7ème Ch Prud'homale
ARRÊT N°88/2023
N° RG 19/05913 - N° Portalis DBVL-V-B7D-QCPQ
Mme [D] [C]
C/
SARL LA MANDOLINE
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 09 MARS 2023
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Monsieur Hervé BALLEREAU, Président de chambre,
Assesseur : Madame Liliane LE MERLUS, Conseillère,
Assesseur : Madame Isabelle CHARPENTIER, Conseillère,
GREFFIER :
Madame Françoise DELAUNAY, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 03 Janvier 2023 devant Madame Liliane LE MERLUS, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial
En présence de Monsieur [N] [R], médiateur judiciaire
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 09 Mars 2023 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats
****
APPELANTE :
Madame [D] [C]
[Adresse 3]
[Localité 2]
Représentée par Me Caroline VERDIER, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de SAINT-MALO
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2019011826 du 15/11/2019 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de [Localité 5])
INTIMÉE :
SARL LA MANDOLINE
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par Me Vincent LEBOUCHER, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de SAINT-MALO
EXPOSÉ DU LITIGE
Mme [D] [C] a été embauchée par un contrat d'apprentissage en date du 06 juillet 2016 par la SARL Le [Localité 4] Sillon.
À compter du 03 septembre 2016, le contrat d'apprentissage s'est poursuivi au sein de la SARL La Mandoline, société également gérée par M. [U] [Z], avec une date de fin de contrat au 5 juillet 2018.
Les relations entre les parties étaient régies par la convention collective nationale de la restauration rapide.
Le 25 février 2018, le contrat d'apprentissage a été résilié par accord entre les parties.
Mme [C] a poursuivi son apprentissage à compter du 9 mars 2018 jusqu'au 6 juillet 2018 au sein de la Sarl Le Reflet du Lézard, gérée par M. [L] [E].
***
Sollicitant le paiement de diverses sommes et indemnités, Mme [C] a saisi le conseil de prud'hommes de Saint-Malo par requête en date du 06 novembre 2018 et a demandé à l'audience la condamnation de la Sarl La Mandoline à lui payer :
-solde de congés payés : 968,73 euros
-solde d'heures supplémentaires : 1155 euros au minimum pour 175 heures de repos non prises, auxquelles il conviendra d'ajouter les heures dues pour la période du 7 au 10 octobre 2017.
- Enjoindre l'employeur d'adresser le détail du calcul des heures supplémentaires payées.
- 747,00 euros au titre du préjudice résultant de la carence de l'employeur à déclarer son accident du travail
- 500,00 euros à titre de préjudice moral (carence dans l'envoi de l'attestation Pôle Emploi)
- 300,00 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral résultant de la remise tardive des bulletins de salaire
- 1 500,00 euros au titre de l'article 37 de la loi de 1991 sur l'aide juridictionnelle
La SARL LA MANDOLINE a demandé au conseil de prud'hommes de :
- Dire irrecevable et en tout cas mal fondé le demandeur
- Le débouter de toutes ses demandes
- Le condamner reconventionnellement au paiement de la somme de
3 000 euros à titre de dommages intérêts pour procédure abusive et à une indemnité de procédure de 1 500 euros, ainsi qu'aux entiers dépens.
Par jugement en date du 06 août 2019, le conseil de prud'hommes de Saint-Malo a :
- Condamné la SARL la Mandoline à verser à Madame [C] la somme de 500 euros au titre du préjudice moral pour la carence de l'employeur dans l'envoi des documents de fin de contrat ;
- Débouté Madame [C] du surplus de ses demandes ;
- Débouté la SARL la Mandoline de ses demandes reconventionnelles;
- Condamné la SARL La Mandoline aux dépens de l'instance qui seront recouvrés conformément aux règles relatives à l'aide juridictionnelle.
