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08/02/2023 | FRANCE | N°21/00371

France | France, Cour d'appel de Rennes, 9ème ch sécurité sociale, 08 février 2023, 21/00371


9ème Ch Sécurité Sociale





ARRÊT N°



N° RG 21/00371 - N° Portalis DBVL-V-B7F-RIRU













Mme [N] [Y] épouse [F]



C/



CAISSE D'ALLOCATIONS FAMILIALES DES COTES D'ARMOR





















Copie exécutoire délivrée

le :



à :











Copie certifiée conforme délivrée

le:



à:

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUP

LE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 08 FEVRIER 2023



COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :



Président : Madame Elisabeth SERRIN, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Véronique PUJES, Conseillère,

Assesseur : Madame Anne-Emmanuelle PRUAL, Conseillère,



GREFFIER :



Mme Adeline TIRE...

9ème Ch Sécurité Sociale

ARRÊT N°

N° RG 21/00371 - N° Portalis DBVL-V-B7F-RIRU

Mme [N] [Y] épouse [F]

C/

CAISSE D'ALLOCATIONS FAMILIALES DES COTES D'ARMOR

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Copie certifiée conforme délivrée

le:

à:

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 08 FEVRIER 2023

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Elisabeth SERRIN, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Véronique PUJES, Conseillère,

Assesseur : Madame Anne-Emmanuelle PRUAL, Conseillère,

GREFFIER :

Mme Adeline TIREL, lors des débats et lors du prononc

DÉBATS :

A l'audience publique du 13 Décembre 2022

devant Madame Véronique PUJES, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 08 Février 2023 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats ;

DÉCISION DÉFÉRÉE A LA COUR:

Date de la décision attaquée : 27 Février 2020

Décision attaquée : Jugement

Juridiction : Pole social du TJ de SAINT-BRIEUC

Références : 18/98

****

APPELANTE :

Madame [N] [Y] épouse [F]

[Adresse 6]

[Localité 5]

représentée par Me Vincent LECLERCQ, avocat au barreau de SAINT-BRIEUC

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2020/013726 du 08/01/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de RENNES)

INTIMÉE :

CAISSE D'ALLOCATIONS FAMILIALES DES COTES D'ARMOR

[Adresse 8]

[Localité 3]

représentée par Mme [I] [C], en vertu d'un pouvoir spécial

EXPOSÉ DU LITIGE

M. [T] [F] et Mme [N] [Y] épouse [F], mariés en 2004, sont parents de trois enfants, nés en 1996, 1998 et 2009.

Mme [Y] a bénéficié des prestations suivantes, servies par la caisse d'allocations familiales des Côtes d'Armor (la caisse) :

- l'allocation de soutien familial (ASF) ;

- le revenu de solidarité active (RSA) ;

- la prime pour l'activité (PPA) ;

- des primes de Noël.

M. [F] a quant à lui bénéficié de l'allocation aux adultes handicapés (AAH) à compter du 22 juillet 2011.

Le 8 mai 2015, Mme [Y] a déclaré être séparée de fait de son époux depuis le 20 avril 2015. M. [F] a fait de même le 10 mai 2015.

A la suite d'un contrôle de la situation familiale effectué en 2017, l'agent assermenté de la caisse a conclu que la séparation de fait avait été déclarée à tort et que la vie maritale des époux [F] n'avait jamais cessé.

Le 25 octobre 2017, suite à cette révision de la situation familiale et compte tenu des ressources 2014 et 2015 de M. [F], la caisse a notifié à Mme [Y] un indu d'un montant total de 18 125,97 euros, se répartissant comme suit :

- un indu d'ASF pour la période du 1er mai 2015 au 30 septembre 2015 (sic) d'un montant de 4 679,14 euros ;

- un indu de RSA pour la période du 1er mai 2015 au 31 janvier 2017 d'un montant de 10 588,69 euros ;

- un indu de PPA pour la période du 1er novembre 2016 au 30 septembre 2017 d'un montant de 2 309,32 euros ;

- un indu de prime de Noël 2015 et 2016 d'un montant de 548,82 euros.

Le 9 novembre 2017, la caisse a de nouveau notifié à Mme [Y] un indu de prime exceptionnelle de fin d'année 2015 et 2016 d'un montant de 274,41 euros pour chacune de ces deux années.

