La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

20/02/2023 | FRANCE | N°23/00065

France | France, Cour d'appel de Rennes, Chambre etrangers/hsc, 20 février 2023, 23/00065


COUR D'APPEL DE RENNES



N° 29/2023 - N° RG 23/00065 - N° Portalis DBVL-V-B7H-TPHY



JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT

O R D O N N A N C E



article L 3211-12-4 du code de la santé publique



Nous, Philippe BRICOGNE, Président à la cour d'appel de RENNES, délégué par ordonnance du premier président pour statuer sur les recours fondés sur l'article L 3211-12-4 du code de la santé publique, assisté de Patricia IBARA, greffière,



Statuant sur l'appel formé le 01 Février 2023 à 10 heures 45 par Me Olivier

CHAUVEL, avocat au barreau de RENNES pour :



Mme [V] [X] [T]

née le 05 Mars 1988 à [Localité 2], de nationalité Angolaise

[Adre...

COUR D'APPEL DE RENNES

N° 29/2023 - N° RG 23/00065 - N° Portalis DBVL-V-B7H-TPHY

JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT

O R D O N N A N C E

article L 3211-12-4 du code de la santé publique

Nous, Philippe BRICOGNE, Président à la cour d'appel de RENNES, délégué par ordonnance du premier président pour statuer sur les recours fondés sur l'article L 3211-12-4 du code de la santé publique, assisté de Patricia IBARA, greffière,

Statuant sur l'appel formé le 01 Février 2023 à 10 heures 45 par Me Olivier CHAUVEL, avocat au barreau de RENNES pour :

Mme [V] [X] [T]

née le 05 Mars 1988 à [Localité 2], de nationalité Angolaise

[Adresse 1],

hospitalisée au centre hospitalier [3] de [Localité 4]

d'une ordonnance rendue le 24 Janvier 2023 par le Juge des libertés et de la détention de RENNES qui a rejeté la demande d'expertises psychiatriques judiciaires et autorisé le maintien de son hospitalisation complète ;

En présence de Mme [V] [X] [T], régulièrement avisée de la date de l'audience, assistée de Me Aurélie LE CORRE, avocat au barreau de RENNES, avocat désigné,

En l'absence du représentant du préfet d'Ille et Vilaine, régulièrement avisé, qui a déposé un mémoire le 3 février 2023 en vue de l'audience du 06 février 2023 régulièrement communiqués,

En l'absence du procureur général régulièrement avisé, Monsieur DELPERIE, avocat général, ayant fait valoir ses observations par avis écrit déposé le 2 février 2023 en vue de l'audience du 06 février 2023 régulièrement communiqué,

En l'absence du représentant de l'établissement de soins, régulièrement avisé,

Après avoir entendu en audience publique le 20 Février 2023 à 14 H 00 l'appelante et son avocat en leurs observations,

Avons mis l'affaire en délibéré et ce jour, après en avoir délibéré, avons rendu par mise à disposition au greffe la décision suivante :

EXPOSÉ DE L'AFFAIRE

Par arrêt du 21 février 2020, la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Rennes a déclaré qu'il existait des charges suffisantes contre Mme [V] [X] [T] :

- d'avoir, dans la nuit du 13 au 14 mars 2019, commis des faits de viol avec actes de torture et de barbarie sur sa fille [I] [T], née le 31 août 2013,

- d'avoir, entre le 11 mars 2019 et le 14 mars 2019, commis des actes de torture et de barbarie sur mineure de quinze ans, en l'espèce ses filles, [I] [T], née le 31 août 2013, et [L] [E], née le 24 octobre 2010,

mais, sur le fondement d'expertises psychiatriques rendues par le Dr. [Y], l'a déclarée irresponsable pénalement, Mme [V] [X] [T] étant par ailleurs admise en soins psychiatriques sous la forme d'une hospitalisation complète par ordonnance du même jour, effectuée le 21 février 2020 au centre hospitalier [3] à [Localité 4].

Les certificats médicaux des 24 heures et des 72 heures établis par le Dr. [M] les 22 et 24 février 2020 ont préconisé le maintien des soins sous la forme d'une hospitalisation complète.

Le préfet d'Ille-et-Vilaine a maintenu l'hospitalisation complète de Mme [V] [X] [T] à plusieurs reprises, notamment sur autorisation du maintien de ce régime par ordonnance du 29 juillet 2022 rendue par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Rennes.

Mme [V] [X] [T] a ensuite fait l'objet d'évaluations mensuelles et du rapport d'un collège le 5 janvier 2023 décrivant une patiente ayant un bon contact mais avec une mise à distance des idées délirantes, Mme [V] [X] [T] n'ayant pas pris conscience de ses troubles psychiatriques ayant conduit aux violences sur ses filles, ce qui rendrait impossible le consentement aux soins, le collège se disant favorable au maintien des soins sous forme d'hospitalisation complète.

Sur requête du préfet d'Ille-et-Vilaine du 12 janvier 2023, le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Rennes a rejeté la demande d'expertises psychiatriques et autorisé le maintien de la mesure d'hospitalisation complète de Mme [V] [X] [T] par ordonnance du 24 janvier 2023.

