9ème Ch Sécurité Sociale
ARRÊT N°
N° RG 20/04052 - N° Portalis DBVL-V-B7E-Q4AG
URSSAF PAYS DE LA LOIRE
C/
[W] [V]
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Copie certifiée conforme délivrée
le:
à:
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 29 MARS 2023
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Madame Elisabeth SERRIN, Présidente de chambre
Assesseur : Madame Véronique PUJES, Conseillère
Assesseur : Madame Anne-Emmanuelle PRUAL, Conseillère
GREFFIER :
Monsieur Philippe LE BOUDEC lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 25 Janvier 2023
devant Madame Véronique PUJES, magistrat chargé d'instruire l'affaire, tenant seule l'audience, sans opposition des représentants des parties et qui a rendu compte au délibéré collégial
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 29 Mars 2023 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats
DÉCISION DÉFÉRÉE A LA COUR:
Date de la décision attaquée : 24 Juillet 2020
Décision attaquée : Jugement
Juridiction : Tribunal Judiciaire de NANTES - Pôle Social
Références : 19/06702
****
APPELANTE :
L'UNION DE RECOUVREMENT DES COTISATIONS DE SÉCURITÉ SOCIALE ET D'ALLOCATIONS FAMILIALES PAYS DE LA LOIRE
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée par Me Anne DAUGAN, avocat au barreau de RENNES substituée par Me Julien LE GALL, avocat au barreau de RENNES
INTIMÉ :
Monsieur [W] [V]
[Adresse 1]
[Localité 3]
représenté par Me Sandrine PORCHER-MOREAU, avocat au barreau de NANTES substitué par Me Valentin GASCHARD, avocat au barreau de NANTES
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 35238/002/2020/008914 du 18/09/2020 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de RENNES)
EXPOSÉ DU LITIGE
M. [W] [V] a été affilié au régime de sécurité sociale des travailleurs indépendants selon les modalités suivantes :
- du 2 octobre 1995 au 31 mai 2012 au titre de son activité commerciale exercée en nom propre ;
- du 1er janvier 2012 au 23 mars 2016 au titre de son activité de gérant majoritaire de la société 'd.eXpertise'.
Le 31 juillet 2017, il a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Loire-Atlantique, d'une opposition à la contrainte du 7 juillet 2017 décernée par la caisse de régime social des indépendants, aux droits de laquelle vient l'Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales Pays de la Loire (l'URSSAF) pour le recouvrement de la somme de 15 331 euros en cotisations, contributions et majorations de retard afférentes aux périodes des 3ème et 4ème trimestres 2013, du 4ème trimestre 2014, des 1er, 2ème, 3ème et 4ème trimestres 2015 et des 1er et 2ème trimestres 2016, signifiée par acte d'huissier de justice le 18 juillet 2017.
Par jugement du 24 juillet 2020, ce tribunal devenu le pôle social du tribunal judiciaire de Nantes a :
- déclaré irrecevables les demandes formées par l'URSSAF au titre des cotisations et majorations de retard des 3ème et 4ème trimestres 2013 ;
- validé pour le surplus la contrainte du 7 juillet 2017 à hauteur des montants réduits suivants :
* 5 511 euros pour les cotisations,
* 1 346 euros pour les majorations de retard,
- condamné en conséquence M. [V] à payer à l'URSSAF venant aux droits de la caisse RSI la somme totale de 6 857 euros au titre de la contrainte du 7 juillet 2017 ;
- condamné en outre M. [V] à payer à l'URSSAF venant aux droits de la caisse RSI les majorations de retard complémentaires ainsi que le coût de signification de la contrainte soit 72,23 euros et de tous les actes nécessaires à son exécution ;
- condamné M. [V] aux entiers dépens de l'instance ;
- débouté les parties de toutes autres demandes plus amples ou contraires ;
- rappelé que la présente décision est exécutoire par provision.
Par déclaration faite par communication électronique au greffe le 27 juillet 2020, l'URSSAF a interjeté appel de ce jugement qui lui a été notifié le 12 juillet 2020.
