La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

10/02/2023 | FRANCE | N°19/08005

France | France, Cour d'appel de Rennes, 2ème chambre, 10 février 2023, 19/08005


2ème Chambre





ARRÊT N° 87



N° RG 19/08005 - N° Portalis DBVL-V-B7D-QKKR







(2)





M. [V] [L]



C/



SARL ALMA CAR



















Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée















Copie exécutoire délivrée



le :



à :

-Me Emmanuelle FOUCRE

-Me Jean-Paul RENAUDIN
>









RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 10 FEVRIER 2023



COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :



Président : Monsieur David JOBARD, Président de Chambre,

Assesseur : Monsieur Jean-François POTHIER, Conseiller,

Assesseur : Madame ...

2ème Chambre

ARRÊT N° 87

N° RG 19/08005 - N° Portalis DBVL-V-B7D-QKKR

(2)

M. [V] [L]

C/

SARL ALMA CAR

Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

-Me Emmanuelle FOUCRE

-Me Jean-Paul RENAUDIN

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 10 FEVRIER 2023

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Monsieur David JOBARD, Président de Chambre,

Assesseur : Monsieur Jean-François POTHIER, Conseiller,

Assesseur : Madame Hélène BARTHE-NARI, Conseillère,

GREFFIER :

Madame Ludivine MARTIN, lors des débats, et Mme Aichat ASSOUMANI, lors du prononcé,

DÉBATS :

A l'audience publique du 08 Novembre 2022

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 10 Février 2023, après prorogations, par mise à disposition au greffe et signé par Monsieur Jean-François POTHIER, Conseiller, ayant participé au délibéré collégial, pour le Président empêché,

****

APPELANT :

Monsieur [V] [L]

né le 02 Avril 1965 à [Localité 3] (44)

chez Mme [L] [Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté par Me Emmanuelle FOUCRE, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NANTES

INTIMÉE :

SARL ALMA CAR

[Adresse 8]

[Localité 2]

Représentée par Me Jean-Paul RENAUDIN de la SCP GUILLOU-RENAUDIN, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Bernard PAPIN, Plaidant, avocat au barreau de NANTES

2

EXPOSÉ DU LITIGE :

M. [V] [L] a confié à la SARL Alma Car, trois véhicules dont il était propriétaire à savoir :

un véhicule Porsche 997 GT3 RS immatriculé [Immatriculation 4] ;

un véhicule Porsche 997 GT3 immatriculé [Immatriculation 7] ;

un véhicule Ferrari F 430 immatriculé [Immatriculation 5] ;

Selon contrat de prêt à usage en date du 4 juillet 2014, la SARL Alma Car a confié à M. [V] [L], du 4 au 10 juillet 2014, un véhicule Ferrari F458 immatriculé [Immatriculation 6].

Ce véhicule a été accidenté le 6 juillet 2014 alors qu'il était conduit par M. [L].

Par acte en date du 26 juin 2015, la SARL Alma car a assigné M. [V] [L] devant le tribunal de grande instance de Nantes aux fins d'indemnisation.

Par ordonnance du 23 novembre 2017, le juge de la mise en état a condamné la SARL Alma Car à remettre à M. [L] plusieurs pièces et a ordonné une mesure d'expertise aux fins d'examiner les véhicules Porsche GT3 RS immatriculé [Immatriculation 4] et Ferrari F 430 immatriculé [Immatriculation 5].

L'expertise n'a pas été mise en oeuvre faute de consignation.

Par jugement du 14 novembre 2019, le tribunal a :

Condamné M. [V] [L] à payer à la SARL Alma Car la somme de 7 128,17 euros à titre de dommages et intérêts avec intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement ;

Débouté M. [V] [L] de sa demande reconventionnelle en nullité des trois contrats de prêts d'usage du 13 mars 2013 ;

Débouté M. [V] [L] de sa demande reconventionnelle de dommages et intérêts ;

Débouté M. [V] [L] de ses autres demandes, y compris de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamné M. [V] [L] à payer à la SARL Alma Car la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamné M. [V] [L] aux dépens, qui seront recouvrés selon les modalités prévues à l'article 699 du code de procédure civile au bénéfice de Me [F] [N] ;

Ordonné l'exécution provisoire.

