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30/03/2023 | FRANCE | N°19/05047

France | France, Cour d'appel de Rennes, 7ème ch prud'homale, 30 mars 2023, 19/05047


7ème Ch Prud'homale





ARRÊT N°113/2023



N° RG 19/05047 - N° Portalis DBVL-V-B7D-P7LM













SA CONSERVES [M]



C/



M. [Z] [S]























Copie exécutoire délivrée

le :



à :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 30 MARS 2023





COMPOSITION DE LA COUR LORS DES

DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :



Président : Monsieur Hervé BALLEREAU, Président de chambre,

Assesseur : Madame Liliane LE MERLUS, Conseillère,

Assesseur : Madame Isabelle CHARPENTIER, Conseillère,



GREFFIER :



Madame Françoise DELAUNAY, lors des débats et lors du prononcé



DÉBATS :



A l'audience pub...

7ème Ch Prud'homale

ARRÊT N°113/2023

N° RG 19/05047 - N° Portalis DBVL-V-B7D-P7LM

SA CONSERVES [M]

C/

M. [Z] [S]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 30 MARS 2023

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Monsieur Hervé BALLEREAU, Président de chambre,

Assesseur : Madame Liliane LE MERLUS, Conseillère,

Assesseur : Madame Isabelle CHARPENTIER, Conseillère,

GREFFIER :

Madame Françoise DELAUNAY, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 16 Janvier 2023

En présence de Madame DUBUIS, médiatrice judiciaire

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 30 Mars 2023 par mise à disposition au greffe, date à laquelle a été prorogé le délibéré initialement fixé au 16 Mars 2023

****

APPELANTE :

SA CONSERVES [M] agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 6]

[Localité 5]

Représentée par Me Marie VERRANDO de la SELARL LEXAVOUE RENNES ANGERS, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Isabelle NEUMANN, Plaidant, avocat au barreau de QUIMPER substituée par Me Marianne DA SILVA MARTINS, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉ :

Monsieur [Z] [S],

né le 14 Juillet 1964 à [Localité 7] (85)

[Adresse 4]

[Localité 1]

Représenté par Me Catherine FEVRIER, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de QUIMPER

INTERVENANTE :

Etablissement Public POLE EMPLOI BRETAGNE

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentée par Me Mélanie VOISINE de la SELARL BALLU-GOUGEON, VOISINE, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES substituée par Me Charles PIOT, avocat au barreau de RENNES

***

EXPOSÉ DU LITIGE

La SA Conserves [M] dont le siège social est fixé à [Localité 5] a pour activité la transformation et la conservation de poissons, crustacés et mollusques. Elle emploie un effectif de plus de 50 salariés et applique la convention collective des produits alimentaires élaborés.

M. [Z] [S] a été engagé le 1er avril 2009 par la SA Conserverie [M] dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée en qualité de Logisticien, classifié Responsable de logistique, statut Technicien.

Le 1er mars 2012, les parties ont régularisé un nouveau contrat de travail modifiant son statut cadre, coefficient 300, revalorisant son salaire à 3 000 euros brut par mois et instaurant un régime de forfait de 218 jours annuels.

Le 7 juillet 2016, M. [S] a été placé en arrêt de travail pour maladie jusqu'au 11 juillet 2016, renouvelés de manière continue jusqu'au 5 février 2018.

Le 5 février 2018, le salarié a informé son employeur que son arrêt de travail était à nouveau prolongé jusqu'au 2 mars 2018 mais que sa reprise probable à mi-temps était envisagée par le médecin du travail.

Le 13 février 2018, l'employeur a informé le salarié qu'il avait procédé au remplacement effectif de son poste et qu'il était donc amené à envisager à son égard une mesure pouvant aller jusqu'au licenciement. Il l'a convoqué à un entretien préalable au licenciement fixé au 22 février suivant.

Dans un courrier du 14 février 2018, le salarié a exprimé sa surprise et son désarroi à l'engagement d'une procédure de licenciement, après avoir appris le jour-même par téléphone avec Mme [M] qu''une nouvelle personne était à son poste depuis le 5 février, que l'entreprise avait bien reçu le sms lui annonçant sa reprise prochaine mais que l'absence du salarié avait perturbé le fonctionnement de l'entreprise. Pour autant, Mme [M] lui a certifié que son remplacement avait été assuré depuis le début de son arrêt maladie, prouve que son absence n'avait pas entrainé de dysfonctionnement de l'organisation de l'entreprise.'

Le 27 février 2018, l'employeur lui a notifié son licenciement pour cause réelle et sérieuse fondée sur 'la désorganisation de la société due à son absence prolongée et la nécessité de le remplacer de façon définitive'.

Par courrier recommandé en date du 15 mars 2018, M. [S] a vainement contesté les motifs de son licenciement.

 ***

M. [S] a saisi le conseil de prud'hommes de Saint-Brieuc par requête du 4 avril 2018 afin de voir dire son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, obtenir diverses sommes et indemnités liées à la rupture de son contrat de travail, au caractère discriminatoire de son licenciement, la régularisation d'un rappel d'indemnités complémentaires d'assurance maladie, d'un rappel de primes sur objectifs et sur ancienneté, voir déclarer illégal le forfait jour et obtenir le paiement d'heures supplémentaires.

Il a présenté le 18 juillet 2018 une seconde saisine de la juridiction tendant au paiement d'un rappel de primes d'ancienneté de 2015 à 2018, d'un rappel de la prime annuelle de 13ème mois.

La SA Conserves [M] a demandé au conseil de prud'hommes de dire que le licenciement de M.[S] est fondé sur une cause réelle et sérieuse, et le débouter de l'ensemble de ses demandes.

Par jugement en date du 27 juin 2019, le conseil de prud'hommes de Saint-Brieuc a :

- Ordonné la jonction des affaires référencées RG 18/064 et 18/145 ;

- Dit que le licenciement de M. [S] est sans cause réelle et sérieuse

- Constaté le caractère discriminatoire de ce licenciement

- Condamné la SA Conserves [M] à verser à M. [S] les sommes de :

- 22 269 euros nets au titre de l'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse

- 22 269 euros nets à titre de dommages et intérêts en réparation du caractère discriminatoire

- Débouté M. [S] de sa demande de réparation des autres préjudices subis ;

- Débouté M. [S] de sa demande d'indemnités complémentaires d'assurance maladie ;

- Constaté l'illégalité du forfait jours appliqué à M. [S], en conséquence, condamné la SA [M] à lui verser les sommes de :

- 13 585 euros bruts au titre des rappels de salaires pour heures supplémentaires

- 1 359 euros bruts pour les congés payés correspondants,

- Condamné la SA Conserves [M] à verser à M. [S] les sommes suivantes :

- 2 300euros au titre de la régularisation du versement des primes sur objectifs

- 3 534 euros au titre de la régularisation du versement de la prime sur ancienneté

- 353 euros pour les congés payés correspondants

- 825 euros au titre de la régularisation du versement de la prime annuelle

- Ordonné à la SA Conserves [M] de faire parvenir à M. [S] les documents sociaux suivants rectifiés conformément aux condamnations prononcées, les bulletins de salaires, une attestation Pôle Emploi,

- Rappelé que l'exécution provisoire est de droit sur les condamnations à caractère salarial et en remise de pièces et dit, qu'en vue d'une éventuelle application des dispositions de l'article R 1454-28 du code du travail, le salaire mensuel moyen à prendre en compte est de 3 400 euros.

