10 % appliquée en l'absence de paiement dans ce délai, ainsi que les voies et délais de recours.

(...)'.

En résumé :

- selon le premier de ces textes, en cas d'inobservation des règles de tarification ou de facturation des actes et prestations, le directeur de l'organisme d'assurance maladie adresse au professionnel ou à l'établissement de santé , une notification de payer l' indu ;

- selon le second, cette notification de payer comporte notamment la cause, la nature et le montant des sommes demeurant réclamées, et la date du ou des versements indus donnant lieu à recouvrement.

Pour retenir en l'espèce l'existence d'une irrégularité formelle de la notification du 22 août 2016, le tribunal a considéré que le fait que la clinique aurait opté pour le régime de dotation et forfait annuel pour 2014 n'empêchait pas les contrôleurs de se conformer aux exigences de l'article R. 133-9-1 du code de la sécurité sociale en formalisant la date de la dotation vérifiée et comptabilisée.

Selon l'article L. 174-1 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction applicable :

'Dans les établissements de santé mentionnés aux a, b et c de l'article L. 162-22-6, la part des frais d'hospitalisation au titre des soins dispensés dans le cadre des activités mentionnées au 2° de l'article L. 162-22 qui est prise en charge par les régimes obligatoires d'assurance maladie est financée par une dotation annuelle de financement.

Le montant de la dotation annuelle de financement de chaque établissement est arrêté par l'Etat dans le respect des dispositions de l'article L. 174-1-1, dans les conditions prévues par l'article L. 6145-1 du code de la santé publique et précisées par décret en Conseil d'Etat.'

L'article L. 174-2 du même code dispose :

'Les dotations annuelles mentionnées aux articles L. 162-22-16 et L. 174-1 sont versées pour le compte de l'ensemble des régimes d'assurance maladie par la caisse primaire d'assurance maladie dans la circonscription de laquelle est implanté l'établissement. Toutefois, par convention entre les régimes, ce rôle peut être rempli par une caisse relevant d'un autre régime.

Le montant des dotations annuelles mentionnées aux articles L. 162-22-16 et L. 174-1 est réparti après accord entre tous les régimes ayant une organisation financière propre. A défaut d'accord entre les régimes, l'Etat fixe cette répartition.

Un décret en Conseil d'Etat détermine les modalités d'application du présent article et notamment les critères de la répartition entre régimes de ces dotations.'

Comme l'indique la caisse sans être contredite, la tarification à l'activité (T2A) est une méthode de financement des établissements de santé mise en place en 2004 dans le cadre du plan "Hôpital 2007". Elle repose sur la mesure et l'évaluation de l'activité effective des établissements, qui détermine les ressources allouées.

La T2A constitue le principal mode de financement pour les activités de médecine, chirurgie, obstétrique et odontologie (MCOO) des établissements de santé publics et privés.

Elle a remplacé un système de financement prévoyant que les établissements publics ou participant au service public hospitalier recevaient une dotation globale de financement forfaitaire, sans lien avec l'évolution de l'activité.

Les ressources des établissements de santé sont désormais calculées à partir d'une mesure de l'activité produite qui conduit à une estimation des recettes. Ainsi, le prix de chaque activité en MCOO est défini chaque année par le ministre chargé de la santé via le mécanisme des groupes homogènes de séjour (GHS) et des groupes homogènes de malades (GHM).

La mesure de l'activité d'un établissement s'effectue à partir du recueil systématique de certaines informations administratives et médicales auprès des patients hospitalisés en soins de courte durée. Cette collecte d'informations est réalisée au moyen du programme de médicalisation des systèmes d'information (PMSI). Sur la base de ces informations sont déterminés des groupes homogènes de malades (GHM) associés à un (ou plusieurs) groupe(s) homogène(s) de séjour (GHS) au(x)quel(s) est appliqué un tarif fixé chaque année par le ministre en charge de la santé.

Ainsi et contrairement à ce que soutient la clinique, la T2A n'est pas dérogatoire au financement par 'dotation', laquelle demeure mais est en lien désormais avec l'évolution de l'activité des établissements conduisant à une estimation des recettes.

Il en résulte en l'espèce, comme le soutient la caisse à bon droit, que la mention, dans la notification de payer du 22 août 2016, des arrêtés de dotation annuelle T2A avec leurs dates respectives entre mars 2014 et février 2015 pour l'exercice 2014 répond à l'exigence de la mention de la date de versement.

