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30/03/2023 | FRANCE | N°20/00935

France | France, Cour d'appel de Rennes, 7ème ch prud'homale, 30 mars 2023, 20/00935


7ème Ch Prud'homale





ARRÊT N°116/2023



N° RG 20/00935 - N° Portalis DBVL-V-B7E-QO2T













Me [O] [M] - Mandataire de M. [U] [V]

M. [U] [V]



C/



M. [J] [H]



















Copie exécutoire délivrée

le :



à :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 30 MARS 2023





COMPOSIT

ION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :



Président : Monsieur Hervé BALLEREAU, Président de chambre,

Assesseur : Madame Liliane LE MERLUS, Conseillère,

Assesseur : Madame Isabelle CHARPENTIER, Conseillère,



GREFFIER :



Madame Françoise DELAUNAY, lors des débats et lors du prononcé


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7ème Ch Prud'homale

ARRÊT N°116/2023

N° RG 20/00935 - N° Portalis DBVL-V-B7E-QO2T

Me [O] [M] - Mandataire de M. [U] [V]

M. [U] [V]

C/

M. [J] [H]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 30 MARS 2023

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Monsieur Hervé BALLEREAU, Président de chambre,

Assesseur : Madame Liliane LE MERLUS, Conseillère,

Assesseur : Madame Isabelle CHARPENTIER, Conseillère,

GREFFIER :

Madame Françoise DELAUNAY, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 23 Janvier 2023

En présence de Madame Florence RICHEFOU, médiatrice judiciaire

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 30 Mars 2023 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANT :

Monsieur [U] [V]

né le 29 Octobre 1981 à [Localité 4]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représenté par Me Emmanuel TURPIN de la SELEURL SELURL JURIS LABORIS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de SAINT-MALO

INTIMÉ :

Monsieur [J] [H]

[Adresse 3]

[Localité 2]

Assisté de Me Christophe LHERMITTE de la SCP GAUVAIN, DEMIDOFF & LHERMITTE, Postulant, avocat au barreau de RENNES substitué par Me EKICI, avocat au barreau de RENNES

Assisté de Me Caroline VERDIER, Plaidant, avocat au barreau de SAINT-MALO

EXPOSÉ DU LITIGE

M. [U] [V] a été embauché en qualité d'ouvrier d'exécution par M. [J] [H] selon un contrat à durée déterminée pour la période du 1er au 04 mars 2004, dans le cadre d'un dispositif de formation.

Par la suite, M. [V] a été engagé par un contrat à durée indéterminée en date du 07 juin 2004.

Les relations entre les parties étaient régies par la convention collective nationale des ouvriers employés par les entreprises du bâtiment de moins ou de 10 salariés.

Le 20 mars 2018, une altercation opposait M. [V] à M. [H], son employeur, en présence des autres salariés.

Par courrier en date du 22 mars 2018, M. [V] s'est vu notifier une mise à pied à titre conservatoire et a été convoqué à un entretien préalable au licenciement fixé au 03 avril 2018.

Par courrier recommandé en date du 06 avril 2018, M. [V] s'est vu notifier son licenciement pour faute grave aux motifs suivants :

- Refus d'effectuer les tâches demandées dans l'exercice de ses fonctions

- Injures et menaces envers la hiérarchie et collègues.

 ***

Contestant la rupture de son contrat de travail, M. [V] a saisi le conseil de prud'hommes de Saint-Malo par requête en date du 22 juin 2018 afin de voir :

À titre principal,

- Déclarer sans cause réelle et sérieuse le licenciement dont il a fait l'objet,

- Condamner en conséquence Monsieur [H] à lui verser la somme suivante :

- 24 959,88 euros d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

A titre subsidiaire,

- Requalifier la faute grave qui lui est reprochée en faute simple ;

- Condamner en conséquence Monsieur [H] à lui verser :

- 4 159,98 euros d'indemnité de préavis, outre 415,99 euros au titre des congés payés afférents ;

- 7 934,23 euros d'indemnité de licenciement ;

- 1 087,99 euros de rappel de salaire correspondant à la période de mise à pied conservatoire, outre 108,79 euros au titre des congés payés afférents ;

- 2 500 euros d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Ordonner la remise des documents de fin de contrat sous astreinte ;

- Prononcer l'exécution provisoire de la décision à intervenir.