Parallèlement, les 25 septembre 2017 et 28 novembre 2017, la caisse d'allocations familiales d'Ille-et-Vilaine a notifié à M. [F] les indus suivants :

- un indu de prestations familiales pour un montant de 22 908,24 euros ;

- un indu relatif à l'allocation de logement sociale (ALS) pour un montant de 4 187,14 euros.

Les 12 octobre et 12 décembre 2017, la caisse a indiqué à Mme [Y] qu'elle devait lui régler les indus de prestations familiales de 22 908,24 euros et d'ALS de 4 187,14 euros signalés par la caisse d'allocations familiales d'Ille-et-Vilaine et qu'elle en récupérerait le montant par retenue sur prestations.

Contestant le constat de vie maritale, Mme [Y] a saisi le 18 octobre 2017 la commission de recours amiable de a caisse, laquelle, par décision du 6 décembre 2017, a rejeté ses demandes et confirmé qu'elle ne pouvait prétendre aux prestations familiales de mai 2017 à septembre 2017.

Le 15 janvier 2018, Mme [Y] a porté le litige devant le tribunal des affaires de sécurité sociale des Côtes d'Armor.

Par ailleurs, le 24 janvier 2018, la caisse lui a notifié une décision de mise en oeuvre d'une pénalité administrative pour fraude d'un montant de 250 euros.

Par jugement du 27 février 2020, le tribunal susvisé, devenu le pôle social du tribunal judiciaire de Saint-Brieuc :

- s'est déclaré incompétent sur les indus au titre du RSA, de la prime exceptionnelle de fin d'année, de la prime d'activité et d'aide personnalisée au logement et a dit n'y avoir lieu à statuer sur la demande en paiement de la caisse de ce chef ;

- a dit n'y avoir lieu à statuer sur la demande de Mme [F] au titre de l'annulation de la pénalité financière du 24 janvier 2018 ;

- a constaté l'existence d'une vie maritale à compter du 20 avril 2015 ;

- a débouté la caisse de sa demande de paiement de l'indu au titre de l'ALS notifié le 12 décembre 2017 ;

- a condamné la caisse à restituer à Mme [F] toutes les sommes retenues ou compensées sur ses prestations au titre de l'ALS et au titre de l'indu d'AAH ;

- a condamné Mme [F] à payer à la caisse la somme de 4 679,l4 euros au titre de l'indu allocation de soutien familial ;

- a ordonné la compensation entre les créances respectives des parties résultant des condamnations prononcées par le jugement ;

- a condamné la caisse aux dépens à compter du 1er janvier 2019.

Par déclaration adressée le 16 décembre 2020, Mme [Y] a interjeté appel de ce jugement qui lui avait été signifié à sa personne par acte d'huissier de justice du 23 novembre 2020.

Par ses écritures parvenues par le RPVA le 29 novembre 2022 auxquelles s'est référé et qu'a développées son conseil à l'audience, elle demande à la cour de :

- réformer le jugement entrepris ce qu'il a refusé de faire droit à la demande de nullité des notifications de payer des 12 octobre 2017, 25 octobre 2017 et 12 décembre 2017 ;

- prononcer la nullité de ces notifications de payer ;

- ordonner la restitution par la caisse de l'intégralité du montant des prestations retenues au titre des montants réclamés comme indus par l'intimée ;

- annuler la pénalité financière du 24 janvier 2018 ;

En toute occurrence,

- réformer le jugement en ce qu'il l'a condamnée au paiement de la somme de 4 679,14 euros au titre de l'indu d'ASF et dire n'y avoir lieu à la condamner au paiement de ladite somme ;

- dire n'y avoir lieu à compensation entre les créances respectives des parties ;

- confirmer les autres dispositions du jugement entrepris ;

- débouter la caisse de ses demandes fins et conclusions et de son appel incident ;

- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la caisse à lui restituer toutes les sommes retenues ou compensées sur les prestations au titre de l'ALS ou sur l'AAH ;

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la caisse de la demande d'indu d'aide au logement ;

- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la caisse aux dépens ;

- condamner la même aux dépens d'appel.