Par déclaration du 12 décembre 2019, M. [V] [L] a relevé appel de ce jugement et, par dernières conclusions notifiées le 21 février 2020 demande à la cour de :

Réformer le jugement du 14 novembre 2019 sous la référence RG 15/04511

Débouter la société Alma Car de toutes ses demandes d'indemnisation ;

À titre reconventionnel,

Déclarer nuls et non avenus les contrats de prêt à usage d'un véhicule ;

les voir requalifiés en contrats de location ;

Dire que la société Alma Car est responsable du défaut d'entretien des véhicules dont elle a conservé l'usage de manière abusive à savoir les véhicules suivants :

véhicule Porsche GT3 RS orange immatriculé BA 665 QX;

véhicule Porsche GT3 jaune immatriculé BW 227 CA ;

véhicule Ferrari immatriculé BQ 185 PB ;

la voir condamner en conséquence à payer à M. [L], au titre des frais de réparation de 2 de ces 3 véhicules le 3ème ayant dû être bradé avant d'être réparé, la somme de 84 103,27 euros ;

voir condamner la société Alma Car à verser à M. [L] la somme de 136 089 euros au titre des indemnités kilométriques

voir condamner la société Alma Car à verser à M. [L] la somme de 10 000 euros au titre du préjudice matériel subi du fait de la non restitution des carnets d'entretien de ces 2 véhicules de marque Porsche, des housses des véhicules, du booster Porsche et des écrous antivol ;

voir condamner la société Alma Car au paiement de la somme de 30 000 euros au titre de la perte de chance pour M. [L] de vendre son véhicule de marque Porsche GT3 immatriculé BW 227 CA au prix du marché ;

voir condamner la même au paiement de la somme de 10 000 euros au titre du préjudice moral subi par M. [L] ;

dire que toutes les condamnations porteront intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir et les assortir d'intérêts moratoires ;

condamner la société Alma Car à payer à [V] [L] la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamner la société Alma Car en tous les dépens et accorder le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Selon ses dernières conclusions notifiées le 19 mai 2020, la société Alma Car demande à la cour de :

débouter M. [V] [L] de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

fixer le préjudice subi par la société Alma Car à la somme principale de 121 654,38 euros obtenue comme suit :

Condamner M. [L] à payer à la société Alma Car ladite somme augmentée des intérêts au taux légal échus et à échoir à compter du 26 juin 2015 jusqu'au jour de son règlement définitif avec application des dispositions de l'article 1154 ancien du code civil ;

Condamner M. [L] à payer à la société Alma Car la somme de 8 000 euros, par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ladite somme s'ajoutant à celle de 3 000 euros mise à la charge de l'intéressé par le jugement dont appel ;

Condamner M. [L] en tous les dépens et accorder le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision ainsi qu'aux dernières conclusions déposées l'ordonnance de clôture ayant été rendue le 8 septembre 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur les dommages au véhicule Ferrari F 458 :

Il est constant que la société Alma Car a prêté le véhicule à M. [L] suivant contrat de prêt à usage du 4 juillet 2014 et que le véhicule a été détruit le 6 juillet 2014 alors que M. [L] le conduisait.

Par application des dispositions de l'article 1880 du code civil l'emprunteur ne peut s'exonérer qu'en rapportant la preuve de son absence de faute ou d'un cas fortuit.

M. [L] soutient qu'au cas d'espèce, il a perdu le contrôle alors qu'il circulait sous la pluie et ce en raison du fait que les pneumatiques du véhicules étaient lisses.

M. [L] ne fournit aucun élément de nature à établir le mauvais état des pneumatiques du véhicule. Il ne justifie pas que l'accident aurait donné lieu à un rapport des services de gendarmerie qui aurait constaté ce mauvais état alors qu'il indique que les services se sont déplacés sur l'accident. Il sera par ailleurs relevé que l'état des pneumatiques d'un véhicule est apparent et que M. [L] pouvait se convaincre de leur état au moment de la prise de possession et ne peut en conséquence invoquer leur éventuel mauvais état.

