La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

09/03/2023 | FRANCE | N°20/00231

France | France, Cour d'appel de Rennes, 7ème ch prud'homale, 09 mars 2023, 20/00231


7ème Ch Prud'homale





ARRÊT N°85/2023



N° RG 20/00231 - N° Portalis DBVL-V-B7E-QMPJ













SAS APAVE NORD OUEST



C/



M. [C] [U]

















Copie exécutoire délivrée

le :



à :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 09 MARS 2023





COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
>

Président : Madame Liliane LE MERLUS, Conseillère, faisant fonction de Président

Assesseur : Madame Isabelle CHARPENTIER, Conseillère,

Assesseur : Monsieur Hervé KORSEC, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles,



GREFFIER :



Madame Françoise DELAUNAY, lors des débats e...

7ème Ch Prud'homale

ARRÊT N°85/2023

N° RG 20/00231 - N° Portalis DBVL-V-B7E-QMPJ

SAS APAVE NORD OUEST

C/

M. [C] [U]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 09 MARS 2023

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Liliane LE MERLUS, Conseillère, faisant fonction de Président

Assesseur : Madame Isabelle CHARPENTIER, Conseillère,

Assesseur : Monsieur Hervé KORSEC, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles,

GREFFIER :

Madame Françoise DELAUNAY, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 12 Décembre 2022 devant Madame [I] [E]

MERLUS et Madame Isabelle CHARPENTIER, magistrats, tenant seuls l'audience, en la formation double rapporteur,sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial

En présence de Madame DUBUIS, médiatrice judiciaire

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 09 Mars 2023 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats, date à laquelle a été prorogé lé délibéré initialement fixé au 02 Mars 2023

****

APPELANTE :

SAS APAVE NORD OUEST

[Adresse 3]

[Localité 6]

Représentée par Me Eric DEMIDOFF de la SCP GAUVAIN, DEMIDOFF & LHERMITTE, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me DE MILLEVILLE, Plaidant, avocat au barreau de ROUEN

INTIMÉ :

Monsieur [C] [U]

né le 09 Avril 1983 à [Localité 8]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représenté par Me Dominique LE COULS-BOUVET de la SCP PHILIPPE COLLEU, DOMINIQUE LE COULS-BOUVET, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représenté par Me Nathalie HEYMANS, Plaidant, avocat au barreau de BREST

INTERVENANTE :

Etablissement Public POLE EMPLOI Prise en la personne de son Directeur Régional

[Adresse 5]

[Localité 4]

Représentée par Me Mélanie VOISINE de la SELARL BALLU-GOUGEON, VOISINE, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES

***

EXPOSÉ DU LITIGE

La SAS Apave Nord Ouest a pour activité la réalisation d'analyses, d'essais et d'inspections techniques pour maîtriser les risques techniques, humains et environnementaux.

M. [C] [U] a été engagé le 3 novembre 2008 par la SAS Apave Nord Ouest dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée en qualité d'ingénieur chargé d'affaires.

La relation de travail était régie par la convention collective nationale de la métallurgie.

Le 27 novembre 2017, M. [U] a été convoqué à un entretien préalable à une éventuelle mesure de licenciement, prévu le 14 décembre suivant, reporté à la demande du salarié en raison d'une hospitalisation à la date du 28 décembre 2017. L'employeur a refusé la nouvelle demande de report de l'entretien après le 28 janvier 2018.

Le 11 janvier 2018, la société Apave a notifié à M. [U] son licenciement pour cause réelle et sérieuse dans un courrier ainsi libellé:

' (..) Nous vous notifions votre licenciement compte tenu des faits suivants:

- Le 20 novembre 2017, nous avons reçu un courriel de notre client

' Elevage de Rossivin' qui nous informe que vous avez passé 2 demi-journées en intervention, les 24 et 25 octobre 2017 alors que vous deviez intervenir deux jours, temps nécessaire pour réaliser la mission. Vous avez d'ailleurs noté 2 jours d'intervention sur votre CRT/CRF.

De plus, il apparaît que les conditions de votre contrôle ne respectaient pas les conditions d'une telle intervention puisque vos contrôles se sont faits sans coupure et sans aucun appareil de mesure avec vous.