M. [H] a demandé au conseil de prud'hommes de Saint-Malo de :

- Débouter M. [V] de l'ensemble de ses demandes,

- Le condamner au paiement de la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement de départage en date du 10 janvier 2020, le conseil de prud'hommes de Saint-Malo a :

- Dit que le licenciement de Monsieur [U] [V] est justifié par une cause réelle et sérieuse, constitutive d'une faute grave,

- Débouté Monsieur [U] [V] de l'ensemble de ses demandes,

- Rejeté la demande de Monsieur [J] [H] d`indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamné Monsieur [U] [V] aux dépens,

- Dit n'y avoir lieu à l'exécution provisoire du présent jugement.

***

M. [V] a régulièrement interjeté appel de cette décision par déclaration au greffe en date du 06 février 2020.

En l'état de ses dernières conclusions transmises par son conseil sur le RPVA le 04 décembre 2020, M. [V] demande à la cour de :

À titre principal

- Débouter Monsieur [H] de sa demande tendant à l'irrecevabilité des demandes de Monsieur [V] en raison d'une prétendue absence d'effet dévolutif de l'appel ;

- Infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Saint-Malo rendu le 10 janvier 2020 en ce qu'il a débouté Monsieur [V] de l'intégralité de ses demandes et, statuant à nouveau :

- Déclarer sans cause réelle et sérieuse le licenciement pour faute grave dont il a fait l'objet ;

- Condamner en conséquence Monsieur [H] à lui verser la somme de 24 959,88 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

À titre subsidiaire

- Requalifier en faute simple la faute grave reprochée .

En tout état de cause

- Condamner Monsieur [H] au paiement d'une indemnité compensatrice de préavis de 4 159,98 euros, ainsi que 415,99 euros au titre des congés payés afférents ;

- Condamner Monsieur [H] au paiement d'une indemnité de licenciement de 7 934,23 euros ;

- Condamner Monsieur [H] à lui verser la somme de 1 087,99 euros à titre de rappel de salaire correspondant à la période de mise à pied conservatoire, outre la somme de 108,79 euros au titre des congés payés afférents ;

- Ordonner à Monsieur [H] de lui remettre les bulletins de salaire rectifiés ainsi qu'un certificat de travail, une attestation Pôle Emploi et un solde de tout compte conformes à la décision à intervenir, le tout sous astreinte de 50 euros par jour de retard et par document à compter du 15 ème jour suivant la notification de la décision à intervenir, le conseil de prud'hommes se réservant le pouvoir de liquider l'astreinte;

- Condamner Monsieur [H] à lui verser la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Le condamner aux dépens.

En l'état de ses dernières conclusions transmises par son conseil sur le RPVA le 04 février 2021, M. [H] demande à la cour de :

- Constater l'absence d'effet dévolutif de l'appel et dire en conséquence que la cour d'appel n'est saisie de rien,

- Au besoin, déclarer les demandes irrecevables,

Subsidiairement,

- Confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Saint Malo le 10 janvier 2020 en ce qu'il a :

- Constater que le licenciement pour faute grave prononcé à l'égard de Monsieur [V] est régulier et fondé.

- Débouter Monsieur [V] de toutes ses demandes

- Condamner Monsieur [V] à payer à Monsieur [H] la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

***

La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du conseiller de la mise en état le 13 décembre 2022 avec fixation de la présente affaire à l'audience du 23 janvier 2023.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie, pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, aux conclusions susvisées qu'elles ont déposées et soutenues à l'audience.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la contestation de la régularité de l'appel

M. [H] soutient que l'appel de M. [V] n'a pas opéré d'effet dévolutif, en ce que l'acte d'appel mentionne seulement 'appel total' et que les chefs visés dans une annexe à la déclaration d'appel, qui au demeurant ne sont pas des chefs du jugement mais une reprise des prétentions soumises au premier juge, n'a emporté aucun effet dévolutif, la possibilité de mentionner les chefs contestés dans un document séparé n'étant ouverte que lorsqu'il est démontré une impossibilité technique de les faire figurer dans la déclaration elle-même, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

M. [V] réplique que M. [H] confond l'acte de déclaration d'appel et le système de notification électronique de ce texte ; que la déclaration d'appel notifiée par le système électronique RPVA est parfaitement régulière en ce qu'elle est composée, au titre de l'acte notifié sous format pdf, de deux parties, l'une intitulée déclaration d'appel, l'autre liste des chefs de jugement dont appel ; que le document comprend l'ensemble des mentions obligatoires prévues à l'article 901 du code de procédure civile et que ce texte n'impose pas un formulaire de rédaction précis ; que c'est en vain également qu'il est prétendu que les chefs de jugement critiqués ne sont pas mentionnés, ceux-ci étant détaillés alors même qu'il a été, dans le dispositif du jugement, globalement 'débouté de ses demandes'.