Il n'est pas discuté que l'accident s'est produit sur route détrempée, M. [L] indiquant dans sa déclaration de sinistre que la météorologie était exécrable que le véhicule avait décroché de l'arrière et qu'il avait du sortir dans un champ pour éviter une collision frontale.

Mais outre qu'il appartient à tout conducteur d'adapter sa conduite aux conditions atmosphériques il sera constaté que les bulletins météorologiques du jour et lieu de l'accident produits aux débats ne font état que d'une simple 'bruine' qui constitue un événement parfaitement prévisible et auquel tout conducteur doit normalement pouvoir faire face.

M. [L] ne fournit pas d'éléments de nature à établir son absence de faute ou l'existence d'un cas fortuit et le jugement sera confirmé en ce qu'il a déclaré M. [L] responsable de la perte du véhicule envers le prêteur.

Sur le préjudice de la société Alma Car :

La société Alma Car demande la réformation du jugement en ce qu'il a rejeté partie de ses réclamations au titre de la réparation de son préjudice.

Il est constant que la société Alma Car a été indemnisée par l'assurance de la valeur du véhicule à hauteur de la somme de 134 400 euros.

Le jugement n'est pas critiqué en ce qu'il a fixé la réparation du préjudice de la société Alma Car à la somme de 7 128,17 euros correspondant à l'indemnisation d'une perte de valeur d'un montant de 3 391,67 euros, des frais d'enregistrement d'un véhicule de remplacement pour la somme de 2 686,50 euros et de frais de stationnement pour la somme de 1 050 euros.

La société Alma Car forme appel incident et demande la réformation du jugement en ce qu'il a rejeté ses demandes relatives au remboursement des échéances d'emprunt supportées sans contrepartie, au titre des frais de location engagés pour honorer les engagements auprès de tiers, au titre des majorations de primes d'assurance appliquées à la suite du sinistre et en ce qu'il a refusé de faire droit à ses d'indemnisation du préjudice économique résultant des nouvelles conditions d'assurance imposées par son assureur.

La société Alma Car demande la condamnation de M. [L] à lui rembourser les quatre échéances du prêt conclu pour financer le véhicule Ferrari entre la date de l'accident et celle du remboursement par l'assurance.

Les premiers juges ont écarté la demande faute de justification de la date de règlement effectif par l'assurance.

La société Alma Car ne justifie pas davantage en cause d'appel de la date de ce versement qui ne saurait être déduit de la date de clôture du rapport d'expertise. Elle ne saurait par ailleurs prétendre au paiement par M. [L] de la part des échéances correspondant au capital emprunté qui correspond à la valeur d'achat du véhicule dont elle a été indemnisée.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté la société Alma Car de ce chef.

La société Alma Car demande la réformation du jugement en ce qu'il a rejeté ses demandes d'indemnisation à hauteur de la somme de 4 451,80 euros comme correspondant à des locations de véhicule Ferrari qu'elle affirme avoir du souscrire pour lui permettre d'honorer les engagements qu'elle avait pris antérieurement à l'accident et qu'elle ne pouvait honorer du fait de la destruction du véhicule.

La société Alma Car fait grief au jugement d'avoir admis les contestations de M. [L] lui faisant grief de ne pas justifier des engagements qu'elle aurait pris antérieurement à l'accident en expliquant que les contrats de prêts sont conclus le jour de la prise de possession et qu'elle se devait d'être en possession du véhicule souhaité par le client.

Il conviendra de Constater que si la société Alma Car justifie par la production de factures d'avoir procédé à la location de véhicules auprès de la société Excel GT ainsi qu'auprès d'un particulier elle ne justifie aucunement de ce que ces véhicules ont été donnés en location par la production des contrats qui auraient été conclus. Il sera en outre relevé que les factures de location produites aux débats par la société Alma Car sont relatives à des mises à disposition de Ferrari F 430 alors que le véhicule accidenté était une Ferrari 458 Italia.

La société Alma Car n'établit pas dès lors que les facturations dont elle demande remboursement sont une conséquence de la mise hors d'usage du véhicule conduit par M. [L] et le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté la société Alma Car de ces demandes à ce titre.