- Ordonné en tant que besoin, le remboursement par la SA Conserves [M] des sommes éventuellement payées à M. [S] par Pôle Emploi, du jour de son licenciement à ce jour, dans limites de six mois d'indemnités chômage,

- Condamné la SA Conserves [M] à verser à M. [S] la somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

- Débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;

- Condamné la SA [M] aux entiers dépens y compris ceux pouvant résulter d'une exécution forcée de la présente décision.

La SA Conserves [M] a interjeté appel de la décision par déclaration au greffe du 25 juillet 2019.

En l'état de ses dernières conclusions transmises par RPVA le 7 décembre 2022, la SA Conserves [M] demande à la cour de :

- Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

' Dit que le licenciement intervenu le 27 février 2018 est dénué de cause réelle et sérieuse et a condamné la société Conserves [M] au versement de la somme de 22 269,00 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

' Constaté le caractère discriminatoire de ce licenciement et a condamné la société Conserves [M] à verser la somme de 22 269,00 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du caractère discriminatoire ;

' Constaté l'illégalité du forfait jours appliqué à M.[S] et condamné la société Conserves [M] à verser les sommes de 13 585 euros bruts à titre de rappel des heures supplémentaires et de 1 359,00 euros bruts au titre des congés payés y afférents ;

' Condamné la société Conserves [M] à verser à M. [S] les sommes suivantes :

- 2 300 euros au titre de la régularisation du versement des primes sur objectifs ;

- 3 534euros au titre de la régularisation du versement de la prime d'ancienneté ;

- 353euros pour les congés payés y afférents ;

- 825 euros au titre de la régularisation du versement de la prime annuelle;

' Ordonné à la société Conserves [M] de faire parvenir à M.[S] les documents suivants rectifiés conformément aux condamnations prononcées : les bulletins de salaires et une attestation Pôle Emploi ;

- Rappelé que l'exécution est de droit sur les condamnations à caractère salarial et en remise de pièces

et dit, qu'en vue d'une éventuelle application des dispositions de l'article de l'article R 1454-28 du code du travail, le salaire mensuel moyen à prendre en compte est de 3 400,00 euros.

- Ordonné en tant que de besoin le remboursement par la société Conserves [M] des sommes éventuellement payées à M.[S] par Pôle Emploi, du jour de son licenciement au jour du jugement dans la limite de six mois d'indemnités de chômage.

- Condamné la société Conserves [M] à verser à M.[S] la somme de 1 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- Condamné la société Conserves [M] aux entiers dépens y compris en ceux pouvant résulter d'une exécution forcée de la présente décision.

- Débouté la société Conserves [M] de ses demandes plus amples ou contraires.

Et statuant à nouveau :

- Dire irrecevables et en tout cas mal fondées les demandes présentées par M.[S].

- Dire que le licenciement de M.[S] pour cause réelle et sérieuse est fondé sur la désorganisation dans la société engendrée par son absence prolongée et la nécessité de le remplacer de façon définitive.

- Dire que M.[S] n'a subi aucune discrimination ;

- Dire que le forfait jours de M.[S] est légal et valable :

- Dire et juger que M.[S] n'a effectué aucune heure supplémentaire ;

- Débouter M.[S] de l'ensemble de ses demandes.

- Condamner M.[S] à restituer les sommes exécutoires de plein droit versées à hauteur de 30 600 euros bruts.

- Débouter Pôle Emploi de toute demande de remboursement d'allocation chômage et de toutes autres

demandes.

- Condamner M.[S] au paiement de la somme de 3 750 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de première instance et d'appel, avec distraction pour ces derniers au profit de la SELARL Lexavoué Rennes Angers aux offres de droit.

En l'état de ses dernières conclusions transmises par RPVA le 25 novembre 2022, M. [S] demande à la cour de :

- Confirmer le jugement en ce qu'il a :

' Ordonné la jonction des affaires référencées RG 18/064 et 18/145

' Dit que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse

' Constaté le caractère discriminatoire de ce licenciement

' Condamné la SA Conserves [M] à verser à M. [S] les sommes de :

- 22 269 euros nets au titre de l'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse

- 22 269 euros nets à titre de dommages et intérêts en réparation du caractère discriminatoire

' Constaté l'illégalité du forfait jours appliqué à M. [S]

- Condamné la SA Conserves [M] à verser à lui verser les sommes de :

- 13 585 euros bruts au titre des rappels de salaires pour heures supplémentaires

- 1 359 euros bruts pour les congés payés correspondants

- Condamner la SA Conserves [M] à verser à M. [S] les sommes suivantes :

- 2 300 euros au titre de la régularisation du versement des primes sur objectifs

- 3 534 euros au titre de la régularisation du versement de la prime sur ancienneté

- 353 euros pour les congés payés correspondants

- 825 euros au titre de la régularisation du versement de la prime annuelle

' Ordonné à la SA Conserves [M] de faire parvenir à M. [S] les documents sociaux suivants rectifiés conformément aux condamnations prononcées :

' Ordonné en tant que besoin, le remboursement par la SA Conserves [M] des sommes éventuellement payées à M. [S] par Pôle Emploi, du jour de son licenciement à ce jour, dans limites de six mois d'indemnités chômage,

' Condamné la SA Conserves [M] à verser à M. [S] la somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

' Condamné la SA Conserves [M] aux entiers dépens.

En conséquence,

- Infirmer le jugement sur les demandes de dommages et intérêts pour travail dissimulé, de dommages et intérêts pour atteinte à la santé au travail et des contreparties obligatoires en repos.

- Condamner la SA Conserves [M] à verser à M. [S] les autres sommes suivantes :

- 20 400 euros nets à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé

- 15 000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour atteinte à la santé au travail

- 3 043,51 euros bruts au titre des contreparties obligatoires au repos, outre 304,35 euros au titre des congés payés correspondants.

