La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

03/04/2023 | FRANCE | N°20/01453

France | France, Cour d'appel de Rennes, 8ème ch prud'homale, 03 avril 2023, 20/01453


8ème Ch Prud'homale





ARRÊT N°142



N° RG 20/01453 -

N° Portalis DBVL-V-B7E-QQYO













M. [L] [Z]



C/



S.A. BANQUE POPULAIRE GRAND OUEST

















Infirmation partielle













Copie exécutoire délivrée

le :



à :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÃ

ŠT DU 03 AVRIL 2023





COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :



Monsieur Rémy LE DONGE L'HENORET, Président de chambre,

Monsieur Philippe BELLOIR, Conseiller,

Madame Gaëlle DEJOIE, Conseillère,



GREFFIER :



Monsieur Philippe RENAULT, lors des débats et lors du prononcé







DÉBATS :



A l'audience publ...

8ème Ch Prud'homale

ARRÊT N°142

N° RG 20/01453 -

N° Portalis DBVL-V-B7E-QQYO

M. [L] [Z]

C/

S.A. BANQUE POPULAIRE GRAND OUEST

Infirmation partielle

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 03 AVRIL 2023

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Rémy LE DONGE L'HENORET, Président de chambre,

Monsieur Philippe BELLOIR, Conseiller,

Madame Gaëlle DEJOIE, Conseillère,

GREFFIER :

Monsieur Philippe RENAULT, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 06 Janvier 2023

devant Monsieur Rémy LE DONGE L'HENORET, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 03 Avril 2023 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANT :

Monsieur [L] [Z]

né le 16 Août 1963 à [Localité 8] (29)

demeurant [Adresse 4]

[Localité 2]

Représenté par Me Mikaël BONTE, Avocat au Barreau de RENNES

INTIMÉE :

La S.A. BANQUE POPULAIRE GRAND OUEST prise en la personne de ses représentants légaux et ayant son siège social :

[Adresse 1]

[Localité 3]

Ayant Me Olivier CHENEDE de la SELARL CAPSTAN OUEST, Avocat au Barreau de NANTES, pour postulant et représentée à l'audience par Me Benoit CHARIOU, Avocat plaidant du Barreau de NANTES

M. [L] [Z] a été embauché le 23 mai 1989 en contrat à durée déterminée par la Banque Populaire de l'Ouest et d'Armorique, en qualité d'agent administratif qui s'est poursuivi dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée à compter du 1er novembre 1989.

M. [L] [Z] a occupé différents postes de responsabilités au sein de la Banque Populaire de Bretagne Atlantique, émanation de la Banque Populaire de l'Ouest et d'Armorique, devenue Banque Populaire Atlantique puis Banque populaire du Grand Ouest à compter du 7 décembre 2017 après fusion avec la Banque populaire de l'Ouest, le Crédit maritime Atlantique et le Crédit maritime Bretagne Normandie.

Dans le dernier état des relations contractuelles régies par la Convention collective de branche BANQUE POPULAIRE, M. [L] [Z] occupait des fonctions de Directeur départemental du Morbihan et membre du Comité de direction de la SA BANQUE POPULAIRE DU GRAND OUEST.

Le 26 septembre 2000, il rejoint la BANQUE POPULAIRE ATLANTIQUE qui deviendra la SA BANQUE POPULAIRE DU GRAND OUEST le 7 décembre 2017 lors d'une fusion avec d'autres organismes bancaires.

Le 11 juillet 2018 M. [Z] a fait l'objet d'une convocation à un entretien préalable à un licenciement remise en main propre, assortie d'une mise à pied conservatoire.

Postérieurement à l'entretien qui s'est tenu le 24 juillet 2018, M. [L] [Z] a été licencié le 1er août 2018 pour faute grave, caractérisé notamment par le fait d'avoir raturé et falsifié un chèque de 3.000 € à l'ordre de l'association 'Festidreuz' pour le déposer sur son compte.

