COUR D'APPEL DE RENNES
N° 32 /2023 - N° RG 23/00092 - N° Portalis DBVL-V-B7H-TQN5
JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT
O R D O N N A N C E
article L 3211-12-4 du code de la santé publique
Nous, Philippe BRICOGNE, Président à la cour d'appel de RENNES, délégué par ordonnance du premier président pour statuer sur les recours fondés sur l'article L 3211-12-4 du code de la santé publique, assisté de Patricia IBARA, greffière,
Statuant sur l'appel reçu le 14 février 2023 à 11 heures 02 par courriel transmis par le tribunal judiciaire de SAINT NAZAIRE contenant une lettre simple postée le 13 Février 2023 par :
Mme [W] [O] épouse [U]
née le 13 Janvier 1948 à [Localité 3]
[Adresse 1],
hospitalisée au centre hospitalier de [Localité 2]
ayant pour avocat désigné Me Aurélie LE CORRE, avocat au barreau de RENNES
d'une ordonnance rendue le 09 Février 2023 par le Juge des libertés et de la détention de SAINT-NAZAIRE qui a ordonné le maintien de son hospitalisation complète ;
En présence de Mme [W] [O] épouse [U], régulièrement avisée de la date de l'audience, assistée de Me Aurélie LE CORRE, avocat
En l'absence du tiers demandeur, Monsieur [M] [K], régulièrement avisé,
En l'absence du procureur général régulièrement avisé, Monsieur DELPERIE, avocat général, ayant fait valoir ses observations par avis écrit déposé le 14 février 2023, régulièrement communiqué,
En l'absence du représentant de l'établissement de soins, régulièrement avisé,
Après avoir entendu en audience publique le 20 Février 2023 à 14 H 00 l'appelante et son avocat en leurs observations,
Avons mis l'affaire en délibéré et ce jour, après en avoir délibéré, avons rendu par mise à disposition au greffe la décision suivante :
EXPOSÉ DE L'AFFAIRE
Sur la base d'un certificat médical du Dr. [G] du 30 janvier 2023 décrivant une patiente présentant une décompensation aiguë de son trouble psychiatrique chronique, une anxiété aiguë, des ruminations centrées sur des idées de ruine, une tristesse de l'humeur, des idées morbides sans scénario suicidaire, un doute sur l'observance correcte du traitement et un refus de son hospitalisation, et en vertu d'une décision du directeur du centre hospitalier [4] de [Localité 2] du même jour, Mme [W] [O] épouse [U] a été admise en urgence en hospitalisation complète sans son consentement à la demande d'un tiers, en l'occurrence son fils M. [M] [K].
Le certificat médical des 24 heures établi le 31 janvier 2023 par le Dr. [J] mentionne un contact altéré, anxieux et opposant, avec un discours dispersé, centré sur des problématiques logistiques induites par son hospitalisation, une inaccessibilité à la réassurance, ce qui génère une tension psychique, Mme [W] [O] semblant persécutée par les soignants, ce qui ne facilite pas l'alliance thérapeutique, situation nécessitant le maintien de ses soins sous la forme d'une hospitalisation complète et continue en raison d'une mise en danger au domicile liée à l'agitation anxieuse.
Le certificat médical des 72 heures établi le 2 février 2023 par le Dr. [T] décrit un délire de persécution de mécanisme intuitif, très envahissant et compliquant la prise en charge puisque les persécuteurs sont les soignants, situation nécessitant la poursuite de l'hospitalisation complète et continue.
Le même jour, le directeur du centre hospitalier a décidé du maintien de Mme [W] [O] en soins psychiatriques sous la forme d'une hospitalisation complète.
Sur la base d'un certificat médical du Dr. [J] du 6 février 2023 mentionnant un contact plus posé, mais un discours restant confus par moment bien que moins dispersé, avec une thymie se normalisant progressivement, Mme [W] [O] exprimant un vécu douloureux et traumatique de sa réhospitalisation, en lien avec sa non-acceptation de sa pathologie psychiatrique, les traitements médicamenteux étant en cours d'ajustement et l'état clinique de la patiente restant précaire, le directeur du centre hospitalier a, par requête du même jour, saisi le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Saint-Nazaire aux fins de contrôle de la mesure d'hospitalisation complète.
Par ordonnance du 9 février 2023, le juge des libertés et de la détention a autorisé le maintien de l'hospitalisation complète de Mme [W] [O].
Le 14 février 2023, Mme [W] [O] a fait appel de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention.
À l'audience du 20 février 2023 à 14 heures, Mme [W] [O] indique qu'elle suit ses traitements. Sa bipolarité a été diagnostiquée en 1982 et elle doit en être à sa 6ème hospitalisation. Elle pense pouvoir maintenant sortir de l'hôpital.
Son avocate sollicite l'infirmation de l'ordonnance et la mainlevée de la mesure d'hospitalisation complète de Mme [W] [O]. Selon elle, la procédure est irrégulière, d'abord parce que l'urgence de son hospitalisation n'est pas caractérisée dans le certificat médical initial, ensuite parce que la décision d'admission ne joint pas le certificat médical dont elle s'approprie les termes sans le citer expressément. Sur le fond, Mme [W] [O] souhaite un passage en soins libres.
