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30/03/2023 | FRANCE | N°20/00869

France | France, Cour d'appel de Rennes, 7ème ch prud'homale, 30 mars 2023, 20/00869


7ème Ch Prud'homale





ARRÊT N°123/2023



N° RG 20/00869 - N° Portalis DBVL-V-B7E-QOTH













Mme [E] [R]



C/



SAS SOCIETE FERMIERE DU CASINO DE [Localité 2]























Copie exécutoire délivrée

le :



à :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 30 MARS 2023




>COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :



Président :Monsieur Hervé BALLEREAU, Président,

Assesseur :Madame Liliane LE MERLUS, Conseillère,

Assesseur : Madame Isabelle CHARPENTIER, Conseillère,



GREFFIER :



Madame Françoise DELAUNAY, lors des débats et lors du prononcé



DÉBATS :



A l'audience...

7ème Ch Prud'homale

ARRÊT N°123/2023

N° RG 20/00869 - N° Portalis DBVL-V-B7E-QOTH

Mme [E] [R]

C/

SAS SOCIETE FERMIERE DU CASINO DE [Localité 2]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 30 MARS 2023

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Président :Monsieur Hervé BALLEREAU, Président,

Assesseur :Madame Liliane LE MERLUS, Conseillère,

Assesseur : Madame Isabelle CHARPENTIER, Conseillère,

GREFFIER :

Madame Françoise DELAUNAY, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 10 Janvier 2023 devant Madame Isabelle CHARPENTIER , magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial

En présence de Monsieur [L] [B] médiateur judiciaire

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 30 Mars 2023 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats, date à laquelle a été prorogé le délibéré initialement fixé au 16 Mars 2023

****

APPELANTE :

Madame [E] [R]

née le 11 Février 1978 à [Localité 2]

[Adresse 3]

[Localité 2]

Comparante en personne, assistée de Mme MATEU, délégué syndical

INTIMÉE :

SAS SOCIETE FERMIERE DU CASINO DE [Localité 2]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Ronan MABILEAU, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de SAINT-NAZAIRE

EXPOSÉ DU LITIGE

Mme [E] [R] a été embauchée le 1er avril 2004 par la SAS Société Fermière Casino [Localité 2] ( SFCSM) dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée en qualité de Caissier Changeur traiteur de monnaie, statut Employé niveau 2, indice 110. Elle est affectée au sein de l'établissement du casino de [Localité 2].

La relation de travail est régie par la convention collective des casinos.

Par avenant du 18 juillet 2005, la salariée a été nommée au poste de Mécanicienne assistance clientèle niveau 2 indice 110.

Par avenant en date du 13 février 2012, Mme [R] a assuré un remplacement temporaire au poste d'assistante de direction entre le 1er janvier 2012 et le 29 février 2012. À l'issue de cette période, la salariée a repris ses fonctions de Mécanicienne assistante clientèle.

Le 2 mars 2018, la société SFCSM a notifié à Mme [R] un avertissement.

Dans un courrier du 12 mars 2018, la salariée a contesté la décision : ' Lors de la réunion de service du 21 décembre 2017, vous avez proposé de palier au manque d'effectif du service Accueil /VDI en nous proposant d'effectuer les remplacements pendant les pauses repas de 30 minutes ainsi que les pauses de 15 minutes par tous les différents services du casino, et ce sans une quelconque compensation financière.

Les 23 et 31 janvier 2018, et non le 22 et le 26 janvier 2018 comme stipulé dans votre courrier, mon collègue assistant clientèle, présent également les jours mentionnés ci-dessus, s'était proposé d'aller remplacer l'accueil/VDI bien avant que mon supérieur hiérarchique m'ait ordonné d'effectuer ce remplacement. Ces remplacements restaient jusqu'à présent fluides entre services avec le volontariat de chacun.

Certes, je ne suis toujours pas formée sur ce poste, je continue de faire mon travail d'assistante clientèle, ne gênant en rien le bon fonctionnement de l'entreprise. Le fait de m'envoyer un avertissement est démesuré face au travail que j'effectue. La qualité du travail fourni ainsi que ma droiture vous sont toujours bénéfiques.'