Le 13 août 2018, M. [Z] a saisi le conseil de prud'hommes de LORIENT aux fins de voir :

' Dire et juger que la rupture du contrat de travail s'analyse en licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

' Débouter la SA BANQUE POPULAIRE DU GRAND OUEST de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

' Condamner la SA BANQUE POPULAIRE DU GRAND OUEST à lui verser les sommes suivantes :

- 3.916,89 € de rappel de salaire pour la mise à pied conservatoire du 11 juillet 2018 au 1er août 2018,

- 391,68 € de congés payés afférents,

- 6.354,50 € d'indemnité pour non respect de la procédure de licenciement,

- 519,87 € de congés payés sur rappels de salaires,

- 19.062 d'indemnité de préavis,

- 1.906,20 de congés payés y afférents,

- 165.203 € d'indemnité de licenciement,

- 127.080 € de dommages et intérêts pour rupture abusive,

- 38.124 € de dommages et intérêts complémentaires,

- 2.114 € d'indemnité de fin de carrière,

- 7.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

' Remise des documents légaux rectifiés ( certificat de travail, bulletin de salaire, attestation pôle emploi ) dans le délai de 15 jours de la notification de la décision à intervenir sous astreinte de 50 € par jour de retard, le conseil se réservant le droit de liquider l'astreinte ;

' Dire et juger que les sommes à caractère :

- salarial porteront intérêt au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud'hommes,

- indemnitaire porteront intérêt au taux légal à compter de la décision à intervenir ;

' Ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir.

La cour est saisie de l'appel régulièrement formé le 28 février 2020 par M. [L] [Z] contre le jugement du 30 janvier 2020, par lequel le conseil de prud'hommes de LORIENT a :

' Jugé le licenciement de M. [Z] pour faute grave justifié ;

' Débouté M. [Z] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

' Condamné M. [Z] à régler à la SA BANQUE POPULAIRE DU GRAND OUEST la somme de 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

' Dit que les dépens seront supportés à part égale par chacune des parties.

Vu les écritures notifiées par voie électronique le 13 décembre 2022, suivant lesquelles M. [Z] demande à la cour de :

' Réformer la décision entreprise en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau,

' Dire et juger que la rupture du contrat s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

' Débouter la SA BANQUE POPULAIRE GRAND OUEST de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

' Condamner la SA BANQUE POPULAIRE GRAND OUEST à régler à M. [Z] les sommes suivantes :

- 3.916.89 € de rappels de salaire relatifs à la mise à pied conservatoire du 11 juillet 2018 au 1er août 2018,

- 391,68 € de congés payés du 11 juillet 2018 au 1er août 2018,

- 6.354,50 € de dommages et intérêts non-respect de la procédure,

- 519.87 € de congés payés afférents au rappel de salaire,

- 19.062 € d'indemnité de préavis,

- 1.906,20 € de congés payés afférents au préavis,

- 165.203 € d'indemnité de licenciement,

- 127.080 € de dommages et intérêts pour rupture abusive,

- 38.124 € de dommages et intérêts complémentaires,

- 2.114 € d'indemnité de fin de carrière ;

' Condamner la SA BANQUE POPULAIRE GRAND OUEST à délivrer à M. [Z] les documents de rupture rectifiés (certificat de travail, bulletin de salaire, attestation Pôle Emploi), dans le délai de quinze jours de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 50 € par jour de retard, la Cour se réservant la faculté de liquider cette astreinte ;

' Dire et juger que les sommes à caractère :

- salarial porteront intérêt au taux légal à compter de la saisine du Conseil des prud'hommes,

- indemnitaire porteront intérêt au taux légal à 2 décembre 2022 compter de l'arrêt à intervenir ;

' Condamner la SA BANQUE POPULAIRE GRAND OUEST à verser à M. [Z] la somme de 7.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Vu les écritures notifiées par voie électronique le 4 septembre 2020, suivant lesquelles la SA BANQUE POPULAIRE DU GRAND OUEST demande à la cour de :

A titre principal,

' Confirmer le jugement critiqué en toutes ses dispositions,

' Condamner M. [Z] au paiement d'une somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

A titre subsidiaire,

' Juger que :