Par ses écritures parvenues au greffe le 1er décembre 2022 auxquelles s'est référé et qu'a développées son représentant à l'audience, la caisse demande à la cour de :

Confirmer le jugement déféré en ce qu'il a constaté la vie maritale, l'absence de nullité des notifications, dit ne pas y avoir lieu à statuer sur la pénalité, condamné Mme [F] à payer l'indu d'ASF et constaté l'existence de fausses déclarations ;

Infirmer le jugement :

- en ce qu'il l'a déboutée de sa demande au titre de l'indu d'aide au logement ;

- en ce qu'il l'a condamnée à restituer à Mme [F] toutes les sommes retenues ou compensées sur ses prestations au titre de l'ALS ou sur l'AAH ;

- en ce qu'il l'a condamnée aux dépens ;

Juger de nouveau, et :

- condamner Mme [F] à lui payer la somme de 22 496,15 euros représentant son préjudice financier ;

- débouter Mme [F] de sa demande de condamnation aux dépens d'appel et de toutes ses demandes, fins et prétentions.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions susvisées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Pour mémoire, la situation initiale d'indus imputés au couple par les caisses d'allocations familiales se présente comme suit, aux dires non contestés de la caisse intimée dans ses écritures :

- sur le dossier de Mme [Y] :

*2 309,32 euros au titre de la prime d'activité de novembre 2016 à septembre 2017,

* 4 679,14 euros au titre de l'ASF de mai 2015 à septembre 2017 (et non pas septembre 2015 comme indiqué dans la notification),

* 7 789,35 euros au titre du RSA majoré au titre de l'isolement de mai 2015 à avril 2016,

* 4 990,93 euros au titre du RSA de mai 2016 à janvier 2017,

* 274,41 euros de prime exceptionnelle de fin d'année 2015,

* 274,41 euros de prime exceptionnelle de fin d'année 2016,

* 88,16 euros d'APL de mai 2015 à décembre 2016.

- sur le dossier de M. [F] à la caisse d'Ille-et-Vilaine (transféré sur le dossier du couple) :

* 182,24 euros au titre de l'aide au logement pour septembre 2015,

* 4 187,14 euros au titre de l'aide au logement d'octobre 2015 à août 2017,

* 22 796 euros au titre de l'AAH et du complément d'octobre 2015 à août 2017.

- sur le dossier de M. [F] à la caisse des Cotes d'Armor (transféré sur le dossier du couple) :

* 4 009,45 euros au titre de l'AAH et du complément de mai à septembre 2015.

La régularisation opérée par la caisse a généré des rappels de droits sur le dossier du couple :

* 28 622,20 euros de rappel AAH et de complément pour la période de mai 2015 à septembre 2017 ; aux dires de la caisse, cette somme a été retenue et affectée au remboursement des indus AAH et RSA ;

* 393 euros de rappel d'APL d'octobre 2017 ; aux dires de la caisse, cette somme a été retenue et affectée au remboursement de l'indu d'APL et de RSA.

C'est à l'issue de cette régularisation que la caisse a notifié à Mme [Y] l'indu de 18 125,97 euros aux termes de la lettre du 25 octobre 2017 et lui a également demandé paiement des sommes de 22 908,24 euros (AAH et complément) et de 4 187,94 euros (ALS) concernant son conjoint par lettres des 12 octobre et 12 décembre 2017.

Le jugement entrepris n'est pas contesté en ce qu'il s'est déclaré incompétent pour statuer sur les indus RSA, prime exceptionnelle de fin d'année, prime d'activité et APL, relevant de la compétence de la juridiction administrative. Il y a lieu dans ces conditions de le confirmer sur ce point, sauf à préciser que les parties sont renvoyées à mieux se pourvoir.

I - Sur la régularité de la procédure de recouvrement et la qualité de la caisse à réclamer paiement de l'indu

Mme [Y] conteste la régularité des notifications des 12 octobre 2017, 25 octobre 2017 et 12 décembre 2017 au visa des articles R. 133-9-2 du code de la sécurité sociale et L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration au motif qu'elles :

- ne comportent pas les mentions légales, la privant de la connaissance des voies de recours et des modalités de recouvrement notamment des retenues à venir sur ses prestations,

- constituent une sanction au sens des articles L. 121-1 et L. 121-2-4 du code des relations entre le public et l'administration lesquels imposent une procédure contradictoire préalable.

Elle ajoute que la caisse ne justifie d'aucune cession de créance de la part de la caisse d'allocations familiales d'Ille-et-Vilaine lui permettant de lui réclamer paiement des sommes visées dans les lettres des 12 octobre 2017 et 12 décembre 2017.