Le 4 avril 2018, l'employeur a convoqué la salariée à un entretien préalable à sanction disciplinaire pouvant aller jusqu'au licenciement, fixé au 17 avril 2018. Aucune suite n'a été donnée à cet entretien.

Le 25 mai 2018, la société SFCSM lui a adressé une nouvelle convocation à entretien préalable fixé au 4 juin 2018.

Le 17 juin 2018, l'employeur lui a notifié une mesure de mise à pied disciplinaire de cinq jours avec retenue sur salaire.

Mme [R] a contesté la sanction dans un courrier du 20 juin 2018, en rappelant que les formations dont elle avait bénéficié ne correspondaient pas à celles reçues et suivies par les contrôleurs aux entrées à la VDI, qu'elle ne faisait pas preuve d'insubordination mais réclamait une formation lui permettant d'assurer les missions confiées, s'agissant de postes différents.

La mise à pied a été mise en oeuvre du 2 au 6 juillet 2018.

Le 23 juillet 2018, elle a été placée en arrêt de travail jusqu'au 5 août, prolongé au 19 août 2018.

Le 1er août 2018, Mme [R] a été désignée en qualité de membre permanent de la Commission permanente au sein de la Commission nationale paritaire de conciliation des casinos, lui donnant le statut de salarié protégé.

Les 3 et 6 août 2018, l'employeur a convoqué Mme [R] à un entretien préalable à une sanction disciplinaire pouvant aller jusqu'au licenciement, fixé au 16 août suivant.

Le 11 septembre 2018, la société fermière du casino de [Localité 2] lui a adressé une mise à pied disciplinaire de cinq jours avec retenue sur salaire.

La mise à pied a été effectuée à compter du 8 octobre 2028.

Mme [R] a saisi le conseil de prud'homes de Saint-Malo par requête en date du 16 novembre 2018 afin de voir prononcer l'annulation des sanctions et obtenir des dommages et intérêts pour sanctions abusives, le remboursement de rappel durant les mises à pied, une régularisation du salaire de décembre 2018 et une indemnité de procédure.

La SAS SFSCM s'est opposée aux demandes de Mme [R].

Par jugement en date du 19 décembre 2019, le conseil de prud'hommes de Saint-Malo a :

- Dit et jugé que les faits reprochés à Mme [R] constituent une faute et que l'avertissement du 2 mars 2018 est justifié.

- Annulé les mises à pied notifiées les 7 juin 2018 et 11 septembre 2018, comme étant des sanctions disproportionnées.

- Condamné la SAS Société fermière casino [Localité 2] à verser à Mme [R] les sommes de 708,70 euros et de 70,88 euros au titre du remboursement des retenues sur salaire liées aux mises à pied et aux congés payés y afférents.

- Dit que la SAS Société fermière casino [Localité 2] remettra à Mme [R] les bulletins de salaires rectifiés conformément à la présente décision.

- Débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

- Laissé à chaque partie la charge de ses propres dépens.

Mme [R] a interjeté appel de la décision précitée par déclaration au greffe en date du 17 janvier 2020.

En l'état de ses dernières conclusions adressées par courrier recommandé le 14 avril 2020 par son défenseur syndical, Mme [R] demande à la cour de :

- Réformer le jugement entrepris en ce qu'il a retenu les faits reprochés à Mme [R] constituant une faute, justifiant l'avertissement du 2 mars 2018, qu'il a débouté la salariée de sa demande de dommages et intérêts pour sanctions abusives, de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- Condamner la SAS Fermière casino de [Localité 2] à lui verser les sommes suivantes :

- Dommages et intérêts pour sanctions abusives : 1 559,31 euros

- article 700 du code de procédure civile (première instance et cause d'appel): 2 700 euros

- Débouter la SAS Fermière casino de toute demande reconventionnelle, la procédure diligentée n'étant ni abusive ni diffamatoire.

- Entiers dépens y compris les frais d'exécution.

En l'état de ses dernières conclusions transmises par RPVA le 07 juillet 2020, la SAS Société fermière du casino de [Localité 2] demande à la cour de :

- Confirmer le jugement en ce qu'il a considéré que les faits reprochés à Mme [R] constituaient une faute et que son avertissement du 2 mars 2018 était justifié dans toutes ses dispositions ;

- Infirmer le jugement en ce qu'il a annulé les mises à pied disciplinaire des 7 juin 2018 et 11 septembre 2018 comme étant des sanctions disproportionnées ;

- Débouter Mme [R] de l'intégralité de ses demandes;

Y additant,

- Condamner Mme [R] à lui payer 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles exposés en cause d'appel et aux entiers dépens de l'appel.