La société Alma Car fait grief au jugement d'avoir rejeté sa demande au titre de la majoration de prime d'assurance qu'elle impute à l'accident de M. [L]. Elle produit à l'appui de sa demande le courriel qui lui a été adressé par son assureur le 18 mars 2015 lui notifiant l'intention de la compagnie de l'augmenter de 30 %.

Si la société Alma Car explique que la date de notification de l'augmentation résulte de la date d'échéance du contrat, il demeure que c'est par des motifs pertinents que les premiers juges ont relevé le caractère laconique de ce courriel qui ne comporte aucun motif à l'augmentation ainsi décidée et ne permet aucunement d'en imputer la cause à l'accident de M. [L]. Par ailleurs, la société Alma Car admet l'existence d'un autre sinistre.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté la société Alma Car de ses demandes à ce titre.

S'agissant du préjudice économique, la société Alma Car demande la réformation du jugement en ce qu'il a rejeté ses demandes d'indemnisation.

Elle expose qu'à la suite du sinistre sa compagnie d'assurance lui a imposé de nouvelles conditions particulières lui imposant d'assurer un contrôle direct de l'usage des véhicules et excluant la garantie pour les locations de véhicules à des tiers qui doivent justifier de leur propre garantie.

Elle fait valoir que ces nouvelles contraintes d'assurance lui ont fait perdre le bénéfice d'une partie de son activité dont le chiffre d'affaires s'était élevé à la somme de 40 854,26 euros HT pour le premier semestre 2014 et qu'elle a subi cette perte sur une durée d'environ une année soit le temps de réorganiser son activité en conséquence et elle revendique l'indemnisation de son préjudice économique à hauteur de la somme de 98 050,22 euros.

Il ressort de l'avenant au contrat d'assurance conclu le 29 juillet 2014 que les conditions de l'assurance des véhicules composant la flotte de véhicules de la société Alma Car ont été modifiées.

Pour rejeter la demande, les premiers juges ont notamment relevé que la société Alma Car n'avait pas produit aux débats le contrat d'assurance initial ne permettant pas d'apprécier les modifications du périmètre des garanties ; qu'il ressortait en outre d'échanges de courriels avec la compagnie d'assurance qu'un autre véhicule avait subi un sinistre par suite d'un choc avec un animal de sorte que le cumul de ces sinistres était susceptible de justifier les modifications du contrat.

Si la société Alma Car fait grief au jugement de raisonner par simples suppositions il sera constaté qu'elle ne produit toujours pas en cause d'appel les termes de son contrat d'assurance initial seul à même de permettre d'apprécier la portée des modifications apportées par l'avenant.

S'il est constant que l'avenant a été conclu postérieurement à l'accident de M. [L], il ressort du courriel de l'assureur en date du 7 juillet 2014 en suite de l'information du sinistre que la société Alma Car avait déclaré un précédent sinistre.

Au regard des éléments produits, il ne peut être déterminé si l'avenant au contrat d'assurance est une conséquence de l'accident de M. [L] ou d'un sinistre antérieur et c'est en conséquence par des motifs pertinents adoptés par la cour que les premiers juges ont retenu l'absence de lien établi entre l'accident du 6 juillet 2014 et la modification du contrat d'assurance et le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté la société Alma Car de ses demandes au titre de l'indemnisation d'un préjudice économique.

Sur les demandes de dommages-intérêts de M. [L] :

Sur la qualification des contrats :

A l'appui de ses demandes d'indemnisation au titre des trois véhicules qu'il avait confiés à la société Alma Car, M. [L] conteste que cette remise soit intervenue dans le cadre de prêts à usage ainsi que retenu par le tribunal.

Il soulève la nullité des contrats de prêt en date du 13 mars 2013 produits aux débats par la société Alma Car en faisant valoir que les contrats sont imprécis puisqu'aucun véhicule n'est identifié par son numéro d'immatriculation.

Mais il sera relevé sur ce point que les contrats conclus précisent le modèle de véhicule objet du prêt à savoir une Porsche 997 GT3 de l'année 2001, une Porsche 997 GT 3 de l'année 2007 RS et une Ferrari F430 de l'année 2005 ; qu'il n'est pas discuté que M. [L] était propriétaire de trois véhicules de ces types et qu'il en obtenu la restitution par la société Alma Car. Il n'existe dès lors aucune ambiguïté quant à l'objet de ces contrats.