***

L'article 901 du code de procédure civile, dans sa rédaction applicable à l'espèce, dispose que :

'La déclaration d'appel est faite par acte, contenant, contenant, outre les mentions prescrites par les 2° et 3° de l'article 54 et par le cinquième alinéa de l'article 57, et à peine de nullité :

1° La constitution de l'avocat de l'appelant ;

2° L'indication de la décision attaquée ;

3° L'indication de la cour devant laquelle l'appel est porté ;

4° Les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l'appel est limité, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.

Elle est signée par l'avocat constitué. Elle est accompagnée d'une copie de la décision. Elle est remise au greffe et vaut demande d'inscription au rôle.

Une déclaration d'appel, à laquelle est jointe une annexe comportant les chefs de dispositif du jugement critiqués, constitue l'acte d'appel conforme aux exigences de l'article 901 du code de procédure civile, même en l'absence d'empêchement technique.

En l'espèce, la déclaration d'appel de M. [V], telle que transmise par le RPVA, comprend toutes les mentions exigées par l'article 901 du code de procédure civile, ne mentionne pas que l'appel est total, mais fait figurer en annexe la liste des chefs de jugement critiqués, soit les chefs de débouté des demandes rejetées.

La demande de l'intimé de voir dire la déclaration d'appel privée d'effet dévolutif doit par conséquent être rejetée.

Sur le licenciement

La lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, est ainsi rédigée :

'A la suite de notre entretien du mardi 3 avril dernier, nous vous informons que nous avons décidé de vous licencier pour faute grave pour les motifs suivants :

Refus d'effectuer Ies tâches demandées dans l'exercice de vos fonctions,

Injures et menaces envers la hiérarchie et vos collégues

En effet, le mardi 20 mars dernier, sur le parking de l'entrepôt, vers 15 heures, alors que vos collègues étaient en train de décharger et charger votre camion, je vous ai demandé d'aider vos collègues.

Vous avez alors refusé catégoriquement alors que le chargement et le déchargement de votre camion et celui des autres fait partie intégrante de vos fonctions.

Vous vous êtes ensuite mis à hurler et à m'insulter devant l'ensemble de vos collégues qui étaient présents en me disant ' va te faire enculer' et en me faisant deux bras d'honneur.

Vous vous en êtes ensuite pris à vos collègues en Ies traitant de ' branquignoles'.

Vous avez également dit que nous étions ' une boite de merde', que cela faisait longtemps que vous souhaitiez que l'on vous ' vire', que sans vous je n'étais rien et que vous vous 'tiriez et démissionniez'.

Vous avez tenu tous ces propos en criant à quelques centimètres de mon visage seulement, à la limite de l'agression physique.

Vous êtes ensuite parti avec votre jeune collègue avec le camion de l'entreprise, à toute allure.

Ce collègue m'a ensuite rapporté qu'il avait eu peur, que vous l'aviez menacé en l'accusant notamment d'avoir demandé de l'aide pour le déchargement et chargement de votre camion, ce qui n'était pas le cas, et que vous lui avez dit qu'en travaillant avec lui, vous ne lui feriez 'rien foutre'.

J'attendais des excuses de votre part auprès de moi et de vos collègues mais jusqu'à ce jour, nous n'en avons pas reçu.

Les observations recueillies auprés de vous lors de notre entretien du 3 avril 2018, auquel vous étiez assisté par un conseiller extérieur, n'ont pas permis de modifier mon appréciation sur ces faits qui ont traumatisé l'ensemble de l'équipe.

En effet, vous avez nié nous avoir agressés verbalement moi et vos collègues. Vous avez même continué à critiquer vos collèegues en les traitant d''ouvriers de merde'. Vous avez tenu une attitude méprisante à mon égard en ricanant tout au long de l'entretien.

Compte tenu de la gravité des faits reprochés, votre maintien dans l'entreprise s'avère impossible, le licenciement prend donc effet à la date d'envoi de cette lettre.

Vous ne pourrez prétendre ni à une indemnité de licenciement, ni à une indemnité compensatrice de préavis.'

