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30/03/2023 | FRANCE | N°19/05201

France | France, Cour d'appel de Rennes, 7ème ch prud'homale, 30 mars 2023, 19/05201


7ème Ch Prud'homale





ARRÊT N°114/2023



N° RG 19/05201 - N° Portalis DBVL-V-B7D-P74U













M. [D] [W]



C/



SA ENEDIS ANCIENNEMENT DENOMMEE ERDF

























Copie exécutoire délivrée

le :



à :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 30 MARS 2023





COM

POSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :



Président : Monsieur Hervé BALLEREAU, Président de chambre,

Assesseur : Madame Liliane LE MERLUS, Conseillère,

Assesseur : Madame Isabelle CHARPENTIER, Conseillère,



GREFFIER :



Madame Françoise DELAUNAY, lors des débats et lors du prononcé



DÉBATS...

7ème Ch Prud'homale

ARRÊT N°114/2023

N° RG 19/05201 - N° Portalis DBVL-V-B7D-P74U

M. [D] [W]

C/

SA ENEDIS ANCIENNEMENT DENOMMEE ERDF

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 30 MARS 2023

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Monsieur Hervé BALLEREAU, Président de chambre,

Assesseur : Madame Liliane LE MERLUS, Conseillère,

Assesseur : Madame Isabelle CHARPENTIER, Conseillère,

GREFFIER :

Madame Françoise DELAUNAY, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 09 Janvier 2023

En présence de Madame [Z] [B], médiatrice judiciaire

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 30 Mars 2023 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats, date à laquelle a été prorogé le délibéré initialement ficé au 16 Mars 2023

****

APPELANT :

Monsieur [D] [W]

né le 25 Juillet 1988 à [Localité 4]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Comparant en personne, assisté de Monsieur DESRUES, délégué syndical

INTIMÉE :

SA ENEDIS ANCIENNEMENT DENOMMEE ERDF

[Adresse 7]

[Localité 3]

Représentée par Me Marie VERRANDO de la SELARL LEXAVOUE RENNES ANGERS, Postulant, avocat au barreau de RENNES substituée par Me SUDRON, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Romain ZANNOU, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

EXPOSÉ DU LITIGE

M. [D] [W] a été engagé par la SA Electricité réseau de distribution de France (ERDF), aujourd'hui SA Enedis, selon un contrat à durée indéterminée en date du 25 mai 2012. Il exerçait les fonctions de technicien intervention réseau, groupe fonctionnel et était rattaché à la direction régionale Bretagne sur le site de [Localité 5].

Les relations entre les parties étaient régies par le statut national des industries électriques et gazières (IEG)du 22 juin 1946.

Le 17 juillet 2013, M. [W] a été victime d'un malaise sur son lieu de travail, suivi d'une hospitalisation(lors de travaux de réfection de lignes suite à un vol de cuivre, chute depuis une nacelle, ayant occasionné une fracture du crâne qui a elle-même été à l'origine de crises d'épilepsie).

Par courrier du 1er octobre 2013, la CPAM des Côtes d'Armor a refusé de reconnaître le caractère professionnel de l'accident et ainsi refusé sa prise en charge au titre des risques professionnels.

La cour d'appel de Bordeaux a, par arrêt du 12 décembre 2019, reconnu le caractère professionnel de cet accident mais a débouté le salarié de sa demande de reconnaissance du caractère professionnel d'une rechute en date du 6 décembre 2013 dont il demandait également la reconnaissance au titre de la législation sur les risques professionnels.

La CDAPH lui a accordé le 4 décembre 2013 la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé, du 3 décembre 2013 au 30 novembre 2018, décision ultérieurement renouvelée, le 5 mars 2019, pour la période du 1 er décembre 2018 au 29 février 2024.

Par courrier électronique du 29 novembre 2013, le médecin du travail a informé la société Enedis qu'une visite de pré-reprise avait lieu ce jour et que M. [W] reviendrait à son poste de travail le 05 décembre 2013, jour de la visite de reprise. Le médecin du travail précisait également que "un avis d'inaptitude sera prononcé lors de la visite de reprise mais que M. [W] sera apte à un poste de bureautique pur, sans port de charge de plus de 15 kg, toute conduite automobile devra être accompagnée dont les trajets domicile-travail".

Le 05 décembre 2013, le médecin du travail a conclu à l'inaptitude au poste de travail et à l'aptitude du salarié à un poste de bureautique pur, avec la restriction précédemment évoquée à la société Enedis, soit sans port de charge de plus de 15 kg. Il reprécisait également dans son avis que "toute conduite automobile devra être accompagnée dont les trajets domicile-travail" .

Il a adressé parallèllement un courriel à l'employeur précisant que M. [W] ne pouvait pas conduire pendant un an.

Le même jour, le responsable de pôle de [Localité 5] a écrit au médecin du travail un courriel précisant que "M. [W] est bien revenu ce jour au travail, je lui ai aménagé un poste dédié bureautique dans le bureau des EDJ pour être en permance avec quelqu'un. Concernant le trajet domicile/travail pour lequel il doit être accompagné, ce transport peut-il se faire dans un véhicule privé (quelques agents de [Localité 5] habitent sur [Localité 6] là même où réside M. [W])ou exclusivement en véhicule "bleu".