Le 1er février 2023, Mme [V] [X] [T] a fait appel de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention.

Par ordonnance du 7 février 2023, la juridiction du premier président a :

- reçu Mme [V] [X] [T] en son appel,

- avant dire droit sur le fond,

- ordonné une double mesure d'expertise psychiatrique,

- commis à cet effet le Dr. [O] et le Dr. [C], experts psychiatres inscrits sur la liste des experts prévue à l'article L. 3213-5-1 du code de la santé publique.

Devant le refus de la mission proposée au Dr. [O] et au Dr. [C], le Dr. [J] et le centre hospitalier de [Localité 4], pris en la personne de sa directrice générale Mme [F] [S], experts inscrits sur la liste de la cour d'appel de Rennes, ont été désignés en leurs lieu et place par ordonnance du 8 février 2023.

Le Dr. [A], pour le centre hospitalier de [Localité 4], a également refusé la mission.

Le Dr. [J] n'a donné aucune suite à sa désignation.

À l'audience du 20 février 2023 à 14 heures, Mme [V] [X] [T] rappelle qu'elle bénéficie déjà de permissions de sortir en semaine et chaque week-end, ce qui lui a permis de se rendre librement à l'audience. Des amis peuvent l'accueillir et elle fait des démarches en vue d'un logement social.

Son avocat considère que Mme [V] [X] [T] est en hospitalisation pour des questions purement administratives (absence de domicile personnel, pas de titre de séjour). Elle est parfaitement consciente de ses troubles, ce qui lui permet de bénéficier sans problème de permissions de sortir.

Le centre hospitalier n'a pas comparu mais avait, pour l'audience du 6 février 2023, produit des éléments complémentaires, notamment un certificat médical de situation du Dr. [G] établi le 2 février 2023 qui considère que, si Mme [V] [X] [T] bénéficie de permissions de sortir qui se passent bien, la conscience de ses troubles reste perfectible, ce qui suppose le maintien de l'hospitalisation complète dans l'attente d'une situation sociale stabilisée, l'intéressée étant toujours en attente d'un titre de séjour. Le certificat médical de situation établi le 20 février 2023 par le Dr. [N] [R] reprend les mêmes termes.

Le préfet de la Loire-Atlantique n'a pas comparu mais avait adressé, pour l'audience du 6 février 2023, un mémoire dans lequel il demandait le maintien de l'hospitalisation complète de Mme [V] [X] [T] en se fondant sur l'avis du collège d'experts présent au dossier.

Le ministère public avait requis, pour l'audience du 6 février 2023, la confirmation de l'ordonnance, considérant que la double expertise, qui a vocation à éviter de libérer un patient dangereux, n'a pas pour objet de contester les certificats médicaux figurant au dossier.

DISCUSSION

Sur le fond

L'article L. 3211-12 du code de la santé publique prévoit que 'le juge des libertés et de la détention ne peut statuer qu'après avoir recueilli l'avis du collège mentionné à l'article L. 3211-9 du présent code lorsque la personne fait l'objet d'une mesure de soins ordonnée en application de l'article L. 3213-7 du même code ou de l'article 706-135 du code de procédure pénale à la suite d'un classement sans suite, d'une décision d'irresponsabilité pénale ou d'un jugement ou arrêt de déclaration d'irresponsabilité pénale prononcés sur le fondement du premier alinéa de l'article 122-1 du code pénal et concernant des faits punis d'au moins cinq ans d'emprisonnement en cas d'atteinte aux personnes ou d'au moins dix ans d'emprisonnement en cas d'atteinte aux biens.

Le juge ne peut, en outre, décider la mainlevée de la mesure qu'après avoir recueilli deux expertises établies par les psychiatres inscrits sur les listes mentionnées à l'article L. 3213-5-1 du présent code.

Le juge fixe les délais dans lesquels l'avis du collège et les deux expertises prévus au présent II doivent être produits, dans une limite maximale fixée par décret en Conseil d'Etat. Passés ces délais, il statue immédiatement'.

Aux termes de l'article L. 3211-9, 'pour l'application du II des articles L. 3211-12 et L. 3211-12-1 et des articles L. 3212-7, L. 3213-1, L. 3213-3 et L. 3213-8, le directeur de l'établissement d'accueil du patient convoque un collège composé de trois membres appartenant au personnel de l'établissement :

1° Un psychiatre participant à la prise en charge du patient ;

2° Un psychiatre ne participant pas à la prise en charge du patient ;

3° Un représentant de l'équipe pluridisciplinaire participant à la prise en charge du patient'.

L'article L. 3213-5-1 dispose que 'le représentant de l'Etat dans le département peut à tout moment ordonner l'expertise psychiatrique des personnes faisant l'objet d'une mesure de soins psychiatriques prononcée en application du présent chapitre ou du chapitre IV du présent titre ou ordonnée en application de l'article 706-135 du code de procédure pénale. Cette expertise est conduite par un psychiatre n'appartenant pas à l'établissement d'accueil de la personne malade, choisi par le représentant de l'Etat dans le département sur une liste établie par le procureur de la République, après avis du directeur général de l'agence régionale de santé de la région dans laquelle est situé l'établissement ou, à défaut, sur la liste des experts inscrits près la cour d'appel du ressort de l'établissement'.