La caisse réplique que :

- la notification du 25 octobre 2017 comporte les mentions prescrites par les textes, notamment l'article R. 113-9-2 du code de la sécurité sociale, dès lors qu'y sont mentionnés : les faits justifiant l'indu (vie maritale depuis le 20 avril 2015), le montant total de celui-ci avec le détail par prestation ainsi que les voies de recours selon les prestations concernées, notamment devant la commission de recours amiable s'agissant des prestations familiales et de la prime d'activité ; qu'à supposer établie l'irrégularité alléguée, l'intéressée, qui a pu saisir ladite commission en contestant la vie maritale puis le tribunal des affaires de sécurité sociale, n'a pas été empêchée d'agir pour défendre ses intérêts et ne justifie par conséquent d'aucun grief ; qu'en outre, les indus notifiés ne constituent pas une sanction au sens de l'article L. 124-2 du code des relations entre le public et l'administration de sorte que les dispositions invoquées par l'appelante ne sont pas applicables au litige ;

- les deux autres lettres, des 12 octobre 2017 et 12 décembre 2017, constituent des courriers d'information avisant la destinataire du transfert des indus de son époux sur le dossier du couple pour remboursement ; que ces indus ont été notifiés à son conjoint ; que ce transfert de créances a été opéré conformément à l'article 1321 du code civil ; que l'indu relatif à l'AAH versée à M. [F] n'est pas réclamé à l'appelante, s'agissant d'un droit personnel de l'attributaire au surplus soldé par compensation avec un rappel de cette même allocation ; que l'indu relatif à l'aide au logement ne comporte pas les mentions visées à l'article R. 133-9-2 précité mais ne fait pas grief à Mme [Y], étant rappelé que la solidarité entre époux de l'article 220 du code civil rendait en toute hypothèse inutile la notification de l'indu à l'épouse.

Sur ce :

I-1 La régularité de la notification du 25 octobre 2017

L'article R. 133-9-2 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable au litige issue du décret 2012-1032 du 7 septembre 2012 dispose :

'L'action en recouvrement de prestations indues s'ouvre par l'envoi au débiteur par le directeur de l'organisme compétent d'une notification de payer le montant réclamé par tout moyen permettant de rapporter la preuve de sa date de réception. Cette lettre précise le motif, la nature et le montant des sommes réclamées et la date du ou des versements donnant lieu à répétition. Elle mentionne l'existence d'un délai de deux mois imparti au débiteur pour s'acquitter des sommes réclamées et les modalités selon lesquelles les indus de prestations pourront être récupérés, le cas échéant, par retenues sur les prestations à venir. Elle indique les voies et délais de recours ainsi que les conditions dans lesquelles le débiteur peut, dans le délai mentionné au deuxième alinéa de l'article R. 142-1, présenter ses observations écrites ou orales.

A l'expiration du délai de forclusion prévu à l'article R. 142-1 ou après notification de la décision de la commission instituée à ce même article, le directeur de l'organisme créancier compétent, en cas de refus du débiteur de payer, lui adresse par tout moyen permettant de rapporter la preuve de sa date de réception une mise en demeure de payer dans le délai d'un mois qui comporte le motif, la nature et le montant des sommes demeurant réclamées, la date du ou des versements indus donnant lieu à recouvrement, les voies et délais de recours et le motif qui, le cas échéant, a conduit à rejeter totalement ou partiellement les observations présentées.'

Cet article est applicable à l'ouverture de toute action en recouvrement de prestations indues.

La lettre du 25 octobre 2017 adressée à Mme [Y] qui l'a réceptionnée le 27 octobre 2017, dont la caisse elle-même reconnaît qu'il s'agit d'une notification d'indu soumise aux dispositions de l'article R. 133-9-2 précité et qui fait état d'un indu de 18 125,97 euros qu'elle détaille par nature de prestation et période concernée, comporte au bas de la page notée 'page 1/1' la mention suivante :'En cas de désaccord vous disposez de deux mois pour contester cette décision. Pour plus d'information sur les voies de recours, consultez sur Caf.fr, espace Mon Compte, rubrique 'Consulter mes droits et paiements', 'Mes droits'.