M. [V] soutient que le juge départiteur s'est manifestement fourvoyé en considérant que les attestations de ses anciens collègues devaient être tenues comme la vérité au motif qu'elles sont concordantes entre elles, alors qu'elles ne correspondent pas à la façon dont se sont déroulés les faits, qu'elles émanent de personnes soumises à un lien de subordination avec l'employeur et que l'une d'elles est le frère de l'employeur ; que le prétendu refus d'effectuer les tâches demandées est une affirmation fausse dans le seul but de légitimer un licenciement pour faute grave injustifié ; qu'en réalité, il se trouvait en train de vider et nettoyer un deuxième véhicule lorsque M. [H] lui a demandé sur un ton brutal d'aider ses collègues à décharger les gravats de l'autre camion ; qu'il lui a simplement fait observer que ceux-ci avaient terminé alors que lui n'avait pas fini de préparer son véhicule ; que cela est confirmé par l'attestation de M. [Z] qui indique que, dès l'altercation terminée, il est parti avec l'un de ses collègues à la déchetterie vider le camion, et par le fait qu'il est impossible que les salariés ayant assisté à la dispute aient continué les opérations de chargement pendant ce temps, au vu de la précision et des détails qu'ils fournissent dans leur témoignage ; que, pour ce qui est des prétendues injures et menaces envers la hiérarchie et les collègues, il s'agit également d'affirmations fausses, à l'exception du bras d'honneur, effectivement fait, mais sous l'effet de la colère provoquée par l'attitude déplacée à son égard de M. [H], venu lui faire des reproches sur un ton inapproprié et sans raison, en lui adressant une demande qui n'avait aucun sens, puis en s'emportant violemment contre lui quand il le lui a fait remarquer, au point qu'il a cru qu'il allait en venir aux mains ; que, comprenant que son employeur n'entendrait pas raison et cherchait délibérément le conflit, il a pris la décision de mettre fin à cette altercation en quittant les lieux pour reprendre sa prestation de travail et se rendre sur le chantier prévu ; qu'il n'a pas pu passer devant ses collègues ou devant M. [H] le 21 mars sans les saluer ni échanger avec eux car il arrivait le premier sur les chantiers ; qu'il conteste avec vigueur avoir passé des heures en communication au lieu de travailler ; que les attestations qu'il produit permettent de saisir sa personnalité, calme et respectueuse envers les autres, alors que M.[H] n'est pas la personne calme et respectueuse qu'il présente dans ses conclusions; que le licencier pour un bras d'honneur effectué sous le coup de la colère est abusif compte tenu de son ancienneté de 10 ans et de son passé irréprochable et qu'à tout le moins la faute grave n'est pas justifiée, rien n'empêchant la poursuite du contrat de travail pendant le préavis puisque l'employeur a attendu deux jours pour lui notifier une mise à pied.

M. [H] réplique que M. [V] dans ses écritures ne conteste pas avoir reçu l'ordre de décharger le camion de gravats avec ses collègues et tente de légitimer son refus en indiquant que l'ordre reçu n'avait pas de sens car le camion était déjà déchargé au moment où l'employeur le lui a donné et qu'il était de toute façon occupé à une autre tâche, mais que l'attestation du conseiller du salarié l'ayant assisté lors de l'entretien préalable permet elle aussi, comme les attestations des salariés présents, d'affirmer qu'il a refusé d'exécuter l'ordre reçu, ce car il prétendait être affecté à une autre tâche et non pas car le camion était déchargé ; qu'en réalité il s'estimait supérieur à ses collègues de même classification et dès lors se dispensait d'effectuer les tâches qu'il estimait ingrates ; qu'il est parfaitement établi qu'il a insulté son employeur, ses collègues et l'entreprise [H] ; que les salariés ont été véritablement sidérés par sa réaction, ses propos et se souviennent donc parfaitement de leur teneur car ce n'est pas le mode de communication habituel au sein de l'entreprise; que les attestations produites montrent que l'on est très loin du patron brutal et tyrannique décrit par M. [V] qui semble oublier qu'il a été recruté et formé par M. [H] qui l'a fait évoluer ; que si tel était le cas, il ne serait certainement pas resté 14 ans dans l'entreprise compte tenu du marché de l'emploi particulièrement favorable dans ce secteur et de ses compétences professionnelles.

***

L'article L 1232-1 du Code du travail subordonne la légitimité du licenciement à l'existence d'une cause réelle et sérieuse.

La cause de rupture doit être objective, exacte et les griefs reprochés doivent être suffisamment pertinents pour justifier la rupture du contrat de travail.

La faute grave privative du préavis prévu à l'article L 1234-1 du code du travail est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise.

La charge de la preuve de la faute grave repose exclusivement sur l'employeur.

En l'espèce, il est constant que le 20 mars 2018, une altercation est survenue entre M. [V] et son employeur, M. [H], en présence des autres salariés.