La chargée de mission ERDF qualité de vie et de santé au travail a indiqué que le salarié était reçu en entretien exploratoire le 18 décembre prochain avant d'étudier les possibilités en Vendée et que si [D] [W] se trouve dans l'impossibilité totale de venir à la base de [Localité 5] (pas de collègue disponible), cette situation devrait amener son médeicn traitant à renouveler un arrêt de travail.

Le 6 décembre 2013, le médecin du travail a écrit à la chargée de mission ERDF qualité de vie et de santé au travail"je viens de contacter M. [W] et lui ai conseillé d'aller voir son médecin traitant pour qu'il le remette en arrêt de travail. Je pense que le médecin traitant ne présentera pas de difficulté et au besoin je l'appellerai".Il ajoutait "je vous précise également que l'avis d'aptitude en pièce jointe que vous devez avoir en votre possession porte la mention "apte avec restriction"; c'est une erreur de notre logiciel. L'avis signé que l'on envoie au contrat de travail ne portera pas cette mention bien sûr".

Le même jour, M. [W] a été placé en arrêt de travail, prolongé à plusieurs reprises jusqu'au 16 avril 2015, date à laquelle le médecin-conseil des industries électriques et gazières a placé le salarié en longue maladie avec effet rétroactif au 17 juillet 2013.

Au cours de sa période d'arrêt de travail, la rémunération de M. [W] a été maintenue, conformément aux dispositions spécifiques au statut des IEG au niveau de son salaire intégral, allocations et avantages de toute nature inclus, à l'exception des indemnités de fonction, soit à hauteur de 1 643,62 euros pendant 3 ans puis ensuite à hauteur de demi salaire.

Par courrier recommandé du 7 juillet 2017, M. [W] a écrit à l'employeur qu'il avait été déclaré inapte à son poste par le médecin du travail le 5 décembre 2013 et qu'il n'avait pas reçu de proposition de reclassement, perdant même depuis juillet 2016 le traitement intégral prévu par le code du travail en cas de défaut de reclassement.

Le 15 février 2018, le médecin-conseil a ordonné une expertise médicale effectuée par un neurologue expert qui a conclu à l'aptitude de M. [W] à exercer une activité professionnelle.

Cet avis d'aptitude a été adressé au médecin traitant et au médecin-conseil du régime particulier des industries électriques et gazières.

Le 05 mars 2018, la SA Enedis a notifié à M. [W] sa reprise du travail après expertise médicale, lui précisant que le médecin expert considérait que son état de santé lui permettait d'exercer une activité professionnelle à temps plein et elle l'a invité à se présenter au travail le 12 mars 2018 et à se présenter à la visite de reprise le 12 mars 2018 à 15 heures.

La société précisait qu'à défaut de réponse à cette convocation, les prestations versées au titre de l'article 22 du statut national du personnel des industries électriques et gazières seraient suspendues. Elle l'informait également du délai et des modalités de recours contre les conclusions de l'expertise.

Par courrier en date du 09 mars 2018, M. [W] a contesté auprès de la direction régionale Bretagne les dispositions envisagées, à savoir une éventuelle suspension de sa rémunération, a indiqué qu'il n'avait cessé de demander antérieurement en vain son reclassement.

Dans l'attente de l'instruction du dossier, le 26 mars 2018, la société Enedis a informé M. [W] d'une retenue sur son salaire sur le mois d'avril 2018 pour absence injustifiée. La mesure n'a cependant pas été appliquée.

Le 17 avril 2018, M. [W] a saisi la formation de référé du conseil de prud'hommes de Saint-Brieuc afin qu'elle fixe son salaire brut de référence à 2 917,70 euros et prescrive des mesures conservatoires de salaire. Par ordonnance en date du 12 juin 2018, la formation de référé du conseil de prud'hommes s'est déclarée incompétente et a débouté M. [W] de l'ensemble ses demandes.

Le 06 juin 2018, une réunion préparatoire au retour à l'emploi de M. [W] a eu lieu.

Les refus réitérés de M. [W] de se présenter devant le médecin du travail les 12 mars, 20 juin et 10 juillet 2018, ont conduit l'employeur à cesser le versement de ses salaires en raison de son absence injustifiée et à engager une procédure disciplinaire.

Au cours de la procédure disciplinaire, M. [W] a saisi le conseil de prud'hommes de Saint-Brieuc le 26 juin 2018, considérant que le médecin du travail a rendu un avis d'inaptitude le 05 décembre 2013.

Le 05 septembre 2018, M. [W] s'est vu notifier un blâme avec inscription au dossier pour refus répété et délibéré de se présenter devant le médecin du travail.

Le 27 septembre 2018, M. [W] a de nouveau saisi la formation de référé du conseil de prud'hommes afin de faire reconnaître la validité de l'inaptitude du 05 décembre 2013, fixer son salaire mensuel brut de référence à 2 917,70 euros et prendre les mesures conservatrices de salaire. Par décision du 13 novembre 2018, le conseil de prud'hommes s'est déclaré incompétent à reconnaître la validité de l'inaptitude du 05 décembre 2013 et déclaré irrecevables les demandes de M. [W].