- 1 609,15 nets au titre de rappel sur l'indemnité de licenciement

- Dire que les sommes à caractère salarial produiront intérêts au taux légal à compter de la date de réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation.

- Dire que les sommes à caractère non salarial produiront intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir.

- Condamner la SA Conserves [M] à une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais exposés en cause d'appel.

- Condamner la même à remettre à M. [Z] [S] un bulletin de salaire, un certificat de travail, une attestation Pôle Emploi rectifiés sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir.

- Condamner la SA Conserves [M] aux entiers dépens, lesquels comprendront les frais d'exécution forcée de la décision à intervenir.

En l'état de ses dernières conclusions transmises par RPVA le 15 avril 2021, Pôle Emploi Bretagne demande à la cour de :

- Condamner la SA [M] à lui rembourser les indemnités versées à M.[S], dans la limite de 6 mois d'allocations, soit 12 546,96 euros.

- Condamner la SA [M] au versement de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du 13 décembre 2022 avec fixation de l'affaire à l'audience du 16 janvier 2023.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie, pour l'exposé des prétentions et moyens des parties, aux conclusions qu'elles ont déposées et soutenues à l'audience.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la convention de forfait

Aux termes de l'article L 3121-39 du code du travail dans sa rédaction alors applicable, la conclusion d'une convention individuelle de forfait en heures ou en jours sur l'année est prévue par un accord collectif d'entreprise ou à défaut par la convention ou un accord de branche. L'article L 3121-43 du même code dispose que les cadres disposant d'une autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps et dont la nature des fonctions ne les conduit pas à suivre l'horaire collectif applicable au sein de l'atelier, du service ou de l'équipe auquel ils sont intégrés, peuvent conclure une convention de forfait en jours sur l'année dans la limite de la durée annuelle de travail fixé par l'accord collectif prévu à l'article L 3121-39.

L'article L3121-46 prévoit qu'un entretien annuel individuel doit être organisé par l'employeur avec le salarié ayant conclu une convention de forfait en jours sur l'année, qui porte sur la charge de travail du salarié, l'organisation du travail dans l'entreprise, l'articulation entre l'activité professionnelle et la vie personnelle et familiale ainsi que sur la rémunération du salarié;

Le contrat de travail régularisé le 1er mars 2012 par M. [S] , passé au statut cadre, prévoyait une convention de forfait annuel de 218 jours travaillés 'conformément aux dispositions légales et à celles de l'accord en vigueur dans la société'.

L'employeur se garde de produire l'accord d'entreprise visé dans le contrat de travail prévoyant la conclusion d'une convention individuelle de forfait en jours sur l'année. De son côté, M.[S] verse aux débats les dispositions de la convention collective, qui ne lui sont pas applicables en ce qu'elles ont été étendues par arrêté du 15 février 2019. Au surplus, comme l'a retenu le conseil à juste titre, l'employeur ne rapporte pas la preuve qu'il a satisfait à l'organisation d'un entretien annuel conforme aux prescriptions de l'article L 3121-46 du code du travail. Les entretiens annuels d'évaluation de M.[S] depuis 2012 ne comportent aucune référence prévue par la loi quant à l'évaluation de sa charge de travail, l'organisation du travail dans l'entreprise, l'articulation entre l'activité professionnelle et la vie personnelle et familiale et la rémunération. L'inobservation des règles légales dont le respect est de nature à assurer la protection et la sécurité et de la santé du salarié soumis à un forfait en jours, prive ainsi d'effet la convention individuelle de forfait qui doit être déclarée nulle, par voie de confirmation du jugement.

Sur les heures supplémentaires

La preuve des horaires de travail effectués n'incombe spécialement à aucune des parties et si l'employeur doit être en mesure de fournir des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier de présenter préalablement au juge des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées que le salarié prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

La convention de forfait étant déclarée nulle, M. [S] était soumis au régime général des 35 heures de travail par semaine et produit :

- des tableaux ( pièce 23) pour la période de novembre 2009 à juillet 2016, récapitulant jour par jour, semaine par semaine, ses horaires de travail, ses périodes de pause, ses jours de congés et de RTT .

- un décompte précis de son temps de travail après déduction des pauses déjeuner, et des horaires de travail excédant régulièrement 48 heures hebdomadaires pour la période non prescrite du 6 avril 2015 au 6 juillet 2016, faisant apparaître des heures supplémentaires ( 459,75 HS) avec le détail des majorations (25 % et 50 %), représentant un total de 13 585 euros , outre les congés payés de 1 359 euros.( 459,75 heures ) avec

- ses bulletins de salaires,

- les deux attestations de Mme [F] ancienne Responsable méthodes ( septembre 2013-janvier 2017 après un contrat à durée déterminée/ pièces 18 et 26) confirmant l'amplitude horaire et la charge de travail importante de M.[S], avec lequel elle a travaillé étroitement confronté à des consignes multiples, parfois contradictoires, à des pressions permanentes de la part de la Direction, ' une prise de poste avant 7 heures pour une fin après 18h30 était un fait commun, les repas au lance-pierre, les pauses inexistantes faisaient partie du quotidien de M.[S] et moi. M. [S] descendait dans l'usine pour faire le bilan de la journée après 17h30 et ce pendant parfois pendant plus d'une heure.. En juillet 2016, M.[S] arrivé au bout de ses forces a été contraint d'être mis en arrêt pour épuisement professionnel. J'ai appris plus tard que son remplaçant avec lequel j'ai travaillé au départ avait subi le même sort 8 mois plus tard, M.[X] a fait un burn out. Durant toute l'absence de M.[S] , j'ai été agréablement surprise par l'autonomie dont faisait preuve son équipe.(..)'

- les deux attestations de Mme [T], ancienne Responsable achats et ordonnancements ayant travaillé trois ans avec M.[S], ' il arrivait avant ma prise de poste le matin et nous partions souvent vers 19 heures'. Durant les pauses du midi, je le voyais acheter quelque chose à manger et revenir dans son bureau aussitôt. Il nous disait qu'il n'avait pas le temps de s'asseoir avec nous. Il était sérieux et investi dans son travail.'

- l'attestation de M.[X], son remplaçant ( septembre 2016, juillet 2017), attestant de la charge importante de travail sur le poste occupé par M.[S] , équivalent à 1,5 opérationnel à 50 heures par semaine, d'un management directif, excessif de M.[M] pour lui faire passer plus de temps à l'usine.