L'exemplaire de cette lettre communiqué par l'appelante ne comporte aucun verso. En revanche tel n'est pas le cas de la copie produite par la caisse qui mentionne au verso les voies de recours relatives d'une part au RSA (recours préalable auprès du président du conseil départemental dans les deux mois de la réception de la lettre puis compétence du tribunal administratif), d'autre part aux prestations familiales et à la prime d'activité (recours par simple lettre devant la commission de recours amiable dans les deux mois de la réception de la lettre).

Il n'est pas établi que Mme [Y] a reçu la page 2 de cette notification dont rien ne laisse penser qu'elle figurait nécessairement au verso de l'envoi ne mentionnant qu'une seule page (notée 'page 1/1') ; il demeure en tout état de cause que la possibilité de présenter des observations écrites ou orales dans le délai de deux mois n'est pas mentionnée.

Pour autant, nonobstant cette absence d'informations et ses difficultés alléguées de compréhension de la langue française, Mme [Y] a eu la possibilité de voir sa contestation examinée dans un premier temps par la commission de recours amiable, laquelle a rendu sa décision le 6 décembre 2017, puis par le tribunal des affaires de sécurité sociale.

Par ailleurs, les articles L. 121-1 et L. 121-2 du code des relations entre le public et l'administration invoquées par l'appelante instituant une procédure contradictoire préalable en cas de décision prise par un organisme de sécurité sociale ayant le caractère d'une sanction, ne sont pas applicables, la notification litigieuse ne revêtant pas ce caractère.

La procédure étant de ce fait régulière, la demande d'annulation de la notification d'indu est mal fondée et sera comme telle rejetée, le jugement entrepris étant complété sur ce point.

I-2 Les deux lettres des 12 octobre 2017 et 12 décembre 2017

Les deux lettres des 12 octobre 2017 et 12 décembre 2017 par lesquelles la caisse informe Mme [Y] de ce que la caisse d'allocations familiales d'Ille-et-Vilaine lui a signalé qu'elle était redevable d'indus envers cet organisme et que c'est auprès d'elle que l'intéressée s'acquittera de sa dette, au moyen de retenues sur prestations, se rapportent aux indus notifiés par la caisse d'allocations familiales d'Ille-et-Vilaine à M. [F] les 25 septembre 2017 et 28 novembre 2017.

Ces deux lettres ne constituent pas des notifications d'indus au sens des dispositions susvisées. Il n'y a donc pas lieu de les annuler en tant que notifications d'indu irrégulières comme le demande l'appelante.

En revanche, force est de constater que la caisse ne justifie pas de la cession de créance de la part de la caisse d'allocations familiales d'Ille-et-Vilaine lui permettant, fût-ce au titre de la solidarité de l'article 220 du code civil, de réclamer à Mme [Y] le paiement des sommes visées dans ces deux lettres et de procéder par retenues sur ses prestations.

La caisse ne justifiant pas de sa qualité à agir, elle ne pouvait pas solliciter à l'encontre de Mme [Y] le paiement des sommes visées dans ces deux lettres et ne pouvait donc pas procéder par retenues sur les prestations versées à l'appelante pour leur recouvrement. Au surplus, ce mode de remboursement suppose, en application de l'article L. 553-2 du code de la sécurité sociale, l'absence de contestation du caractère indu par l'allocataire ; or non seulement Mme [Y] n'a pas la qualité d'allocataire au regard des prestations concernées versées à son conjoint au titre de l'AAH et de l'ALS pour un logement situé à [Localité 9], mais force est également de constater que le caractère indu des prestations est contesté.

La caisse indique, sans être utilement contredite, qu'en réalité elle n'a pas soldé l'indu d'AAH au moyen de retenues sur les prestations servies à Mme [Y] mais par retenues sur l'AAH due à M. [F], de sorte que c'est à tort que les premiers juges ont ordonné la restitution à l'appelante de sommes qui, en réalité, n'ont pas été retenues sur ses prestations.

Il résulte de ce qui précède que :

- la caisse est irrecevable à demander paiement de l'indu au titre de l'ALS visé dans la lettre du 12 décembre 2017, le jugement entrepris étant infirmé en ce qu'il déboute la caisse de cette demande ;

- le jugement est confirmé en ce qu'il a condamné la caisse à restituer à Mme [Y] les sommes retenues ou compensées au titre de l'ALS, mais infirmé en ce qu'il l'a condamnée à restituer à l'intéressée les sommes retenues ou compensées au titre de l'AAH.