Par ses écritures parvenues au greffe le 17 janvier 2023 auxquelles s'est référé et qu'a développées son conseil à l'audience, l'URSSAF demande à la cour de :
- déclarer l'appel interjeté à l'encontre du jugement entrepris recevable et fondé en droit ;
- réformer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré irrecevables ses demandes formées au titre des cotisations et majorations de retard des 3ème et 4ème trimestres 2013 ;
En conséquence :
- valider la contrainte du 7 juillet 2017 signifiée le 18 juillet 2017 pour un montant de 15 331 euros (13 763 euros en principal et majorations de retard de 1 568 euros) ;
- condamner M. [V] au paiement :
- de la somme de 15 331 euros au titre de la contrainte du 7 juillet 2017 sous réserve des majorations de retard complémentaires restant à courir jusqu'au complet paiement ;
- des frais de signification de la contrainte du 7 juillet 2017 pour un montant de 72,23 euros ;
- débouter M. [V] de sa demande formée sur le fondement de l'article 700 2° du code de procédure civile.
Par ses écritures parvenues au greffe par le RPVA le 26 octobre 2021 auxquelles s'est référé et qu'a développées son conseil à l'audience, M. [V] demande à la cour, au visa de l'article L. 244-8-1 du code de la sécurité sociale, de :
- dire et juger que la contrainte du 7 juillet 2017 est nulle ;
- dire et juger en conséquence que l'URSSAF est irrecevable et mal fondée en sa demande en paiement au titre des cotisations et majorations de retard, visées à ladite contrainte soit la somme totale de 15 331 euros ;
- en conséquence, laisser à la charge de l'URSSAF les frais de signification
de la contrainte ;
A titre subsidiaire,
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré irrecevables les demandes formées par l'URSSAF au titre des cotisations et majorations de retard des 3ème et 4ème trimestres 2013 prescrites ;
- dire et juger que doivent donc être soustraites de la créance de l'URSSAF
les sommes imputées et réclamées au titre des 3ème et 4ème trimestres 2013, correspondant à la somme de 8 474 euros (663 + 222 + 4 126 + 3 463) ;
- dire et juger qu'il reste redevable à l'URSSAF de la seule somme de 6 857 euros au titre de la contrainte du 7 juillet 2017 ;
- débouter l'URSSAF de ses prétentions ;
- condamner l'URSSAF à verser à maître Sandrine Porcher-Moreau, en application de l'article 700 2° du code de procédure civile, la somme de 1 500 euros ; M. [V] étant bénéficiaire de l'aide juridictionnelle ;
- laisser les dépens de l'instance à la charge de l'URSSAF .
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions susvisées.
MOTIFS DE LA DÉCISION
1. Sur la régularité de la contrainte du 7 juillet 2017
M. [V] soutient qu'à défaut de pouvoir du signataire, la contrainte est entachée de nullité ; que la Cour de cassation a rappelé l'exigence d'une délégation de pouvoir préalable à la délivrance d'une contrainte ( 12 mars 2020 pourvoi n° 19-13045) ; qu'en l'espèce, la délégation datée du 29 décembre 2016 à effet au 1er janvier 2017 signée par les directeurs de la caisse régionale du RSI Pays de la Loire, de la caisse régionale du RSI Bretagne, de l'URSSAF Pays de la Loire et de l'URSSAF Bretagne en qualité de délégants et par le directeur local responsable du recouvrement prévoit qu'elle cessait ses effets automatiquement en cas de changement de fonction de l'un des délégants ou du délégataire ; que l'URSSAF n'établit pas qu'à la date de la contrainte litigieuse, les signataires étaient toujours dans leur fonction.
L'URSSAF réplique que M. [J], signataire de la contrainte discutée, a bien reçu délégation de signature le 29 décembre 2016 de sorte qu'il était habilité à signer ladite contrainte ; que le moyen tiré du défaut de justification de pouvoir du signataire doit être écarté.
Sur ce :
L'article L. 122-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable du 1er janvier 2017 au 14 juin 2018, dispose :
'Tout organisme de sécurité sociale est tenu d'avoir un directeur général ou un directeur et un agent comptable.
(...)
Le directeur général ou le directeur décide des actions en justice à intenter au nom de l'organisme dans les matières concernant les rapports dudit organisme avec les bénéficiaires des prestations, les cotisants, les producteurs de biens et services médicaux et les établissements de santé, ainsi qu'avec son personnel, à l'exception du directeur général ou du directeur lui-même. Dans les autres matières, il peut recevoir délégation permanente du conseil ou du conseil d'administration pour agir en justice. Il informe périodiquement le conseil ou le conseil d'administration des actions qu'il a engagées, de leur déroulement et de leurs suites.
Le directeur général ou le directeur représente l'organisme en justice et dans tous les actes de la vie civile. Il peut donner mandat à cet effet à certains agents de son organisme ou à un agent d'un autre organisme de sécurité sociale.'