Par courrier recommandé du 29 octobre 2018, M. [W] a mis en demeure son employeur de respecter le cadre légal de l'inaptitude.

M. [W] ayant refusé de se rendre à la visite médicale du médecin du travail le 05 novembre 2018, il a été convoqué à un entretien préalable à une sanction disciplinaire fixé au 04 décembre suivant.

M. [W] ne s'étant pas rendu à l'entretien, le 28 décembre 2018, la SA Enedis a déféré le salarié devant la Commission secondaire du personnel siégeant en conseil de discipline en vue de l'application d'une sanction disciplinaire.

Par courrier du 02 mai 2019, la société Enedis notifiait à M. [W] sa mise à la retraite d'office pour absence injustifiée et refus de se soumettre à un examen médical obligatoire de reprise sans motif légitime.

M. [W] a par la suite saisi le conseil de prud'hommes de Rennes le 02 septembre 2019 pour contester sa mise en inactivité d'office.

***

Dans le cadre de sa saisine du conseil de prud'hommes de Saint-Brieuc par requête en date du 26 juin 2018, M. [W] a demandé au juge prudhomal de:

- Reconnaître la validité de l'inaptitude du 05 décembre 2013,

- Dire et juger bien fondée l'obligation de reclassement incombant à l'employeur.

- Dire et juger bien fondée l'obligation de ré-entraînement au travail incombant à l'employeur.

- Fixer le salaire mensuel brut de référence à 2 917,70 euros.

- Rétablir le maintien de salaire à hauteur de 2 917,70 euros.

- Dire et juger bien fondée le niveau de rémunération du reclassement au NR 175.

- Condamner la SA Enedis GRDF DR Bretagne au paiement des sommes de:

- 34 541,84 euros au titre de rappel de salaire pour l'année 2014.

- 35 012,44 euros au titre de rappel de salaire pour l'année 2015.

- 35 012,44 euros au titre de rappel de salaire pour l'année 2016.

- 35 012,44 euros au titre de rappel de salaire pour l'année 2017.

- 21 212,12 euros au titre de rappel de salaire pour l'année 2018 et de toutes les sommes à venir à ce titre.

- Condamner la SA Enedis GRDF DR Bretagne au paiement des sommes de:

- 1 285, 63 au titre de rappel de gratification de l'année 2014.

- 1 280, 74 euros au titre de rappel de gratification de l'année 2015.

- 1 652,37 euros au titre de rappel de gratification de l'année 2016.

- 2 095,89 euros au titre de rappel de gratification de l'année 2017 et de toutes les sommes à venir à ce titre.

- Condamner la SA Enedis GRDF DR Bretagne au paiement des sommes de:

- 881,78 euros au titre de réévaluation de la prime de naissance de 2016.

- 1 458,85 euros au titre de réévaluation de la prime de naissance de 2018.

- Condamner la SA Enedis GRDF DR Bretagne au paiement des sommes de:

- 3 847,50 euros au titre d'indemnité de congés payés pour l'année 2014.

- 3 847,50 euros au titre d'indemnité de congés payés pour l'année 2015.

- 3 847,50 euros au titre d'indemnité de congés payés pour l'année 2016.

- 3 847,50 euros au titre d'indemnité de congés payés pour l'année 2017 et de toutes les sommes à venir à ce titre.

- Condamner la SA Enedis GRDF DR Bretagne au paiement des sommes de:

- 2 603,31 euros au titre de l'intérêt à taux légal pour l'année 2017.

- 5 789,32 euros au titre de l'intérêt à taux légal pour l'année 2018 et de toutes les sommes à venir à ce titre.

- Annuler toutes les sanctions disciplinaires constatées.

- Condamner la SA Enedis GRDF DR Bretagne au paiement des sommes de:

- 25 000euros à titre de dommages intérêts pour privation du paiement de salaire.

- 25 000euros à titre de dommages intérêts pour préjudice moral distinct.

- 25 000 euros à titre de dommages intérêts pour préjudice matériel.

- Condamner la SA Enedis GRDF DR Bretagne à la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- Condamner la SA Enedis GRDF DR Bretagne aux entiers dépens.

- Prononcer une astreinte de 90 euros par jour de retard, à compter d'un délai de 30 jours suivant la notification du jugement.

La SA Enedis GRDF Bretagne a demandé au conseil de prud'hommes de :

In limine litis,

- Dire irrecevables les demandes formulées par M. [W].

À titre principal,

- Dire injustifiées les demandes formulées par M. [W].

- Débouter M. [W] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions.

À titre subsidiaire,

- Dire que les sommes perçues par M. [W] u titre du dispositif statutaire de longue maladie doivent être déduites des sommes auxquelles M. [W] pourrait prétendre au titre du régime légal d'inaptitude.

En tout état de cause,

- Rejeter la demande formulée par M. [W] au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- Condamner M. [W] à payer à la société Enedis la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Par jugement date du 03 juillet 2019, le conseil de prud'hommes de Saint-Brieuc a :

- Dit que l'avis médical délivré le 05 décembre 2013 est un avis d'aptitude avec restrictions.