- licenciement de M. [Z] repose sur une cause disciplinaire réelle et sérieuse,

- M. [Z] ne rapporte pas la preuve d'une irrégularité dans sa procédure de licenciement,

' Débouter en conséquence M. [Z] de ses prétentions à ce titre,

' Constater que M. [Z] fait une fausse application des dispositions de l'article 27.2 de la convention collective des Banques Populaires pour la détermination de son indemnité conventionnelle de licenciement,

' Limiter en conséquence le montant de l'indemnité conventionnelle de licenciement due à la somme de 56.127 €,

' Débouter M. [Z] du surplus de ses demandes,

A titre infiniment subsidiaire,

' Constater enfin que M. [Z] ne rapporte pas la preuve de ce qu'il serait titulaire à l'encontre de l'employeur d'une créance de rappel de congés payés afférents à un quelconque rappel de salaire de 519,87 €,

' Débouter en conséquence M. [Z] de sa demande à ce titre,

' Juger que M. [Z] ne rapporte pas la preuve d'une irrégularité dans sa procédure de licenciement,

' Dire et juger en tout état de cause qu'en application de l'article L. 1235-2 du code du travail, aucune indemnité pour irrégularité de procédure n'est due lorsque le juge considère que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

' Débouter en conséquence M. [Z] de ses prétentions à ce titre,

' Constater que M. [Z] fait une fausse application des dispositions de l'article 26.2 de la convention collective des Banques Populaires pour la détermination de son indemnité conventionnelle de licenciement,

' Limiter en conséquence le montant de l'indemnité conventionnelle de licenciement due à la somme de 105.469 €,

' Constater pour le surplus que M. [Z] ne rapporte pas la preuve de l'étendue de ses préjudices,

' Débouter en conséquence M. [Z] de ses demandes de :

- dommages et intérêts complémentaires,

- indemnité de fin de carrière,

' Tenir compte dans la détermination des dommages-intérêts alloués à M. [Z], de l'excédent d'indemnité de licenciement (+ 49.342 €) par rapport au montant de l'indemnité prévue à l'article L. 1234-9 du Code du travail,

' Ramener en conséquence sa demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à l'indemnité minimale correspondant à 3 mois de salaire soit une somme de 19.062 €,

' Réduire en d'importantes proportions sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

' Juger n'y avoir lieu à ordonner l'exécution provisoire pour la fraction des condamnations excédant l'exécution provisoire de droit.

La clôture de la procédure initialement fixée au 15 décembre 2022, a été reportée par ordonnance le 5 janvier 2023.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties la cour, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions notifiées via le RPVA.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre liminaire :

Il convient de rappeler à titre liminaire que par application de l'article 954, alinéa 3 du code de procédure civile, la cour ne statuera que sur les prétentions énoncées au dispositif des écritures des parties en cause d'appel, ce que ne sont pas au sens de ces dispositions des demandes visant seulement à 'dire' ou 'constater' un principe de droit ou une situation de fait, voire 'juger' quand ce verbe, utilisé comme synonyme des deux premiers, n'a pour effet que d'insérer dans le dispositif des écritures, des éléments qui en réalité constituent un rappel des moyens développés dans le corps de la discussion.

Il ne sera pas plus statuer sur la demande de rejet de l'exécution provisoire formulée par la SA BANQUE POPULAIRE DU GRAND OUEST, dès lors qu'une telle mesure qui ne peut être prononcée en cause d'appel, n'a pas été sollicitée par le salarié appelant.

Sur le bien fondé du licenciement :

Pour infirmation et absence de cause réelle et sérieuse, M. [L] [Z] fait valoir que des trois griefs qui lui ont été imputés, seul demeure soutenu par l'employeur celui ayant trait au versement sur son compte deux ans plus tôt d'un chèque de 3.000 € libellé à l'ordre de l'association Festidreuz dont il était président et dont il a modifié l'ordre pour y mettre son nom, que ces faits qui relèvent de sa vie personnelle hors du champ professionnel sont prescrits faute pour l'employeur de justifier de la date de leur découverte dans le cadre d'une enquête non datée, prétendument initiée à la faveur d'une alerte relative au fonctionnement atypique de son compte, que la falsification du chèque pouvait être découverte avant, à l'encaissement du chèque par la banque qui avait l'obligation d'en vérifier les mentions, d'en vérifier les anomalies apparentes.

