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03/04/2023 | FRANCE | N°19/07543

France | France, Cour d'appel de Rennes, 8ème ch prud'homale, 03 avril 2023, 19/07543


8ème Ch Prud'homale





ARRÊT N°139



N° RG 19/07543 -

N° Portalis DBVL-V-B7D-QINZ













Mme [E] [R]



C/



ASSOCIATION TERRITORIALE POUR LE DEVELOPPEMENT DE L'EMPLOI ET DES COMPETENCES DE [Localité 5] METROPOLE

















Infirmation













Copie exécutoire délivrée

le :



à :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUP

LE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 03 AVRIL 2023





COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :



Monsieur Rémy LE DONGE L'HENORET, Président de chambre,

Monsieur Philippe BELLOIR, Conseiller,

Madame Gaëlle DEJOIE, Conseillère,



GREFFIER :



Monsieur Philippe RENAULT, lors des dé...

8ème Ch Prud'homale

ARRÊT N°139

N° RG 19/07543 -

N° Portalis DBVL-V-B7D-QINZ

Mme [E] [R]

C/

ASSOCIATION TERRITORIALE POUR LE DEVELOPPEMENT DE L'EMPLOI ET DES COMPETENCES DE [Localité 5] METROPOLE

Infirmation

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 03 AVRIL 2023

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Rémy LE DONGE L'HENORET, Président de chambre,

Monsieur Philippe BELLOIR, Conseiller,

Madame Gaëlle DEJOIE, Conseillère,

GREFFIER :

Monsieur Philippe RENAULT, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 21 Octobre 2022

devant Madame Gaëlle DEJOIE, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 03 Avril 2023, date à laquelle a été prorogé le délibéré initialement fixé au 02 Février précédent, par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANTE :

Madame [E] [R]

née le 26 Septembre 1982 à [Localité 4] (53)

demeurant [Adresse 1]

[Localité 5]

Représentée par Me Cédric BEUTIER, Avocat au Barreau de NANTES

INTIMÉE :

L'ASSOCIATION TERRITORIALE POUR LE DEVELOPPEMENT DE L'EMPLOI ET DES COMPETENCES DE [Localité 5] METROPOLE (A.T.D.E.C.) prise en la personne de son Président en exercice et ayant son siège :

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représentée par Me Marie-Laure QUIVAUX de la SELARL CAPSTAN OUEST, Avocat au Barreau de NANTES

Après une première période d'emploi par contrats à durée déterminée à effet du 15 juin 2005, Mme [E] [R] a été engagée en qualité de chargée d'animation dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée du 12 novembre 2006 par la mission locale de [Localité 5] MÉTROPOLE aux droits de laquelle vient l'Association territoriale pour le développement de l'emploi et des compétences (ATDEC) de [Localité 5] métropole.

Le 8 juin 2016, sur le site de [Adresse 3] à [Localité 5], un usager a manifesté sa colère et proféré des menaces verbales après un refus d'aide financière.

Mme [R] a été placée en arrêt de travail à compter du 13 juin 2016.

Mme [R] a été déclarée inapte le 4 janvier 2018, par la médecine du travail, avec impossibilité de reclassement.

Mme [R] s'est vu notifier le 31 janvier 2018 son licenciement pour inaptitude sans obligation de reclassement.

Le 25 juin 2018, Mme [R] a saisi le Conseil de Prud'hommes de Nantes aux fins d'indemnisation des conséquences de son licenciement abusif comme résultant d'un manquement à l'ob1igation de sécurité.

La cour est saisie d'un appel régulièrement formé par Mme [R] le 19 novembre 2019 contre le jugement du 24 octobre 2019 par lequel le conseil de prud'hommes de NANTES a :

' dit que l'ATDEC [Localité 5] MÉTROPOLE a satisfait à son obligation de sécurité de résultat,

' dit que le licenciement pour inaptitude de Mme [R] est justifié et repose sur une cause réelle et sérieuse,

' débouté Mme [R] de l'ensemble de ses demandes,

' débouté I'ADTEC [Localité 5] MÉTROPOLE de sa demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

' laissé les éventuels dépens à la charge de Mme [R].