Vous avez alors établi un rapport de votre intervention par simple copié/collé de la précédente visite de l'année, falsifiant ainsi tant les conditions de votre intervention que la réalité des mesures et contrôles faits.

Compte tenu de la réclamation de ce client, nous avons bien entendu dû refaire la prestation afin d'établir un nouveau rapport de visite, intervention qui a bien nécessité deux jours comme prévu initialement.

Un tel comportement est contraire au principe de loyauté qui préside à l'exécution de votre contrat de travail par la déclaration de temps de travail qui n'ont pas été exécutés et porte préjudice à l'image de marque de notre entreprise.

- Le 29 septembre 2017, nous avons également reçu un courriel de notre client Engie Cofely qui nous informait que le rapport de visite que vous aviez établi était un copié/collé avec des noms d'interlocuteurs d'un autre client. Ce client a dû vous relancer pour que vous veniez faire l'intervention car vous ne vous étiez pas présenté comme convenu le 18 septembre matin

( planification faite dans Pégase). De plus, lorsque vous êtes finalement passé dans l'après-midi, notre client a constaté que cette visite a été faite très rapidement.

Le rapport de vérification a, là encore, dû être refait.

- Au moment de votre arrêt de travail du 20 novembre 2017, vous n'avez pas pris contact avec votre hiérarchie pour l'informer de votre absence, mais de votre propre initiative, vous avez contacté et/ou déplanifié directement des clients (client Mousquetaires notamment) ce qui a créé des perturbations dans l'organisation des interventions et des contradictions à gérer avec nos clients.

En conséquence, nous sommes dans l'obligation de vous notifier un licenciement pour cause réelle et sérieuse.

Cette absence de professionnalisme induit par l'absence de réalisation de vos missions dans le respect des règles de l'entreprise et le constat de restitution de rapports falsifiés ne peuvent tolérés dans notre entreprise où la prévention des risques est un engagement professionnel essentiel auprès de nos clients.

Nous considérons que de tels faits relèvent normalement d'une qualification de faute grave mais tenons compte de ce qu'ils paraissent avoir été commis dans une période de faiblesse psychologique et que vous avez, en violant les règles d'organisation de l'entreprise, tenté de limiter les conséquences de votre absence inopinée, pour ne retenir qu'une qualification de faute simple. Cependant nous ne pouvons plus poursuivre nos relations professionnelles avec vous en toute confiance.

Votre préavis d'une durée de trois mois que nous vous dispensons d'effectué sera calculé à partir de la date de la première présentation de ce courrier ( ..)'

Dans un courrier en date du 14 février 2018, le conseil de M. [U] a vainement contesté les griefs du licenciement.

M. [U] a saisi le conseil de prud'homes de Brest par requête du 6 juillet 2018 afin de voir :

- Dire et juger le licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- Condamner l'employeur à verser à M. [U] :

- 24 437,25 euros brut pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 15 000 euros de dommages et intérêts pour préjudice moral,

- 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens,

- Prononcer l'exécution provisoire de la décision à intervenir.

La SAS Apave Nord Ouest a demandé au conseil de prud'homes de débouter M.[U] de toutes ses demandes et sollicité une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

.

Par jugement en date du 13 décembre 2019, le conseil de prud'homes de Brest a :

- Dit que le licenciement intervenu à l'encontre de M. [U] est sans cause réelle et sérieuse,

- Condamné la SAS Apave Nord Ouest à verser à M. [U] la somme de 13 551,25 euros au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- Disposé que les sommes allouées seront porteuses des intérêts de droit à compter de la notification pour les dommages et intérêts, en vertu des dispositions de l'article 1231-7 du code civil.

- Dit n'y avoir lieu de prononcer l'exécution provisoire.

- Ordonné le remboursement par l'employeur aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités.

- Condamné la SAS Apave Nord Ouest à verser à Monsieur [C] [U] la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

- Débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

- Condamné la SAS Apave Nord Ouest aux dépens, et y compris en cas d'exécution forcée, les éventuels honoraires et frais d'huissier (article 696 du code de procédure civile).

***

La SAS Apave Nord Ouest a interjeté appel de la décision par déclaration au greffe du 13 janvier 2020.

