7ème Ch Prud'homale
ARRÊT N°125/2023
N° RG 21/00162 - N° Portalis DBVL-V-B7F-RHOW
M. [J] [L] [D] [G]
C/
S.A.S. [Z]-GOIC ET ASSOCIES
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 30 MARS 2023
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Monsieur Hervé BALLEREAU, Président de chambre,
Assesseur : Madame Liliane LE MERLUS, Conseillère,
Assesseur : Madame Isabelle CHARPENTIER, Conseillère,
GREFFIER :
Madame Françoise DELAUNAY, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 24 Janvier 2023 devant Madame Liliane LE MERLUS, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial
En présence de Monsieur [C] [B], médiateur judiciaire
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 30 Mars 2023 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats
****
APPELANT :
Monsieur [J] [L] [D] [G]
né le 13 Septembre 1966 à [Localité 7]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représenté par Me Christophe LHERMITTE de la SCP GAUVAIN, DEMIDOFF & LHERMITTE, Postulant, avocat au barreau de RENNES
Représenté par Me Cécile CROMBEZ-GUIGNEUX, Plaidant, avocat au barreau de SAINT-MALO
INTIMÉE :
S.A.S. [Z]-GOIC ET ASSOCIES prise en la personne de Maître [T] [Z], mandataire liquidateur de la SAS [O] ESCALIERS FRANCE
[Adresse 6]
[Localité 5]
Représentée par Me Pascal ROBIN de la SELARL A.R.C, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES
INTERVENANTES :
Association AGS CGEA DE [Localité 4]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Localité 4]
Non comparante, non représentée
***
EXPOSÉ DU LITIGE
La société Escaliers [O] devenue la SAS [O] Escaliers France est spécialisée dans la fabrication et la pose d'escaliers en bois et métal.
M. [J] [G] a été embauché par la société Escaliers [O] selon un contrat à durée indéterminée non écrit en date du 04 novembre 1987. Il exerçait les fonctions de menuisier manutentionnaire, catégorie ouvrier.
Les relations ente les parties étaient régies par la convention collective des ouvriers du bâtiment.
Le 28 février 2017, M. [G] a été victime d'un accident du travail et placé en arrêt.
La société Escaliers [O] a été confrontée à des difficultés économiques et par jugement en date du 25 juillet 2017, le tribunal de commerce de Saint-Malo a prononcé l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire.
Par jugement en date du 29 mars 2018, le tribunal de commerce a autorisé la reprise de la SAS Escaliers [O] par la société [O] Escaliers France.
À l'issue de la visite de reprise du 20 août 2018, M. [G] a fait l'objet d'un avis d'inaptitude à son poste de menuisier manutentionnaire. Le médecin du travail a également précisé que le reclassement de M. [G] était possible selon les indications suivantes :
- Pas de manutention manuelle de charges,
- Pas de station debout prolongée ni piétinements,
- Pas de station assise prolongée,
- Pas de travaux sollicitant le rachis (mouvement de torsion, penché en avant...).
Par courrier en date du 05 septembre 2018, l'employeur a indiqué à M. [G] qu'il était en attente de la validation par le médecin du travail des aménagements de poste pour le reclasser.
Par courrier en date du 26 septembre 2018, la direction de la société [O] Escaliers France a informé M. [G] que le médecin du travail confirmait qu'il pouvait reprendre son poste en tant que menuisier manutentionnaire sur des tâches délimitées et précisait qu'une formation interne sera organisée.
Par courrier du 27 septembre 2018, M. [G] a refusé ce poste, au motif que les aménagements prévus constituaient plusieurs modifications d'éléments essentiels à son contrat de travail.
Par courrier en date du 1er octobre 2018, l'employeur a pris acte du refus indiqué par M. [G], lui a fait connaîte qu'il était dans l'imposibilité de le reclasser sur un autre poste, et qu'il engageait en conséquence une procédure de licenciement.
Par courrier recommandé en date du 04 octobre 2018, M. [G] a été convoqué à un entretien préalable au licenciement prévu le 16 octobre 2018, puis reporté au 18 octobre suivant.
Par courrier du 22 octobre 2018, le salarié s'est dit 'contraint d'accepter' la proposition de poste aménagé et a rappelé que le contenu du poste ne correspondait pas à son métier de menuisier manutentionnaire.