Vu les écritures notifiées par voie électronique le 14 février 2020 suivant lesquelles Mme [R] demande à la cour de :

' infirmer le jugement du Conseil de prud'hommes de NANTES du 24 octobre 2019 en ce qu'il dit que l'ATDEC a satisfait à son obligation de sécurité de résultat, dit que le licenciement pour inaptitude de Mme [R] est justifié et repose sur une cause réelle et sérieuse, débouté Mme [R] de l'ensemble de ses demandes,

Statuant à nouveau,

' fixer la rémunération mensuelle moyenne de Mme [R] à hauteur de 2.246,40 € bruts,

' dire et juger que la MISSION LOCALE de [Localité 5] MÉTROPOLE a manqué à son obligation de sécurité de résultat,

' condamner l'ATDEC à verser à Mme [R] la somme de 15.000 € à titre de dommages et intérêts au titre de la violation de l'obligation de sécurité,

' dire et juger que le licenciement pour inaptitude de Mme [R] résulte d'un manquement de l'employeur à l'obligation de sécurité de résultat et est par conséquent dépourvu de cause réelle sérieuse,

' condamner l'ATDEC à verser à Mme [R] la somme de 24.710,40 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

' condamner l'ATDEC à verser à Mme [R] la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Vu les écritures notifiées par voie électronique le 7 mai 2020 suivant lesquelles l'ADTEC demande à la cour de :

' confirmer le jugement entrepris, sauf en sa disposition l'ayant déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

Statuant à nouveau sur ce chef et y ajoutant,

' déclarer irrecevables, pour cause de prescription, les demandes de Mme [R] de dire et juger que la MISSION LOCALE [Localité 5] MÉTROPOLE a manqué à son obligation de sécurité et, par conséquent, de la condamner à 15.000 € de dommages et intérêts,

' condamner Mme [R] à lui verser la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile, outre aux entiers dépens de l'appel y compris ceux éventuels d'exécution forcée de l'arrêt à intervenir.

La clôture a été prononcée par ordonnance du 6 octobre 2022.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions notifiées via le RPVA.

MOTIVATION DE LA DECISION

Sur la prescription

L'ATDEC fait valoir qu'en application de l'article L. 1471-1 du Code du travail, toute action portant sur l'exécution ou la rupture du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit'; que l'action de Mme [R] au titre d'un manquement de son employeur à son obligation de sécurité porte sur des faits dont elle prétend avoir été victime le 8 juin 2016'; qu'à défaut pour Mme [R] d'avoir introduit son action avant l'expiration d'un délai de deux ans à compter de cette date, son action est irrecevable.

Mme [R] rétorque pour confirmation qu'elle a été licenciée pour inaptitude d'origine professionnelle le 31 janvier 2018'; qu'il est donc inopérant de lui opposer la prescription de l'action tirée du grief de violation de l'obligation de sécurité dans la mesure où c'est à compter de son licenciement qu'elle s'est trouvée en droit de pouvoir utilement l'invoquer.

Aux termes de l'article L1471-1 du code du travail dans toutes ses versions successives applicables, en vigueur depuis le 17 juin 2013, toute action portant sur l'exécution ou la rupture du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit'; ce délai n'est toutefois pas applicable aux actions en réparation d'un dommage corporel causé à l'occasion de l'exécution du contrat de travail, aux actions en paiement ou en répétition du salaire et aux actions exercées en application des articles L. 1132-1, L. 1152-1 et L. 1153-1.

Le deuxième alinéa de ce texte, dans sa version applicable, dispose que toute action portant sur la rupture du contrat de travail se prescrit par douze mois à compter de la notification de la rupture.

Il ressort de l'ensemble des éléments versés aux débats que les demandes de Mme [R] portent d'une part sur l'indemnisation du préjudice résultant de la violation par l'employeur de son obligation de sécurité à l'origine de l'accident du travail survenu le 8 juin 2016'; Mme [R] ne produit aucun élément de nature à établir qu'elle n'aurait pas été en mesure, dès cette date, de former cette demande et ne sollicite par ailleurs l'indemnisation que du préjudice moral résultant du manquement qu'elle allègue, ce dont il résulte que le délai de prescription à ce titre a pour point de départ le 8 juin 2016 et que sa demande, formée devant le Conseil de Prud'hommes de Nantes le 25 juin 2018, est irrecevable en application des dispositions précitées.

L'appel formé par Mme [R] porte d'autre part sur la contestation de son licenciement pour inaptitude notifié le 21 janvier 2018, demande formée devant le Conseil de prud'hommes de NANTES le 25 juin 2018, soit dans le délai imparti par les dispositions précitées, de sorte que ce chef de demande n'est pas atteint par la prescription.

Sur l'origine professionnelle de l'inaptitude par manquement de l'employeur à son obligation de sécurité

Mme [R] soutient pour infirmation que son inaptitude est bien la suite de l'accident du travail survenu le 8 juin 2016 et reconnu par la caisse primaire d'assurance maladie, qu'elle est donc d'origine professionnelle et résulte d'un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, en raison de l'absence de toute mesure de prévention et de protection de ses salariés par l'employeur et ce, malgré l'alerte adressée quelques jours plus tôt par sa conseillère concernant l'usager auteur de l'agression dont a été victime notamment Mme [R].

Pour confirmation, l'ATDEC soutient que Mme [R] n'a pas été victime d'une agression le 8 juin 2016 puisqu'elle ne se trouvait pas dans l'espace où s'est déroulé l'incident qu'elle décrit, que l'employeur n'a pas manqué à son obligation de sécurité dans l'exécution de son contrat de travail, que les mesures avaient été prises ainsi qu'en témoigne le document unique qu'elle verse aux débats et que la directrice et la responsable d'activité avaient demandé à la référente de l'usager de ne plus le recevoir en entretien, ce que cette dernière a toujours refusé de faire.

Les règles protectrices des victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle s'appliquent dès lors que l'inaptitude du salarié, quel que soit le moment où elle est constatée ou invoquée, a au moins partiellement pour origine cet accident ou cette maladie et que l'employeur avait connaissance de cette origine professionnelle au moment du licenciement.

Selon l'article L.4121-1 du code du travail, en sa rédaction applicable au litige :

«'L'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Ces mesures comprennent :

1° Des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail ;

2° Des actions d'information et de formation ;

3° La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.

L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes.'»

En l'espèce, il ressort des éléments versés aux débats que Mme [R] a été placée en arrêt de travail à compter du lundi 13 juin 2016 du fait d'un «'syndrome de stress post-traumatique très important'» (certificats des Docteurs [P] et [K] en pièce n°15 de la salariée) consécutif à «'une agression sur son lieu de travail par un usager de la structure où elle est employée'» dont elle avait été «'victime le 8 juin précédent'», avec émergence par la suite d'un «'syndrome anxio-phobique (...) en lien avec son activité'» professionnelle, son arrêt de travail ayant été renouvelé régulièrement jusqu'à l'avis d'inaptitude daté du 4 janvier 2018 (pièce n°3 de la salariée) dans lequel le médecin du travail la déclare «'inapte au poste (art. R.4624-42 du code du travail)'» et précise que son état de santé «'fait obstacle à tout reclassement dans un emploi'».

Il est constant que le caractère professionnel de l'accident déclaré par Mme [R] a été reconnu par la caisse primaire d'assurance maladie, suivant courrier de prise en charge du 17 août 2016 (pièce n°7), sans qu'il soit fait état d'une contestation ni le fond ni sur la forme de cette décision par l'employeur.

Les deux rapports d'incident versés aux débats établis l'un par Mme [R] (ses pièces n°16 et 10) et l'autre par l'employeur (pièce n°24 de l'intimée) établissent que le 8 juin 2016 vers 14h30, [F] [Y], usager de la mission locale où travaillait Mme [R] a proféré des «'menaces détournées en parlant d'avoir séquestré le site centre'» et qu'en «'sortant du bureau [de la conseillère] en colère, il s'est énervé [contre] les professionnels de l'accueil et la cyber qui lui demandaient de se calmer'», adoptant un «'comportement injurieux et menaçant envers la conseillère, puis à la sortie de l'entretien envers les chargées d'accueil, l'animatrice d'espace documentation, l'animateur cyber et le responsable de formation. Menaces de ramener une bombe' ou du C4 et de buter tout le monde.'» jusqu'à ce qu'il soit fait appel à la police, la déclaration complétée par la directrice pour l'employeur précisant que la situation avait été «'génératrice d'angoisses fortes'», de «'peur dans l'instant et peur également pour la suite compte tenu des menaces'». Mme [R] est désignée parmi les personnes présentes (pièce n°24 précitée), en qualité d'animatrice de l'espace cyber au moment des faits.

Les attestations produites par l'employeur (pièces n°20 21, 22) confirment le caractère menaçant du comportement de cet usager ainsi que la présence de Mme [R] sur les lieux. Dans ces circonstances, l'employeur ne peut sérieusement soutenir que ces faits n'auraient eu aucun impact sur Mme [R] au motif qu'elle se trouvait dans l'espace «'CYBER'» et non dans le hall d'accueil.

Il est établi que ce même usager, qui avait déjà fait l'objet en juin 2013 d'une exclusion temporaire de 6 mois en raison de son comportement «'inadapté vis-à-vis de l'équipe du site Centre'» (pièce n°11 de Mme [R]), avait adopté quelques semaines seulement avant l'accident du travail du 8 juin 2016 un comportement similaire ayant donné lieu à un signalement écrit et détaillé de la part de sa conseillère attitrée Mme [X] [L] (absente le 8 juin 2016) à l'attention de sa hiérarchie(pièce n°12 de Mme [R])' dans les termes suivants (sic) :

« Bonjour,

pour info : matinée agitée par un [F] [Y] en crise. J'ai calmé ses esprits en lui consacrant du temps et proposant un espace d'expression libre, non censurée et une écoute neutre, sans jugement (pas simple, vu ses propos, très violents par moment'!) Selon lui, tout lui est du'Merci d'avoir accepté de lui accorder l'aide financière demandée. Elle ne fait qu'effet d'un pensement collé au milieu d'une plaie béante, mais un refus aurait pu déclancher une violence inuie, difficilement contenue. (Il menacait d'aller se venger au siège, faire l'irruption en commission, etc.)

Surtout ne prenez pas de risques inutiles, il a beau être en pleine crise identitaire et en souffrance par rapport de ses relations et situation familiale (les parents ne répondent pas à ses appels, la mère met dehors son jeune frère, les gens qui l'hébergent lui réclament une contribution financière si il veut y rester, etc) et c'est la panique à bord ' donc, contentez vous d'une remise simple de l'aide et éviter tout conflit. Dès ce soir je suis en vacances, mais je l'ai informé qu'il pourrait revenir après le 17, si il a besoin d'être entendu. J'arrive à le gérer, mais combien de temps il se contentera de nos échanges ' J'ai abordé avec lui son suivi psy et une éventuelle RQTH, tout en lui expliquant que son mal, dont il est totalement conscient, peut être classé et reconnu comme un handicap physique. Je pense que j'ai réussi à le destabiliser en lui montrant les documents qui en parlent et je pense qu'on en reparlera une prochaine fois. Toutefois, ce que je ne mesure pas, c'est sa nouvelle orientation religieuse : l'Islam prend beaucoup de place dans son discours, et de manière assez exclusive et non contestable ! Or, tout fanatisme coupe l'individu de ses émotions et devient rapidement dangereux car incontrôlable. Donc, méfiance !

Espérant que tout se passera bien...

Je serai au Cifam cet ap-midi, puis en vacances, mais je pense qu'il nous faudra échanger à son sujet...

Cordialement »

Mme [R] produit en outre une attestation de Mme [L] (pièce n°14) qui confirme les termes de son alerte et la préoccupation qui en avait motivé la rédaction.

Il résulte donc bien de ces pièces que l'arrêt de travail de Mme [R] en juin 2016 est la conséquence directe des faits du 8 juin 2016 au cours desquels elle a été directement témoin et victime de la violence verbale et des menaces proférées dans les locaux à l'encontre de tous les professionnels présents par un usager dont le comportement et la dangerosité avait déjà été signalés à l'employeur notamment quelques semaines plus tôt.

Or malgré l'information très précise reçue par l'employeur, celui ne justifie d'aucune mesure prise, en particulier après le 4 mai 2016, pour protéger la santé de ses salariés puisque l'association intimée se réfère uniquement':

- à la précédente exclusion temporaire de M. [Y] en juin 2013 (pièce n°11 de la salariée précitée),

- aux conditions rapides de l'intervention de la directrice après la survenance de l'incident du 8 juin 2016 en raison de la proximité du siège de l'association (sa pièce n° 38) et sa procédure interne de mise en sécurité des salariés en cas d'agression sur un site (pièce n°23, document mis à jour en octobre 2018 soit postérieurement aux faits),

- à la décision, toujours postérieurement à la survenance de l'incident, de fermer temporairement le site de [Adresse 3] et de rédiger une fiche d'incident, conformément à la procédure interne, avec les salariés présents sur le site,

- sa décision, toujours postérieure aux faits, d'exclusion définitive de M. [Y], le 9 juin 2016 (sa pièce n°25),

- sa pièce n° 31 : extrait du document unique d'évaluation des risques professionnels sur la base duquel elle expose, sans en justifier davantage, avoir «'pris des mesures en faveur des travailleurs pour protéger leur santé et leur sécurité face à un risque d'agression qui ne peut être réduit à 0'» (page 31 de ses écritures) incluant la « mise en place de formations au profit du personnel, comme, notamment, la formation sur l'accueil des publics difficiles et gestion des situations conflictuelles'», «'d'une procédure interne de mise en sécurité en cas d'agression sur un site'», la «'fermeture temporaire du site'», l'instauration «'d'un temps immédiat d'échanges avec le personnel'» et «'d'un accompagnement psychologique individuel auprès de l'Association d'aide aux victimes (ADAVI)'», toutes mesures dont elle ne décline pas la mise en 'uvre concernant la prévention du risque spécifique signalé le 4 mai et qui s'est réalisé le 8 juin 2016.

Dans ces conditions, les éléments produits par l'employeur concernant les formations qu'il aurait données à Mme [R] avant cette période ne sont pas pertinents pour démontrer qu'il aurait été satisfait à son obligation légale de sécurité.

De même l'attestation de Mme [W] (pièce n°41 de l'intimée) indiquant qu'il aurait été «'demandé à Mme [L], par [elle]même et par Mme [J] sa responsable hiérarchique de cesser les entretiens avec lui. Demandes faites à l'oral'», outre qu'elle n'est pas étayée, ne saurait suffire à caractériser les mesures de prévention exigées par les dispositions susvisées, la circonstance, à la supposer démontrée, que Mme [L] aurait «'toujours refusé de le faire'» n'étant en tout état de cause pas de nature à dédouaner l'employeur.

Il est ainsi établi au regard de l'ensemble des éléments versé aux débats que l'employeur, en s'abstenant de mettre en 'uvre les mesures de prévention et de protection nécessaires, a manqué à son obligation légale de protection de la santé de sa salariée en la confrontant à un risque parfaitement identifié de violence notamment verbale.

Dans ces circonstances et en l'absence d'autre pièce apportant des informations nouvelles sur ces faits du 8 juin 2016 ou sur l'état de santé de Mme [R], la mention par le médecin du travail d'une visite de reprise «'après AT'» contribue à établir que l'inaptitude constatée le 4 janvier 2018 n'a pas d'autre cause que l'arrêt de travail faisant suite à cet incident survenu le 8 juin 2016 sur le lieu de travail de la salariée, constamment placée en arrêt de travail entre ces deux dates, étant observé que l'origine professionnelle de l'inaptitude est expressément mentionnée sur l'attestation POLE EMPLOI fournie par l'employeur (pièce n°30 de l'intimée).

Il résulte de ces éléments d'appréciation que l'inaptitude ne serait pas survenue sans ce manquement de l'employeur à ses obligations et que l'ATDEC ne pouvait en conséquence l'ignorer au moment du licenciement.

Le licenciement prononcé dans ces circonstances est donc dépourvu de cause réelle et sérieuse ; le jugement entrepris devra être infirmé à ce titre.

Sur les conséquences financières de la rupture

Par suite de l'absence de cause réelle et sérieuse de son licenciement, Mme [R], âgée de 36 ans au moment de son licenciement en janvier 2018, fait observer qu'elle s'est vu reconnaître la qualité de travailleur handicapée à compter de septembre 2017 (pièce n°13) et se retrouve aujourd'hui, compte tenu de son état de santé, dans l'incapacité de travailler'; elle ne produit aucun élément relatif à sa situation plus récente.

Par application de l'article L.1235-3 du code du travail et compte tenu d'un salaire moyen de 2.246,40 € brut au vu des éléments produits, de la perte d'une ancienneté de 12 ans et des conséquences morales et financières de cette rupture dans les circonstances précédemment examinées, il conviendra d'allouer à Mme [R] la somme demandée de 24.710,40 € net à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

===

Sur le remboursement des indemnités de chômage

Par application combinée des articles L.1235-3 et L.1235-4 du code du travail, lorsque le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage par salarié intéressé.

Ce remboursement est ordonné d'office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l'instance ou n'ont pas fait connaître le montant des indemnités versées.

Sur ce fondement, il y a lieu de condamner l'ATDEC à rembourser aux organismes concernés les indemnités de chômage payées à Mme [R] à compter du jour de la rupture du contrat de travail, dans la limite de six mois d'indemnités.

Sur les frais irrépétibles

Les éléments de la cause et la situation économique respective des parties justifient qu'il soit fait application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant contradictoirement et en dernier ressort par arrêt mis à la disposition des parties au greffe,

INFIRME le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a débouté l'ATDEC de sa demande d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Statuant à nouveau,

CONDAMNE l'Association territoriale pour le développement de l'emploi et des compétences de [Localité 5] métropole à payer à Mme [R] la somme de 24.710,40 € net à titre de dommages-intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

RAPPELLE que les sommes à caractère indemnitaire porteront intérêts au taux légal à compter de la décision qui les prononce ;

CONDAMNE l'Association territoriale pour le développement de l'emploi et des compétences de [Localité 5] métropole à payer à Mme [R] la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE l'Association territoriale pour le développement de l'emploi et des compétences de [Localité 5] métropole aux entiers dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 8ème ch prud'homale
Numéro d'arrêt : 19/07543
Date de la décision : 03/04/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-04-03;19.07543 ?
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