7ème Ch Prud'homale
ARRÊT N°115/2023
N° RG 20/00285 - N° Portalis DBVL-V-B7E-QMVR
Association UNEDIC DÉLÉGATION AGS CGEA DE [Localité 7]
C/
M. [Y] [F]
SELARL SELARL EP § ASSOCIES
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 30 MARS 2023
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Monsieur Hervé BALLEREAU, Président de chambre,
Assesseur : Madame Liliane LE MERLUS, Conseillère,
Assesseur : Madame Isabelle CHARPENTIER, Conseillère,
GREFFIER :
Madame Françoise DELAUNAY, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 09 Janvier 2023
En présence de Madame [J] [M], médiatrice judiciaire
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 30 Mars 2023 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats, délibéré initialement fixé au 16 Mars 2023
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APPELANTE :
Association UNEDIC DÉLÉGATION AGS CGEA DE [Localité 7] UNEDIC Délégation AGS CGEA de [Localité 7], Association déclarée,
représentée par sa Directrice, Madame [C] [I],
[Adresse 4]
[Localité 7]
Représentée par Me Marie-Noëlle COLLEU de la SELARL AVOLITIS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES
INTIMÉS :
Monsieur [Y] [F]
né le 21 Novembre 1995 à [Localité 6]
[Adresse 5]
[Localité 2]
Représenté par Me Catherine FEVRIER, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de QUIMPER
SELARL SELARL EP § ASSOCIES Mandataire judiciaire de la SAS LLG
[Adresse 3]
[Localité 1]
Représentée par Me Hassiba JEFFROY de la SELEURL HASSIBA JEFFROY, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de LORIENT
EXPOSÉ DU LITIGE
M. [Y] [F] a été embauché par la société Llg selon un contrat à durée indéterminée en date du 1er septembre 2015, il exerçait les fonctions de chauffeur et était affecté à la conduite d'un tracteur agricole broyeur de bois.
Les relations entre les parties étaient régies par la convention collective de transports routiers de marchandises.
Par courrier en date du 24 mars 2018, M. [F] a notifié sa démission.
Par courrier recommandé en date du 26 juin 2018, M. [F] a sollicité le paiement d'heures supplémentaires.
Par jugement en date du 20 septembre 2019, le tribunal de commerce de Quimper a prononcé la liquidation judiciaire de la Sas Llg et désigné la Selarl Ep & Associés, prise en la personne de Me [W] [S], en qualité de liquidateur.
***
M. [F] a saisi le conseil de prud'hommes de Quimper par requête en date du 13 septembre 2019, afin de voir :
- Inscrire au passif de la liquidation de la Sas Llg les sommes suivantes:
- dommages et intérêts pour travail dissimulé 9 858,48 euros nets,
- rappel de salaires au titre des heures supplémentaires 11 504,00 euros bruts,
- congés payés correspondants 1 150,40 euros bruts,
- contrepartie obligatoire des heures au-delà du contingent 7 646,83 euros nets,
- Débouter la Selarl Ep & Associés, es qualité de liquidateur judiciaire de la Sas Llg, de sa demande reconventionnelle,
- Dire que les sommes à caractère salarial produiront intérêts au taux légal à compter de la demande en justice,
- Dire que les sommes à caractère non salarial produiront intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir,
- Condamner la Selarl Ep & Associés, es qualité de liquidateur judiciaire de la Sas Llg, à une somme de 2 000 Euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamner la même à lui remettre un bulletin de salaire, un certificat de travail, une attestation Pôle Emploi rectifiés sous astreinte de 100,00 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir,
- Dire que le conseil se réserve la possibilité de liquider cette astreinte,
- Ordonner l'exécution provisoire,
- Condamner la Selarl Ep & Associés, es qualités, aux entiers dépens, lesquels comprendront les frais d'exécution forcée de la décision à intervenir.
La SELARL EP & Associés, ès qualités de liquidateur judiciaire de la Sas Llg, a demandé au conseil de prud'hommes de :
- Débouter M. [Y] [F] de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions,
- Condamner M. [Y] [F] à rembourser à la liquidation judiciaire de la société LLG la somme de 6 043,38 euros correspondant à un indu au titre de paiement de découchés,
- Condamner M. [Y] [F] aux dépens et à une indemnité de
2 000,00 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens.