Le salarié présente des éléments suffisamment précis auxquels l'employeur peut répondre et ainsi justifier des horaires effectivement réalisés par M.[S].

En réponse, la société appelante se limite à indiquer que M. [S] a établi ce décompte unilatéralement, sans tenir compte de ses pauses en cours de journée et verse à l'appui un tableau avec les déductions des pauses aboutissant à un rappel d'heures supplémentaires de 8 550,72 euros ( pièce 45), ainsi que l'attestation de M.[L] cadre commercial indiquant que, entre avril 2011 et mai 2016, M.[S] commençait ses journées de travail à 8 heures pour les terminer régulièrement vers 16h-16h30 et qu'il le croisait régulièrement à l'extérieur du bâtiment pour le ' café, cigarette', et le témoignage de Mme [Y], ouvrière de production, ayant travaillé depuis 2016 à l'entrepôt pendant 5 mois de l'année, sous la responsabilité de M.[S], présent ' là avant elle mais bien souvent après son arrivée', alors que ses horaires étaient de 8 h à 12h et de 12h45 à 16h15, avec une pause de 15 minutes le matin et l'après -midi, également pour M.[S].

Or, au-delà des critiques sur la durée et la fréquence des pauses que M.[S] a pris soin de déduire dans ses décomptes et que les témoins ayant cotoyé au quotidien le salarié, contrairement à M.[L] et Mme [Y], ont attesté de la brieveté de ses pauses repas, l'employeur ne produit aucun élément justificatif des horaires du salarié. Au surplus, M.[S] observe que Mme [Y] ne travaillait avec lui qu'en période creuse et ne commençait pas son travail à 8 heures mais à 9 heures, ce qui remet en cause la sincérité de son témoignage.

Dans ces conditions, il est justifié de faire droit à la demande de M. [S] qui présente les éléments suffisants et un décompte précis et cohérent faisant ressortir sur la période non prescrite du 6 avril 2015 au 6 juillet 2016, au regard de la saisine de la juridiction au 4 avril 2018, la réalisation de 459,75 heures supplémentaires au taux majoré de 25% et de 50%, représentant un rappel de salaire d'un montant total de 13 585 euros brut, outre les congés payés y afférents, par voie de confirmation du jugement.

Sur le repos compensateur obligatoire

Le salarié qui n'a pas été en mesure du fait de son employeur de formuler une demande de repos compensateur obligatoire au titre des heures supplémentaires accomplies au-delà du contingent annuel d'heures supplémentaires défini par la convention en application de l'article L 3121-11 du code du travail, a droit à l'indemnisation du préjudice subi.

Le salarié a fourni un décompte précis des heures supplémentaires réalisées au-delà du contingent annuel fixé par la loi à 220 heures par an en l'absence de dispositions contraires de la convention collective applicable. Ce décompte établi au titre de la valorisation des heures supplémentaires de 135,75 heures n'ayant pas donné lieu à repos compensateur n'est pas contesté dans son montant par l'employeur , sur la base , dûment établie, d'un taux horaire de 22,40 euros.

Au vu de ce tableau, il sera fait droit à la demande d'indemnisation des repos compensateurs non pris pour l'année 2015 à la somme nette de 3 347,85 euros, s'agissant de dommages-intérêts ne donnant pas lieu à une indemnité de congés payés y afférents.

Sur le travail dissimulé

Selon l'article L 8223-1 du même code, en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel l'employeur a eu recours en commettant les faits prévus à l'article L 8221-5 du même code de travail dissimulé a droit à une indemnité égale à 6 mois de salaire.

Le caractère intentionnel du travail dissimulé ne peut se déduire de la seule application d'une convention de forfait nulle et M. [S] ne caractérise pas au moyen d'autres éléments probants le caractère intentionnel de la dissimulation invoquée, il sera donc débouté de sa demande indemnitaire, nouvelle en appel, sur ce fondement.

Sur la cause réelle et sérieuse du licenciement

La lettre de licenciement du 27 février 2018 qui fixe les limites du litige, est ainsi libellée:

' (...) Votre travail de logisticien consiste notamment à :

- concevoir et mettre en oeuvre une politique de gestion des flux(..),

- optimiser les transports (..),

- animer et améliorer le système logistique, (..)

Vous travaillez ainsi en étroite collaboration avec les magasiniers, les planificateurs, les chauffeurs livreurs et les commerciaux. Vous assurez au quotidien l'effectivité des prises de commandes réalisées par les commerciaux (..) organisez l'expédition des produits, de la préparation des commandes à la remise aux chauffeurs-transporteurs pour livraison auprès de la clientèle de la société. Votre travail est donc essentiel.(..)

Vous êtes absent de l'entreprise depuis le mois de juillet 2016. Votre arrêt de travail est prolongé chaque mois pour une durée d'un mois. Cette situation nous met en difficulté.

Ainsi, pour pallier à vos absences, nous avions confié vos missions à d'autres collaborateurs afin d'assurer la logistique(..) Dans un premier temps, votre charge de travail a été répercutée sur vos collègues de travail notamment la gestion des heures de votre équipe a été basculée sur le service R.H. et la partie administrative et le traitement des litiges ont été assurés par la direction opérationnelle.

Puis, dans un second temps, nous avons recouru à l'embauche externe. Cependant, ce procédé n'a pas donné satisfaction car les personnes ne sont pas formées ou compétentes.(..)

Ceci a entraîné notamment les dysfonctionnements par ricochet qui sont les suivants:

le coût du transport a fortement augmenté en raison du fait que les besoins et moyens de transport n'ont pas été optimisés par les collaborateurs remplaçants(..) De même, l'animation de l'équipe en a pâti. Votre mission est de gérer quatre collaborateurs permanents et une équipe d'intérimaires-saisonniers. Pendant votre absence, nous avons été confrontés à des problématiques d'ajustement car vos remplaçants n'arrivaient pas à adapter le besoin de personnel au regard de la fluctuation d'activité. Comme vous pouvez l'imaginez un simple dysfonctionnement de préparation entraîne une surcharge de travail ...ce type d'anomalie renouvelé trop de fois a fini par détériorer l'ambiance, les tensions se créent entre les services, entre commercial et l'administration des ventes, ADV et logistique. ( ..) Tout ceci nous met dans l'impossibilité d'assurer un service efficace à nos clients et une pérennité de l'activité de l'entreprise.

Cette situation nous contraint donc à devoir vous remplacer de façon définitive.

Nous sommes donc amenés à procéder à votre licenciement dans la mesure où votre absence prolongés depuis le mois de juillet 2016 au sein d'un service essentiel perturbe le bon fonctionnement de notre entreprise et a rendu ainsi nécessaire votre remplacement définitif.