En conséquence,

- Débouté M. [D] [W] de toutes ses demandes.

- Condamné M. [D] [W] à verser à la SA Enedis la somme de 50 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

- Débouté la SA Enedis du surplus de ses demandes.

- Condamné M. [D] [W] aux entiers dépens, y compris les frais éventuels d'exécution.

***

M. [W] a régulièrement interjeté appel de cette décision par déclaration au greffe en date du 29 juillet 2019.

En l'état de ses dernières conclusions adressées par M. [P] [K], défenseur syndical, par courrier recommandé avec accusé de réception le 26 mai 2020, M. [W] demande à la cour d'appel de :

- Infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Saint-Brieuc rendu le 03 juillet 2019.

Statuant à nouveau

- Déclarer recevables les prétentions salariales et indemnitaires de M. [W], y compris les demandes nouvelles en appel.

- Juger que la SA Enedis n'a pas respecté l'obligation de reclassement prévue à l'article L. 1226-2 du code du travail et le maintien de salaire qui en découle.

- Fixer le salaire mensuel brut de référence de M. [W] au titre de l'article L. 1226-4 du code du travail à la somme de 2 860,43 euros.

- Condamner la SA Enedis au paiement d'un rappel de salaires d'un montant de 107 859,65 euros.

- Condamner la SA Enedis au paiement d'une indemnité compensatrice de congés d'un montant de 10 785,96 euros.

- Condamner la SA Enedis au paiement d'un rappel de gratification d'un montant de 8 907,81 euros et d'une indemnité compensatrice de congés afférente de 890,78 euros.

- Condamner la SA Enedis au paiement des rappels de primes de naissance de 2 084,16 euros et d'une indemnité compensatrice de congés payés afférents de 208,41 euros.

- Condamner la SA Enedis au paiement des indemnités d'astreinte, soit 4 897,15 euros et l'ICPP afférente soit 489,71 euros.

- Condamner la SA Enedis à la somme de 2 890 euros pour le préjudice résultant de l'absence de rééducation et de ré-entraînement.

- Condamner la SA Enedis au paiement de dommages et intérêts correspondant à 7 mois de salaires soit la somme de 20 000 euros pour préjudice de privation de salaire.

- Condamner la SA Enedis à une somme correspondant à 3 mois de salaires soit 8 580 euros pour le préjudice moral.

- Annuler la sanction de privation de salaire à partir du 16 juillet 2018 et le blâme infligé le 05 septembre 2018.

- Condamner la SA Enedis à la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- Condamner la SA Enedis aux entiers dépens et aux frais d'exécution.

- Condamner la SA Enedis à l'intérêt légal et à sa capitalisation.

En l'état de ses dernières conclusions transmises par son conseil sur le RPVA le 02 janvier 2020, la SA Enedis demande à la cour d'appel de :

- La recevoir en son appel incident et le déclarant fondé,

A titre principal :

- Infirmer le jugement dont appel en ce qu'il a rejeté le moyen d'irrecevabilité fondé sur la prescription de la contestation de l'avis médical ou son application par l'employeur

Et, statuant à nouveau :

- Dire et juger irrecevables les demandes formulées par Monsieur [W]

A titre subsidiaire :

- Confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a débouté Monsieur [W] de l'ensemble de ses demandes

A titre très subsidiaire :

- Dire et juger que les sommes perçues par Monsieur [W] au titre du dispositif statutaire de longue maladie doivent être déduites des sommes auxquelles Monsieur [W] pourrait prétendre au titre du régime légal de l'inaptitude

En toute hypothèse :

- Débouter Monsieur [W] de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- Condamner Monsieur [W] à payer à la société Enedis la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de la présente instance avec distraction au profit de l'avocat soussigné aux offres de droit.

***

La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du conseiller de la mise en état le 13 décembre 2022 avec fixation de la présente affaire à l'audience du 09 janvier 2023.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie, pour l'exposé des prétentions et moyens des parties, aux conclusions qu'elles ont déposées et soutenues oralement à l'audience.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Pour contester l'irrecevabilité pour prescription de son action soulevée par la société intimée, M. [W] fait valoir que le délai de prescription a été interrompu par la saisine de la formation de référés du conseil des prud'hommes de St Brieuc le 17 avril 2018, et également, en application de l'article 2240 du code civil, par la reconnaissance par la société Enedis de son droit à être reclassé et à obtenir le maintien de son salaire, celle-ci ayant réglé, même partiellement, son salaire de 2014 à 2018 ; que les actions en réparation d'un dommage corporel causé à l'occasion du contrat de travail se prescrivent par 10 ans en application de l'article 2226 du code civil ; qu'en outre "fraus omnia corrumpit"et, que, la société ayant voulu s'exonérer frauduleusement de son obligation de reclassement et de maintien intégral du salaire qui sont d'ordre public, en appliquant le statut des IEG (Energies Electriques et Gazières) pour ne pas appliquer les droits relatifs à l'inaptitude, elle ne peut se prévaloir des délais habituels de prescription ; il affirme que la société est forclose dans sa contestation de l'avis d'inaptitude, l'avis non contesté du médecin du travail s'imposant à tous.