En tout état de cause, par plusieurs arrêts rendus le 10 octobre 2019, la Cour de cassation a jugé que la seule absence de la mention de la date de versement des prestations considérées comme indues ne suffit pas à entacher d'irrégularité la notification de payer dès lors que le professionnel ou l'établissement de santé a été mis en mesure par ailleurs de présenter utilement des observations (par ex : 2e Civ. 10 octobre 2019, n° 18-21.285).

La clinique, qui ne conteste la régularité de la notification du 22 août 2016 qu'en ce qu'elle ne comporte pas selon elle la date des versements des sommes réclamées, et qui a été en mesure de présenter ses observations, que ce soit en amont lors du contrôle et à réception du rapport ou par la suite en saisissant la commission de recours amiable en octobre 2016 puis le tribunal, est par conséquent mal fondée à soutenir que ladite notification est nulle.

A titre surabondant, la cour observe que la clinique, contrairement à ce qu'elle soutient, était parfaitement en mesure d'apprécier si la prescription triennale était ou non encourue indépendamment de la mention de la date des versements dans la notification de payer dès lors que l'exercice contrôlé en 2015 portait sur l'année 2014 et que la notification était du 22 août 2016.

Sur le bien-fondé des sommes réclamées par la caisse

Pour mémoire, il sera rappelé que seul l'indu relatif au champ 2 'séjours sans nuitée' est en litige, la clinique ne contestant pas l'indu au titre du champ 1 qu'elle a réglé à hauteur de la somme de 15 001,70 euros après compensation avec un solde en sa faveur.

La contestation porte plus particulièrement sur les bilans gériatriques pris en charge dans le cadre de la structure d'hospitalisation à temps partiel.

La clinique soutient en substance que le rejet par les médecins contrôleurs des prises en charge en hospitalisation de jour effectuées sur deux journées du fait qu'il n'existait pas, à l'issue de la première journée d'hospitalisation, de synthèse de soins telle qu'exigée par l'instruction n° DGOS/R/2010/201 du 15 juin 2010 est inopérant ; qu'en effet, du fait de l'âge avancé de la patientèle concernée en l'occurrence (près de 80 ans en moyenne), hors d'état de soutenir l'ensemble des examens sur une seule journée, les examens étaient pour ces patients très âgés (58% des patients en 2014), répartis sur deux jours, rendant la synthèse impossible en l'absence de bilan complet sur la première journée ; qu'une synthèse provisoire était néanmoins établie à l'issue de la première journée, attestant de la réalité d'une intervention coordonnée de personnels pluridisciplinaires, quand bien même les examens constitutifs du bilan gériatrique n'étaient pas tous réalisés lors du premier passage ; que le contrôle opéré par les médecins contrôleurs a dégénéré en contrôle de la pertinence des soins, ce qui est interdit.

La caisse rappelle que le contrôle externe T2A est un contrôle de la tarification sans visée médicale, portant sur la facturation de l'établissement au regard des conditions de prise en charge au titre d'une hospitalisation telles que définies à l'arrêté du 19 février 2009 et à l'instruction ministérielle

n° DGOS/R/2010/201 du 15 juin 2010 relatives aux conditions de facturation des GHS pour les prises en charge hospitalières de moins d'une journée et pour celles en unité d'hospitalisation de courte durée (UHCD).

Selon elle, la facturation de GHS pour les premières journées n'est pas justifiée en l'absence de prise en charge pluridisciplaire et de bilan gériatrique complet à l'issue de ces premières journées ; en revanche la facturation de GHS pour les secondes journées n'a jamais été discutée et a été acceptée en présence d'une synthèse et d'une prise en charge pluridisciplinaire.

Sur ce :

Les conditions de facturation d'un GHS étaient fixées par l'arrêté du 19 février 2009, modifié avant d'être abrogé au 1er mars 2015, relatif à la classification et à la prise en charge des prestations d'hospitalisation pour les activités de médecine, chirurgie, obstétrique et odontologie et pris en application de l'article L. 162-22-6 du code de la sécurité sociale.

L'article 6-I-9° de l'arrêté du 10 février 2009 dispose:

'Lorsque le patient est pris en charge moins d'une journée, à l'exception des cas où il est pris en charge dans un service d'urgence, un GHS ne peut être facturé que dans les cas où sont réalisés des actes qui nécessitent :

- une admission dans une structure d'hospitalisation individualisée mentionnée à l'article D. 6124-301 du code de la santé publique disposant de moyens en locaux, en matériel et en personnel, et notamment des équipements adaptés pour répondre aux risques potentiels des actes réalisés ;

- un environnement respectant les conditions de fonctionnement relatives à la pratique de l'anesthésie ou la prise en charge par une équipe paramédicale et médicale dont la coordination est assurée par un médecin ;

- l'utilisation d'un lit ou d'une place pour une durée nécessaire à la réalisation de l'acte ou justifiée par l'état de santé du patient.