Par jugement rendu sous la présidence du juge départiteur en date du 16 décembre 2019, le conseil de prud'hommes de Quimper a :
- Ordonné l'inscription au passif de la liquidation de la Sas Llg des sommes suivantes :
- 9203,20 euros bruts à titre de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires,
- 920,32 euros bruts au titre des congés payés afférents,
- 1 826,12 euros bruts d'indemnité au titre du non-respect de la contrepartie obligatoire en repos,
- 6 117,64 euros nets à titre d'indemnité pour travail dissimulé,
- Dit que les intérêts au taux sont suspendus par le jugement d'ouverture de la procédure collective
- Ordonné à la Selarl Ep & Associés, es qualités de liquidateur judiciaire de la Sas LLg, de remettre à M. [Y] [F] les documents suivants rectifiés conformément aux condamnations prononcées :
- certificat de travail,
- attestation destinée au Pôle Emploi,
- un bulletin de paie,
et ce dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement, et passé ce délai, sous astreinte de 50,00 euros pas jour de retard pendant 90 jours;
- Dit n'y avoir lieu à se réserver la liquidation de l'astreinte;
- Dit, qu'en vue d'une éventuelle application des dispositions de l'article R 1454-28 du code du travail, le salaire mensuel moyen à prendre en compte est de 1 643,08 euros bruts;
- Déclaré la présente décision opposable au CGEA [Localité 7] en qualité-de gestionnaire des AGS dans les limites prévues aux articles L 3253-8 et suivants du code du travail et dans les plafonds prévus aux articles L 3253-17 et D3253-5 du code du travail en tenant compte de toutes les créances avancées pour le compte du salarié ;
- Dit que l'obligation du CGEA de faire l'avance de la somme à laquelle serait évalué le montant total des créances garanties, compte tenu du plafond applicable, ne pourra s'exécuter que sur présentation d'un relevé par le mandataire judiciaire et justification par celui-ci de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement, conformément aux termes et conditions résultant des dispositions des articles L 3253-19 à L 3253-20 et L 3253-17 du code du travail;
- Condamné la Selarl Ep & Associés, es qualités de liquidateur judiciaire de la Sas Llg, à verser à M. [Y] [F] la somme de 1 500,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile;
- Condamné la SELARL EP & Associés, ès qualités de liquidateur judiciaire de la Sas Llg, aux dépens, y compris ceux pouvant résulter de l'exécution forcée du présent jugement ;
- Rejeté toute demande plus ample ou contraire;
- Ordonné l'exécution provisoire sur l'ensemble des dispositions de la présente décision.
***
L'AGS CGEA de [Localité 7] a régulièrement interjeté appel de cette décision par déclaration au greffe en date du 15 janvier 2020.
En l'état de ses dernières conclusions transmises par son conseil sur le RPVA le 07 avril 2020, l'AGS CGEA de [Localité 7] demande à la cour de : - Réformer le jugement du conseil de prud'hommes de Quimper en ce qu'il a ordonné :
- l'inscription au passif de la liquidation de la Sas Llg des sommes suivantes :
- rappel d'heures supplémentaires ..................9.203,20 euros
- congés payés y afférents...................................920,32 euros
- indemnité pour non-respect de la contrepartie obligatoire en repos
.....1 826,12 euros
- indemnité pour travail dissimulé....................................6 117,64 euros
- la rectification des documents sociaux.
- En conséquence, débouter Monsieur [F] de l'ensemble de ses demandes ;
- Condamner Monsieur [F] à restituer au CGEA de [Localité 7] l'ensemble des sommes indûment avancées au titre de l'exécution provisoire du jugement ;
En toute hypothèse :
- Débouter Monsieur [Y] [F] de toutes ses demandes qui seraient dirigées à l'encontre de l'AGS.
- Décerner acte à l'AGS de ce qu'elle ne consentira d'avance au mandataire judiciaire que dans la mesure où la demande entrera bien dans le cadre des dispositions des articles L.3253-6 et suivants du code du travail.
- Dire et juger que l'indemnité éventuellement allouée au titre de l'article 700 du code de procédure civile n'a pas la nature de créance salariale.
- Dire et juger que l'AGS ne pourra être amenée à faire des avances, toutes créances du salarié confondues, que dans la limite des plafonds applicables prévus aux articles L.3253-17 et suivants du code du travail.
- Dépens comme de droit.