En l'état de ses dernières conclusions transmises par RPVA le 27 juillet 2021, la SAS Apave Nord Ouest demande à la cour de :

A titre principal,

- Infirmer la décision du conseil des prud'hommes en ce qu'elle a :

' Considéré le licenciement sans cause réelle et sérieux,

' Condamné l'Apave Nord Ouest SAS à verser 13 551,25 euros à titre de dommages et intérêts,

' Condamné l'Apave Nord Ouest SAS au remboursement des indemnités chômage dans la limite de 6 mois,

' Condamné l'Apave Nord Ouest SAS à une indemnité article 700 du code de procédure civile,

- Juger que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse,

- Débouter M.[U] de toute demande indemnitaire, et au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- Débouter Pôle Emploi de sa demande de remboursement des indemnités chômage versées à Monsieur [U], et de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

A titre subsidiaire,

- Limiter à 8 451 euros les dommages et intérêts alloués à Monsieur [U] (barème Macron)

- Limiter à 1 672,30 euros l'éventuel remboursement à Pôle Emploi. (soit 1 mois)

A titre reconventionnel,

- Sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, condamner Monsieur [C] [U] à payer à l'Apave Nord-Ouest SAS la somme de 3 000,00 euros,

En tout état de cause,

- Sur le fondement de l'article 696 du code de procédure civile, condamner Monsieur [C] [U] aux entiers dépens;

En l'état de ses dernières conclusions transmises par RPVA le 20 juillet 2021, M. [U] demande à la cour de :

-Confirmer le jugement en ce qu'il a dit et jugé le licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- Infirmer le jugement pour le surplus et

- Condamner l'employeur à payer à M.[U] :

- 24 437,25 euros brut pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 30 000 euros en indemnisation de son préjudice moral,

- Débouter la Société Apave de toutes ses demandes, fins et conclusions autres ou contraires,

- Condamner l'employeur à payer à M.[U] la somme de 4 500 euros sur le fondement de l'article 700 code de procédure civile, outre les dépens.

En l'état de ses dernières conclusions transmises par RPVA le 16 septembre 2020, le Pôle Emploi, intervenant volontaire, demande à la cour de :

- Condamner la société Apave Nord Ouest à rembourser auprès du Pôle Emploi les indemnités versées à Monsieur [U], soit 10 033,80euros

- Condamner la société SAS Apave Nord Ouest à verser à Pôle Emploi la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- Condamner la même aux entiers dépens.

La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du 29 novembre 2022 avec fixation de l'affaire à l'audience du 12 décembre 2022.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie, pour l'exposé des prétentions et moyens des parties, aux conclusions qu'elles ont déposées et soutenues à l'audience.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la cause réelle et sérieuse du licenciement

L'article L 1232-1 du code du travail dispose que tout licenciement pour motif personnel doit être motivé et justifié par une cause réelle et sérieuse. Selon l'article L 1235-1 du même code , en cas de litige, le juge apprécie le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties .Si un doute subsiste, il profite au salarié.

Dans la lettre de licenciement du 11 janvier 2018 qui fixe les limites du litige, il est reproché au salarié :

- concernant le client Elevage de Rossivin, le non-respect des conditions de contrôle et la déclaration erronée du temps de travail effectué, nécessitant la désignation d'un autre vérificateur après la plainte du client,

- concernant le client Engie Cofely, le retard lors de l'intervention sur site, une visite faite très rapidement et la rédaction d'un rapport de vérification comportant des erreurs, nécessitant d'être refait,

- l'absence d'information de son absence auprès de sa hiérarchie en lien avec son arrêt de travail le 20 novembre 2017, engendrant des perturbations dans l'organisation des interventions liées à son absence.

Sur le premier grief concernant le client Elevage de Rossivin

Dans son jugement, le conseil a considéré qu' 'en l'état des pièces fournies et de la technicité de leur contenu, il n'a pas été possible de déterminer si les ressemblances existantes relevaient d'une reprise des termes en l'absence d'évolution constatée d'une année sur l'autre ou d'un copié/collé réprehensible puisque induisant une falsification du contrôle. A ce stade, les éléments et les explications fournies par l'Apave ne sont pas suffisants pour démontrer la faute du salarié.'Il en a déduit que même si le mécontentement du client non contestable démontre une prestation à parfaite de la part du salarié, ce manquement ne constitue pas une faute justifiant une rupture du contrat de travail.