II- Sur le bien-fondé de l'indu réclamé par la notification du 25 octobre 2017

Il ressort de ce qui précède que seule reste en litige la somme de 4 679,14 euros réclamée au titre de l'ASF pour la période du 1er mai 2015 au 30 septembre 2017 (et non 2015) aux termes de la notification d'indu du 25 octobre 2017 adressée à Mme [Y].

En application de l'article L 523-2 du code de la sécurité sociale, l'ASF dont peut bénéficier la personne assumant la charge effective et permanente d'un enfant orphelin ou assimilé orphelin au sens de l'article L 523-1 du même code, cesse d'être due lorsque le père ou la mère titulaire du droit à l'allocation de soutien familial se marie, conclut un pacte civil de solidarité ou vit en concubinage.

Au cas d'espèce, Mme [Y] indique qu'après la séparation en avril 2015, son conjoint est parti résider chez sa mère au [Adresse 1] avant de se domicilier chez leur fils à [Localité 9] jusqu'en août 2016, date à laquelle il a été placé sous bracelet électronique ; qu'à compter de cette date, il est revenu au [Adresse 2] tandis qu'elle est partie vivre chez une amie ; qu'il est revenu vivre chez leur fils à la fin de la période de surveillance électronique en janvier 2017 avant d'emménager dans un logement situé à [Adresse 12].

Le 8 mai 2015, Mme [Y] a déclaré auprès de la caisse être séparée de son conjoint depuis le 20 avril 2015 et avoir à sa charge les trois enfants du couple, son adresse demeurant [Adresse 2].

Le 10 mai 2015, son époux a confirmé la séparation au 20 avril 2015 et a déclaré résider [Adresse 1].

Les éléments du dossier ne permettent pas de remettre en cause les déclarations des époux quant à leur séparation datée du mois d'avril 2015.

Le rapport d'enquête ne comporte en effet aucun élément de nature à conclure au caractère mensonger des dires des époux concernant le départ du mari pour vivre temporairement chez sa mère à compter de fin avril 2015.

Le 20 août 2015, la caisse a reçu l'information selon laquelle M. [F] résiderait à [Adresse 10] depuis le 15 août 2015.

Il ressort des déclarations de la propriétaire de ce logement repris dans le rapport d'enquête de l'agent assermenté de la caisse de juin 2017 que ce studio a été loué pour le fils ainé du couple, étudiant, les parents ayant finalement décidé de mentionner le père comme locataire du fait que leur enfant était encore mineur à la conclusion du bail le 15 août 2015.

Cela pour autant ne signifie pas que M. [F] n'a pas résidé dans le logement de [Localité 9] en 2015 et 2016. S'agissant d'un logement provisoire, il n'y a rien d'étonnant dans le fait qu'il ait conservé une résidence 'administrative' sur [Localité 11] au [Adresse 2], où il était connu des autorités, collectivités et institutions diverses.

S'il ressort du rapport d'enquête et des déclarations de l'appelante elle-même que M.[F] a résidé au domicile familial situé à cette dernière adresse pendant la période durant laquelle il était placé sous bracelet électronique du mois d'août 2016 à fin janvier 2017, il apparaît cependant des attestations versées par Mme [Y] que celle-ci n'y résidait plus, étant en effet hébergée à [Localité 11] par Mme [H] du 30 août 2016 au 3 février 2017 (soit pendant la période de surveillance électronique de son conjoint) ; dans une seconde attestation, Mme [H] ajoute que Mme [Y] avait en effet quitté le domicile familial en raison d'un conflit conjugal.

Par ailleurs, le fils du couple vivant à [Localité 9] a indiqué à l'agent enquêteur en juin 2017 que son père vivait bien avec lui.

Les relevés bancaires versés aux débats par Mme [Y] pour la période 2015 - 2017 laissent également apparaître que celle-ci possédait un compte personnel auprès de la [7], alimenté par le versement de ses prestations familiales et mentionnant en débit ses dépenses courantes et personnelles ainsi que celles des enfants. La caisse ne conteste pas par ailleurs que l'AAH de M.[F] était à sa demande versée sur le compte personnel de ce dernier. L'existence alléguée d'un compte joint n'est pas établie. La communauté de ressources n'est pas démontrée.

Enfin, il apparaît que les époux ont établi des déclarations d'impôts séparées à tout le moins pour 2017.