***
Mme [C] a interjeté, par déclaration au greffe en date du 02 septembre 2019, un appel partiel de la décision précitée, limité aux chefs de jugement expressément critiqués 'obtenir la réformation du jugement sur les chefs de demande suivants :-solde des congés payés dûs à Mme [C] soit 968,73 euros -solde heures supplémentaires -injonction à l'emloyeur d'adresser le détail des heures supplémentaires payées -préjudice résultant de la déclaration tardive d'un accident du travail -préjudice moral résultant de la remise tardive des documents de fin de contrat-condamnation de l'employeur à s'acquitter de 1500 euros au titre de l'article 37 de la loi de 1991.'
Mme [C] a adressé des conclusions par l'intermédiaire de son conseil sur le RPVA le 25 octobre 2019, ne comportant aucun dispositif.
En l'état de ses dernières conclusions transmises par son conseil sur le RPVA le 26 janvier 2020, la SARL la Mandoline a demandé à la cour d'appel de :
- Confirmer le jugement dont appel sauf en ce qu'il a :
- Au titre de la prétendue carence de l'employeur dans l'envoi des documents de fin de contrat, condamné l'intimé au paiement de dommages et intérêts
- Condamné l'intimé aux dépens
- Débouté l'intimé de ses demandes reconventionnelles
Statuant à nouveau :
- Condamner l'appelant reconventionnellement au paiement de dommages et intérêts à hauteur de 3000 euros pour procédure abusive
- Condamner l'appelant reconventionnellement au paiement d'une juste indemnité de procédure de 1 500 euros, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.
La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du conseiller de la mise en état le 28 juin 2022 avec fixation de la présente affaire à l'audience du 06 septembre 2022.
***
Par arrêt en date du 29 septembre 2022, la cour d'appel de Rennes a :
- Ordonné la réouverture des débats et le renvoi de l'affaire à l'audience rapporteur du mardi 3 janvier 2023, à 14 heures ;
- Révoqué l'ordonnance de clôture du 28 juin 2022 et ordonne la clôture de l'instruction de l'affaire au 3 janvier 2023 à 14 heures.
- Invité les parties à conclure sur la question relevée d'office par la cour de l'absence de dispositif figurant dans les conclusions de Mme [C] signifiées par voie électronique le 25 octobre 2019 ;
- Dit que la notification du présent arrêt vaut convocation des parties à l'audience rapporteur du 3 janvier 2023 à 14 heures.
- Réservé les dépens.
En l'état de ses dernières conclusions transmises par son conseil sur le RPVA le 14 décembre 2022, la SARL la Mandoline demande à la cour de:
- Vu les articles 1382 du code civil, 9 et 700, 908, 910-4 et 954 du code de procédure civile, L 6222-24 du code du travail.
- Vu les pièces
- Prononcer la caducité de la déclaration d'appel
- Confirmer le jugement dont appel sauf en ce qu'il a :
'Au titre de la prétendue carence de l'employeur dans l'envoi des documents de fin de contrat, condamné l'intimé au paiement de dommages et intérêts
' Condamné l'intimé aux dépens
' Débouté l'intimé de ses demandes reconventionnelles
Statuant à nouveau :
- Condamner l'appelant reconventionnellement au paiement de dommages et intérêts à hauteur de 3000 euros pour procédure abusive
- Condamner l'appelant reconventionnellement au paiement d'une juste indemnité de procédure de 1500 euros, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.
***
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie, pour l'exposé des prétentions et moyens des parties, aux conclusions susvisées déposées et soutenues à l'audience.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur l'appel principal
En application de l'article 914 du code de procédure civile, les parties ne sont plus recevables à invoquer devant la cour, après la clôture de l'instruction de l'affaire, la caducité de l'appel, à moins que la cause ne survienne ou ne soit révélée que postérieurement, la cour ayant néanmoins la possibilité de relever d'office la caducité.
En l'espèce, il y a lieu de relever d'office la caducité de l'appel interjeté par Mme [C], puisque force est de constater que la cour n'a été saisie, dans le délai qui était imparti à cette dernière par l'article 908 du code de procédure civile et conformément aux dispositions de l'article 954 du code de procédure civile en vertu desquelles la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions, d'aucune prétention.