Au soutien de sa demande d'infirmation du jugement, la société Apave reproche au conseil d'avoir fait preuve de 'paresse intellectuelle' ou 'd'une modestie excessive' ouvant pas s'expliquer par l'article 6 du code de procédure civile, en ce qu'il lui appartenait de réouvrir les débats s'il s'estimait insuffisamment éclairé sur les pièces communiquées, dans la mesure où :

- la comparaison du précédent rapport de contrôle, effectué en 2016 par M. [L] avec celui fait en 2017 par M.[U] permet de relever des similitudes établissant un copier/coller du premier rapport par M.[U] au travers de 200 remarques rigoureusement identiques,

- .le fait pour le salarié de déclarer une intervention de deux jours pleins alors qu'il n'y a consacré que deux demi-journée , sans aucun appareil de mesure et de transmettre un rapport constitué d'un simple copier/coller du rapport de l'année précédente, constitue une falsification des conditions de son intervention, en ce qu'il a trompé son employer sur le contenu de son travail, que la mauvaise exécution de sa mission et ce comportement déloyal portent préjudice en termes d'image et de coût pour l'entreprise, contrainte d'envoyer un autre salarié en décembre 2017 à la suite de la plainte du client.

M.[U] conteste avoir effectué son rapport de contrôle du 25 octobre 2017 à partir d'un simple copier/coller du rapport de l'année précédente; que le simple fait que le client critique le rapport ne démontre pas qu'il était mauvais ou erroné; qu'il n'est pas étonnant que le rapport soit établi sur la même trame et comporte des similitudes puisque le site contrôlé est le même et que de nombreuses réserves sont récurrentes; que les déclarations du client selon lesquelles M.[U] n'avait pas d'appareil de mesure sont subjectives puisqu'il ne l'a pas accompagné durant les deux journées sur l'ensemble du site et que les références de son appareil de mesure figurent bien dans son rapport ; que le client ne l'avait pas informé qu'une nouvelle salle avait été créée, ce qui explique qu'elle n'apparaît pas dans son rapport; que le troisième rapport ' correctif' de décembre 2017 est très proche du sien, les différences pouvant s'expliquer par des travaux réalisés entre temps par le client et par le fait que le technicien ne disposant pas du plan du site n'a pas visité toutes les salles ; que le temps bloqué des deux jours sur l'agenda inclut la rédaction du rapport ; qu'en dehors du temps de contrôle ces jours-là, M.[U] n'est pas resté oisif en a profité pour confirmer des rendez-vous clients ou prendre des rendez-vous conformément aux directives de son employeur.

A l'appui du premier grief, l'employeur verse aux débats :

- le courrier du client Elevage de Rossivin du 20 novembre 2017 à réception de la facture du contrôle électrique des 24 et 25 octobre 2017 ' nous avons des interrogations quant au rapport et la facture. En effet, habituellement le contrôle se fait sur 2 jours plein pour 1 personne connaissant déjà l'élevage ( ils étaient même deux l'année dernière). Cette année , M.[U] est venu seulement deux matinées seul sur l'élevage avec juste une tablette ! Aucun appareil de mesures! Et sans plan de l'élevage ( que vous devez avoir pourtant dans notre dossier). C'est bien la première fois que ça se passe ainsi.

On se demande alors comment est-ce possible de trouver dans le rapport de ce contrôle des pages de résultats des mesurages et essais alors qu'il n'y a eu aucune mesure de faite!!!

Et cela pour la même facturation. Dans l'attente de vos explications.'

- la réponse de la société Apave du 29 novembre 2017 programmant des mesures correctives avec une nouvelle prestation confiée à un autre intervenant fin décembre 2017, et indiquant que la facture initiale de l'intervention d'octobre donnera lieu à un avoir.