Il critique le conseil de prud'hommes en ce que, reprenant à son compte une attestation du médecin du travail en date du 12 février 2019 selon laquelle celui-ci indiquait avoir rendu le 5 décembre 2013 un avis d'aptitude avec restrictions et non un avis d'inaptitude, alors que par un message à la direction du 6 décembre 2013 ce médecin avait alerté sur l'erreur commise par le logiciel qui avait indiqué une aptitude, il a commis une erreur de droit en concluant, pour le débouter de l'ensemble de ses demandes, que, "dès lors que le médecin du travail n'a pas rendu d'avis d'inaptitude, l'employeur n'est pas soumis à la législation applicable"(à l'inaptitude).

La société Enedis fait valoir in limine litis l'irrecevabilité des demandes de M. [W] au motif que celui-ci n'a pas contesté l'avis du médecin du travail du 5 décembre 2013 dans le délai de 2 mois prévu par l'article R 4624-35 du code du travail et que sa contestation de l'application qui en a été faite par l'employeur n'est plus non plus recevable en application de l'article L1471 du code du travail, M. [W] ayant eu connaissance de ce qu'il ne bénéficiait pas du régime de l'inaptitude, dès le 5 décembre 2013 et au plus tard dès son placement en position de longue maladie par le médecin conseil le 16 avril 2015 à effet rétroactif au 17 juillet 2013;

elle ajoute que la réparation d'un prétendu préjudice corporel ne relève pas de la compétence du conseil de prud'hommes et que la prescription, acquise, ne peut faire l'objet d'une exonération procédant d'une prétendue fraude.

Sur le fond des demandes, elle fait valoir que M. [W] se prévaut à tort du régime de l'inaptitude car :

-le médecin n'a pas suivi la procédure propre à l'inaptitude, n'a pas fait d'étude de poste,

-son avis est un avis d'aptitude,

-le salarié, ayant repris le travail le 5 décembre 2013 et été affecté à un poste en bureautique pur avant d'être placé de nouveau en arrêt maladie, ne pouvait désormais se trouver sous le régime légal de l'inaptitude, à supposer qu'il l'ait jamais été,

-il relève du dispositif de la longue maladie et a été déclaré apte par le médecin conseil à reprendre une activité professionnelle le 15 février 2018,

-ses demandes visant à faire annuler toutes les "sanctions disciplinaires constatées" est injustifiée et illégitime.

Subsidiairement, s'agissant des demandes salariales, elle fait valoir que celles portant sur la période antérieure au 26 juin 2015 sont prescrites et qu'en tout état de cause il ne peut cumuler les salaires au titre d'une inaptitude légale et les salaires perçus au titre du dispositif statutaire longue maladie.

Sur la prescription de l'action de M. [W]

M. [W], qui demande seulement à la cour de dire que "l'avis du médecin du travail du 5 décembre 2013 est un avis d'inaptitude au poste antérieur de technicien intervention réseau, contrairement à l'interprétation erronée qu'en a faite le conseil de prud'hommes", ne constitue pas une contestation de l'avis médical relevant de la procédure de l'article R 4624-35 du code du travail, mais une simple demande de qualification par la juridiction de cet avis et n'est donc pas prescrite sur le fondement du texte précité ; en application de l'article L1471-1 du code du travail, qui stipule que toute action portant sur l'exécution du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit, c'est à compter du 26 avril 2016 que M. [W] a connu les faits lui permettant d'exercer son droit, correspondant à la date à laquelle l'employeur lui a notifié, conformément à l'article 10 de l'arrêté du 13 septembre 2011 portant règlement spécial du contrôle médical du régime spécial de sécurité sociale des industries électriques et gazières, la décision du 16 avril 2015 du médecin conseil le plaçant en position de longue maladie avec retroactivité au 17 juillet 2013. La saisine de la formation de référé du conseil des prud'hommes en date du 17 avril 2018, dans le cadre de laquelle le salarié demandait un maintien de salaire sur la base de calcul du salaire dû tel que fixé par l'article L1226-10 du code du travail, a interrompu la prescription. Il est à relever que la situation était complexe puisque le médecin du travail avait visé dans un mail à l'employeur du 29 novembre 2013 à la fois le régime de l'inaptitude et les règles du statut (L1226-10 du code du travail et Pers 268), ce qui pouvait être source de confusion, et la demande de clarification que le salarié avait adressée à l'employeur par LR-AR le 7 juillet 2017 n'a reçu de réponse claire, sur le positionnement de l'employeur, quant à l'application ou non du régime de l'inaptitude, que le 18 juillet 2018.

La fin de non recevoir tirée de la prescription de l'action de M. [W] doit donc être rejetée, et le jugement entrepris complété sur ce chef car, s'il s'est prononcé en ce sens dans sa motivation, le dispositif ne contient pas de disposition sur ce point.

Sur l'avis du médecin du travail du 5 décembre 2013

Aux termes de l'article R 4624-31 du code du travail dans sa rédaction applicable à l'espèce :

"Le médecin du travail ne peut constater l'inaptitude médicale du salarié à son poste de travail que s'il a réalisé:

1° Une étude de ce poste ;

2° Une étude des conditions de travail dans l'entreprise ;

3° Deux examens médicaux de l'intéressé espacés de deux semaines, accompagnés, le cas échéant, des examens complémentaires.