Votre préavis de 3 mois prend effet (immédiatement) pour lequel vous êtes dispensé d'exécution.'

Pour demander l'infirmation du jugement ayant retenu l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement, la société Conserves [M] soutient que l'absence prolongée de M.[S], dont le poste de Responsable logistique est qualifié d'essentiel dans la poursuite de l'activité auprès des collaborateurs et des tiers, est à l'origine de difficultés concrètes dont les preuves fournies n'ont pas été étudiées par le conseil, se traduisant par des difficultés de trouver un remplaçant compétent et par une désorganisation de l'entreprise durant une période de 19 mois d'absence prolongée. L'employeur critique la motivation du jugement, en ce que le remplacement définitif de M.[S] est intervenu avec le recrutement de M.[P] le 5 février 2018, soit avant le licenciement du salarié, peu importe qu'il ait mis fin ultérieurement à la période d'essai du remplaçant et à une nouvelle embauche le 6 août 2018.

M.[S], même s'il invoque dans ses conclusions la nullité de son licenciement pour discrimination, demande dans le dispositif la confirmation du jugement ayant déclaré son licenciement sans cause réelle et sérieuse . Il se fonde sur le fait que la société Conserves [M] ne rapporte pas la preuve des perturbations ayant affecté l'entreprise en lien avec son absence prolongée, notamment au travers de la réalisation d'heures supplémentaires par ses collègues, se borne à évoquer des difficultés pour le remplacer et non pas une impossibilité de le remplacer, qu'enfin, la rupture du contrat de ses remplaçants ne fait que confirmer les dysfonctionnements structurels de l'entreprise, déjà dénoncés par le salarié. Il ajoute que le recrutement de M.[P] en contrat à durée indéterminée le 5 février 2018 est intervenu avant l'engagement de la procédure de licenciement de M.[S] le13 février et que ce salarié a finalement été remercié durant la période d'essai.

Si l'article L 1132-1 du code du travail fait interdiction de licencier un salarié notamment en raison de son état de santé ou de son handicap, ce texte ne s'oppose pas au licenciement motivé non par l'état de santé du salarié mais par la situation objective de l'entreprise dont le fonctionnement est perturbé par l'absence prolongée ou les absences répétées du salarié. Il appartient à l'employeur d'établir à la fois la perturbation engendrée par la prolongation de l'absence du salarié ou ses absences répétées et la nécessité de son remplacement définitif.

Les missions de M.[S] occupant un poste de Responsable logistique sont décrites dans la fiche annexe de son contrat du 1er mars 2012 :

- veiller à la gestion des flux d'informations et de marchandises depuis les achats/approvisionnements auprès de certains fournisseurs la production ou l'exploitation, jusqu'à la livraison des marchandises chez le client,

- collaborer en étroite collaboration avec la production,

- travailler à l'exploitation, avec planification de la distribution des marchandises, optimisation des tournées, recherche des transporteurs, négociation des tarifs des transporteurs, gestion des litiges liés au transport en concertation avec la direction,

- s'occuper du service après-vente,

- en sus de ses missions de base, assurer les tâches courantes afférentes à la gestion d'une équipe de 4 salariés permanents, des saisonniers et intérimaires, à la réalisation des études logistiques.

Pour démontrer les perturbations de l'entreprise nécessitant le remplacement définitif du salarié dès le 5 février 2018, soit une semaine avant l'engagement de la procédure de licenciement de M.[S], la société Conserves [M] verse aux débats:

- les certificats d'arrêts de travail de M.[S] entre le 6 juillet 2016 et le 2 mars 2018,

- les 9 contrats à durée déterminée successifs de M.[X] ayant assuré le remplacement de M.[S] comme Responsable logistique entre le 21 septembre 2016 et le 10 juillet 2017, le salarié ayant fait l'objet d'un arrêt de travail pour maladie entre le 24 juin et le 9 juillet 2017,

- le certificat de travail de M.[W] , recruté à durée indéterminée et parti en cours de période d'essai, pour la période du 10 octobre 2017 au 10 janvier 2018.

- le contrat de travail à durée indéterminée conclu avec M.[P] en qualité de Responsable Logistique à effet au 5 février 2018, ayant pris fin de manière anticipée durant la période d'essai le 6 avril 2018.

- le contrat de travail signé le 3 août 2018 avec un nouveau salarié M.[D], toujours en poste.

- l'attestation de M.[E] Responsable administratif et financier établie le 28 septembre 2018 expliquant que, suite à l'absence de M.[S] le 7 juillet 2016, et depuis cette date, il a été chargé de l'ensemble des tâches relatives à la gestion du personnel dont M.[S] avait la charge ( contrôle des heures du personnel, absences récupérations, planning annuel et plannings individuels).

- l'attestation de Mme [O], assistante gestion, ayant constaté qu'en 2017, durant l'absence de M.[S], les factures reçues étaient signées par la logistique sans contrôle tarifaire réel ce qui n'était pas le cas auparavant.

- les bulletins de salaire de Mme [A] assistante responsable entrepôt durant trois mois - mai à juillet 2018- mentionnant le paiement de quelques heures supplémentaires ( 4 heures en mai et en juin 2018) et le versement de primes mensuelles de 75 à 150 euros en contrepartie de sa surcharge de travail.

- un tableau Excel intitulé ' Litiges transport' ( pièce 19) comparant le montant des litiges entre le 1er semestre 2016 ( 1 128,81 euros ) et le 1er semestre 2017 ( 5 276,94 euros)

- une facture de 72,14 euros du 15 janvier 2016 en lien avec un litige de transport (marchandises manquantes ou invendables ) avec les transports Kuehne Nagel survenu lors d'une livraison le 29 décembre 2015,

- une seconde facture de 129,85 euros du 9 février 2017 en lien avec un litige ( produits cassés et refusés/ produits manquants) l'opposant au même transporteur

- une attestation -non datée -du PDG M.[N] [M] ( pièce 19 ter) expliquant que le coût du transport sur ventes a ' dérivé' à la hausse en 2017 par rapport à l'année 2015-2016 ,

- deux tableaux récapitulant un certain nombre de factures de sociétés d'intérim établies au cours du 1er semestre 2016 et au cours du 1er semestre 2017 , avec une mention ajoutée (' un coût supplémentaire de 9 321,02 euros (+ 29,6 % )' accompagnées de deux factures à titre d'exemples ( 20 mai 2016 et 21 mai 2017) se référant à un recours à du personnel intérimaire ( ouvrier de production).