Le centre hospitalier ne comparaît pas mais a transmis des éléments complémentaires, notamment un certificat médical de situation établi le 17 février 2023 par le Dr. [J] mentionnant une amélioration dans le contact mais la persistance d'un discours très dispersé, Mme [W] [O] souffrant de sa maladie bipolaire et exprimant une honte d'être malade vis-à-vis de son entourage, ce qui la mettrait en difficulté sur l'acceptation des soins et d'un traitement, situation nécessitant la poursuite de l'hospitalisation complète et continue.
M. [M] [K], tiers demandeur, ne comparaît pas.
Le ministère public requiert la confirmation de l'ordonnance.
DISCUSSION
Sur la recevabilité de l'appel
Aux termes de l'article R. 3211-18 du code de la santé publique, le délai d'appel est de dix jours à compter de la notification de l'ordonnance.
Selon l'article R. 3211-19, le premier président ou son délégué est saisi par une déclaration d'appel motivée transmise par tout moyen au greffe de la cour d'appel et la déclaration est enregistrée avec mention de la date et de l'heure.
En l'espèce, Mme [W] [O] a formé le 14 février 2023 un appel de la décision du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Saint-Nazaire du 9 février 2023.
Cet appel, régulier en la forme, sera donc déclaré recevable.
Sur la régularité de la procédure
L'article L. 3212-1 du code de la santé publique dispose que 'la décision d'admission (à la demande d'un tiers) est accompagnée de deux certificats médicaux circonstanciés datant de moins de quinze jours, attestant que les conditions prévues aux 1° et 2° du I du présent article sont réunies.
Le premier certificat médical ne peut être établi que par un médecin n'exerçant pas dans l'établissement accueillant le malade ; il constate l'état mental de la personne malade, indique les caractéristiques de sa maladie et la nécessité de recevoir des soins. Il doit être confirmé par un certificat d'un second médecin qui peut exercer dans l'établissement accueillant le malade'.
L'article L. 3212-3 prévoit qu' 'en cas d'urgence, lorsqu'il existe un risque grave d'atteinte à l'intégrité du malade, le directeur d'un établissement mentionné à l'article L. 3222-1 peut, à titre exceptionnel, prononcer à la demande d'un tiers l'admission en soins psychiatriques d'une personne malade au vu d'un seul certificat médical émanant, le cas échéant, d'un médecin exerçant dans l'établissement. Dans ce cas, les certificats médicaux mentionnés aux deuxième et troisième alinéas de l'article L. 3211-2-2 sont établis par deux psychiatres distincts'.
En l'espèce, l'hospitalisation de Mme [W] [O] est fondée sur un certificat médical du Dr. [G] du 30 janvier 2023 décrivant une patiente présentant une décompensation aiguë de son trouble psychiatrique chronique, une anxiété aiguë, des ruminations centrées sur des idées de ruine, une tristesse de l'humeur, des idées morbides sans scénario suicidaire, un doute sur l'observance correcte du traitement et un refus de son hospitalisation.
Les certificats médicaux des 24 et 72 heures n'éclairent pas davantage les circonstances de son hospitalisation.
Or, les constatations du certificat médical initial sont insuffisantes à caractériser le risque grave d'atteinte à l'intégrité de Mme [W] [O] qui seul pouvait commander le choix de la procédure d'urgence.
La procédure n'étant pas régulière, il conviendra d'infirmer l'ordonnance entreprise et, statuant à nouveau, d'ordonner la mainlevée de l'hospitalisation sous contrainte de Mme [W] [O].
Toutefois, cette mainlevée prendra effet dans un délai maximal de vingt-quatre heures à compter du prononcé de la présente ordonnance afin qu'un programme de soins puisse, le cas échéant, être établi. La mesure d'hospitalisation complète prendra fin dès l'établissement de ce programme de soins ou au plus tard à l'issue du délai précité.
Sur les dépens
Les dépens d'appel seront laissés à la charge du trésor public.
PAR CES MOTIFS
Nous, Philippe BRICOGNE, président de chambre, statuant publiquement, et en dernier ressort, en matière de contentieux des soins et hospitalisations sous contrainte,
Recevons Mme [W] [O] en son appel,
Infirmons l'ordonnance entreprise,
Statuant à nouveau,
Déclarons la procédure irrégulière,
Ordonnons la mainlevée de l'hospitalisation sous contrainte de Mme [W] [O],
Disons toutefois que cette mainlevée prendra effet dans un délai maximal de vingt-quatre heures à compter du prononcé de la présente ordonnance afin qu'un programme de soins puisse, le cas échéant, être établi et que la mesure d'hospitalisation complète prendra fin dès l'établissement de ce programme de soins ou au plus tard à l'issue du délai précité,
Laissons les dépens d'appel à la charge du trésor public.
Fait à Rennes, le 21 février 2023 à 14 heures.
LE GREFFIER, PAR DÉLÉGATION,
Philippe BRICOGNE, Président
Notification de la présente ordonnnance a été faite ce jour à Mme [W] [O] épouse [U], à son avocat, au CH et ARS/tiers demandeur/curateur-tuteur,Le greffier,
Cette ordonnance est susceptible d'un pourvoi en cassation dans les deux mois suivant la présente notification et dans les conditions fixées par les articles 973 et suivants du code de procédure civile.
Communication de la présente ordonnance a été faite ce même jour au procureur général, PR et JLD,
Le greffier,