Lorsque le maintien du salarié à son poste de travail entraîne un danger immédiat pour sa santé ou sa sécurité ou celles des tiers ou lorsqu'un examen de préreprise a eu lieu dans un délai de trente jours au plus, l'avis d'inaptitude médicale peut être délivré en un seul examen."

En l'état de la législation applicable, une visite de pré reprise ayant été effectuée dans un délai de 30 jours au plus de la visite de reprise alors que le salarié avait fait l'objet d'un arrêt de travail d'une durée de 3 mois au moins, en application de l'article R 4624-20 du code du travail, l'avis d'inaptitude médicale pouvait être délivré en un seul examen.

L'article D4624-47 du code du travail précisait que

"A l'issue de chacun des examens médicaux prévus à la section 2, le médecin du travail établit une fiche médicale d'aptitude en double exemplaire.

Il en remet un exemplaire au salarié et transmet l'autre à l'employeur, qui le conserve pour être présenté à tout moment, sur leur demande, à l'inspecteur du travail et au médecin inspecteur du travail.

Lorsque le médecin du travail constate que l'inaptitude du salarié est susceptible d'être en lien avec un accident ou une maladie d'origine professionnelle, il remet à ce dernier le formulaire de demande prévu à l'article D. 433-3 du code de la sécurité sociale."L'article D4624-49 du même code précisait que le modèle des fiches d'aptitude et des fiches médicales était fixé par arrêté du ministre chargé du travail.

Le fait que l'avis du médecin du travail du 5 décembre 2013 porte en en-tête "avis d'aptitude", en visant les articles D4624-47 et 49 du code du travail est donc sans conséquence, alors qu'il résulte de la teneur de ses conclusions que l'avis rendu est un avis d'inaptitude au poste de travail, accompagné de la précision que le salarié était apte à un poste de bureautique pur, sans port de charge de plus de 15 kg, conduite automobile accompagnée pour tout déplacement, même les trajets domicile travail, ce conformément à l'article R4624-2 du code du travail qui disposait que :

"L'examen de reprise a pour objet :

1° de délivrer l'avis d'aptitude médicale du salarié à reprendre son poste ;

2° de préconiser l'aménagement, l'adaptation du poste ou le reclassement du salarié;

3° d'examiner les propositions d'aménagement, d'adaptation du poste ou de reclassement faites par l'employeur à la suite des préconisations émises par le médecin du travail lors de la visite de préreprise"

Et en conformité aussi avec l'information à l'employeur donnée le 29 novembre 2013 par le médecin du travail lequel précisait qu'il voyait le jour-même M. [W] en préreprise, que celui-ci reviendrait à son poste de travail le 5 décembre 2013 (c'est à dire reprendrait le travail le 5 décembre 2013) et qu'il le verrait à cet effet en visite de reprise ce jour-là, qu'il prononcerait un avis d'inaptitude à son poste de travail et que le salarié serait apte à un poste de bureautique pur, sans port de charge de plus de 15 kg, conduite automobile accompagnée pour tout déplacement, même les trajets domicile travail, précisant même que "au titre de l'article L1226-10 je pourrai vous reformuler l'ensemble par écrit au profit d'une future Pers 268."

Il convient de rappeler que l'article L1226-10 du code du travail disposait que "lorsque, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à un accident du travail ou à une maladie professionnelle, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités.

Cette proposition prend en compte, après avis des délégués du personnel, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existant dans l'entreprise. Dans les entreprises d'au moins cinquante salariés, le médecin du travail formule également des indications sur l'aptitude du salarié à bénéficier d'une formation destinée à lui proposer un poste adapté.

L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes ou aménagement du temps de travail."

L'avis du médecin du travail mentionnait l'article R4624-35 du code du travail en précisant les formes et délais de recours contre l'avis.

A défaut de recours contre cet avis, l'avis du médecin du travail du 5 décembre 2013, qui est un avis d'inaptitude, s'impose à tous et notamment au juge, comme le fait valoir M. [W], peu important l'indication contraire donnée oralement par le médecin du travail devant la commission secondaire du personnel le 12 février 2019, ou la mention d'une aptitude avec restriction dans un courriel du 6 décembre 2013 qui ne correspond à aucun avis produit aux débats et il n'appartient pas au juge judiciaire, en l'état de la législation alors applicable, de se prononcer sur le respect par le médecin du travail de son obligation de procéder à une étude de poste et des conditions de travail dans l'entreprise.

Un poste de bureautique pur correspond à des fonctions très différentes de celles de technicien intervention réseau et M. [W] n'a reçu aucune demande d'accord pour une proposition de poste de bureautique précisément défini, ou de modification de son contrat de travail, et a été placé en arrêt de travail dès le 6 décembre 2013, la difficulté tenant à la nécessité d'un accompagnement à la conduite automobile pour les trajets domicile travail n'ayant pas été tranchée. Il est mentionné dans le procès verbal de réunion ordinaire du 22 mai 2014 du CHSCT (pièce 11 de l'appelant) que son emploi " a été republié, l'agent ayant été déclaré inapte à son activité". M. [W] n'a donc pas été reclassé, alors que l'avis d'inaptitude du 5 décembre 2013 avait eu pour conséquence de mettre fin à la période de suspension du contrat de travail, peu important que le salarié ait été couvert par un arrêt de travail ultérieur, la délivrance de nouveaux arrêts de travail postérieurs à la déclaration d'inaptitude n'étant pas de nature à ouvrir une nouvelle suspension du contrat de travail et à tenir en échec le régime juridique d'ordre public applicable à l'inaptitude.