- une attestation sommaire du cabinet d'expertise comptable KPMG du 12 octobre 2018 ( pièce 20 ter) relative à l'évolution du chiffre d'affaires et du transport sur ventes sur les années 2015:2016 et 2016/2017, sans que le rapport mentionné dans cette attestation soit versé aux débats.

Comme le conseil l'a retenu à juste titre, les éléments fournis par l'employeur ne permettent pas d'établir la réalité de la désorganisation de l'entreprise en lien avec l'absence prolongée de M.[S] entre le mois de juillet 2016 et le mois de février 2018. En effet, la société Conserves [M] se borne à produire des bulletins de salaire d'une assistante responsable entrepôt mentionnant le paiement de primes et de quelques heures supplémentaires effectuées après le licenciement de M.[S] intervenu en février 2018; que le transfert des tâches de gestion des plannings de l'équipe de M.[S], assuré par M.[E] responsable administratif et financier jusqu'au mois de septembre 2018 , n'est pas révélateur d'une quelconque désorganisation de l'entreprise étantrappelé qu'à cette période, M.[S] était remplacé par un salarié en contrat précaire ou avait quitté l'entreprise après son licenciement en février 2018. Concernant le coût du personnel intérimaire dans les entrepôts, l'employeur n'explicite pas en quoi l'absence de M.[S] cadre logisticien, remplacé à cette période dans ses fonctions par M.[X], aurait entraîné un surcroît de travail et une augmentation des heures de travail réalisées par des ouvriers d'exécution au cours du 1er semestre 2017, par rapport au 1er semestre 2016.

Enfin, l'accroissement des litiges avec les transporteurs, observé par l'employeur entre le premier semestre 2016 et le premier semestre 2017, n'est pas significatif d'une désorganisation de l'entreprise durant l'absence prolongée de M.[S], quand bien même ce dernier aurait disposé des moyens utiles pour limiter les incidents lors des transports confiés à des prestataires extérieurs. En effet, l'employeur s'est borné à effectuer une analyse partielle et subjective des résultats, en les limitant à une période de 6 mois ( sur une période globale d'absence de 19 mois ) alors que le poste de M.[S] était pourvu par son remplaçant bénéficiant des mêmes prérogatives pour négocier les litiges avec les transporteurs en concertation avec la Direction, selon sa fiche de poste, et que la hausse des litiges pouvait s'expliquer par d'autres circonstances telles qu'une hausse corrélative de l'activité de l'entreprise et de son chiffre d'affaires, qui a progressé de 9,01 % en 2017 ( attestation de M.[M] pièce 19 ter).

Dans ces conditions, en l'absence de preuve d'une désorganisation de l'entreprise c'est à juste titre que les premiers juges ont considéré que le licenciement de M.[S] était dépourvu de cause réelle et sérieuse. Le jugement sera confirmé sur ce point.

A la date de notification du licenciement, M. [S] percevait une rémunération de base de 3 400 euros brut par mois, avait 53 ans et justifiait d'une ancienneté de plus de 8 ans au sein de l'entreprise. Il est justifié que M.[S] a perçu des indemnités chômage jusqu'au mois de janvier 2019; que son relevé de carrière ne fait mention d'aucun salaire perçu au titre des années 2019 à 2021; que depuis le 1er août 2022, il bénéficie d'une pension d'invalidité aux lieu et place des indemnités journalières. Compte tenu de ses difficultés pour retrouver un nouvel emploi à son âge même à qualification inférieure ( assistant en logistique), il a évalué son préjudice sur la base de 22 269 euros net représentant 6 mois de salaire sur une base qu'il a évaluée à 3 711,51 euros par mois intégrant les heures supplémentaires dont il a obtenu la condamnation de son employeur.

Aux termes de l'article L 1235-3 du code du travail dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 22 septembre 2017, en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, il est alloué au salarié une indemnité comprise entre 3 et 8 mois de salaires compte tenu de son ancienneté.

Compte tenu des circonstances de la rupture, de l'âge, de l'ancienneté du salarié, les premiers juges ont évalué à juste titre à la somme de 22 269 euros les dommages-intérêts au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse. Le jugement sera donc confirmé de ce chef.

Sur les dommages-intérêts pour licenciement discriminatoire

M. [S] considère qu'il a subi une discrimination en raison de son état de santé après qu'il ait annoncé à son employeur le 5 février 2018 qu'il allait reprendre son emploi à mi-temps thérapeutique à la fin du mois de mars 2018.

L'employeur a contesté toute mesure discriminatoire à l'égard de M.[S] en ce qu'il s'est borné dans la lettre de licenciement de mentionner la durée et la fréquence des absences du salarié à l'appui du licenciement pour absence prolongée; que la décision de le remplacer définitivement a été prise le 2 février 2018, lors de la signature du contrat de travail avec son remplaçant alors que l'arrêt de travail de M.[S] était toujours en cours, que M.[S] a averti l'employeur par sms du 5 février 2018 à 19h48 qu'il espérait reprendre en mi-temps thérapeutique fin mars 2018, soit bien après le recrutement de M.[P] alors que ce retour n'était pas imminent en l'absence de toute décision du médecin du travail, seul habilité à se prononcer sur l'aptitude du salarié.

L'article L 1132-1 du code du travail dispose qu'aucun salarié ne doit faire l'objet d'une mesure de discrimination. En cas de litige relatif à la discrimination , le salarié présente des éléments de fait, qui pris dans leur ensemble, laissent supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte en raison d'un motif prohibé par la loi. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

En l'espèce, M.[S] établit que la procédure de licenciement a engagée le 13 février 2018 alors qu'il venait d'annoncer à l'employeur par sms transmis le 5 février 2018 une reprise de son emploi à mi-temps thérapeutique qui pourrait avoir lieu à la fin du mois de mars 2018. Il verse aux débats:

- la copie du sms du 5 février 2018 (à 19h48 pièce 5),

- le courrier de protestation du 14 février 2018 aux termes duquel l'employeur interrogé le jour-même lui a confirmé qu'il était remplacé à titre définitif par un salarié en contrat à durée indéterminée recruté depuis le mois de décembre 2017 et en poste depuis le 5 février 2018, après la période de préavis de son précédent employeur,

- l'attestation de M.[R] conseiller du salarié lors de l'entretien préalable du 22 février 2018.

- la fiche de liaison du médecin de la CPAM en faveur d'une reprise d'activité professionnelle portant mention de l'avis du médecin du travail du 14 février 2018 ' reprise temps partiel thérapeutique paraît possible ( suite illisible)'

- l'attestation de suivi du médecin traitant datée du 16 mars 2018 ' j'ai revu M.[S] le 5 février 2018 et nous envisagions alors une reprise de son activité professionnelle en temps partiel thérapeutique dans le courant du mois de mars 2018".