***

La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du 13 décembre 2022 avec fixation de l'affaire à l'audience du 10 janvier 2023.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie, pour l'exposé des prétentions et moyens des parties, aux conclusions qu'elles ont déposées et soutenues à l'audience.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Mme [R] a été sanctionnée à trois reprises pour des motifs similaires, à savoir pour son refus réitéré de remplacer de manière temporaire des collègues affectés au contrôle de la Vérification Des Identités ( VDI) :

- le 2 mars 2018 par un avertissement,

- le 7 juin 2018 par une mise à pied disciplinaire de 5 jours,

- le 11 septembre 2018 par une nouvelle mise à pied disciplinaire de 5 jours.

Le conseil des prud'hommes a considéré que l'avertissement du 2 mars 2018 était justifié en raison de l'insubordination de la salariée mais a annulé les mises à pied disciplinaires, les jugeant disproportionnées.

La convention collective nationale des casinos du 29 mars 2002, étendue par arrêté du 2 avril 2003, dispose en son article 24 :

' Le contrat de travail (....) doit spécifier :

-(..) l'emploi, la qualification ;

- le niveau (et, l'éventuelle polyactivité du salarié) (...)

Toute modification d'un élément essentiel du contrat de travail doit faire l'objet d'une information écrite au salarié et faire l'objet d'un avenant à son contrat de travail, comme indiqué à l'article 25.1 ci-après.

Chaque employé n'est tenu d'assurer que le (ou les) emploi(s) pour lequel (lesquels) il a été engagé et tel(s) que prévu(s) par le contrat de travail. Toutefois, il est convenu qu'exceptionnellement pour les besoins de l'exploitation et en accord avec la réglementation des jeux, un employé peut être tenu d'occuper un emploi différent de celui ou de ceux pour lequel (lesquels) il a été engagé et uniquement par filières d'exploitations telles que décrites par la présente convention (1).

L'ensemble de ces dérogations ne peut excéder par exercice et par salarié:

- 10 jours pour les contrats de moins de 3 mois ;

- 20 jours pour les contrats allant jusqu'à 7 mois ;

- 30 jours par an pour les autres contrats.

Pour ces dérogations, l'employé intéressé bénéficie de la rémunération de l'emploi la plus élevée dès la prise de poste.

Une liste des définitions d'emplois des jeux traditionnels et des machines à sous telle qu'existante au jour de la signature à la présente convention est jointe en annexe de la présente convention.'

Sans qu'il soit nécessaire de reprendre le détail des développements des parties sur l'interprétation de ce texte conventionnel, actuellement soumis à l'avis de la commission d'interprétation de la convention collective nationale des casinos, Mme [R] explique en substance qu'en l'absence d'avenant à son contrat de travail, elle ne peut pas occuper un autre poste que celui de Mécanicienne assistante clientèle pour lequel elle a reçu la formation nécessaire et l'agrément du Ministère de l'Intérieur; qu'elle n'a pas reçu de formation pour occuper un emploi distinct à savoir celui de contrôleur des entrées à la Vérification Des Identités ; que les demandes de son employeur dans le cadre d'une nouvelle organisation de travail tendant à imposer au personnel une polyvalence et polyactivité habituelle des postes, s'agissant d'emplois soumis à la réglementation des jeux et à un contrôle spécifique des emplois des personnes travaillant dans les casinos, ne répondent pas aux conditions posées par la convention collective. Elle estime que les sanctions ont été prises de manière abusive à son encontre alors qu'elle n'a pas refusé d'effectuer les remplacements mais demandait une formation préalable correspondant au poste de contrôleur des entrées, dont elle a finalement bénéficié depuis le 15 octobre 2018 ce qui a lui a permis de pourvoir aux remplacements de ses collègues.