En l'état de ses dernières conclusions transmises par son conseil sur le RPVA le 02 juillet 2020, M. [F] demande à la cour de :
- Confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Quimper en ce qu'il a ordonné l'inscription au passif de la liquidation de la Sas Llg les sommes dues au titre :
- des rappels de salaire,
- des congés payés afférents,
- du non respect de la contrepartie obligatoire en repos,
- du travail dissimulé,
- de l'article 700 du code de procédure civile
- Infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Quimper quant au quantum des sommes allouées
En conséquence :
- Inscrire au passif de la liquidation judiciaire de la Sas Llg les sommes suivantes à son profit :
- dommages et intérêts pour travail dissimulé........9858,48euros nets
- rappel de salaires au titre des heures supplémentaires......1504,00euros bruts
- congés payés correspondants..............................1150,40euros bruts
- contrepartie obligatoire des heures au-delà du contingent........7646,83 euros nets
- Débouter la Selarl Ep & Associés es qualité de liquidateur judiciaire de la Sas Llg de sa demande reconventionnelle
- Dire que les sommes à caractère salarial produiront intérêts au taux légal à compter de convocation en bureau de conciliation et d'orientation.
- Dire que les sommes à caractère non salarial produiront intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir.
- Condamner la Selarl Ep & Associés es qualité de liquidateur judiciaire de la Sas Llg à une somme de 2 000 Euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
- Condamner la même à remettre à Monsieur [F] un bulletin de salaire, un certificat de travail, une attestation Pôle Emploi rectifiés sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir.
- Condamner la Selarl Ep & Associés es qualité de liquidateur judiciaire aux entiers dépens, lesquels comprendront les frais d'exécution forcée de la décision à intervenir.
- Dire l'arrêt à intervenir opposable au CGEA.
En l'état de ses dernières conclusions transmises par son conseil sur le RPVA le 17 juin 2020, la Selarl Ep & Associés demande à la cour de :
- Infirmer le jugement de départage du 16 décembre 2019
- En conséquence, débouter Monsieur [F] de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions.
- Condamner Monsieur [F] à rembourser à l'employeur la somme de 6 043,38 euros correspondant à un indu au titre de paiement de découchés.
- Condamner Monsieur [F] aux dépens et à une indemnité de 2 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens.
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La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du conseiller de la mise en état le 13 décembre 2022 avec fixation de la présente affaire à l'audience du 09 janvier 2023.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie, pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, aux conclusions susvisées qu'elles ont déposées et soutenues à l'audience.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur les heures supplémentaires et le repos compensateur
Le liquidateur judiciaire es-qualités critique le premier juge en ce qu'il a écarté la valeur probante des relevés chronotachygraphes en considérant qu'ils ne déterminaient pas le temps de travail compte tenu des tâches annexes qui ne sont pas enrregistrées, et en remettant en cause les sociétés de transport au motif "des pratiques courantes dans le métier de limiter le plus possible les enregistrements ". Il considère qu'il n'a manifestement pas analysé toutes les pièces soumises à son examen qui contredisent les allégations de M. [F]. Il souligne en effet, ainsi que le CGEA, que M. [F] majore considérablement ses heures de travail dans ses décomptes et relevés qui ne sont pas crédibles, confrontés notamment aux relevés de disques chronotachygraphes, au nombre d'heures correspondant à l'usage de la broyeuse tel que révélé par les factures d'entretien, aux cahiers qu'il tenait ; que les propres relevés GPS du salarié confirment la tromperie dans le décompte d'heures de travail créées artificiellement, et révèlent des pauses prolongées, des détours sur le trajet, décomptés comme temps de travail.
M. [F] réplique que chaque fin de mois il transmettait un tableau des heures réalisées, qui sont annexés à chacun de ses bulletins de salaires versés aux débats ; que le volume d'heures était calculé par un cabinet d'expertise comptable ; que ce décompte détaillé est versé aux débats et fait apparaître un nombre d'heures supplémentaires non payées particulièrement important ; que les heures mentionnées sur les cahiers sont les heures de chantiers seulement, que les heures de travail effectuées et indiquées sur les fiches d'heures ne peuvent correspondre aux heures d'usage de la broyeuse, que la société ne mentionne pas le compteur du tracteur qui est révélateur du grand nombre d'heures effectuées ; que les heures enregistrées par le chronotachygraphe ne représentent pas l'ensemble des heures de travail, qui peuvent apparaitre sur les relevés de son GPS, dont l'analyse qu'en fait le mandataire de la société employeur est erronée ; que toutes les heures qu'il a effectuées étaient rendues nécessaires pour l'accomplissement de ses fonctions et pour le compte de son employeur, ce dernier en étant parfaitement informé.