Lorsque l'une de ces conditions n'est pas remplie, la prise en charge du patient donne lieu à facturation de consultations ou actes mentionnés à l'article L. 162-26 du code de la sécurité sociale ou réalisés en médecine de ville.'

L'instruction DGOS/R/2010/201 du 15 juin 2010 indique :

'Ne doit pas donner lieu à une facturation d'un GHS toute prise en charge qui peut habituellement être réalisée soit en médecine de ville s'agissant du secteur libéral, soit dans le cadre des consultations ou actes externes s'agissant des établissements de santé antérieurement sous dotation globale.

(...)

Le cas 'habituel' fait référence à la pratique communément admise par les professionnels de santé comme étant compatible avec un niveau de sécurité et de confort satisfaisant pour le patient.

(...)

Ce principe doit toutefois être nuancé au regard de la nécessité de mettre à disposition du patient les moyens adaptés à son état de santé : dans certains cas, une prise en charge habituellement réalisée en externe peut justifier une hospitalisation de moins d'une journée.

Dans tous les cas, il convient de respecter l'esprit de ce principe dont la finalité est de ne pas facturer indûment de GHS à l'assurance maladie, pour les prises en charge qui relèvent de l'activité 'externe' et donc d'une facturation à l'acte selon les règles de la CPAM ou de la NGAP, à laquelle peut s'ajouter, le cas échéant, la facturation d'un forfait SE ou FFM.'

L'instruction du 15 juin 2010 rappelle en premier lieu que les trois conditions de facturation d'un GHS posées par l'arrêté du 19 février 2009, précédemment citées, sont cumulatives et que si l'une des conditions n'est pas remplie, la facturation d'un GHS n'est pas autorisée.

Elle indique ainsi que 'les prises en charge de moins d'une journée visées par cette circulaire correspondent donc principalement à des prises en charge:

- nécessitant, pour des raisons de sécurité liées à la pratique d'actes, un environnement respectant les conditions de fonctionnement relatives à la pratique de l'anesthésie ;

-justifiant un recours à une équipe paramédicale et médicale dont la coordination est assurée par un médecin.'

A titre d'exemple de prises en charge justifiant un recours à une équipe paramédicale et médicale dont la coordination est assurée par un médecin, cette instruction vise dans son point 2-3 les bilans diagnostiques et thérapeutiques.

Sur ce point, la circulaire précise :

'Un GHS ne peut être facturé que si la prise en charge comporte plusieurs examens (à l'exclusion des examens uniquement biologiques) réalisés par des professionnels de santé médicaux et paramédicaux différents, sur des plateaux techniques hospitaliers et qu'une synthèse diagnostique ou thérapeutique au moins provisoire en est réalisée par un médecin. S'agissant de ce dernier point, l'élaboration, à l'issue du bilan, d'un protocole de soins suivi ultérieurement en externe, est un type de synthèse médicale à privilégier.

Si une condition n'est pas respectée, chaque acte diagnostique ou thérapeutique doit être facturé selon la nomenclature des actes en vigueur et dans le respect des règles de facturation de cette activité (honoraires médicaux en médecine de ville, actes externes dans les établissements antérieurement sous dotation globale).

Il convient en outre de souligner que la réalisation de plusieurs actes au cours de la même journée peut donner lieu à la facturation d'un GHS, lorsque les conditions suscitées sont respectées, y compris lorsque l'un des actes réalisés n'est pas un acte pris en charge par l'assurance maladie. Toutefois, les actes et prestations pris en charge par l'assurance maladie doivent, pour leur part, justifier l'hospitalisation.'

Parmi les bilans diagnostiques ou thérapeutiques concernés, la circulaire cite le 'bilan gériatrique incluant une consultation mémoire, un bilan social effectué par une assistante sociale, des examens complémentaires avec notamment des tests neuropsychologiques, la présence d'une infirmière et une synthèse effectuée par un médecin gériatre'.

Le point 2-4 de cette instruction 'frontière' indique encore:

'Ne doivent pas non plus donner lieu à facturation d'un GHS lorsque les actes sont réalisés de manière isolée chez un patient ne présentant pas un terrain à risque particulier.'

Au cas d'espèce, les médecins contrôleurs ont retenu 166 dossiers de patients posant problème.