M. [L] ne conteste pas sa signature des contrats mais explique que la preuve n'est pas rapportée de ce qu'il a reçu copie des notices jointes aux contrats faute de mention manuscrite. Il sera relevé que les notices elles-mêmes comportent la signature de M. [L] qui atteste en avoir pris connaissance et qui suffisent à établir sa validité sans autre condition de forme.

Il sera par ailleurs constaté que M. [L] ne méconnaissait manifestement pas les termes de ces conventions de prêt et notamment en ce qu'elles comportaient un terme au 13 mars 2016 pour avoir mandaté un huissier aux fins d'obtenir la restitution des véhicules à l'échéance des contrats.

M. [L] fait valoir que son consentement a été vicié en expliquant que les contrats ont été conclus dans un contexte amical et qu'il était prévu qu'il pourrait récupérer les véhicules quand il le souhaitait ; qu'il a pu en avoir l'usage jusqu'à la date de l'accident du 6 juillet 2014 à partir de laquelle, la société Alma Car les a abusivement retenus ; qu'il n'aurait jamais accepté de signer les contrats s'il devait être privé de l'usage des véhicules ; que de plus cette mise à disposition permettait à la société Alma Car de tirer des profits importants des véhicules alors même qu'il n'en tirait lui-même aucune rémunération.

S'agissant de l'exploitation des véhicules ces mêmes conventions emportaient autorisation donnée par M. [L] à la société Alma Car d'utiliser les véhicules dans le cadre de location avec chauffeur, stages de découverte sur circuit et expositions. M. [L] ne saurait en conséquence contester l'exploitation commerciale des véhicules par la société Alma Car à laquelle il avait consenti de manière expresse. La date d'échéance des conventions au 13 mars 2016 était par ailleurs indiquée de manière parfaitement apparente.

Le fait que M. [L] ait pu, en accord avec l'utilisateur, user ponctuellement à titre personnel des véhicules pendant le temps de ces conventions n'est pas suffisant à en contredire les termes suivant lesquels M. [L] avait consenti l'usage des véhicules à la société Alma Car qui pouvait en disposer à sa convenance sans que le propriétaire s'en soit réservé un usage particulier. M. [L] ne saurait en conséquence se prévaloir de ce que la société Alma Car se serait opposée à ces mises à disposition postérieurement à son accident.

S'agissant du caractère onéreux du prêt c'est par des motifs pertinents que les premiers juges ont rappelé que le prêt à usage était essentiellement 'gratuit'. Il sera relevé que ce principe est indiqué de manière expresse dans les conventions conclues qui ne prévoyaient aucune rémunération du propriétaire en contrepartie de la mise à disposition des véhicules.

Si suivant un courriel de novembre 2012 la société Alma Car en la personne de son gérant a évoqué la possibilité d'une indemnisation au kilomètre parcouru, il sera constaté que ce même courriel évoquait également la possibilité d'un 'échange de kilomètres' entre les véhicules de M. [L] et ceux de la société Alma Car qui rappelait par ailleurs la nécessité de conclure un prêt à usage pour chaque véhicule concerné. Au regard de l'alternative ainsi proposée ce courriel ne permet pas d'établir l'existence d'un accord des parties sur une rémunération du prêt sous forme d'indemnités kilométriques et dont le principe est formellement contredit par les conventions effectivement conclues par les parties postérieurement qui rappelaient le principe de la gratuité du prêt.

M. [L] produit aux débats une attestation de M. [C] qui à l'occasion d'un stage de conduite indique avoir été témoin de la remise à M. [L] d'une enveloppe de billets par le gérant de la société Alma Car destinée à rémunérer la location de véhicules.

Cette attestation ne précise pas la date des constatations de son auteur et ne comporte pas d'élément permettant d'identifier les véhicules concernés étant en outre constaté que la rémunération au kilomètre évoqué par le témoin à hauteur de 2,5 euros ne correspond à aucune des valeurs figurant dans le courriel de novembre 2012.