L'article R. 3211-14 prévoit que, 's'il l'estime nécessaire, le juge ordonne, le cas échéant sans débat, toute mesure d'instruction.

Lorsque le juge ordonne deux expertises, les deux experts procèdent à des examens séparés de la personne qui fait l'objet de soins.

Le ou les experts désignés ne peuvent exercer dans l'établissement d'accueil de la personne qui fait l'objet de soins psychiatriques.

Les experts remettent leur rapport dans le délai fixé par le juge, qui ne peut excéder douze jours suivant leur désignation. Ils déterminent librement les modalités de conduite des opérations d'expertise. Par dérogation aux articles 160 et 276 du code de procédure civile, ils ne sont pas tenus de convoquer les parties ou de susciter leurs observations. Le rapport est déposé au secrétariat de la juridiction où les parties peuvent le consulter. Sur leur demande, le greffe leur en délivre une copie'.

En l'espèce, est versé aux débats le rapport du collège prévu par ces dispositions en date du 5 janvier 2023 décrivant une patiente ayant un bon contact et avec une mise à distance des idées délirantes, Mme [V] [X] [T] n'ayant toutefois pas pris conscience de ses troubles psychiatriques qui ont conduit aux violences sur ses filles, ce qui rendrait impossible le consentement aux soins, le collège se disant favorable au maintien des soins sous forme d'hospitalisation complète, compte tenu d'une situation sociale compliquée.

Par ailleurs, le certificat médical de situation du Dr. [G] établi le 2 février 2023 considère que, si Mme [V] [X] [T] bénéficie de permissions de sortir qui se passent bien, la conscience de ses troubles reste perfectible, ce qui supposerait le maintien de l'hospitalisation complète dans l'attente d'une situation sociale stabilisée, l'intéressée étant toujours en attente d'un titre de séjour. Il en est d'ailleurs de même du certificat médical de situation établi le 20 février 2023 par le Dr. [N] [R].

Toutefois, ces éléments médicaux ne mettent plus en évidence de dangerosité de Mme [V] [X] [T] qui, au contraire, bénéficie de larges permissions de sortir qui se déroulent sans difficulté.

Par ailleurs, ni le rapport du collège, ni les certificats médicaux de situation ne disent en quoi les considérations d'ordre social (absence d'autonomie faute d'appartement en propre, problème de renouvellement de la carte de séjour) pourraient avoir un retentissement sur son état médical, alors que Mme [V] [X] [T] elle-même indique pouvoir dans un premier temps être hébergée chez des amis qui l'accueillent déjà durant ses permissions de week-end.

C'est dans ce contexte qu'ont été ordonnées les deux expertises, d'abord à partir de la liste spéciale prévue par les textes, avec la difficulté de ne pas pouvoir désigner les experts exerçant au centre hospitalier [3] de [Localité 4], ensuite à partir de la liste de la cour d'appel de Rennes, avec la difficulté de devoir trouver des experts qui soient en mesure de remettre un rapport dans le délai particulièrement court imparti par la loi.

Le fait que les experts successivement désignés aient décliné la mission proposée constitue une carence qui ne saurait être opposée à Mme [V] [X] [T].

Les seuls certificats médicaux produits, qui ne disent pas en quoi Mme [V] [X] [T] souffrirait toujours de troubles mentaux compromettant la sûreté des personnes, ou portant gravement atteinte à l'ordre public, ne sont pas suffisants pour justifier le régime actuel d'hospitalisation sous contrainte dont elle est l'objet.

Dans ces conditions, il conviendra d'infirmer l'ordonnance entreprise et, statuant à nouveau, d'ordonner la mainlevée de la mesure d'hospitalisation sous contrainte de Mme [V] [X] [T].

Sur les dépens

Les dépens seront laissés à la charge du trésor public.

PAR CES MOTIFS

Nous, Philippe BRICOGNE, président de chambre, statuant publiquement, et en dernier ressort, en matière de contentieux des soins et hospitalisations sous contrainte,

Ordonnons la mainlevée de l'hospitalisation sous contrainte de Mme [V] [X] [T],

Laissons les dépens à la charge du trésor public.

Fait à Rennes, le 21 février 2023 à 15 heures.

LE GREFFIER, PAR DÉLÉGATION,

Philippe BRICOGNE, Président

Notification de la présente ordonnnance a été faite ce jour à Mme [V] [X] [T], à son avocat, au CH et ARS/tiers demandeur/curateur-tuteur,

Le greffier,

Cette ordonnance est susceptible d'un pourvoi en cassation dans les deux mois suivant la présente notification et dans les conditions fixées par les articles 973 et suivants du code de procédure civile.

Communication de la présente ordonnance a été faite ce même jour au procureur général, PR et JLD,

Le greffier,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : Chambre etrangers/hsc
Numéro d'arrêt : 23/00065
Date de la décision : 20/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-20;23.00065 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award