***
Selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.
Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.
M. [F] produit à l'appui de ses demandes : ses 6 derniers bulletins de salaire, un tableau des heures qu'il estime avoir effectuées, un décompte, des fiches d'heures, des attestations de salariés, des textos, une photo de compteur de tracteur et de la machine broyeuse, un historique de GPS, notamment.
Il produit ainsi des éléments suffisamment précis qui peuvent être discutés par l'employeur.
Le liquidateur judiciaire de la société Llg produit produit : des attestations de salariés, des relevés de tachygraphe, un récapitulatif d'heures d'entrerien de machine, des cahiers d'heures relevées parle salarié et par l'entreprise, des annotations sur les pièces adverse, les bulletins de saaire du salarié de 2016 à mars 2018, des bulleins de salaire et iches de temps comparatifs d'autres salariés, notamment.
Au vu des éléments produits de part et d'autre, et sans qu'il soit besoin d'une mesure d'instruction, la cour a la conviction au sens du texte précité que M. [F] a effectué, entre janvier 2016 et mars 2018, des heures supplémentaires, non payées ni récupérées, représentant un rappel de salaire d'un montant de 6327 euros, outre 632,70 euros de congés payés afférents, qui sera en conséquence fixé au passif de la liquidation judiciaire de la société LLG.
Ces heures supplémentaires ont généré un dépassement du contingent annuel conventionnel de 195 heures applicable au personnel roulant. Le salarié qui n'a pas été en mesure, du fait de son employeur, de bénéficier de l'intégralité du repos compensateur obligatoire au titre des heures supplémentaires accomplies au-delà du contingent annuel d'heures supplémentaires a droit à l'indemnisation du préjudice subi. M. [F] n'a, au vu de son dernier bulletin de salaire, pas été réglé de l'intégralité du repos compensateur non pris et est fondé à percevoir la somme de 2081,55 euros à ce titre, incluant les congés payés afférents, qui sera également fixée au passif de la liquidation de la société.
Le jugement entrepris sera infirmé sur ces chefs.
Il sera rappelé que le jugement d'ouverture de la procédure collective a interrompu le cours des intérêts légaux et le jugement entrepris doit être confirmé en ce qu'il a ordonné la remise des documents de fin de contrat rectifiés au salarié mais l'astreinte assortissant l'obligation de remise n'est pas justifiée.
Sur le travail dissimulé
Les parties appelantes font valoir que contrairement à ce qu'a considéré le premier juge, aucun élément matériel ni intentionnel de disimulation n'est caractérisé.
M. [F] soutient que l'employeur avait parfaite connaissance de son volume d'heures, que c'est sciemment qu'il refusait d'en effectuer le paiement et la déclaration ; que le paiement d'indemnités de découcher montre clairement l'intention frauduleuse de l'employeur, ce qu'a retenu le jugement entrepris
.
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Aux termes de l'article L.8223-1 du Code du travail, le salarié, auquel un employeur a eu recours en violation des dispositions de l'article L.8221-5 en sa rédaction alors applicable, a droit, en cas de rupture de la relation de travail, à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire si l'employeur a agi intentionnellement.
En l'espèce, l'employeur payait régulièrement des heures supplémentaires et les bulletins de salaire mentionnaient le décompte des repos compensateurs. M. [F] lui-même, pour s'opposer à la demande reconventionnelle de restitution des indemnités de découcher, indique qu'il était parfois amené à dormir sur place compte tenu des distances à parcourir. Il résulte des fiches de temps rédigées par d'autres salariés, produites par le mandataire liquidateur, que ceuxci, tels M. [P], ou M. [L], y déclaraient des découchers.
La preuve du caractère intentionnel du travail dissimulé n'est pas rapportée et M. [F] doit en conséquence être débouté de sa demande d'indemnité pour travail dissimulé, par voie d'infirmation du jugement.
Sur la demande reconventionnelle de répétiton de l'indû (restitution d'indemnités de déplacement)
Le premier juge a rejeté cette demande au motif que le caractère frauduleux du paiement des heures supplémentaires fait obstacle à la demande de remboursement d'indemnités de déplacement, ce sur le fondement de l'adage nemo auditur.