C'est ainsi qu'ils ont relevé que les bilans gériatriques étaient 'systématiquement' réalisés en plusieurs temps :

- une 1ère venue facturée en hospitalisation de jour avec l'examen du gériatre assisté d'une infirmière et l'intervention d'un ou deux autres paramédicaux (kinésithérapeute, ergothérapeute, psychologue, assistante sociale)

- à l'issue de cet examen, le gériatre prescrit des examens biologiques et radiologiques (IRM, scanner,...) nécessaires au bilan et réalisés en ambulatoire ; il peut aussi solliciter l'avis d'autres médecins spécialistes (cardiologue, ORL, ophtalmologue,...) également consultés en ambulatoire ;

- une 2ème hospitalisation de jour est programmée après réalisation des explorations complémentaires prescrites ; le patient est examiné par le neuropsychologue qui réalise les tests approfondis d'évaluation du diagnostic cognitif et par un ou deux autres des paramédicaux précités ; le gériatre responsable du bilan revoit ensuite le patient pour la consultation d'annonce et la réalisation de la synthèse pluridisciplinaire.

Ils ont refusé les hospitalisations de jour facturées lors de la première venue en retenant l'absence de synthèse effectuée à l'issue de ce passage, synthèse impossible du fait que la journée d'examen n'avait pas permis la réalisation du bilan complet.

En revanche, ils ne contestent pas la facturation d'un GHS pour la 2ème hospitalisation de jour avec synthèse des interventions pluridisciplinaires, pas plus que les nouveaux séjours de réévaluation à distance du traitement lorsque cette réévaluation est pluridisciplinaire, comporte des examens médicotechniques ainsi qu'une synthèse par le gériatre responsable.

Contrairement à ce que soutient la clinique, l'âge avancé des patients ne suffit pas à conclure qu'il s'agit de patients à risque au sens des dispositions de l'instruction ministérielle susvisée.

En revanche et contrairement à ce que soutient la caisse, il ressort des constatations des médecins contrôleurs reprises dans leur rapport (cf ci-dessus) que la pluridisciplinarité existe dès la 1ère journée avec l'intervention d'un gériatre, d'une infirmière et d'autres personnels paramédicaux.

Reste la question de la synthèse.

La clinique verse aux débats des fiches intitulées 'synthèse pluridisciplinaire hôpital de jour' (pièce n°5 ) établies par le gériatre référent pour chaque patient récapitulant les examens notamment cliniques et cognitifs effectués lors de la première journée et comportant une conclusion sous forme de projet de soins ou de poursuite de bilan.

Ces fiches s'analysant à tout le moins comme des synthèses provisoires au sens de la circulaire du 15 juin 2010, l'indu réclamé par la caisse n'est pas justifié.

La caisse sera par conséquent déboutée de sa demande en paiement au titre des 'séjours sans nuitée-champ 2", étant rappelé que la cour n'a pas à confirmer ou infirmer les décisions des commissions de recours amiable.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

Il n'apparaît pas équitable de laisser à la charge de la clinique ses frais irrépétibles.

La caisse sera en conséquence condamnée à lui verser à ce titre la somme de 1 000 euros en sus de la somme allouée en première instance.

S'agissant des dépens, l'article R.144-10 du code de la sécurité sociale disposant que la procédure est gratuite et sans frais en matière de sécurité sociale est abrogé depuis le 1er janvier 2019.

Il s'ensuit que l'article R.144-10 précité reste applicable aux procédures en cours jusqu'à la date du 31 décembre 2018 et qu'à partir du 1er janvier 2019 s'appliquent les dispositions des articles 695 et 696 du code de procédure civile relatives à la charge des dépens.

En conséquence, les dépens de la présente procédure exposés postérieurement au 31 décembre 2018 seront laissés à la charge de la caisse qui succombe à l'instance.

PAR CES MOTIFS :

La COUR, statuant publiquement par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

Réforme le jugement entrepris et dit que le présent dispositif se substitue au dispositif dudit jugement ;

Dit que la notification de payer du 22 août 2016 est régulière en la forme ;

Déboute la caisse de mutualité sociale agricole des Portes de Bretagne de sa demande en paiement au titre des 'séjours sans nuitée-champ 2" ;

Condamne la caisse de mutualité sociale agricole des Portes de Bretagne à verser à la clinique [4] une indemnité de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la caisse de mutualité sociale agricole des Portes de Bretagne aux dépens, pour ceux exposés postérieurement au 31 décembre 2018.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 9ème ch sécurité sociale
Numéro d'arrêt : 18/04531
Date de la décision : 08/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-08;18.04531 ?
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