- le rapport de vérification périodique annuelle des installations électriques de l'élevage porcin de la société Rossivin, établi le 21 octobre 2016 par le vérificateur M.[L],

- le rapport annuel de vérification périodique établi par M.[U] le 25 octobre 2017,

- le rapport correctif établi par M.[W] le 21 décembre 2017,

- le rapport annuel de vérification périodique établi le 30 octobre 2018 par M.[W],

- le registre journalier tenu par la société cliente Elevage de Rossivin ( pièce 51) selon lequel le contrôle Apave a été effectué sur le site le 24 octobre 2017 de 9h15 à 11h50 et le 25 octobre 2017 de 9h15 à 11h37 mais que le vérificateur n'était pas présent l'après -midi. Le message est suivi d'un commentaire manuscrit concernant le contrôle Apave ' Juste vérif visuelle. Pas de test de prise , aucune Disjonct. Attention coût vérif / n- 1 '''.

Il résulte des pièces produites que la mission confiée à M.[U] consistant en la vérification périodique des installations électriques de l'élevage porcin de Rossivin représentait deux journées d'intervention sur le site, ce qui est corroboré par le client se référant aux contrôles antérieurs ; que M.[U] a rempli à l'issue de sa mission un temps d'intervention équivalent à deux journées entières sur le document interne servant à imputer les frais et le temps d'intervention aux clients ( CRT-CRF). En dépit des dénégations du salarié, le registre journalier de l'élevage révèle que M.[U] n'a passé sur le site que deux matinées ( 2h35 et le lendemain 2 h22 ).

Même si l'accompagnement réglementaire du vérificateur par le Responsable de l'entretien de l'élevage n'était que ' partiel' durant les opérations de contrôle ( mention page 3 du rapport) s'agissant de nombreux bâtiments d'exploitation répartis sur plusieurs hectares, M.[U] ne fournit aucun élément de nature à contredire les mentions manuscrites du registre, étant précisé que le vérificateur a déclaré avoir signé le registre de contrôle et effectué un compte-rendu de fin de visite au Responsable de l'élevage, ce qui permettait à ce dernier de noter avec précision les horaires de son intervention.

Les développements de M.[U] se défendant d'avoir 'bâclé' sa mission en moins de deux jours au motif que son successeur M.[W] ne disposait pas du plan du site, ce qui est inexact au vu du rapport de ce dernier, et que ce dernier s'est absenté quelques heures pour des motifs personnels durant les deux jours d'intervention, sont contredits par le rapport de ce dernier ( durée vérification : 2 jours /page 4 rapport) et sont inopérants dès lors que l'employeur justifie la présence de M.[W] sur le site durant les deux journées au regard de ses frais de déplacements. Le rapport antérieur établi en 2016 par M.[L] fait référence à un temps de vérification de 2 journées complètes ( page 3), ce qui apparaît cohérent avec le travail de vérification des installations électriques d'un élevage comportant de multiples installations (bâtiment bloc gestantes salles 1 à 6, bâtiments A , B et C engraissement salles 10 à 21 , bâtiment D maternités, engraissement et post-sevrage salles 1 à 12, bâtiment ancienne fabrique d'aliments, bâtiment ancien élevage, laboratoire, bâtiment E salles13 à 18, bâtiments annexes ). Pour justifier sa rapidité, M.[U] qui a effectué 200 observations dans son rapport, quasiment de même nature que celles relevées dans le rapport de M.[L] de 2016, explique avoir suivi scrupuleusement le plan du site et la trame de son prédécesseur M [L] et avoir intégré, dans les deux jours de travail déclarés, son temps de rédaction du rapport outre des tâches annexes de prospection commerciale, ne fournit aucun élément permettant de conforter ses allégations étant observé qu'il prenait soin pour les autres jours de ventiler dans le document interne CRTCRF ses temps de recherche, ses prises de rendez-vous, ce qui n'est pas le cas pour les deux journées d'intervention déclarées dans l'élevage de Rossivin.

Le fait pour M.[U] de procéder à des déclarations inexactes en mentionnant dans un document servant de base à la facturation au client deux vacations complètes alors qu'il n'a passé que deux demi-journées sur le site et de transmettre à son employeur de fausses informations sur son activité, constitue un manquement caractérisé à son obligation de loyauté dans l'exécution de son contrat de travail.