Le dépôt par l'épouse d'une requête en divorce le 12 février 2018 conforte et prolonge au final ce faisceau d'indices concordants sur une séparation du couple à compter d'avril 2015, entérinée par la mention d'une adresse séparée des époux, le mari demeurant [Adresse 4] tandis que l'épouse conservait le domicile familial [Adresse 2].

Force est de constater, en l'état de l'ensemble de ces éléments, que la preuve d'une communauté d'intérêts matériels, financiers et affectifs entre les époux pendant la période litigieuse permettant de reconnaître une vie maritale et d'exclure la qualité de personne isolée de Mme [Y] n'est pas établie.

Le jugement entrepris sera par conséquent infirmé en ce qu'il a constaté une vie maritale à compter du 20 avril 2015, condamné Mme [Y] à payer à la caisse la somme de 4 679,14 euros au titre de l'ASF et ordonné la compensation.

III- Sur la pénalité financière

L'appelante sollicite l'annulation de la pénalité de 250 euros notifiée le 24 janvier 2018 dans les termes suivants :

' Madame,

Après examen de votre dossier, il apparait que vous vous êtes rendue coupable de manoeuvre frauduleuse en ayant déclaré à tort une séparation au 20/04/2015.

Il apparaît que vous avez fait une fausse déclaration.

Vous avez reçu une notification d'indu sous pli séparé.

Si de tels agissements devaient se reproduire, nous engagerions immédiatement des poursuites pénales à votre encontre.

J'ai décidé de prononcer à votre encontre une pénalité administrative de 250,00 € en application des dispositions des articles L. 114-17, L. 821- 5 et L. 831-7 du code de la sécurité sociale et de l'article L. 351-12 du code de la construction et de l'habitation.

Si vous avez des observations écrites ou orales à formuler, vous disposez toutefois d'un délai d'un mois à compter de la réception de la présente pour m'en faire part.

Je vous prie...'.

Force est toutefois de constater, indépendamment du fait que la vie maritale n'est pas établie comme indiqué ci-dessus, que ce courrier ne constitue pas une notification définitive de pénalité financière, de sorte que les premiers juges doivent être approuvés en ce qu'ils ont dit n'y avoir lieu de statuer sur la demande présentée par Mme [Y].

IV-Sur les dépens

Compte tenu de ce qui précède, la caisse, qui succombe, supportera les dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS :

La COUR, statuant publiquement par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

Confirme le jugement entrepris en ce qu'il s'est déclaré incompétent pour statuer sur les indus réclamés au titre du RSA, de la prime exceptionnelle de fin d'année, de la prime d'activité et d'APL;

Y ajoutant et le complétant,

Renvoie sur ces points les parties à mieux se pourvoir ;

Déboute Mme [Y] de sa demande d'annulation de la notification du 25 octobre 2017 ;

Infirme en revanche le jugement entrepris en ce qu'il a :

- débouté la caisse d'allocations familiales des Côtes d'Armor de sa demande de paiement de l'indu au titre de l'allocation logement à caractère social visé dans la lettre du 12 décembre 2017 ;

- condamné la caisse d'allocations familiales des Côtes d'Armor à restituer à Mme [Y] toutes les sommes retenues ou compensées sur ses prestations au titre de l'indu d'allocation aux adultes handicapés ;

- condamné Mme [Y] à payer à la caisse d'allocations familiales des Côtes d'Armor la somme de 4 679,14 euros au titre de l'allocation de soutien familial ;

- ordonné la compensation entre les créances des parties résultant du jugement ;

Statuant à nouveau sur ces points et y ajoutant :

Déclare irrecevable la demande de la caisse d'allocations familiales des Côtes d'Armor en paiement de l'indu au titre de l'allocation logement à caractère social visé dans la lettre du 12 décembre 2017 ;

Déboute Mme [Y] de sa demande de restitution de sommes au titre de l'indu d'allocation aux adultes handicapés ;

Déboute la caisse d'allocations familiales des Côtes d'Armor de sa demande

en paiement de la somme de 4 679,14 euros au titre de l'allocation de soutien familial ;

Dit n'y avoir lieu à compensation ;

Condamne la caisse d'allocations familiales des Côtes d'Armor aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 9ème ch sécurité sociale
Numéro d'arrêt : 21/00371
Date de la décision : 08/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-08;21.00371 ?
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