Par courrier en date du 24 octobre 2018, la société [O] escaliers France a interrogé M. [G] sur sa position, lui a demandé de la clarifier et a indiqué qu'à défaut de réponse au plus tard le 27 octobre suivant, il sera considéré que la proposition est refusée.
Par courrier recommandé en date du 29 octobre 2018, M. [G] s'est vu notifier son licenciement pour inaptitude médicalement constatée, refus du poste aménagé et impossibilité de reclassement.
Par jugement en date du 29 juillet 2022, le tribunal de commerce a prononcé la liquidation judiciaire de la SAS [O] Escaliers France et a désigné la SAS [Z] Goïc & Associés, prise en la personne de Me [T] [Z], ès qualités de liquidateur judiciaire.
***
Contestant la rupture de son contrat de travail, M. [G] a saisi le conseil de prud'hommes de Dinan par requête en date du 24 juin 2019 afin de voir, dans le dernier état de ses demandes :
'- Dire et juger que le licenciement prononcé à l'encontre de Monsieur [J] [G] est fondé sur l'inaptitude constatée par avis du Médecin du travail en date du 20 août 2018,
- Condamner la société [O] escaliers France au versement de l'indemnité spéciale de licenciement égale au double de l'indemnité légale pour licenciement pour motif personnel, à hauteur de 18 530euros,
- Condamner la société [O] escaliers France au versement de l'indemnité compensatrice de préavis sur la base du préavis légal, à hauteur de 3 584euros,
- Condamner la société [O] escaliers France au paiement de 1 500 euros au titre de l'article 700
du code de procédure civile.'
La SAS [O] escaliers France a demandé au conseil de prud'hommes de :
- Constater que Monsieur [J] [G] a refusé le poste de reclassement proposé par la société [O] escaliers France,
- Dire et juger que le refus de ce poste de reclassement était abusif,
- Reconnaître le bien fondé, la validité et la régularité du licenciement de Monsieur [J] [G],
- Débouter en conséquence et en synthèse Monsieur [J] [G] de l'intégralité de ses demandes,
- Débouter Monsieur [J] [G] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement en date du 05 octobre 2020, le conseil de prud'hommes de Dinan a :
- Jugé le refus du poste de reclassement proposé par la SAS [O] escaliers France à Monsieur [J] [G], abusif ;
- Débouté Monsieur [J] [G] de l'intégralité de ses demandes ;
- Débouté la SAS [O] escaliers France de sa demande reconventionnelle relative à l'article 700 du code de procédure civile.
- Condamné Monsieur [J] [G] aux dépens.
***
M. [G] a régulièrement interjeté appel de cette décision par déclaration au greffe en date du 07 janvier 2021.
En l'état de ses dernières conclusions transmises par son conseil sur le RPVA le 24 octobre 2022, M. [G] demande à la cour de :
'- Infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Dinan en date du 5 octobre 2020 en ce qu'il affirme « ne [pas recevoir] Monsieur [J] [G] en sa demande de reconnaissance de son licenciement pour inaptitude professionnelle », « juge le refus de poste de reclassement, proposé par la SAS [O] escaliers France à Monsieur [G] abusif », « déboute Monsieur [J] [G] de l'intégralité de ses demandes », « condamne Monsieur [J] [G] aux entiers dépens ».
- Ce faisant, juger Monsieur [J] [G] recevable en toutes ses demandes, fins et conclusions,
Ce faisant :
- Juger que le licenciement de Monsieur [J] [G] est nul en raison de l'absence d'impossibilité de reclassement
Ce faisant,
- Fixer au passif de la SAS [O] Escaliers France la somme suivante :
- 16 129,71 euros au titre d'indemnité pour nullité du licenciement, conformément aux dispositions de l'article L1235-3-1 du code du travail,
- Juger que Monsieur [J] [G] n'a pas formulé de refus abusif du poste de reclassement proposé et que c'est à tort qu'il a été privé des sommes qui lui étaient dues en raison de l'origine professionnelle de son licenciement
Ce faisant,
- Fixer au passif de la SAS [O] escaliers France les sommes suivantes: - 18 531 euros au titre du delta de l'indemnité légale de licenciement relatif à l'indemnité spéciale due en cas de licenciement pour inaptitude d'origine professionnelle
- 3 584 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis due en cas de licenciement pour inaptitude d'origine professionnelle
- Juger que les condamnations produiront intérêt légal à compter de la saisine du conseil de prud'hommes,
- Ordonner la remise sous astreinte des documents suivants :
- Un bulletin de salaire récapitulatif des condamnations patronales,
- Un certificat de travail conforme à la décision,
- Une attestation Pôle Emploi conforme à la décision,
- Ordonner que la remise de chacun de ces documents sera ordonnée sous astreinte de 30 euros par jour de retard,
- Définir les modalités de liquidation de l'astreinte,
- Fixer au passif de la SAS [O] escaliers France au paiement d'une indemnité de 3 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- Débouter la SAS [O] escaliers France de sa demande du paiement, par M. [G], de la somme de 5000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- Fixer au passif de la SAS [O] Escaliers France les entiers dépens,
- Ordonner que le jugement rendu sera opposable au liquidateur en charge de la liquidation judiciaire de la SAS [O] Escaliers, ainsi qu'à l'AGS CGEA.'
En l'état de ses dernières conclusions transmises par son conseil sur le RPVA le 09 décembre 2022, la SAS [Z] Goïc & Associés, ès qualités de mandataire liquidateur de la SAS [O] escaliers France, demande à la cour d'appel de :
- Confirmer la décision rendue par le conseil de prud'hommes de Dinan le 5 octobre 2020,
Et en conséquence,
- Confirmer que Monsieur [J] [G] a refusé le poste de reclassement proposé par la société [O] escaliers France,
- Confirmer que le refus de ce poste de reclassement était abusif,
- Reconnaître le bien fondé, la validité et la régularité du licenciement de Monsieur [J] [G],
- Débouter en conséquence et en synthèse Monsieur [J] [G] de l'intégralité de ses demandes,
- Débouter Monsieur [J] [G] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamner Monsieur [J] [G] à verser à la SAS [Z] Goïc & Associés ès qualités de mandataire liquidateur de la Société [O] escaliers France la somme de 5 000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par acte signifié le 03 novembre 2022, M. [G] a, par l'intermédiaire de son conseil, assigné l'AGS CGEA de [Localité 4] en intervention forcée. L'AGS CGEA de [Localité 4] n'a pas constitué avocat.
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Par ordonnance en date du 28 avril 2022, le conseiller de la mise en état a ordonné une médiation dans la présente affaire opposant M. [J] [G] à la SAS [O] escaliers France. Les parties ne sont pas parvenues à un accord.
La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du conseiller de la mise en état le 13 décembre 2022 avec fixation de la présente affaire à l'audience du 24 janvier 2023.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie, pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, aux conclusions susvisées qu'elles ont déposées et soutenues à l'audience.
MOTIFS DE LA DÉCISION
M. [G] critique le jugement entrepris en ce que :
-contre toute attente, il a remis en cause le caractère professionnel de l'inaptitude alors que la société [O] ne le conteste pas,
-a jugé que son refus de poste de reclassement était abusif, alors qu'il n'a pas refusé le poste proposé.
Il soutient également que le licenciement est nul puisque la lettre de licenciement vise son refus de la propostion de reclassement, qu'il a acceptée.
Le mandataire liquidateur de la société [O] Escaliers France réplique que :
-la société employeur a proposé à M. [O] au titre du reclassement un poste aménagé, conforme aux préconisations du médecin du travail, et pour lequel les membres de la délégation du personnel du CSE ont émis à l'unanimité un avis favorable,
-le salarié a refusé la proposition et la société n'a eu d'autre choix, faute d'autre poste de reclassement, que de poursuivre la procédure de licenciement,
-le refus du poste de reclassement, qui ne nécessitait pas son accord en ce qu'il s'agissait d'un simple aménagement de poste, était abusif comme le démontrent les motifs fantaisistes du refus et l'attitude plus que menaçante envers la société du salarié qui n'avait qu'un seul souhait, être licencié avec les indemnités afférentes à un licenciement pour impossibilité de reclassement suite à une inaptitude d'origine professionnelle.
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Aux termes de l'article L1226-10 du code du travail dans sa version applicable à l'espèce :
Lorsque, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à un accident du travail ou à une maladie professionnelle, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités.
Cette proposition prend en compte, après avis des délégués du personnel, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existant dans l'entreprise.
L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes ou aménagement du temps de travail.
L'article L1226-12 du même code dispoe que :
Lorsque l'employeur est dans l'impossibilité de proposer un autre emploi au salarié, il lui fait connaître par écrit les motifs qui s'opposent au reclassement.
L'employeur ne peut rompre le contrat de travail que s'il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l'article L. 1226-10, soit du refus par le salarié de l'emploi proposé dans ces conditions, soit de la mention expresse dans l'avis du médecin du travail que tout maintien du salarié dans l'emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans l'emploi.
L'obligation de reclassement est réputée satisfaite lorsque l'employeur a proposé un emploi, dans les conditions prévues à l'article L. 1226-10, en prenant en compte l'avis et les indications du médecin du travail.
En l'espèce, il est constant que l'employeur a proposé à M. [G] un poste aménagé, conforme aux préconisations du médecin du travail, dont il a pris l'avis, ainsi que celui des délégués du personnel, satisfaisant ainsi à son obligation de reclassement.
M. [G] a, contrairement à ce qu'il soutient, refusé ce poste. En effet, dans son courrier recommandé du 27 septembre 2018, ce refus est exprimé : 'je refuse ce poste qui contient plusieurs modifications d'éléments essentiels à mon contrat de travail, comme expliqué plus haut dans ce courrier. Il vous appartient de tirer les conséquences de mon refus justifié'.
Il ressort des échanges de courriers produits aux débats que lors de l'entretien préalable, la proposition de ce poste a de nouveau été faite à M. [G], qui a, par courrier du 22 octobre 2018 indiqué notamment 'Vous m'avez aussi précisé qu'en cas de réponse négative, vous me licencieriez pour abandon de poste et qu'au cas où je le contesterais vous seriez prêt à aller jusqu'en cassation si besoin (...) face à votre menace de licenciement pour abandon de poste, je me vois contraint d'accepter votre proposition.'
Le 24 octobre 2018, l'employeur a contesté ces imputations et précisé à M. [G] que ce qu'il relatait ne correspondait pas du tout à leurs derniers échanges et qu'il tenait tout d'abord à rétablir la réalité des faits, à savoir qu'il n'a jamais été menacé d'un licenciement pour abandon de poste mais qu'il lui avait été indiqué que son refus de poursuivre sa collaboration au poste aménagé pour lui aurait des impacts indemnitaires en cas de licenciement ; que dans son courrier il faisait état de menaces qui auraient été exercées sur lui pour forcer son accord, et de sa contrainte d'accepter la proposition ; qu'il ne pouvait être accepté de telles allégations infondées dans le cadre d'une poursuite de collaboration et il lui était demandé d'indiquer d'ici au 27 octobre, clairement, s'il acceptait ou non de poursuivre le contrat de travail.
Par courrier daté du 27 octobre 2018 avec la mention 'courier envoyé par mail et par LR-AR' mais sans production aux débats ni d'un mail ni d'un avis de LR-AR, alors que le courrier porte le cachet de réception par l'employeur en date du 30 octobre, il a répondu 'je vous ai déjà exprimé ma position dans mon courrier daté du 22 octobre, vous me fixez un nouvel ultimatum( ... )je perçois dans votre courrrier une pression psychologique supplémentaire (...)je ne reviendrai donc pas sur mon courrier du 22 octobre, à charge pour vous de prendre les mesures qui relèvent de votre responsabilité.'
Il a donc exprimé une position de refus, puis d'acceptation sous contrainte, expression d'un consentement vicié qui ne pouvait être considéré par l'employeur comme une acceptation valable, puis de confirmation de refus.
Le licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement, justifié par le refus par le salarié du poste proposé dans les conditions de l'article L1226-10 du code du travail, est par conséquent fondé sur une cause réelle et sérieuse.
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Le caractère professionnel de l'inaptitude n'est pas contesté par l'employeur, qui n'invoque que le caractère abusif du refus par M. [G] du poste de reclassement proposé.
En application de l'article L1226-14 du code du travail, 'La rupture du contrat de travail dans les cas prévus au deuxième alinéa de l'article L. 1226-12 ouvre droit, pour le salarié, à une indemnité compensatrice d'un montant égal à celui de l'indemnité compensatrice de préavis prévue à l'article L. 1234-5 ainsi qu'à une indemnité spéciale de licenciement qui, sauf dispositions conventionnelles plus favorables, est égale au double de l'indemnité prévue par l'article L. 1234-9.
Toutefois, ces indemnités ne sont pas dues par l'employeur qui établit que le refus par le salarié du reclassement qui lui est proposé est abusif.'
Le refus d'un poste de reclassement emportant modification du contrat de travail n'est pas fautif et ne peut constituer un refus abusif privatif des indemnités de l'article L1226-14 du code du travail.
Le mandataire liquidateur de la société [O] Escaliers France fait valoir que le poste proposé permettait au salarié de bénéficier du même niveau de rémunération et de classification, de voir sa durée du travail maintenue, ainsi que la répartition de ses horaires de travail, de ne subir aucun déclassement professionnel ; il affirme que ses missions étaient aussi proches que possible de l'emploi précédemment occupé, que l'accomplissement de ces tâches ne nécessitaient pour le salarié de se référer qu'à son expérience, son savoir faire et son expertise de menuisier manuentionnaire ; qu'aucun membre du CES n'a relevé d'incohérence entre les tâches listées et l'intitulé de son poste.
Cependant, alors que M. [G] affirme que les tâches décrites l'auraient occupé peu de temps, que le niveau de responsabilité demandé était supérieur à celui inhérent à son poste précédent et que le travail était auparavant réalisé, parmi bien d'autres tâches, par des employés d'un niveau supérieur de type agent de maîtrise, il y a lieu de constater : qu'il n'est produit pour la société employeur aucune fiche de poste permettant de vérifier ses tâches de menuisier/manutentionnaire, qu'une formation d'adaptation était nécessaire pour la prise de poste et que, si la société avait prévu un poste multitâches, soit:
prendre les appels téléphoniques des quais de chargement, valider la conformité des produits à livrer et établir les bons de livraison (formation en interne prévue au démarrage de cette activité), assister à la réception et contrôler la conformité des produits en arrivée, effectuer des tâches de transport au sein de l'usine à l'aide des machines adaptées après obtention du CACES, balayer l'usine à l'aide de la machine auto tractée, étiqueter les emballages carton avant le départ en livraison,le médecin du travail a exclu la plupart de ces tâches, de sorte qu'après avis de celui-ci le poste se résumait à deux types de tâches : prendre les appels téléphoniques des quais de déchargement, valider la conformité des produits à livrer et établir les bons de livraison.
Il en ressort, à la seule description du contenu du poste, que M. [O] ne ferait plus du tout de tâches de menuisier, et pas non plus de tâches de manutention, ce qui entraînait, même si le niveau de qualification et de compétence ne subissait pas de modification, une modification de l'économie du contrat tellement importante qu'elle caractérise une modification du contrat de travail, que M. [G] était par conséquent fondé à refuser, sans que ce refus puisse être considéré comme abusif.
Il convient en conséquence de fixer au bénéfice de M. [G], au passif de la liquadation de la société employeur, les sommes de 18 531 euros au titre de l'indemnité spéciale de licenciement et de 3584 euros au titre de l'indemnité équivalente au préavis, en infirmation du jugement. Le mandataire devra délivrer des documents de fin de contrat conformes, mais l'astreinte n'est pas justifiée.
L'arrêt sera déclaré opposable au CGEA de [Localité 4], dans les limites de la garantie légale de l'AGS.
Il n'est pas inéquitable, eu égard à la situation respective des parties, de laisser à chacune ses frais irrépétibles d'instance. Le mandataire liquidateur, es qualités, succombant partiellement, sera condamné aux dépens de l'instance.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Infirme le jugement entrepris, sauf en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles,
Statuant à nouveau sur les chefs infirmés, et y ajoutant,
Fixe au passif de la liquidation judiciaire de la Sas [O] Escaliers France, au profit de M. [J] [G], les créances suivantes :
-18 531 euros au titre de l'indemnité spéciale de licenciement,
-3584 euros au titre de l'indemnité compensatrice équivalente au préavis,
Ordonne à la Sas [Z] Goic et associés, es-qualités de liquidateur judiciaire de la Sas [O] Escaliers France, de remettre à M. [J] [G] un bulletin de salaire mentionnant les indemnités allouées, ainsi qu'une attestation Pôle Emploi rectifiée conformément aux dispositions du présent arrêt ;
Dit n'y avoir lieu à assortir d'une astreinte cette obligation de remise,
Déclare l'arrêt opposable au CGEA de [Localité 4], gestionnaire de l'AGS, dans les limites de la garantie légale de l'AGS,
Déboute M. [J] [G] du surplus de ses demandes,
Déboute les parties de leurs demandes respectives relatives aux frais irrépétibles d'appel,
Condamne la Sas [Z] Goic et associés, es-qualités de liquidateur judiciaire de la Sas [O] Escaliers France, aux dépens de première instance et d'appel.
Le Greffier Le Président