La chronologie de ces éléments, pris dans leur ensemble, laisse supposer l'existence d'une discrimination en raison de son état de santé.

En défense, la société Conserves [M] se garde de préciser en quoi le recours à un contrat à durée déterminée pour le remplacement temporaire de M.[S] ne pouvait pas être maintenu. Il ne produit aucune pièce objective permettant de caractériser la nécessité d'un remplacement définitif du salarié, alors que des solutions de remplacement temporaire étaient manifestement possibles, avaient d'ailleurs été trouvées dans des délais raisonnables et pouvaient être prolongées par l'employeur avec d'autres remplaçants si nécessaire. Le recrutement de M.[X] dans le cadre de contrats successifs renouvelés à 9 reprises, ayant pris fin à l'issue d'un arrêt maladie de trois semaines à l'échéance normale du contrat à durée déterminée, confirme que le recours à un contrat précaire pouvait être maintenu et qu'il a mené à bien ses missions, contrairement à ce qui est soutenu par la société Conserves [M] défaillante à prouver la désorganisation de son entreprise en lien avec l'absence prolongée de M.[S] et avec la qualité des prestations du remplaçant. La sélection des candidats opérée rapidement par le cabinet de recrutement avec une 'short list' de trois personnes, peu de temps après sa proposition du 16 novembre 2017 ( pièce 35 bis), permet d'exclure toute notion d'urgence dans le remplacement définitif de M.[S] avant même que la procédure de licenciement ne soit engagée à son égard .

La société Conserves [M] échouant à démontrer que sa décision était justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination liée à l'état de santé de M.[S], c'est à juste titre que le conseil a retenu le caractère discriminatoire du licenciement du salarié. Il convient en revanche, au regard des éléments du dossier, de limiter le montant des dommages-intérêts à la somme de 10 000 euros par voie d'infirmation du jugement uniquement sur le quantum de l'indemnisation.

Sur la régularisation de la prime ancienneté

La Convention collective nationale pour les industries de produits alimentaires, prévoit en son article 3 :

' Pour l'application des dispositions de la présente convention qui sont subordonnées à une certaine ancienneté, on déterminera celle-ci en tenant compte :

a) De la " présence continue " dans l'entreprise, c'est-à-dire du temps écoulé depuis la date d'engagement du contrat de travail en cours, sans que soient exclues les périodes pendant lesquelles le contrat a été suspendu, telles que :

- périodes de maladie ou d'accident (..) ;

- autres autorisations d'absences prévues par la convention collective ;

b) De la durée des contrats antérieurs dans l'entreprise, à l'exclusion toutefois de ceux qui auraient été rompus pour faute grave ou lourde.'

L'article 9 de la convention collective applicable prévoit l'attribution d'une prime d'ancienneté au profit des ingénieurs et cadres en fonction de l'ancienneté continue acquise depuis l'entrée dans l'entreprise. Les absences justifiées prévues à l'article 3 des dispositions générales n'affectent pas la continuité de l'ancienneté dans l'entreprise.

Les dispositions conventionnelles sont identiques pour les agents de maîtrise.

Il est établi que M.[S] entré dans l'entreprise le 1er avril 2009 a eu le statut d'agent de maîtrise puis de cadre, sans percevoir la moindre prime d'ancienneté.

C'est donc à juste titre que le conseil a alloué la régularisation de la prime d'ancienneté sur la base de 6 % après 6 ans d'ancienneté à compter du mois de mai 2015, et de 9 % à compter du mois d'avril 2018, représentant un rappel de salaire de 3 534,36 euros outre les congés payés . Le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur le paiement des primes sur objectifs

Le contrat de travail signé le 1er mars 2012 prévoit dans une annexe qu'une prime de 600 euros ser octroyée par trimestre en fonction de la bonne réalisation des objectifs fixés. Le salarié justifie au regard des entretiens annuels du 7 avril 2012 et le 26 avril 2016 de la mention de la prime annuelle sur objectifs de 2 400 euros, réglée par fréquence trimestrielle, ainsi que du versement régulier des primes sur cette base entre le mois de février 2012 à mi-septembre 2014. Le courriel de M.[M] du 30 décembre 2014 confirme en tant que de besoin l'accord de l'employeur sur le montant, le principe et le règlement de cette prime sur objectifs étant précisé que le salarié a toujours atteint les objectifs qui lui avaient été fixés, ce qui n'est pas remis en cause par la société Conserves [M].

Dans ces conditions, il sera fait droit à la demande en paiement de rappel de primes sur objectifs de 2 300 euros sur la période non prescrite de septembre 2014 à juillet 2016, par voie de confirmation du jugement.

Sur le solde de la prime annuelle de 13ème mois

M.[S] maintient sa demande de 825 euros au titre de la fraction de la prime annuelle, qui ne lui a pas été payée durant la période de préavis non effectué des trois mois.

L'employeur s'y oppose au motif que la période de préavis n'a pas été effectué et que la gratification ne peut pas être allouée à un salarié ayant quitté l'entreprise.

Toutefois, les dispositions de la convention ( article 41 ) relatives à la prime anuelle prévoient que le salarié reçoit la fraction de la prime annuelle qui est acquise à la date de cessation d'effet du contrat de travail quel qu'en soit le motif. Il s'en déduit que M.[S] ayant quitté l'effectif le 28 mai 2018, à l'issue d'un préavis de trois mois que l'employeur a pris la décision d'en dispenser le salarié , en dépit de la fin de la période d'arrêt de travail du salarié ( échange courriers 13 et 14), est en droit d'obtenir le paiement de la fraction de la prime annuelle représentant la somme de 825 euros outre les congés payés, et ce par voie de confirmation du jugement.

Sur le rappel de l'indemnité de licenciement

M.[S] présente une demande de 1 609,15 euros au titre d'un reliquat dû sur l'indemnité de licenciement, après prise en compte des heures supplémentaires dont il sollicite le paiement, et sur la base d'un salaire revalorisé à 4 348,43 euros durant la période de référence de juin 2015 à juin 2016.

L'employeur s'y oppose au motif que le salarié n'a pas droit au rappel de salaires pour les heures supplémentaires.

Toutefois, le salarié ayant obtenu le rappel de salaires au titre des heures supplémentaires durant la période servant de base de calcul à l'indemnité de licenciement, il sera fait droit, en l'absence de contestation sérieuse sur le mode de calcul, à sa demande en paiement de la somme nette de 1 609,15 euros au titre de la régularisation de l'indemnité de licenciement.