Sur l'appel incident
Dans le cadre de son appel incident, formé dans le délai de l'article 909 du code de procédure civile et que n'affecte pas la caducité de l'appel principal, la Sarl La Mandoline critique le jugement en ce qu'il l'a condamnée à payer à Mme [C] la somme de 500 euros à titre de dommages et intérêts pour le retard dans la délivrance de l'attestation Pôle Emploi, adressée seulement le 18 juillet 2018 selon ce qu'il a retenu, la société relevant que la salariée a soutenu ne l'avoir reçue, antidatée, que le 29 août 2018 pour l'établissement du Sillon et le 18 juillet 2017 concernant la Sarl La Mandoline et avoir subi un retard de 2 mois, en juillet et août 2018, dans la perception de ses allocations chômage.
La société soutient avoir transmis les documents de fin de contrat pour le [Localité 4] Sillon le 31 août 2016, avoir également établi à bonne date le document de fin de contrat La Mandoline, et elle souligne que les documents Pôle Emploi confirment d'une part que le contrat d'apprentissage suivant a aussi été interrompu avant le terme et que la salariée a été indemnisée à partir du 8 juillet 2018 ; que Mme [C] ne démontre ni faute ni préjudice.
Mme [C] n'a pas conclu en réponse sur l'appel incident.
Il résulte des pièces produites par la Sarl la Mandoline que le contrat d'apprentissage de Mme [C] s'est poursuivi auprès d'un autre maître d'apprentissage, dont la société précise qu'il a été présenté à la salariée par M. [Z]. Celle-ci n'avait donc pas d'allocations Pôle Emploi à percevoir dès la résiliation de son contrat auprès de la Sarl La Mandoline, son apprentissage se poursuivant. Ayant vocation à être prise en charge par Pôle Emploi à compter de la fin de son contrat d'apprentissage en date du 9 juillet 2018, elle n'établit pas avoir subi un retard dans la prise en charge par Pôle Emploi imputable à la Sarl La Mandoline. Elle doit par conséquent être déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral sur ce fondement, par voie d'infirmation du jugement.
La Sarl La Mandoline fait valoir, au soutien de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive, que Mme [C] a formé des demandes non fondées et abusives, que pour toute réponse au récapitulatif des heures versé aux débats par l'employeur elle a de mauvaise foi prétendu qu'elle l'avait signé sous la pression alors qu'elle l'avait établi au fur et à mesure, et qu'elle n'a pas répondu sur son absentéisme scolaire. Elle soutient que le droit d'ester en justice de la demanderesse a dégénéré en abus de droit, l'intention de nuire étant caractérisée par ses allégations mensongères et la diffusion de la critique de l'établissement sur les réseaux sociaux, procédé commode, non convaincant et subjectif, ne l'exonérant pourtant pas de l'obligation de prouver, contre ses propres écrits, ses prétentions.
Cependant, la critique des prétentions, infondées selon la société La Mandoline, de Mme [C] et des moyens de preuve de cette dernière, ne suffit pas à caractériser l'abus du droit d'ester et la société la Mandoline doit donc être déboutée de sa demande indemnitaire sur ce fondement, en confirmation du jugement entrepris sur ce chef.
En considération de la situation respective des parties, il n'est pas justifié de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la société la Mandoline. Mme [C], qui succombe, doit être déboutée de sa demande au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel, et condamnée aux dépens d'appel, comme à ceux de première instance. Le jugement entrepris sera en conséquence confirmé sur sa disposition relative aux frais irrépétibles et infirmé sur celle relative aux dépens.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Prononce la caducité de l'appel principal,
Statuant sur les demandes reconventionnelles au titre de l'appel incident,
Infirme le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la Sarl La Mandoline à payer à Mme [D] [C] la somme de 500 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral au titre d'une remise tardive de l'attestation Pôle Emploi, et en ce qu'il a condamné la Sarl La Mandoline aux dépens de première instance,
Le confirme pour le surplus,
Statuant à nouveau sur les chefs infirmés, et y ajoutant,
Déboute Mme [D] [C] de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral au titre d'une remise tardive de l'attestation Pôle Emploi,
Déboute la Sarl La Mandoline de sa demande au titre des frais irrépétibles d'appel,
Condamne Mme [D] [C] aux dépens de première instance et d'appel.
Le Greffier Le Président