La société Fermière du Casino [Localité 2] considère que la salariée faisant une lecture erronée de l'article 24 de la convention collective, est ainsi soumise aux dispositions conventionnelles relatives à la polyvalence et à la polyactivité, ce qui permet à l'employeur de l'affecter de manière ponctuelle à un poste à la VDI, de surcroît durant des périodes très courtes ; que si la convention collective impose l'accord du salarié en cas d'affectation temporaire à un emploi différent pour lequel il a été engagé, au-delà de 30 jours par an, les dispositions conventionnelles doivent s'entendre dans l'attente de l'avis de la Commission d'interprétation de la convention, non tranché à ce jour, durant des journées complètes, et non pas comme le soutient Mme [R] selon la fréquence des remplacements. Il en déduit que les refus successifs de la salariée de remplacer ses collègues à la VDI en méconnaissance à ses obligations contractuelles et aux obligations au Règlement intérieur de la société, sont fautifs et que les sanctions infligées pour insubordination répétée sont justifiées.

Sur l'avertissement du 2 mars 2018

Les articles L 1333-1 et L 1333-2 du code du travail disposent que :

' En cas de litige, le conseil de prud'hommes apprécie la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction. L'employeur fournit au juge les éléments retenus pour prendre la sanction. Au vu de ces éléments, et de ceux fournis par le salarié à l'appui de ses allégations, le juge forme sa conviction après avoir ordonné en cas de besoin toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

Le juge peut annuler une sanction irrégulière en la forme ou injustifiée ou disproportionnée à la faute commise.'

L'employeur a notifié le 2 mars 2018 à Mme [R] un avertissement ainsi libellé:

' Le 22 et le 26 janvier 2018, nous avons eu à regretter les faits suivants :

- le 22 janvier 2018, votre supérieur hiérarchique vous a demandé de remplacer, pendant sa pause repas de 30 minutes, votre collègue aux contrôles aux entrées. Vous avez refusé d'effectuer ce remplacement en prétextant un arrangement avec un autre collègue.

- Le 26 janvier, nous vous avons réitéré cette même demande que vous avez à nouveau refusée. Ces faits constituent un manquement à vos obligations et un acte d'insubordination vis-à-vis de votre supérieur hiérarchique qui vous a émis la demande.'

A l'appui de cet avertissement, l'employeur verse aux débats :

- une offre d'emploi comportant la description du poste de contrôleur des entrées au sein du groupe Lucien Barrière,

- une offre d'emploi pour un poste de Mécanicienne /assistante clientèle machines à sous, avec un niveau d'études minimum requis de Bac/bac pro,

- le compte-rendu de la commission paritaire d'interprétation de la branche Casinos du 3 mai 2017, soulignant un désaccord des membres sur l'article 24 concernant la polyvalence occasionnelle des salariés du casino au regard de la notion de jours et de la fréquence du changement de poste.

- le courrier du 16 novembre 2018 de M.[N] dirigeant de l'établissement du casino de [Localité 2], expliquant que Mme [R] a été sollicitée de manière très ponctuelle, sur de très courtes périodes afin de remplacer ses collègues à la VDI pendant leur temps de pause; qu'après avoir refusé en mai 2018 la proposition verbale d'une formation, finalement acceptée en septembre 2018, elle a suivi la formation en binôme le 15 octobre 2018,

- des extraits du support de formation Carré VIP, comportant une présentation du contrôle d'accès VDI.

Toutefois, l'employeur ne verse aux débats aucune pièce permettant d'établir les circonstances précises au cours desquelles le supérieur hiérarchique de Mme [R] a été confronté aux refus réitérés de la salariée de remplacer ses collègues au poste de VDI les 22 et 26 janvier 2018.

De son côté, Mme [R] conteste la matérialité des faits au travers de son courrier du 12 mars 2018 et de celui du 20 juin 2018, aux termes desquels les dates visées dans le courrier d'avertissement sont erronées; qu'elle travaillait ainsi de nuit le 26 janvier 2018 et d'après-midi le 22 janvier, ce dont elle justifie, et qu'aucun remplacement de collègues n'a été sollicité de sa part. Elle précise que les faits se sont déroulés à des dates différentes lorsqu'elle n'a pas déféré les 23 et 31 janvier 2018 aux demandes de sa hiérarchie de remplacer un collègue à la VDI, après avoir réclamé une formation préalable à la prise de poste.