Il lui est également fait grief d'avoir réalisé un contrôle sans coupure et sans appareil de mesure en méconnaissance des conditions normales d'une vérification des installations électriques.

Si l'employeur se fonde sur les mentions du registre de son client

' Juste vérif visuelle. Pas de test de prise , aucune Disjonct. Attention coût vérif / n- 1 ''' pour soutenir que M.[U] ne disposait pas d'appareil de mesurage et de test lors de sa prestation, il n'est pas établi avec certitude, au regard des dénégations du salarié et des mesurages reportés dans son rapport, distincts de ceux figurant dans le rapport antérieur, que M.[U] ne disposait d'aucun appareil de mesurage lors de sa prestation, en l'absence d'un témoignage direct confortant les annotations manuscrites du registre.

S'agissant de l'absence de coupure totale de l'installation électrique, l'employeur rapporte les doléances écrites du client selon lesquelles il n'y a pas eu durant le contrôle de M.[U] de disjonction sur le site, alors que cette opération est obligatoire.

Il résulte des pièces produites que :

- la vérification périodique des installations électriques de l'élevage, faisant l'objet d'une procédure très stricte encadrée par les articles R 4226-16 et suivants du code du travail, implique de ' faire assurer les mises hors tension des installations permettant les mesurages et essais, puis les remises sous tension' à charge pour le vérificateur de faire mention dans son rapport que la vérification n'a pas été effectuée de manière complète et pour le chef d'établissement de prendre à sa charge dans les plus brefs délais l'organisation des mesures complémentaires,

- le client s'est inquiété dans le registre journalier qu'aucune disjonction n'avait été effectuée lors de la vérification de M.[U], contrairement aux contrôles périodiques précédents,

- M.[U] a reconnu, dans le courrier de son conseil du 14 février 2018, la matérialité du reproche, expliquant avoir limité la disjonction aux réseaux secondaires et avoir renoncé à une coupure totale 'par crainte de ne pas pouvoir réarmer le disjoncteur général'.

- le salarié ne fournit aucune explication dans son rapport , ni même en cause de procédure, sur les raisons techniques et/ou matérielles l'ayant empêché de procéder à la disjonction totale des installations électriques du site, alors que cet essai est prescrit de manière obligatoire par les textes réglementaires.

Alors que le rapport établi par M.[U] le 25 octobre 2017 comportait le même nombre (200) des observations avec un contenu quasi-identique à ceux du rapport de l'année précédente de M.[L] réalisé en deux journées avec l'aide d'un technicien, les éléments recueillis permettent au regard de la brièveté de son intervention limitée à deux demi-journées et d'une prestation incomplète en l'absence de coupure totale, le salarié a manqué à ses obligations résultant de l'exécution loyale de son contrat de travail, amenant légitimement le client et son employeur à remettre en cause la fiabilité de son rapport technique.

S'agissant d'une vérification périodique obligatoire des installations électriques, exigée par les textes réglementaire, transmise notamment à l'assureur de la cliente, les manquements caractérisés de M.[U] à ses obligations contractuelles doivent être considérés comme sérieux au regard des conséquences en terme d'image de marque de l'entreprise vis-à-vis de la société cliente mais aussi sur le plan financier puisque la société Apave a désigné dans les meilleurs délais un autre vérificateur pour répondre aux doléances légitimes de la cliente. Ces faits sont donc préjudiciables à l'entreprise.

C'est donc à tort que le conseil a considéré que ce grief n'était pas suffisamment sérieux.

- sur le second grief concernant le contrôle de la chaufferie Biomasse pour le client Engie Cofely

Le conseil a écarté ce second grief, au motif que le mécontentement de la société cliente Engie fondé sur des erreurs de noms dans le rapport de M.[U] et sa visite rapide du site contrôlé, laissant penser à un simple copié/collé du rapport de l'année précédente, ne permettait pas de retenir une faute justifiant une rupture de son contrat de travail.