Le fils de M. [L] atteste avoir transporté une enveloppe d'argent liquide remise par le gérant de la société Alma Car et destinée à son père comme correspondant aux frais de location de véhicules. M. [L] produit également un courriel du gérant de la société Alma Car qui indique lui devoir 'un peu d'argent'.

Si ces attestations et courriels permettent d'établir l'existence de remises d'argent de la société Alma Car à M. [L], ils sont insuffisamment précis pour établir que ces mouvements d'argent correspondent à l'exécution d'un accord de versement d'une redevance au kilomètre parcouru par les véhicules objets des contrats de querellés.

M. [L] sera débouté de ses demandes tendant à obtenir la requalification des contrats de prêt en contrats de louage.

Les contrats ne prévoyant aucune contrepartie financière c'est par des motifs pertinents adoptés par la cour que les premiers juges ont débouté M. [L] de ses demandes au titre d'indemnités kilométriques pour l'usage des véhicules objets des contrats de prêt.

Sur les dégradations des véhicules :

Par application des dispositions de l'article 1880 du code civil l'emprunteur est tenu de veiller à la garde et à la conservation de la chose prêtée. Il ne peut s'en servir qu'à l'usage déterminé par sa nature ou par la convention; le tout à peine de dommages-intérêts, s'il y a lieu.

Par application des dispositions de l'article 1884 si la chose se détériore par le seul effet de l'usage pour lequel elle a été empruntée, et sans aucune faute de la part de l'emprunteur, il n'est pas tenu de la détérioration.

Il sera de manière générale rappelé que les contrats portaient sur des véhicules et que la société Alma Car était autorisée à en faire usage notamment dans le cadre de stages ou de location avec chauffeur de sorte que M. [L] ne saurait faire prétendre à indemnisation au titre d'un usage non fautif.

S'agissant du véhicule Ferrari F 430 immatriculé [Immatriculation 5] :

M. [L] demande que la société Alma Car soit condamnée à lui verser une somme de 47 524,50 euros correspondant aux travaux de remise en état du véhicule suivant devis de travaux du 24 mars 2016.

Il fait grief au jugement d'avoir écarté ses demandes faute de justifier des dégradations en faisant valoir que le devis a établi de nombreux défauts affectant le système de freinage, l'usure des pneus et des suspensions alors même que le contrôle technique réalisé le 18 février 2014 n'avait relevé aucun défaut et que l'état irréprochable des véhicules au moment de la remise à la société Alma Car n'est pas contesté.

Il expose que l'huissier lors de la reprise du véhicule a pu constater que le véhicule n'avait pas été soumis au contrôle technique qui était expiré depuis le 18 février 2016 ; que les pneumatiques du véhicule étaient usés comme étant pratiquement au témoin de sécurité. Il indique avoir confié son véhicule en janvier 2020 au garage Algorithme 44 pour un examen et diagnostic et que ce professionnel a pu constater l'usure extrêmement avancée du véhicule.

S'agissant de l'examen par la société Algorithme 44 M. [L] produit aux débats une attestation de son gérant qui indique avoir examiné le véhicule en janvier 2020 et constaté son mauvais état. Cependant, cette attestation basée sur des constatations non vérifiables effectuées non contradictoirement près de quatre ans après que M. [L] a récupéré son véhicule ne permet pas d'établir l'existence de dégradations en lien avec l'usage qui en a été fait par la société Alma Car qui a pris fin au mois de mars 2016.

Il en va de même s'agissant des travaux objets du devis du 24 mars 2016 établi non contradictoirement dont il n'est pas démontré qu'ils sont rendus nécessaires pour remédier à des détériorations du véhicule. Si M. [L] fait valoir que le contrôle technique du véhicule réalisé en 2014 n'avait relevé aucun défaut, il pourra être observé qu'il ne produit aux débats aucun contrôle technique réalisé postérieurement à sa reprise de possession et permettant de comparer les constatations de l'état du véhicule. Le fait que le véhicule n'ait pas été soumis au contrôle technique par l'emprunteur ne saurait à lui seul être assimilé à une dégradation du véhicule.