L'article R. 122-3 du même code, dans sa rédaction applicable du 1er avril 2010 au 17 mai 2018, dispose :
[Le directeur de l'organisme] 'peut déléguer, sous sa responsabilité, une partie de ses pouvoirs à certains agents de l'organisme. Il peut donner mandat à des agents de l'organisme en vue d'assurer la représentation de celui-ci en justice et dans les actes de la vie civile'.
L'article D. 253-6, dans sa version en vigueur depuis le 1er septembre 1993, dispose :
'Le directeur peut, conformément aux dispositions de l'article R. 122-3, déléguer, sous sa responsabilité, une partie de ses pouvoirs à certains agents de l'organisme.
Il peut déléguer, à titre permanent, sa signature au directeur adjoint de la caisse ou à un ou plusieurs agents de l'organisme.
Cette délégation doit préciser, pour chaque délégué, la nature des opérations qu'il peut effectuer et leur montant maximum s'il y a lieu'.
Par ailleurs, selon l'article 4 alinéa 2 de la loi n° 2000-231 du 12 avril 2000 et de son décret d'application n° 2001-492 du 10 juin 2001 sur les relations entre l'administration et les administrés, codifié sous l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration :
'Toute décision prise par les autorités administratives mentionnées à l'article 1er comporte, outre la signature de son auteur, la mention en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci'.
Il résulte de l'ensemble des dispositions susvisées que le directeur de l'organisme de recouvrement a la capacité de décerner une contrainte et que celle-ci doit être signée par lui ou son délégataire avec l'indication du nom, du prénom et de la qualité du signataire.
La contrainte en litige porte au bas la mention :
'Le 07/07/2017
Par délégation
Le directeur responsable du recouvrement des travailleurs indépendants [S] [J]'
suivie d'une signature dont il n'est pas contesté qu'il s'agit effectivement de celle de M. [J], identique à celle figurant sur la délégation ci-après.
M. [J], signataire, est ainsi identifié par son nom, son prénom et sa qualité.
L'URSSAF justifie en outre de la délégation de signature n° 2017-006 établie et signée le 29 décembre 2016 par M. [R], directeur de la caisse régionale RSI Bretagne, M. [T], directeur de la caisse régionale RSI Pays de la Loire, M. [Y], directeur de l'URSSAF Bretagne et M. [E], directeur de l'URSSAF Pays de la Loire, en qualité de délégants, et par M. [J] ès qualités de délégataire.
M. [V] soutient que cette délégation, qui vise certes expressément 'la délivrance et la notification des contraintes' et prend effet le 1er janvier 2017, mentionne néanmoins qu'elle 'cesse automatiquement en cas de changement de fonction de l'un des délégants ou du délégataire', de sorte qu'il incombe à l'URSSAF d'établir qu'à la date de la contrainte du 7 juillet 2017, les signataires de la délégation occupaient toujours leurs fonctions, ce qu'elle ne fait pas ; que la contrainte litigieuse est donc nulle.
Une délégation de signature est attachée à la personne du délégant et prend à ce titre fin avec la cessation des fonctions de ce dernier.
Compte tenu des termes ci-dessus rapportés de la délégation de signature, qui rappelle ce principe, et faute pour l'URSSAF de produire tout document de nature à établir qu'à la date de signature de la contrainte, les délégants occupaient toujours leur fonction, il y a lieu, par voie d'infirmation, d'annuler ladite contrainte.
L'URSSAF conservera à sa charge les frais de signification de la contrainte.
2. Sur les frais irrépétibles et les dépens
Il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de M. [V] les frais exposés et non compris dans les dépens ; sa demande à ce titre sera en conséquence rejetée.
Les dépens de la présente procédure d'appel seront laissés à la charge de l'URSSAF qui succombe à l'instance.
PAR CES MOTIFS :
La COUR, statuant publiquement par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,
Infirme le jugement entrepris ;
Annule la contrainte du 7 juillet 2017 décernée par la caisse de régime social des indépendants, aux droits de laquelle vient l'Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales Pays de la Loire ;
Dit que les frais de signification de la contrainte du 7 juillet 2017 pour un montant de 72,23 euros resteront à la charge de l'Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales Pays de la Loire;
Déboute M. [V] de sa demande présentée sur le fondement de l'article 700 2° du code de procédure civile ;
Condamne l'Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales Pays de la Loire aux dépens.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT