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30/03/2023 | FRANCE | N°20/01099

France | France, Cour d'appel de Rennes, 7ème ch prud'homale, 30 mars 2023, 20/01099


7ème Ch Prud'homale





ARRÊT N°117/2023



N° RG 20/01099 - N° Portalis DBVL-V-B7E-QPOP













SA ASTEELFLASH FRANCE



C/



Mme [L] [S]





















Copie exécutoire délivrée

le :



à :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 30 MARS 2023





COMPOSITION DE LA COUR LORS DES D

ÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :



Président : Monsieur Hervé BALLEREAU, Président de chambre,

Assesseur : Madame Liliane LE MERLUS, Conseillère,

Assesseur : Madame Isabelle CHARPENTIER, Conseillère,



GREFFIER :



Madame Françoise DELAUNAY, lors des débats et lors du prononcé



DÉBATS :



A l'audience...

7ème Ch Prud'homale

ARRÊT N°117/2023

N° RG 20/01099 - N° Portalis DBVL-V-B7E-QPOP

SA ASTEELFLASH FRANCE

C/

Mme [L] [S]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 30 MARS 2023

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Monsieur Hervé BALLEREAU, Président de chambre,

Assesseur : Madame Liliane LE MERLUS, Conseillère,

Assesseur : Madame Isabelle CHARPENTIER, Conseillère,

GREFFIER :

Madame Françoise DELAUNAY, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 23 Janvier 2023

En présence de Madame Florence RICHEFOU, médiatrice judiciaire

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 30 Mars 2023 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANTE :

SA ASTEELFLASH FRANCE Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège

[Adresse 5]

[Localité 6]

Représentée par Me Eric DEMIDOFF de la SCP GAUVAIN, DEMIDOFF & LHERMITTE, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Nicolas MENAGE, avocat au barreau de RENNES

INTIMÉE :

Madame [L] [S]

née le 10 Août 1958 à [Localité 8]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Lara BAKHOS de la SELEURL PAGES - BAKHOS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES substituée par Me Constance MORAUD, avocat au barreau de RENNES

INTERVENANTE :

Etablissement Public POLE EMPLOI BRETAGNE

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée par Me Mélanie VOISINE de la SELARL BALLU-GOUGEON, VOISINE, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES substitué par Me Charles PIOT, avocat au barreau de RENNES

EXPOSÉ DU LITIGE

La SA Asteelflash a pour activité la fabrication de cartes électroniques.

Mme [L] [F] épouse [S] a initialement été embauchée en qualité d'opératrice de production par la SA Asteelflash selon un contrat à durée déterminée en date du 13 octobre 1992. À compter du 06 mai 1994, elle a été engagée dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée.

En dernier lieu, elle occupait le poste de conductrice de ligne de vernissage sur le site de [Localité 7].

Les relations entre les parties étaient régies par la convention collective des industries métallurgiques d'Ille et Vilaine et du Morbihan.

Le 23 novembre 2015, Mme [S] a été victime d'un accident du travail suite à l'implosion de la machine sur laquelle elle travaillait, due à une amorce de fissure. Le 25 novembre 2015, l'enquête officielle du CHSCT a révélé que l'amorce de fissure avait été signalée à l'équipe de maintenance le matin de l'accident.

Par la suite, Mme [S] a été placée en arrêt de travail prolongé et prise en charge au titre de la législation sur les risques professionnels.

À l'issue d'une visite de reprise du 16 mars 2016, la salariée a été déclarée inapte au poste mais apte à un autre poste de production en dehors de la zone de travail de l'accident et pas de poste de travail isolé.

Mme [S] a été affectée à un poste de production, conformément aux prescriptions du médecin du travail.

Le 1er juin 2017, la salariée a été victime d'un nouvel accident du travail. Alors qu'elle travaillait sur une machine, un embout d'une seringue à air comprimé s'est cassé, engendrant une nouvelle déflagration d'air. Mme [S] a été placée en arrêt de travail suite à son malaise.

Par décision en date du 27 septembre 2017, ce nouvel accident a été pris en charge au titre de la législation sur les risques professionnels et Mme [S] s'est vue reconnaître un taux d'incapacité de 45%.

Lors de la visite de reprise du 20 mai 2019, Mme [S] a été déclarée inapte à son poste, son étant de santé étant incompatible à une mutation ou un aménagement de poste au sein de l'entreprise.

Par courrier recommandé en date du 02 juillet 2019, Mme [S] s'est vue notifier son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

 ***

Mme [S] a saisi le conseil de prud'homes de Rennes par requête en date du 04 novembre 2019 afin de voir :

- Condamner la Société Asteelflash à lui payer la somme de 1 604,3 euros au titre du solde de l'indemnité spéciale de licenciement ;

- Dire et juger que l'employeur a manqué à son obligation de prévention des risques et de protection de la santé et de la sécurité de sa salariée ; - Dire et juger que le licenciement consécutif à son inaptitude d'origine professionnelle est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

- Condamner en conséquence la société Asteelflash à lui payer la somme de 36 522,15 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse ;

- Condamner la société Asteelflash à lui payer la somme de 2 500 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Ordonner la remise sous astreinte de 50 euros par jour de retard des bulletins de salaires, du certificat de travail et de l'attestation Pôle Emploi rectifiés ;

- Dire et juger que le conseil de prud'hommes se réserve le pouvoir de liquider l'astreinte ;

- Ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir ;

- Condamner la société Asteelflash aux entiers dépens, y compris ceux éventuels d'exécution.

La SA Asteelflash France, régulièrement convoquée par le conseil de prud'hommes de Rennes, n'était ni présente, ni représentée.

Par jugement en date du 15 janvier 2020, le conseil de prud'hommes de Rennes a :

- Dit que la SA Asteelflash France en la personne de son représentant légal, a manqué à son obligation d'assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale de Madame [L] [S]. - Requalifié la rupture du contrat de travail de Madame [L] [S] en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

- Condamné la SA Asteelflash France en la personne de son représentant légal, à verser à Madame [L] [S] les sommes suivantes :

- 1 604,30 euros nets au titre du solde de l'indemnité spéciale de licenciement ;

- 36 522,15 euros nets à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

- Dit que les sommes à caractère salarial produiront intérêt au taux légal à compter de la demande en justice, soit le 4 novembre 2019 ;

- Dit que les sommes à caractère non salarial produiront intérêt au taux légal à compter du prononcé du présent jugement ;

- Ordonné à la SA Asteelflash France, en la personne de son représentant légal, de délivrer à Madame [L] [S], les bulletins de salaire, le certificat de travail et l'Attestation Pôle Emploi rectifiés, conformes au présent jugement, dans un délai de 8 jours suivant la notification de la présente décision, sous peine d'astreinte de 50 euros par jour de retard et par document ;

- Dit que le conseil de prud'hommes se réserve le pouvoir de liquider l'astreinte sur simple demande de Madame [L] [S] ;

- Condamné la SA Asteelflash France, en la personne de son représentant légal, à rembourser à Pôle Emploi les allocations chômage, éventuellement payées à Madame [L] [S] ;

- Dit que la présente décision sera transmise à Pôle Emploi par le secrétariat greffe du conseil de prud'hommes de Rennes ;

- Fixé la moyenne des douze derniers mois de salaire à 1 974, 17 euros;

- Ordonné l'exécution provisoire du présent jugement ;

- Condamné la SA Asteelflash en la personne de son représentant légal à payer à Madame [L] [S] la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile;

- Condamné la SA Asteelflash en la personne de son représentant légal à la totalité des dépens, comprenant les éventuels frais d'huissier en cas d'exécution forcée de la présente décision

***

La SA Asteelflash France a régulièrement interjeté appel de cette décision par déclaration au greffe en date du 13 février 2020.

En l'état de ses dernières conclusions transmises par son conseil sur le RPVA le 21 septembre 2021, la SA Asteelflash France demande à la cour de :

- Infirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes en ce qu'il a déclaré le licenciement de Madame [S] dénué de cause réelle et sérieuse,

- Et en ce qu'il a condamné la société Asteelflash au paiement d'une indemnité d'un montant de 36 522,15 euros net,

- Débouter Madame [S] de cette demande,

- Prendre acte pour le surplus que la société Asteelflash après vérification a versé à Madame [S] la somme de 1 604,30 euros nette au titre du solde de l'indemnité spéciale de licenciement,

- Condamner Mme [S] aux dépens.

En l'état de ses dernières conclusions transmises par son conseil sur le RPVA le 22 avril 2021, Mme [S] demande à la cour d'appel de :

- Confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Rennes du 15 janvier 2020 en ce qu'il a :

' Dit que la SA Asteelflash France en la personne de son représentant légal, a manqué à son obligation d'assurer la sécurité et protéger sa santé physique et mentale.

' Requalifié la rupture du contrat de travail en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

' Dit que les sommes à caractère salarial produiront intérêt au taux légal à compter de la demande en justice, soit le 4 novembre 2019 ;

' Dit que les sommes à caractère non salarial produiront intérêt au taux légal à compter du prononcé du présent jugement ;

' Ordonné à la SA Asteelflash France, en la personne de son représentant légal, de lui délivrer les bulletins de salaire, le certificat de travail et l'Attestation Pôle Emploi rectifiés dans un délai de 8 jours suivant la notification de la présente décision, sous peine d'astreinte de 50 euros par jour de retard et par document ;

' Dit que le conseil de prud'hommes de Rennes se réserve le pouvoir de liquider l'astreinte ;

' Condamné la SA Asteelflash France, en la personne de son représentant légal, à rembourser à Pôle Emploi les allocations chômage, éventuellement payées à la salariée ;

' Dit que la présente décision sera transmise à Pôle Emploi par le secrétariat greffe du conseil de prud'hommes de Rennes ;

' Condamné la SA Asteelflash en la personne de son représentant légal à lui payer la somme de 2500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

' Condamné la SA Asteelflash en la personne de son représentant légal à la totalité des dépens, comprenant les éventuels frais d'huissier en cas d'exécution forcée de la décision.

Subsidiairement,

- Dire et juger que la société Asteelflash a manqué à son obligation de reclassement et/ou de consultation du Comité social et économique ;

- Condamner par conséquent la société Asteelflash à lui payer la somme de 37 759, 98 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse, en raison du manquement de l'employeur à son obligation de reclassement et/ou de consultation du comité social et économique;

Statuant à nouveau,

- Fixer la moyenne des salaires à la somme de 2 041, 08 euros ;

- Condamner la Société Asteelflash à lui verser la somme de 2681,50 euros au titre du solde de l'indemnité spéciale de licenciement ;

- Condamner la Société Asteelflash à lui verser la somme de 332, 98 euros au titre du solde de l'indemnité équivalente au préavis ;

- Condamner la société Asteelflash à lui payer la somme de 37 759, 98 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse, en raison du manquement de l'employeur à son obligation de sécurité ;

- Ordonner la capitalisation des intérêts par application de l'article 1343-2 du code civil.

- Condamner la société Asteelflash à lui payer la somme de 2 500 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel ;

En l'état de ses dernières conclusions transmises par son conseil sur le RPVA le 06 octobre 2021, Pôle Emploi Bretagne, intervenant volontaire, demande à la cour de :

- Condamner la Société Asteelflash France à rembourser auprès du Pôle Emploi les indemnités versées à Madame [S], dans la limite de 6 mois d'allocations, soit 5 235,30 euros.

- Condamner la Société Asteelflash France à verser à Pôle Emploi la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- Condamner la même aux entiers dépens.

***

La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du conseiller de la mise en état le 13 décembre 2022 avec fixation de la présente affaire à l'audience du 23 janvier 2023.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie, pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, aux conclusions susvisées qu'elles ont déposées et soutenues à l'audience.

MOTIFS DE LA DÉCISION

En application de l'article L4121-1 du code du travail, le chef d'entreprise est tenu d'une obligation de sécurité en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l'entreprise et doit prendre toutes les dispositions nécessaires en vue de l'assurer.

Il doit le faire notamment par des actions de prévention des risques professionnels, par la mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.

Lorsque l'inaptitude du salarié trouve sa cause dans un manquement préalable de l'employeur à son obligation de sécurité, qui l'a provoquée, le licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse.

***

La société Asteelflash France fait valoir que pour des raisons fortuites et malheureuses elle n'a pas été en mesure de présenter un argument en défense devant le conseil des prud'hommes, lequel a constaté sa défaillance et a donc jugé sur la base, qu'elle conteste, des seules explications et pièces fournies par la salariée; qu'en effet cette dernière, après avoir égrainé différentes obligations pesant sur l'employeur en termes d'obligation de sécurité, estime que son licenciement doit être qualifié d'abusif au motif que l'inaptitude constatée le 20 mai 2019 découle en réalité de manquements successifs de son employeur, selon un raisonnement en deux temps : le premier accident du travail du 23 novembre 2015 provient d'une défaillance de la société dans ses obligations ; la société n'a pas respecté les prescriptions de la médecine du travail puisqu'au moment de l'accident survenu le 1 er juin 2017 elle était selon elle en poste isolé, munie d'un dispositif d'alerte en cas d'incident.

Elle-même soutient au contraire à l'appui de son appel que l'inaptitude de Mme [S] n'est pas en lien avec le premier accident, puisque suite à cet accident la salariée a été déclarée apte avec simplement un certain nombre de prescriptions posées par le médecin du travail ; que l'affirmation selon laquelle elle aurait été positionnée sur un poste isolé malgré les préconisations médicales est erronée et de surcroit sans lien avec les raisons qui ont abouti à la déclaration d'inaptitude, puisque le poste que Mme [S] occupait, situé dans un atelier en annexe de l'atelier principal, dans lequel des salariés travaillent de façon régulière, n'a jamais été considéré comme un poste de travail isolé et ne nécessitait aucun dispositif 'homme mort'(PTI) ; que d'ailleurs un collègue(M. [Z]) situé à proximité de son poste l'a aidée immédiatement après les faits ; qu'en tout état de cause ce n'est pas le caractère isolé du poste qui peut présenter un lien de causalité avec l'inaptitude, que la machine était correctement entretenue et que, si l'incident, qui n'a provoqué aucun dégât physique, a pu générer un bruit soudain, il ne s'est agi en aucune façon d'un bruit assimilable à une déflagration comme l'affirme Mme [S], laquelle n'a jamais repris son travail après s'être vu prescrire un arrêt de travail pour syndrome anxio dépressif.

Cependant, c'est à juste titre que Mme [S] réplique que :

- l'enquête interne relative au premier accident a déterminé que la machine qu'elle utilisait été fabriquée 'en interne' et que ce matériel n'était pas conçu et entretenu de manière à ce que l'ouvrier à ce poste ne soit pas exposé aux risques, que d'ailleurs une amorce de fissure sur le couvercle avait été signalée à l'équipe de maintenance le matin même (sa pièce 4 : enquête du CHSCT),

- la société ne conteste pas ces éléments objectifs,

- la machine sur laquelle elle travaillait le jour du second accident se trouvait de l'autre côté de la route par rapport au bâtiment principal, comme le révèle le plan produit aux débats, la déclaration d'accident ne mentionne aucun témoin de l'accident et la société ne démontre pas que d'autres personnes étaient présentes dans le bâtiment, étant précisé que lorsque M. [Z] est arrivé elle était déjà à terre, tous éléments caractérisant un poste isolé,

- la société conteste qu'elle ait été équipée d'un dispositif 'homme mort' mais n'étaye pas son affirmation et notamment ne produit pas le document d'évaluation des risques contemporain à l'accident,

- il existe un lien entre les deux accidents car le bruit engendré par le blocage de l'aiguille (second accident), lui rappelant celui engendré par l'explosion de son matériel quelques années plus tôt a réveillé le stress post traumatique relatif au premier évènement, comme il ressort du certificat de son médecin traitant du 1 er juin 2017 'trouble anxio dépressif post traumatique après implosion de sa machine à outils ; nouvelle implosion de sa machine le 1 er juin 2017 ; nouvelle décompensation anxiodépressive' et des restrictions émises par le médecin du travail dans son avis du 16 mars 2016 qui soulignaient l'impact psychologique de l'accident en prohibant le maintien à un poste dans la zone de travail dans laquelle il s'était produit,

-sans la survenance du premier accident, le second n'aurait pas eu un impact psychologique aussi important, ce dont l'employeur lui-même était conscient en écrivant dans sa lettre de réserves à la CPAM que 'la salariée a été victime d'un accident du travail le 23/11/2015 et confrontée sur la même période au décès d'un de ses proches. Ces deux évènements ont visiblement affecté la salariée qui se trouve depuis très fragilisée psychologiquement.'

Il ressort de l'ensemble de ces considérations de fait :

-que l'employeur ne démontre pas avoir mis en oeuvre toutes les mesures destinées à prévenir le premier accident,

-qu'alors que le premier accident avait fragilisé psychologiquement la salariée il ne démontre pas avoir mis tout en oeuvre pour éviter qu'elle ne se retrouve confrontée à un nouveau risque de traumatisme du même ordre en se retrouvant isolée sur sa machine ,

-que ce risque s'est effectivement réalisé et a engendré des conséquences dont l'ampleur résulte, en partie, des manquements de l'employeur ayant permis la réalisation du premier accident.

Le jugement entrepris doit donc être confirmé en ce qu'il a jugé que l'inaptitude de Mme [S] constatée par le médecin du travail le 20 mai 2019 était imputable à un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité et que le licenciement qui lui a été notifié se trouvait, par conséquent, dépourvu de cause réelle et sérieuse.