Si l'huissier a pu constater lors de la reprise du véhicule une usure importante des pneumatiques il n'en résulte pas la démonstration d'une dégradation susceptible d'être imputée à l'emprunteur dans la mesure où l'usure des pneumatiques est une conséquence de l'usage normal du véhicule et qu'il n'est aucunement établi que cet usage aurait été fautif. Il ressort par ailleurs des constatations de l'huissier que l'usure n'avait pas atteint les témoins de sécurité des pneumatiques de sorte qu'il n'est pas établi que leur remplacement était indispensable et relevait des obligations de conservation du véhicule à la charge de l'emprunteur.

C'est en conséquence par des motifs pertinents adoptés par la cour que le tribunal a retenu que M. [L] ne fait pas la preuve de ce que le véhicule a subi pendant le temps de l'emprunt par la société Alma Car des dégradations susceptibles d'être imputées à cette dernière et il sera débouté de ses demandes au titre des réparations prévues au devis du 24 mars 2016.

S'agissant du véhicule Porsche GT 3 RS immatriculé [Immatriculation 4] :

M. [L] demande que la société Alma Car soit condamnée à lui verser une somme de 36 758,77 euros correspondant aux travaux de remise en état du véhicule suivant un devis de travaux du 30 novembre 2016.

Il fait grief au jugement d'avoir écarté ses demandes faute de justifier des dégradations du véhicule en faisant valoir que s'il n'est pas discuté que le véhicule a été remis à la société Alma Car dans un état irréprochable il soutient qu'il lui a été rendu dans un état lamentable.

Outre le devis de travaux du 30 novembre 2016, M. [L] produit aux débats un devis du 3 avril 2017 portant sur la réfection des freins pour la somme de 11 031,65 euros et une facture du 2 avril 2019 établie par la société RMS portant sur le remplacement des freins et réfection de l'embrayage pour une somme de 12 850,70 euros ainsi qu'une facture de lustrage de carrosserie du 16 juillet 2019 pour la somme de 2 786,44 euros.

M. [L] produit une attestation du directeur technique de la société RMS qui atteste qu'à l'occasion de la prise en charge du véhicule en avril 2019 il avait pu constater que celui-ci n'avait subi aucun entretien depuis trop longtemps et que son mauvais état mécanique résulte d'une utilisation préjudiciable.

Il sera relevé que les travaux réalisés par la société RMS ont eu trait au système de freinage et à l'embrayage qui sont des pièces d'usure du véhicule ayant vocation à être périodiquement remplacées.

L'avis du technicien de la société RMS sur l'état du véhicule a été rendu au terme de constatations non contradictoires et n'est pas corroboré et il ne saurait dès lors suffire à établir une faute de la société Alma Car dans l'usage du véhicule ou d'un manquement dans son entretien.

M. [L] ne fournit pas d'élément de nature à établir que le surplus des travaux figurant au devis du 30 novembre 2016 correspondent à des dégradations imputables à l''emprunteur.

Dès lors c'est à bon droit que les premiers juges ont retenu que M. [L] ne rapportait pas la preuve de dégradations du véhicule l'on débouté de ses demandes à ce titre.

S'agissant du véhicule Porsche GT 3 [Immatriculation 7],

M. [L] demande la condamnation de la société Alma Car à lui verser une somme de 30 000 euros au titre de la perte de chance de vendre son véhicule au prix du marché.

A l'appui de ses demandes, il expose que la société Alma Car lui a restitué le véhicule en mauvais état.

Il indique qu'après restitution, il a confié le véhicule pour remise en état à la société Sport Auto SAS qui a établi un devis de réparation pour la somme de 14 659,92 euros.

Il fait valoir que l'huissier qui a procédé à la reprise du véhicule a constaté que le contrôle technique n'était pas à jour, la présence de petits chocs sur la carrosserie et que les pneus étaient hors services, les témoins de sécurité étant atteints ; qu'il n'a pu obtenir la remise de la housse du véhicule et le carnet d'entretien du véhicule de sorte qu'il a été contraint de vendre son véhicule en l'état après remplacement des seuls pneumatiques perdant ainsi la chance de le revendre au prix du marché.