Sur les demandes de rappel de rémunération

En application de l'article L1226-4 du code du travail, "lorsque, à l'issue d'un mois à compter de la date de l'examen médical de reprise du travail, le salarié déclaré inapte n'est pas reclassé dans l'entreprise ou s'il n'est pas licencié, l'employeur lui verse, dès l'expiration de ce délai, le salaire correspondant à l'emploi que celui-ci occupait avant la suspension de son contrat de travail."

En l'espèce, l'employeur, qui n'a pas reclassé le salarié dans le délai précité, était tenu de reprendre les éléments constituant la rémunération antérieurement perçue, sur la base du salaire moyen de 2860,43 euros bruts par mois, et reste devoir la différence entre ce montant et celui effectivement perçu par le salarié au vu de ses bulletins de salaire, soit la somme totale de 77 889 euros bruts de rappel de salaire pour les années 2014, 2015, 2016, 2017 et 2018, outre 7 788,90 euros bruts de congés payés afférents.

Sont dus également des rappels de :

-8907,81 euros au titre de rappel de gratifications, outre 890,78 euros de congés payés afférents,

-2084,16 euros au titre de rappel de primes de naissance, outre 208,41 euros de congés payés afférents.

La SA Enedis sera par conséquent condamnée à payer ces sommes à M. [W], en infirmation du jugement entrepris.

La moyenne de salaire retenue incluant les indemnités d'astreinte, la demande spécifique à ce titre n'est pas justifiée et M. [W] doit par conséquent en être débouté.

Sur la demande de dommages et intérêts pour défaut de réentraînement au travail d'un travailleur handicapé

M. [W] fait valoir qu'il a été reconnu travailleur handicapé le 4 décembre 2013, décision renouvelée le 5 mars 2019, ce dont l'employeur a été informé, et que l'avis nécessaire a été donné par le Dr [H] le 19 novembre 2014, lors du bilan neuropsychologique effectué à la demande de la direction d'ERDF, mais que l'employeur n'a pas respecté son obligation résultant des articles L5213-3 et 5213-5 du code du travail, le privant ainsi de possibilités de rééducation qui lui auraient permis de reprendre le travail dans de bonnes conditions et au plus près de chez lui, son épouse travaillant en Vendée dans un établissement de la SA Enedis, département où la famille s'est établie depuis le début de l'année 2014.

La SA Enedis réplique que M. [W] a été placé en arrêt maladie du 6 décembre 2013 au 15 février 2018 et que, le contrat étant suspendu, il ne saurait lui être reproché de ne pas avoir mis en oeuvre une quelconque activité professionnelle ou ré-entraînement alors que le salarié avait été déclaré incapable de travailler et qu'il a volontairement fait obstruction à tout retour à l'emploi pendant plusieurs mois en refusant systématiquement de se rendre aux visites médicales de reprise organisées.

***

L'article L5213-3 du code du travail dispose que tout travailleur handicapé peut bénéficier d'une réadaptation, d'une rééducation ou d'une formation professionnelle, disposition applicable aux établissements ou groupes d'établissement appartenant à une même activité de plus de cinq mille salariés, qui assurent une telle mesure, après avis médical.

Cependant M. [W] a été placé, de fait, sous le régime de la longue maladie, qu'il n'a pas remis en cause jusqu'à ce que le médecin conseil le déclare apte à exercer une activité professionnelle. Il ne justifie compte tenu de ces circonstances d'aucun préjudice et doit être débouté de sa demande de dommages et intérêts, en confirmation du jugement.

Sur les demandes relatives aux sanctions disciplinaires

M. [W] critique le jugement entrepris en ce qu'il a considéré que, étant "en absence injustifiée depuis le 12 mars 2018 à défaut de s'être soumis à l'examen médical de reprise du travail les sanctions disciplinaires applicables en la matière (étaient) justifiées", alors qu'il n'avait pas été reclassé depuis l'avis d'inaptitude et que dans ce cadre la notion d'absence injustifiée n'a pas de sens."Il ajoute, mais "pour le seul besoin du raisonnement"que les démarches de la société Enedis ne respectent ni la forme ni le fond d'une procédure discipinaire classique au sein des industries électriques et gazières.