Compte tenu des contestations de la salariée portant sur la matérialité des griefs, l'employeur n'a produit aucun élément permettant à la cour d'apprécier la réalité du comportement adopté par Mme [R] les 22 et 26 janvier 2018, tel que visé dans le courrier du 2 mars 2018.

Dans ces conditions, l'avertissement ne reposant pas sur des faits établis, le jugement sera infirmé en ce qu'il a débouté Mme [R] de sa demande en annulation de la sanction du 2 mars 2018.

Sur la mise à pied disciplinaire du 7 juin 2018

La société SFCSM a notifié le 7 juin 2018 à Mme [R] une mise à pied disciplinaire ainsi motivée :

'Le mercredi 20 mai 2018, alors que vous étiez en poste, Mme [U] , membre du Comité de Direction, vous a demandé d'effectuer le remplacement de la personne en poste à la VDI pendant 30 minutes. Vous avez refusé en précisant que vous n'effectuerez pas ce remplacement tant que votre avertissement ne sera pas annulé et que vous ne serez pas formée.

Le 28 mai 2018, M.[O], Membre du Comité de Direction, vous a demandé d'effectuer le remplacement de la personne en poste à la VDI pendant 30 minutes , demande que vous refusez.

Enfin, le 29 mai 2018, Mme [U], Membre du Comité de Direction, vous demande de remplacer la personne à la VDI pendant 30 minutes et vous propose également de vous former au poste de VDI, ce que vous refusez une nouvelle fois.'

La société SFCSM ne produit à l'appui des faits reprochés des 20 mai, 28 mai et 29 mai 2018 aucune pièce ou attestation permettant d'apprécier les circonstances dans lesquels Mme [R] aurait opposé un refus aux demandes de ses supérieurs hiérarchiques.

Pour sa part, la salariée verse aux débats :

- le compte rendu de l'entretien préalable du 4 juin 2018, établi par Mme [K], secrétaire du CHSCT assistant la salariée, aux termes desquels Mme [R] affirme que 'le 20 mai , Mme [U] ne lui a rien demandé', que 'le 28 mai, M.[O] ne lui a rien demandé sauf ' Où en est-tu'', ce à quoi la salariée a répondu ' j'attends toujours un avenant.'; qu'enfin 'le 29 mai, Mme [U] ne lui a absolument pas parlé de formations'; que Mme [R], considérant que les propos relatés étaient faux, a sollicité de M.[N] Directeur du Casino de visionner les vidéos conservées pendant 28 jours, pour vérifier ses dires mais que sa demande n'a pas été prise en compte, M.[N] lui répondant ' est ce que vous êtes en train de me dire que mes cadres m'auraient menti'', ce à quoi Mme [R] a soutenu que c'était grave et elle a maintenu que les propos rapportés étaient mensongers.

- l'attestation d'une collègue Mme [C], déléguée syndicale, présente dans la salle du casino le 29 mai 2018 rapportant avoir entendu Mme [U] demander à Mme [R] ' où en était son histoire''mais qu'à aucun moment, elle ne lui a demandé d'effectuer un remplacement en VDI ni ne lui a proposé de formation.

Au regard de ces éléments, il y a lieu de considérer que l'employeur ne rapporte pas la preuve de la réalité des griefs articulés à l'encontre de Mme [R], laquelle a maintenu depuis le début ses dénégations sur les faits reprochés et reposant sur les seules allégations de la société SFCSM, en l'absence de témoignage ou d'élément objectif. La sanction n'est pas justifiée et sera donc annulée.

Le jugement sera confirmé en qu'il a annulé la mise à pied disciplinaire du 7 juin 2018.

Sur la mise à pied disciplinaire du 11 septembre 2018

L'employeur a notifié le 11 septembre 2018 à la salariée une nouvelle mise à pied disciplinaire en se fondant sur des faits survenus le 13 juillet 2018 au cours desquels ' à 15h30, M.[F] membre du Comité de Direction vous a demandé de remplacer Mme [E] [R] (') salariée en poste à la VDI pendant 30 minutes. Vous avec conditionné votre accord à la signature d'un avenant à votre contrat de travail ainsi qu'au suivi d'une formation spécifique.

Votre demande , aucunement justifiée, n'a pas été acceptée. Vous avez alors refusé de remplacer Mme [E] [R] ( ').