Sur les dommages-intérêts pour violation de l'obligation de sécurité

M.[S] présente une demande de 15 000 euros de dommages-intérêts pour violation par l'employeur de son obligation de sécurité.

En application de l'article L4121-1 du code du travail, le chef d'entreprise est tenu d'une obligation de sécurité en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l'entreprise et doit prendre toutes les dispositions nécessaires en vue de l'assurer.

Il doit le faire notamment par des actions de prévention des risques professionnels, par la mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.

M.[S] a produit aux débats  :

-des attestations de collègues l'ayant cotoyé au quotidien et qui confirment la grande amplitude horaire de travail , que sa pause méridienne était courte et qu'il mangeait souvent à son bureau sans pouvoir s'assoir avec son équipe. Sa collègue Mme [F] précisant que M.[S] , très investi mais soumis à des pressions de la Direction et à une surcharge de travail 'était arrivé au bout de ses forces en juillet 2016.'

-ses bulletins de salaire qui laissent apparaître qu'il lui restait chaque année des jours non pris, par exemple en juillet 2016 : 32,75 jours de congés non pris en N-1, et 3 jours en N et 2,94 jours RTT non pris,

-des entretiens annuels ne faisant aucune référence prévue par la loi quant à l'évaluation de sa charge de travail, l'organisation du travail dans l'entreprise, l'articulation entre l'activité professionnelle et la vie personnelle et familiale et la rémunération,

- des arrêts de travail successifs depuis le mois de juillet 2016,

- son courrier du 15 mars 2018 faisant mention de sa surcharge de travail récurrente subie entre le 1er mars 2012 et le 7 juillet 2016, entraînant un arrêt maladie pour syndrome d'épuisement professionnel nécessitant un suivi médical et des soins spécialisés,

Par ces éléments concordants, contrairement à ce que soutient la société intimée, M. [S] établit des éléments de fait caractérisant des conditions de travail dégradées susceptibles d'engager l'obligation de sécurité de l'employeur, tenu notamment au contrôle régulier du temps de travail et de la charge de travail de ses salariés.

Il incombe dès lors à la société Conserves [M] de rapporter la preuve qu'elle a pris toutes les mesures nécessaires, y compris préventives, pour assurer la préservation de la santé mentale et physique de son salarié.

Or, elle se borne à critiquer les éléments, pourtant précis et circonstanciés, produits par le salarié, qu'il n'a jamais émis le moindre commentaire au sujet de la conciliation vie privée /vie professionnelle et n'a jamais émis la moindre observation sur sa charge de travail.

L'employeur ne produit pas les relevés des horaires de travail du salarié, n'explique pas les reliquats de jours non pris chaque année par M.[S] . Quant à l'absence de plainte du salarié au sujet de ses conditions de travail, l'engagement professionnel de M.[S] était connu de l'employeur, et ses objectifs remplis chaque année.

La société Conserves [M] ne justifie d'aucune analyse ni contrôle spécifique de l'amplitude des horaires et de la charge de travail de M. [S], soumis à un forfait en jours, qu'elle ne pouvait ignorer, et dont le salarié démontre qu'elles étaient excessives notamment durant les années précédant son arrêt de travail prolongé.

Le manquement de l'employeur à son obligation de sécurité est ainsi établi et le préjudice que M. [S] justifie avoir subi du fait de cette carence doit être réparé par la condamnation de la société à lui payer la somme de 5000 euros à titre de dommages et intérêts.

Sur les autres demandes et les dépens

Les conditions d'application de l'article L 1235-4 du code du travail étant réunies, il convient d'ordonner le remboursement par l'employeur des indemnités de chômage payées au salarié et ce à concurrence de la somme de 12 546,96 euros représentant 6 mois d'indemnités. Le jugement sera complété en ce sens.

Aux termes de l'article R 1234-9 du code du travail, l'employeur doit délivrer au salarié au moment de l'expiration ou de la rupture du contrat de travail, les attestations et justifications lui permettant d'exercer son droit aux prestations sociales.

Il convient en conséquence d'ordonner à l'employeur de délivrer à M. [S] le bulletin de salaire, le certificat de travail et l'attestation pôle emploi conformes aux dispositions du présent arrêt et ce au plus tard dans le mois de la notification du présent arrêt sans qu'il soit nécessaire de prévoir une astreinte.

Il apparaît inéquitable de laisser à la charge de M.[S] les frais non compris dans les dépens. L'employeur sera condamné à lui payer la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel , le jugement déféré étant confirmé en ses dispositions relatives de l'article 700 du code de procédure civile

La demande de Pôle Emploi de ce chef sera rejetée.

L'employeur qui sera débouté de sa demande d'indemnité de procédure sera condamné aux entiers dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

- Confirme le jugement entrepris sauf en ses dispositions concernant le montant des dommages-intérêts en réparation du caractère discriminatoire du licenciement,

Statuant de nouveau du chef infirmé et y ajoutant :

- Condamne la SA Conserves [M] à payer à M. [S] les sommes suivantes:

- 10 000 euros net à titre de dommages-intérêts en réparation du caractère discriminatoire du licenciement,

- 5 000 euros net à titre de dommages-intérêts pour atteinte à la santé au travail,

- 1 609, 15 euros net au titre du rappel sur l'indemnité de licenciement,

- 3 347,85 euros net au titre de l'indemnité de perte des contreparties obligatoires en repos,

- 3 000 euros en cause d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure

civile,

- Dit que les sommes allouées porteront intérêt au taux légal à compter de la date à laquelle l'employeur a accusé réception de sa convocation à comparaître à l'audience du Bureau de conciliation et l'orientation du conseil de prud'hommes, pour les créances salariales et à compter du présent arrêt pour les créances indemnitaires ;

- Ordonne à la société Conserves [M] de délivrer à M. [S] le bulletin de salaire, le certificat de travail et l'attestation pôle emploi conformes aux dispositions du présent arrêt et ce au plus tard dans le mois de la notification du présent arrêt ;

- Condamne la SA Conserves [M] à payer à Pôle Emploi Bretagne la somme de 12 546,96 euros au titre des indemnités chômage servies au salarié ;

- Rejette le surplus des demandes de M.[S],

- Déboute la société Conserves [M] et Pôle Emploi de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamne la société Conserves [M] aux dépens de l'appel.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 7ème ch prud'homale
Numéro d'arrêt : 19/05047
Date de la décision : 30/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-30;19.05047 ?
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