L'employeur conteste une telle analyse dans la mesure où la société Engie s'est plainte des erreurs figurant dans le rapport de vérification concernant la chaufferie Biomasse à [Localité 7] , imputables à M.[U] ainsi que des conditions de contrôle s'est faite le 18 septembre 2017 'au pas de course', alors que le salarié absent le jour du rendez-vous s'est finalement déplacé sur l'intervention de la cliente;

que M.[U] ne peut pas soutenir qu'il était contraint de ' bâcler' son contrôle en deux heures puisque la planification Pegase entre 8 heures et 10 heures permettait de déborder en cas de besoin pour réaliser correctement le contrôle, le salarié bénéficiant du paiement d'heures supplémentaires en cas de besoin.

Le salarié conteste la réalité du grief au motif que le report du contrôle du matin à l'après-midi n'est pas un motif suffisant de licenciement, s'agissant d'un événement exceptionnel, que l'erreur du nom de ses interlocuteurs, figurant dans la fiche transmise par son employeur, correspondait à un simple oubli de sa part, le rapport devant être remis en urgence au client, que le salarié disposait d'un temps limité de 0.3 vacations, soit 2 heures, trajet inclus, et a réalisé les tests dans un délai contraint.

Au soutien du second grief, la société Apave Nord Ouest produit:

- le courriel du 29 septembre 2017 de la société Engie à réception du rapport de vérification de l'installation électrique, des parafoudres et paratonnerres de la Chaufferie Biomasse à [Localité 7] ( 29) effectué le 18 septembre 2017 par M.[U] aux termes duquel la cliente demande à la société Apave de 'refaire le rapport de visite': c'est un copier/coller du précédent avec les noms des interlocuteurs précédents ; IGEO!!!' ; que de plus, ne voyant pas venir le vérificateur le 18 septembre matin, (elle) a dû l'appeler pour savoir pour quelle raison il n'était pas sur site comme prévu lors de l'échange de mail du 19 avril; qu'il a finalement eu M.[U] au téléphone qui m'a dit qu'il n'était pas prévu au planning de passer sur le site ! Mais il a pu malgré tout se déplacer pour faire cette visite en début d'après-midi ( du 18/9) mais celle-ci a été faite un peu au pas de course'; que le vérificateur pouvait faire le test des dispositifs d'arrêt d'urgence HTA car la chaufferie était à l'arrêt contrairement à ce qu'il a écrit dans son rapport ' pour des raisons d'exploitation et à la demande de M.[F], les essais des dispositifs n'ont pas été faits' étant précisé qu'il ne s'agit plus de M.[F] ( de l'ancienne société IGEO) mais de M.[N], de la société Engie Cofely devenu le nouvel exploitant de la chaufferie Biomasse SILL.

- le rapport précédent du 23 septembre 2015 de vérification des installations électriques de la chaufferie établi par le vérificateur M.[P] pour le compte de la société IGEO, en présence de M.[F] Technicien IGEO,

- le premier rapport établi par M.[U] le 18 septembre 2017 comportant des mentions erronées relatives au nom des techniciens ayant assuré un accompagnement partiel ( M.[F] technicien de l'ancien exploitant IGEO), l'absence des essais des dispositifs différentiels onduleurs et d'arrêt d'urgence HTA ' pour des raisons d'exploitation et à la demande de M.[F]'

- la version corrigée du 12 octobre 2017 ( version 2) annulant et remplaçant le rapport initial de M.[U] daté du 18 septembre 2017 désignant cette fois M.[S] au lieu de M.[F] comme son interlocuteur de fin de visite, précisant qu'il n'y avait eu aucun accompagnement réglementaire, que la coupure totale n'avait pas été autorisée par l'exploitant. Le vérificateur ne fournissait aucun motif à l'absence de tests des dispositifs différentiels

( NE pour Non Effectué).

- le courriel du 27 mai 2019 de M.[G] de la société Apave procédant à une analyse comparative des 2 rapports établis par M.[U] à l'issue de sa mission du 18 septembre avec le rapport antérieur du 23 septembre 2015 ( pièce 37) .

M.[U] dont l'intervention était programmée le 18 septembre 2017 au matin ne fournit aucune explication cohérente à son absence alors que son intervention était programmée depuis plusieurs mois sur le calendrier Pegase ( en avril 2017) et qu'il a été appelé par le client.