Votre comportement caractérise un manquement manifeste à vos obligations contractuelles et professionnelles qui perturbe la bonne marche de l'entreprise. Nous vous rappelons en effet que la convention collective des casinos et la réglementation des jeux vous impose d'accepter la prise de poste qu'il vous était demandé d'effectuer.

Vous connaissiez en outre parfaitement vos obligations qui vous avaient été rappelées à plusieurs reprises à la suite de comportements identiques au mois de mai 2018.(..) Cette sanction prendra effet du lundi 8 au vendredi 12 octobre 2018 inclus. (..)

Afin d'éviter que ce type d'incident ne se réitère, vous effectuerez une journée en binôme à la VDI le lundi 15 octobre 2018.'

S'agissant de cette nouvelle sanction disciplinaire, la société SFCSM ne verse aux débats aucune pièce ou attestation émanant d'un témoin direct se rapportant aux faits reprochés le 13 juillet 2018 à Mme [R].

Nonobstant les incohérences du courrier du 11 septembre 2018- reprochant à Mme [R] 'd'avoir refusé de remplacer Mme [R]'-, la salariée a maintenu sa position en soutenant qu'elle ne s'opposait pas au remplacement d'un ou d'une collègue à la VDI durant sa pause mais qu'elle sollicitait une formation préalable pour tenir ce poste distinct de celui qu'elle occupe, s'agissant d'un emploi réglementé soumis au contrôle des services de police au travers d'une déclaration nominative mensuelle des employés du casino et des emplois occupés.

Mme [R] verse aux débats:

- le règlement intérieur et notamment son article 8 ' le personnel doit exécuter les travaux qui lui sont confiés en respectant les ordres ou directives qui sont données. Nul ne peut effectuer un travail autre que celui qui lui est commandé ni transformer le contenu des tâches du poste auquel il est affecté sans ordre ou autorisation. '

- les règles particulières du règlement intérieur pour 'le personnel travaillant dans les casinos' : le personnel bénéficiaire d'agréments doit appliquer et respecter la réglementation des jeux. En cas d'infraction à la réglementation des jeux, au présent règlement et aux procédures, la Direction peut en considération de la gravité des fautes ou de leur répétition, appliquer les sanctions prévues au titre IV.

- l'arrêté du 14 mai 2007 sur la réglementation des jeux , prévoyant en son article 19-2°, que le directeur responsable du casino doit transmettre, chaque mois, à la direction centrale de la police judiciaire territorialement compétent la liste nominative précisant le ou les emplois des personnes employées dans les salles de jeux et un exemplaire de l'état nominatif précisant que Mme [R], bénéficiaire d'un agrément du Ministère de l'Intérieur, occupe un emploi de Mécanicienne / assistance clientèle

- un compte rendu de l'entretien préalable du 16 août 2018 établi par Mme [C], déléguée syndicale ayant assisté la salariée, rapportant les explications de Mme [R] , considérant que sa demande de formation au poste de VDI est interprétée à tort par la Direction comme un refus de sa part de la polyvalence, alors qu'elle 'veut simplement ne pas faire n'importe quoi sur un poste qu'elle ne connaît pas, ajoutant qu'en 14 ans d'exercice, elle n'a jamais eu de rapport pour insubordination hiérarchique.'

- le courrier du 5 octobre 2018 du délégué syndical FO transmis au dirigeant du Casino, avec copie à l'inspection du travail, dénonçant 'une volonté de sanctionner coûte que coûte' Mme [R] au regard de l'application de la polyvalence ou polyactivité au sein de son établissement alors que la salariée n'a fait que demander une formation préalable à la prise de poste.

- le livret de procédure de la formation spécifique de la Vérification Des Identités.