Le fait que M. [Z] indique être parti à la déchetterie après l'altercation ne permet pas de déduire que, comme le soutient M. [V], il avait déjà fini de préparer le camion lorsque l'ordre de déchargement de celui-ci a été donné par l'employeur ; en tout état de cause il résulte de l'attestation de ce témoin, comme de celles de l'ensemble des salariés présents, que M.[V] s'est énervé lorsque M. [H] lui a demandé d'aider ses collègues à charger le camion de déchets. Il peut même être déduit de l'attestation de M. [Z] dont se prévaut M. [V] que c'est effectivement la tâche de s'occuper des gravats qui lui déplaisait puisqu'il a demandé tout de suite lequel de ses collègues s'était plaint du fait qu'il ne chargeait pas les déchets.

Le fait que ses collègues se souviennent des propos qu'il a proférés ne permet de tirer aucune conclusion sur la temporalité des évènements, pas plus donc que l'indication donnée par M. [Z] d'avoir lui-même quitté les lieux après la scène ''ensuite'je suis parti vider le camion avec [D] [H] et nous avons rejoint notre patron ainsi que M. [V] et un autre collègue M. [Y] sur un chantier.'

L'ensemble des salariés présents, y compris M. [Z], confirment le comportement incorrect de M. [V], dès la demande de M. [H], et il ne ressort d'aucune de leurs attestations que ce dernier se soit énervé, contrairement à l'affirmation de M. [V]. M. [Y], qui est parti en camion avec lui sur le chantier, décrit ce dernier comme étant toujours énervé et menaçant lors du trajet. Les propos visés dans la lettre de licenciement, et le déroulement des faits qui y est relaté, reposent sur les attestations concordantes des salariés présents.

Le fait que M. [V] puisse s'être montré généralement calme, au vu des attestations qu'il produit, n'empêche pas qu'il ne l'ait pas été le 20 mars 2018;quant aux attestations de M. [K] et de M. [N] produites pour décrire la personnalité de M. [H], elles sont largement contrebalancées par les attestations adverses.

M. [V] n'est donc en mesure de se prévaloir d'aucune attestation ou élément qui confirment sa version relative aux faits reprochés en date du 20 mars 2018, laquelle ne repose que sur ses seulesallégations, unanimement contredites par les témoins de la scène.

Il ne conteste donc pas utilement le raisonnement des premiers juges qui ont retenu à juste titre, par des motifs pertinents que la cour adopte, et en susbtance, que :

-le lien de parenté entre [D] et [J] [H] ainsi que le lien de subordination entre les salariés et l'employeur ne permettent pas d'écarter le caractère probant de leurs attestations, dès lors qu'ils sont les seuls témoins de la scène, que leurs attestations sont très circonstanciées et ne sont pas contredites,

-la notification de la mise à pied conservatoire le surlendemain des faits reprochés répond à l'exigence du délai restreint auquel est soumis l'employeur pour engager un licenciement pour faute grave, sans que l'on puisse lui reprocher d'avoir patienté une journée dans un souci d'apaisement (et en l'absence d'excuses du salarié le lendemain des faits),

-le refus d'exécuter une tâche relevant de son contrat de travail accompagné d'injures à l'encontre du chef d'entreprise devant d'autres salariés, comportement de nature à porter atteinte à l'autorité de ce dernier, revêt un caractère de gravité ne permettant pas le maintien de M. [V] dans l'entreprise, d'autant plus qu'il s'agit d'une petite structure où tous les salariés et le chef d'entreprise, sont amenés à se cotoyer de façon quotidienne, ce nonobstant l'ancienneté du salarié sans passif disciplinaire.

L'employeur rapporte donc la preuve qui lui incombe de la faute grave reprochée au salarié.

Le jugement entrepris doit par conséquent être confirmé en ce qu'il a dit que le licenciement de M. [V] pour faute grave était justifié et en ce qu'il a débouté ce dernier de l'ensemble de ses demandes.

Il n'est pas justifié, au regard de la situation respective des parties, de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'intimé.

M. [V], qui succombe, doit être condamné aux dépens d'appel.

Le jugement entrepris sera confirmé en ses dispositions sur ces chefs.

PAR CES MOTIFS:

La cour,

Rejette la demande de voir dire la déclaration d'appel de M. [U] [V] privée d'effet dévolutif,

Dit que la déclaration d'appel est régulière ;

Confirme le jugement entrepris,

Y ajoutant,

Déboute les parties de leurs demandes respectives au titre des frais irrépétibles d'appel,

Condamne M. [U] [V] aux dépens d'appel.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 7ème ch prud'homale
Numéro d'arrêt : 20/00935
Date de la décision : 30/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-30;20.00935 ?
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