En application de l'article L1235-3 du code du travail, Mme [S] peut prétendre, du fait de son ancienneté de 26 ans, à une indemnité d'un montant maximal de 18,5 mois de salaire correspondant à la somme de 37759,98 euros. Les premiers juges lui ont accordé la somme de 36 522,15 euros. Cette évaluation n'est pas spécifiquement contestée par la société appelante et la salariée fait valoir qu'elle est restée inscrite à Pôle Emploi jusqu'à ce qu'elle soit en mesure de liquider sa retraite et que, atteinte psychologiquement par son licenciement, elle tente de se reconstruire. Le jugement entrepris sera en conséquence confirmé en l'appréciation qu'il a faite de ce préjudice en condamnant la société Asteelflash à payer à Mme [S] la somme de 36 522,15 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Il le sera tout autant en ce qu'il a ordonné le remboursement des indemnités versées par Pôle Emploi dans la limite de 6 mois en application de l'article L1235-4 du code du travail et la remise par l'employeur à Mme [S] des documents de fin de contrat rectifiés. L'astreinte ordonnée n'est toutefois pas justifiée en l'état de la procédure.

Il n'est pas contesté que Mme [S] a droit à la perception de l'indemnité spéciale de licenciement prévue par l'article L1226-14 du code du travail.

Cette indemnité est calculée, aux termes de l'article L1226-16 du même code, 'sur la base du salaire moyen qui aurait été perçu par l'intéressé au cours des trois derniers mois s'il avait continué à travailler au poste qu'il occupait avant la suspension du contrat de travail provoquée par l'accident de travail ou la maladie professionnelle.

Pour le calcul de ces indemnités, la notion de salaire est définie par le taux personnel, les primes, les avantages de toute nature, les indemnités et les gratifications qui composent le revenu.'

Les majorations d'heures de nuit et les temps de pause habituellement perçus auraient été payés si la salariée avait continué à travailler et doivent être réintégrés, comme elle le fait valoir, dans le calcul de son salaire moyen qui s'établit dès lors à 2041,08 euros sur les trois derniers mois précédant le licenciement, et l'indemnité spéciale de licenciement à la somme de 32 883,30 euros, sur laquelle l'employeur reste lui devoir la somme de 2681,50 euros qu'il sera condamné à lui payer.

Il sera condamné également au paiement d'un solde de 332,98 euros au titre de l'indemnité compensatrice équivalente au préavis, dont la base de calcul de salaire moyen est la même en application de l'article L1226-16 du code du travail.

Le jugement entrepris sera en conséquence infirmé sur ces deux montants.

Il sera rappelé que les sommes à caractère salarial produisent intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation et les sommes à caractère indemnitaire à compter de la décision les ordonnant et il convient de faire droit à la demande, présentée en cause d'appel, de capitalisation des intérêts légaux conformément aux dispositions légales ( article1343-2 nouveau du code civil).

Il est inéquitable de laisser à Mme [S] ses frais irrépétibles d'appel qui seront mis à hauteur de 2500 euros à la charge de la société appelante, laquelle, succombant, sera condamnée aux dépens d'appel. L'application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de Pôle Emploi n'est pas justifiée.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement entrepris, sauf en ce qui concerne le quantum de la somme allouée au titre de l'indemnité spéciale de licenciement et en ce qu'il a assorti d'une astreinte l'oligation de remise par l'employeur des documents de fin de contrat,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés, et y ajoutant,

Condamne la SA Asteelflash France à payer à Mme [L] [F] épouse [S] les sommes de :

-2681,50 euros au titre du solde de l'indemnité spéciale de licenciement

-332,98 euros au titre du solde de l'indemnité compensatrice équivalente au préavis,

Dit n'y avoir lieu à astreinte pour la remise des documents de fin de contrat,

Rappelle que les sommes à caractère salarial produisent intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation et les sommes à caractère indemnitaire à compter de la décision les ordonnant

Ordonne la capitalisation des intérêts par application de l'article 1343-2 du code civil,

Condamne la SA Asteelflash France à payer à Mme [L] [F] épouse [S] la somme de 2500 euros au titre des frais irrépétibles d'appel,

Déboute Mme [L] [F] épouse [S] du surplus de ses demandes,

Déboute Pôle Emploi de sa demande au titre des frais irrépétibles d'appel,

Condamne la SA Asteelflash France aux dépens d'appel.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 7ème ch prud'homale
Numéro d'arrêt : 20/01099
Date de la décision : 30/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-30;20.01099 ?
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