Mme [R] ne conteste pas la matérialité des faits du 13 juillet 2018 en ce qu'elle n'a pas déféré à la demande de son supérieur hiérarchique M.[F] de remplacer l'une de ses collègues à la VDI durant une pause à 15h30 , dès lors qu'elle justifie sa position par l'absence de formation préalable à la prise de poste à la VDI . Les explications fournies par la salariée et non contestées sur le contenu de la formation spécifique à la Vérification Des Identités, nécessitant notamment l'utilisation d'un logiciel Sesame, serveur national sur lequel sont stockés les identités des personnes interdites de jeux, et les consignes spécifiques à respecter et à suivre, permettent d'exclure pour une salariée occupant un emploi distinct, la faculté de remplacer , en l'absence d'une quelconque période d'adaptation préalable, un collègue exerçant un emploi de Vérification Des Identités. Le fait que Mme [R] dispose d'une certaine ancienneté au sein de l'entreprise ( 14 ans) et qu'elle ait exercé des fonctions de Caissière chargeur de monnaie à une période antérieure ( à 2005) à la création du poste de Contrôleur des identités aux entrées, ne permettait pas à l'employeur de refuser à la salariée, qui le sollicitait de manière répétée, de lui fournir une formation adaptée et un accompagnement pour lui permettre d'occuper, même à titre ponctuel et sur de courtes durées, un emploi distinct, soumis à la réglementation des jeux et à un contrôle strict par les services de police. Pour preuve, le contenu de la formation, finalement délivrée à la salariée le 15 octobre 2018 sur la base d'une journée en binôme au poste de contrôleur des entrées à la VDI, ne fait que confirmer, contrairement à ce que persiste à soutenir l'employeur, la nécessité pour Mme [R] de bénéficier d'un temps de formation et d'adaptation nécessaire à la prise d'un tel poste, dont il n'est pas contesté qu'elle ne l'avait jamais exercé précédemment.

Le refus de Mme [R] de ne pas remplacer sa collègue à un poste de contrôleur des identités, sans avoir bénéficier d'une formation préalable, ne pouvant pas être considéré comme fautif , il s'ensuit que la sanction infligée le 11 septembre 2018 reposant sur ce seul motif , n'était pas fondée et doit être annulée. Il sera donc fait droit par voie de confirmation du jugement à la demande de Mme [R] d'annulation de la mise à pied du 11 septembre 2018.

Mme [R] est ainsi bien fondée en sa demande de remboursement de son salaire durant les périodes de mise à pied, à concurrence de la somme de 708,70 euros outre les congés payés y afférents, par voie de confirmation du jugement.

Sur la demande de dommages-intérêts pour sanctions abusives

La salariée dont les sanctions disciplinaires ont été jugées abusives pour les motifs développés précédemment, justifie de la réalité du préjudice subi à la fois sur le plan financier et sur le plan moral, Mme [R] justifiant des répercussions psychologiques des mesures displinaires prises à son encontre de manière répétée et malgré ses demandes de formation, au regard de son arrêt de travail durant plusieurs semaines et d'un suivi médical avec traitement médicamenteux (anxiolytiques). Il sera alloué à la salariée en réparation de son préjudice la somme de 1 500 euros à titre de dommages-intérêts pour sanctions abusives, par voie d'infirmation du jugement.

Sur les autres demandes et les dépens

Il apparaît inéquitable de laisser à la charge de Mme [R] les frais non compris dans les dépens. L'employeur sera condamné à lui payer la somme de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles en première instance et de 1 500 euros en cause d'appel, le jugement déféré étant infirmé en ses dispositions relatives de l'article 700 du code de procédure civile sauf en ce qu'il a débouté l'employeur de sa demande d'indemnité de procédure

La société SFCSM qui sera déboutée de sa demande d'indemnité de procédure sera condamnée aux entiers dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

- Confirme le jugement entrepris en ses dispositions relatives à l'annulation des mises à pied notifiées les 7 juin 2018 et 11 septembre 2018, au remboursement des retenues sur salaire, au rejet de la demande d'indemnité de procédure de la société SFSCM et à la remise des bulletins de salaire rectifiés.

- Infirme les autres dispositions du jugement.

Statuant de nouveau des chefs infirmés et y ajoutant :

- Annule l'avertissement notifié le 2 mars 2018 à Mme [R],

- Condamne la Sas Fermière du Casino de [Localité 2] à payer à Mme [R] les sommes suivantes :

- 1 500 euros à titre de dommages-intérêts pour sanctions abusives,

- 1 000 euros en première instance sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

- 1 500 euros en cause d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

- Déboute la société SFCSM de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamne la société SFCSM aux dépens de première instance et d'appel.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 7ème ch prud'homale
Numéro d'arrêt : 20/00869
Date de la décision : 30/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-30;20.00869 ?
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