Le fait que M.[U] motive, dans son rapport initial, l'absence d'essais obligatoires pour des motifs d'exploitation de la chaufferie et à la demande d'un technicien M.[F] prétendument rencontré sur le site, alors que d'une part l'usine était à l'arrêt à cette date et que M.[F], salarié de l'ancien exploitant, n'exerçait plus sur le site, permet d'établir que le salarié s'est abstenu, de manière délibérée et sans motif légitime, de vérifier de manière complète les installations électriques et ce en méconnaissance des obligations découlant de sa mission et des règles de sécurité applicables au contrôle périodique et réglementaire des installations électriques d'une chaufferie industrielle. Les explications fournies par M.[U], qui banalise les mentions figurant dans son rapport en évoquant une simple erreur sur le nom du technicien et des contraintes de temps, sont totalement inopérantes. Le second grief, parfaitement établi au vu de ces éléments précis et concordants, constitue un nouveau manquement imputable à M.[U] dans l'exercice de son contrat de travail.

Sans qu'il soit utile de se prononcer sur la matérialité contestée du dernier grief, l'établissement de rapports techniques erronés et la déclaration surévaluée de son temps de travail constituent des manquements répétés du salarié aux obligations essentielles découlant du contrat de travai, au regard de sa qualification d'ingénieur et de son expérience professionnelle ( 9 ans) acquise au sein d'une entreprise spécialisée en matière de contrôles et d'inspection techniques. Le fait que le salarié n'ait pas d'antécédents disciplinaires est indifférent au regard de la nature et du caractère sérieux des faits établis à son encontre.

Son licenciement pour cause réelle et sérieuse étant justifié, M.[U] doit être débouté de ses demandes d'indemnisation pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, par voie d'infirmation du jugement.

Sur le préjudice moral

M.[U] a maintenu la demande de dommages-intérêts de 30 000 euros en réparation de son préjudice moral, dont il a été débouté par le conseil, au motif qu'il aurait présenté 'un état de souffrance morale résultant d'un management imputable à l'employeur et connu de celui-ci puisque visé dans la lettre de licenciement', état aggravé par la procédure calomnieuse de licenciement mise en oeuvre.

Si la société Apave évoque dans la lettre de licenciement 'une période de faiblesse psychologique' de M.[U] l'ayant amenée à qualifier les faits reprochés en faute simple, le salarié ne s'explique pas en cause d'appel sur les manquements reprochés à son employeur et ne fournit aucun élément de fait de nature à établir d'une part la réalité de sa souffrance morale et d'autre part le lien de causalité avec son activité professionnelle et plus particulièrement avec le management de son employeur. Le licenciement reposant sur des motifs réels et sérieux, M.[U] s'estimant victime d'une procédure calomnieuse de licenciement n'est pas fondé en sa demande de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de dommages-intérêts au titre du préjudice moral.

Sur les autres demandes et les dépens

Le licenciement du salarié étant fondé sur une cause réelle et sérieuse, la demande de Pôle Emploi en remboursement des indemnités chômage doit être rejetée par voie d'infirmation du jugement.

Il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge des parties les frais non compris dans les dépens en cause d'appel. Les parties seront donc déboutées de leurs demandes respectives au titre des frais irrépétibles, le jugement déféré étant infirmé en ses dispositions relatives de l'article 700 du code de procédure civile sauf en ce qu'il a rejeté la demande d'indemnité de procédure de la société Apave Nord Ouest.

M.[U] sera condamné aux entiers dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

- Confirme le jugement seulement en ce qu'il a rejeté la demande de M.[U] de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral et qu'il a rejeté la demande d'indemnité de procédure de la société Apave Nord Ouest.

- Infirme les autres dispositions du jugement

Statuant de nouveau des chefs infirmés et y ajoutant :

- Dit que le licenciement notifié le 11 janvier 2018 à M.[U] est fondé sur une cause réelle et sérieuse,

- Déboute en conséquence M.[U] de ses demandes,

-Dit n'y avoir lieu à remboursement par la société Apave Nord Ouest des indemnités de chômage versées par Pôle Emploi,

- Rejette les demandes de la société Apave Nord Ouest et de Pôle Emploi fondées sur l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamne M.[U] aux dépens de première instance et d'appel.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 7ème ch prud'homale
Numéro d'arrêt : 20/00231
Date de la décision : 09/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-09;20.00231 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award