La société Enedis fait valoir qu'elle a rappelé à M. [W] par courrier du 18 juin 2018 que la visite de reprise était obligatoire conformément à l'article R4624-31 du code du travail, par courrier du 6 juillet 2018 que cette visite était nécessaire pour permettre un avis sur la comptabilité de son poste de travail et de son état de santé actuel et pour un éventuel aménagement de poste ou reclassement, puis par courrier du 18 juillet 2018 que cette visite était obligatoire et que ses refus réitérés et injustifiés l'obligeaient à ne plus lui maintenir sa rémunération, avant de lui indiquer par courrier du 27 août 2018 que son refus répété, sans motif légitime, de la visite de reprise, le plaçait en absence injustifiée. Elle approuve donc les premiers juges en ce qu'ils ont dit qu'il pouvait être légitimement sanctionné, mais elle précise que l'absence de versement de la rémunération depuis le 12 mars 2018 ne constitue pas une sanction disciplinaire mais est seulement la conséquence de l'absence de prestation de travail du salarié.

***

La suspension du versement de la rémunération de M. [W] à partir du moment où, le médecin conseil l'ayant déclaré apte à reprendre un emploi, il ne s'est pas présenté à la visite de reprise, n'est que la conséquence du régime de la longue maladie appliqué par l'employeur au salarié, quand bien même elle l'a été de manière erronée, et ne constitue donc pas une sanction.

Mais M. [W], qui avait fait l'objet d'un avis d'inaptitude n'avait pas à se soumettre à un nouvel examen de reprise, sauf à avoir reçu une proposition de poste de reclassement ce qui n'était pas le cas, de sorte que la sanction de blâme avec inscription au dossier qui lui a été infligée le 5 septembre 2018 ne peut qu'être annulée, en infirmation du jugement sur ce point.

Sur les demandes de dommages et intérêts pour préjudice résultant de l'exécution fautive et déloyale de la relation de travail

M. [W] fait valoir que l'acharnement disciplinaire dont il a été victime pendant toute la période dite "de reclassement" traduit la mauvaise foi de son employeur et sa volonté de l'atteindre jusqu'au cercle personnel et familial, les nombreuses sanctions injustifées n'ayant pas eu des conséquences que sur sa carrière professionnelle mais ont constitué une atteinte psychologique et morale et l'ont mis en grande difficulté financière.

La société Enedis réplique que pour M. [W], le seul fait qu'elle n'accepte pas ses demandes et contredise la présentation erronée qu'il fait de sa situation équivaudrait à une "mauvaise foi caractérisée" ou une "déloyauté", et que, ce faisant, il refuse le principe même d'un débat judiciaire qu'il a lui-même engendré.

***

Il incombe à M. [W] de rapporter la preuve de la faute de la société Enedis et de caractériser son préjudice.

En l'espèce, il se trouvait en arrêt de travail et a bénéficié, pendant une période de 5 ans, d'un régime spécifique évitant une rupture du contrat de travail alors même que son état ne permettait pas un reclassement effectif, situation qu'il n'a remise en cause qu'au terme des 5 ans . Il n'établit pas que cette situation, alors même que sa demande de rappel de sommes à caractère salarial est satisfaite, lui ait causé un préjudice allant au-delà de celui réparé par l'allocation de ces sommes. D'autre part, l'ambivalence des conclusions du médecin du travail a créé un imbroglio tel que la faute contractuelle de l'employeur, tenu à l'application des règles du régime de sécurité sociale propre au statut des IEG, n'est pas caractérisée.

M. [W] doit être débouté de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral et financier, en confirmation du jugement.

Il convient de rappeler que les sommes à caractère salarial produisent intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation et les sommes à caractère indemnitaire à compter de la décision les ordonnant ; il sera fait droit à la demande de capitalisation des intérêts légaux.

Il est inéquitable de laisser à M. [W] ses frais irrépétibles de première instance et d'appel qui seront mis à la charge de la société intimée, à hauteur de 2000 euros. La société Enedis, qui succombe, sera également condamnée aux dépens de première instance et d'appel. Le jugement entrepris sera en conséquence infirmé en ses dispositions de ces chefs.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a débouté M. [D] [W] de ses demandes de dommages et intérêts pour préjudices résultant de l'exécution déloyale et fautive du contrat de travail, et pour non respect de l'obligation de ré entraînement au travail,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

Rejette la fin de non recevoir tirée de la prescription,

Dit que l'avis du médecin du travail du 5 décembre 2013 est un avis d'inaptitude,

Annule la sanction de blâme avec inscription au dossier du 5 septembre 2018,

Condamne la SA Enedis à payer à M. [D] [W] les sommes de :

-77 889 euros bruts à titre de rappel de salaires, outre 7 788,90 euros bruts de congés payés afférents,

-8907,81 euros bruts au titre de rappel de gratifications, outre 890,78 euros de congés payés afférents,

-2084,16 euros au titre de rappel de primes de naissance, outre 208,41 euros de congés payés afférents,

Rappelle que les sommes à caractère salarial allouées produisent intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation et les sommes à caractère indemnitaire à compter de la décision les ordonnant,

Ordonne la capitalisation des intérêts légaux,

Déboute M. [D] [W] de ses autres demandes,

Déboute la SA Enedis de sa demande au titre des frais irrépétibles d'appel,

Condamne la SA Enedis à payer à M. [D] [W] la somme de 2000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel,

Condamne la SA Enedis aux dépens d'appel.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 7ème ch prud'homale
Numéro d'arrêt : 19/05201
Date de la décision : 30/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-30;19.05201 ?
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