Il explique qu'il a revendu le véhicule pour un prix de 65 000 euros alors même que correctement entretenu il aurait du se vendre pour la somme de 95 000 euros et demande à être indemnisé en conséquence.

Il sera constaté que le devis de travaux établi non contradictoirement le 23 mars 2016 pour la somme de 14 659,92 euros ne fait pas la preuve du caractère justifié des travaux ainsi évalués au regard de l'état du véhicule. M. [L] justifie avoir procédé au remplacement des pneumatiques et à une rénovation de la carrosserie pour la somme de 2 943,48 euros.

Les deux annonces en date de mai 2019 produites aux débats pour des véhicules du même type ne sauraient suffire à retenir une valeur vénale de 95 000 euros du véhicule de M. [L] en ce que les valeurs de 95 900 euros et 80 000 euros affichées correspondent à des véhicules d'années modèles et kilométrages différents sans qu'il soit justifié que les prix demandés correspondent à des valeurs de transactions effectives.

Il sera enfin constaté que pas davantage en cause d'appel que devant les premiers juges M. [L] ne justifie du prix de vente de son véhicule se contentant d'affirmer qu'il l'a vendu pour une somme de 65 000 euros sans aucune justification.

Au regard de ces éléments il ne peut être déterminé la chance que M. [L] affirme avoir ainsi perdue et il sera débouté de sa demande à ce titre.

Sur la non restitution du matériel :

M. [L] formule une demande de dommages-intérêts du fait de la non restitution des carnets d'entretien des véhicules Porsche, des housses et du booster et d'écrous antivol.

Pour débouter M. [L] de ses demandes à ce titre, les premiers juges ont retenu qu'à défaut de relevé du matériel mis à disposition, il ne justifiait pas du bien fondé de ses réclamations.

Il convient sur ce point de constater que suivant les termes des contrats de prêts eux-mêmes, il était précisé que les carnets d'entretien des véhicules avaient été remis à l'emprunteur. La société Alma Car admettant ne pas être en situation de représenter les documents, M. [L] est fondé à obtenir réparation de cette absence de restitution.

S'agissant des baches et des écrous antivol de la Porsche 997 GT 3 il n'est pas établi que ces éléments aient été remis à l'emprunteur, les seuls équipements listés comme figurant au rang des accessoires du véhicule étant le Gilet de secours et triangle ainsi que la radio.

M. [L] subit un préjudice certain du fait de l'absence de restitution des carnets d'entretien faisant obstacle à ce qu'il puisse justifier du bon état d'entretien des véhicules et il lui sera alloué une indemnité de 4 000 euros en réparation de son préjudice.

Sur le préjudice moral :

M. [L] sollicite l'indemnisation de son préjudice moral résultant de la privation d'usage des véhicules et d'un enrichissement de la société Alma Car à ses dépens.

Mais c'est par des motifs pertinents adoptés par la cour que les premiers juges ont relevé que M. [L] n'est pas fondé à se prévaloir d'une privation de jouissance et de contraintes à laquelle il avait lui-même consenti par les contrats de prêts conclus et le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté M. [L] de sa demande de dommages-intérêts à ce titre.

Sur les demandes accessoires :

M. [L] succombant pour l'essentiel, le jugement sera confirmé en ce qu'il l'a condamné aux dépens de première instance et au paiement d'une indemnité de procédure.

L'appel de M. [L] étant partiellement fondé, la société Alma Car sera condamnée aux dépens d'appel et au paiement d'une indemnité de 1 200 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS LA COUR :

Infirme le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Nantes le 14 novembre 2019 en ce qu'il a débouté M. [V] [L] de sa demande reconventionnelle de dommages-intérêts.

Statuant à nouveau sur le chef infirmé,

Condamne la société Alma Car à payer à M. [V] [L] la somme de 4 000 euros à titre de dommages-intérêts.

Confirme le jugement pour le surplus.

Condamne la société Alma Car aux dépens d'appel.

Condamne la société Alma Car à payer à M. [V] [L] la somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Accorde le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile

Rejette toutes autres demandes.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19/08005
Date de la décision : 10/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-10;19.08005 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award