Le mandataire liquidateur fait valoir que l'établissement des bulletins de paie était confié à un cabinet d'expertise comptable et qu'il est apparu que les bulletins comptabilisaient au bénéfice de M. [F] des sommes correspondant à des découchers qui n'étaient pas dûs, puisqu'en effet ce salarié utilisait à titre principal un tracteur agricole non équipé de couchette ; que, du fait de l'erreur manifeste du cabinet comptable non créatrice de droit, il est résulté un trop versé dont le salarié doit restitution ; que ce n'est qu'en réplique et pour la première fois dans le cadre de secondes conclusions qu'il a prétendu que ces indemnités correspondraient en réalité à des heures supplémentaires, de sorte que, si on le suit, il aurait saisi le conseil de prud'hommes d'une demande d'heures supplémentaires dont il déclare qu'elles avaient en réalité été réglées via des découchers.
M. [F] réplique qu'aucun élément adverse ne démontre qu'il ne pouvait prétendre à cette indemnité, d'autant que les sms échangés avec M. [U] peuvent démontrer l'inverse ; qu'outre le fait qu'il n'utilisait pas ce véhicule sans couchette, il était quelquefois amené à dormir sur place compte tenu des longues distances qu'il devait parcourir ; que lui et ses collègues allaient régulièrement solliciter des explications auprès le comptable au sujet de ces versements et sur le non paiement de leurs heures supplémentaires ; qu'aucune de ces erreurs n'étaient pour autant régularisées par la suite ; que, si la société prétend qu'il est de mauvaise foi et savait pertinemment que ces couchers étaient versés à tort, il n'était pas le comptable de l'entreprise et que s'il ne l'évoquait pas dans sa saisine c'est bien qu'il n'en avait pas conscience.
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Si ce qui a été reçu sans être dû est sujet à répétition en application de l'article 1302 du code civil, c'est au demandeur en restitution qu'il incombe de prouver le caractère indû du paiement.
En l'espèce, alors qu'il ressort de pièces versées aux débats que M. [F] pouvait, occasionnement, effectuer des missions hors de sa zone de travail habituelle (Finistère sud, nord Morbihan), le mandataire liquidateur ne produit pas d'attestation du cabinet d'expertise comptable se rapportant à l'erreur invoquée, ni les documents transmis à ce cabinet pour établir les bulletins de paie qui permettraient de vérifier le principe et le montant de l'erreur alléguée. Il doit donc être débouté de sa demande de restitution de l'indû, en confirmation du jugement.
L'arrêt sera déclaré opposable au CGEA de [Localité 7], dans les limites de la garantie légale de l'AGS.
Il n'est pas inéquitable de laisser à M. [F] ses frais irrépétibles d'appel, eu égard à la situation respective des parties. Le mandataire liquidateur, es-qualités, qui succombe principalement, doit également être débouté de sa demande sur le même fondement et condamné aux dépens d'appel. Le jugement entrepris doit être confirmé en ses dispositions sur ces chefs.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Infirme le jugement entrepris en ce qu'il a fixé la créance de M. [Y] [F] au passif de la liquidation judiciaire de la Sas Llg aux sommes de 9203,20 euros bruts à titre de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires, 920,32 euros bruts au titre des congés payés afférents, 1 826,12 euros bruts d'indemnité au titre du non-respect de la contrepartie obligatoire en repos, 6 117,64 euros nets à titre d'indemnité pour travail dissimulé, en ce qu'il a ordonné une astreinte,
Le confirme en ses autres dispositions,
Statuant à nouveau sur les chefs infirmés, et y ajoutant,
Fixe la créance de M. [Y] [F] au passif de la liquidation judiciaire de la Sas Llg aux sommes suivantes :
-6327 euros bruts à titre de rappel d'heures supplémentaires, outre 632,70 euros bruts de congés payés afférents,
-2081,55 euros au titre de la contrepartie obligatoire en repos,
Rappelle que le jugement d'ouverture de la procédure collective a interrompu le cours des intérêts légaux,
Déboute M.[Y] [F] du surplus de ses demandes,
Dit n'y avoir lieu à ordonner une astreinte,
Dit l'arrêt opposable à l'AGS-CGEA de [Localité 7], dans les limites de sa garantie légale ;
Déboute les parties de leurs demandes respectives au titre des frais irrépétibles d'appel,
Condamne la Selarl Ep & Associés, ès-qualités de liquidateur judiciaire de la Sas Llg, aux dépens d'appel.
Le Greffier Le Président