M. [L] [Z] ajoute que la réunion qui s'est tenue le 11 juillet 2018 après la fusion devait porter sur l'avenir du groupe mais l'a en fait opposé à des interlocuteurs qui lui parlent de sa situation personnelle, faits vieux de deux ans, alors qu'il était salarié de la Banque Populaire Atlantique, qu'aucune poursuite pénale n'a été engagée, que l'association a refusé d'encaisser le chèque que l'employeur lui a adressé, qu'en l'absence de préjudice, il n'y a aucun degré de gravité.

M. [L] [Z] entend par ailleurs souligner que salarié depuis près de 30 ans et Directeur départemental 56, il a toujours donné entièrement satisfaction jusqu'à quelques jours de son licenciement, de sorte que la sanction prononcée à son encontre est disproportionnée, quel'employeur reconnaît que les faits relèvent de sa vie personnelle mais qu'il devait connaître le règlement intérieur lui interdisant d'être donneur d'ordre d'une association dont il serait membre, alors que ce nouveau grief n'est pas l'objet de la lettre de licenciement.

La SA BANQUE POPULAIRE DU GRAND OUEST réfute l'argumentation du salarié, arguant de ce que les faits sont établis et graves, que le moyen tiré de la prescription est inopérant dès lors que les poursuites ont été engagées 10 jours après le dépôt du rapport d'audit et l'information parle DRC le 27 juin 2018, qui donnaient à l'employeur une connaissance complète des faits fautifs, qu'il ne peut être soutenu qu'il appartenait au guichetier de signaler la modification de l'ordre d'un chèque par le directeur départemental, son N+14, qu'il ne peut se prévaloir de la position de l'association dès lors qu'en présence d'une falsification apparente, la responsabilité de la banque est engagée.

La SA BANQUE POPULAIRE DU GRAND OUEST estime en outre que le salarié ne peut sérieusement exciper d'un fait de la vie privée, alors qu'eu égard à son poste et à son niveau de responsabilité, il doit être exemplaire, respecter le règlement intérieur et ses obligations de banquier, sans pouvoir s'affranchir des règles qu'il impose à ses employés, qu'en sa qualité de mandataire Festidreuz, il devait faire encaisser le chèque par cette association puis obtenir un virement, que les faits commis caractérisent un manquement à la probité.

La SA BANQUE POPULAIRE DU GRAND OUEST qui souligne que les moyens concernant un motif caché du licenciement et l'irrégularité procédure ne sont plus soutenus, expose qu'aucun autre grief que celui qui lui est imputé ne pouvait lui donner de raison de s'en séparer, que les allégations concernant le contenu de la réunion du 11 juillet ne sont pas prouvées, que le règlement intérieur de la nouvelle société qui reprend les dispositions des règlements intérieurs des entités fusionnées, a été communiqué à l'inspection du travail, de sorte qu'il est opposable au salarié.

Il résulte des articles'L.1234-1 et L.1234-9 du code du travail que, lorsque le licenciement est motivé par une faute grave, le salarié n'a droit ni à un préavis ni à une indemnité de licenciement.

La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle fait obstacle au maintien du salarié dans l'entreprise y compris pendant la durée du préavis.

L'employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve.

En application des dispositions de l'article L.1235-1 du code du travail, en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles ; si un doute subsiste, il profite au salarié.

En application des dispositions de l'article L1332-4 du Code du travail, aucun fait fautif ne peut, à lui seul, donner lieu à l'engagement de poursuites disciplinaires au delà de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance ; lorsqu'un fait fautif a eu lieu plus de deux mois avant le déclenchement des poursuites disciplinaires, il appartient à l'employeur de rapporter lui-même la preuve qu'il n'en a eu connaissance que dans les deux mois ayant précédé l'engagement de la procédure disciplinaire ;

La lettre de licenciement qui circonscrit les limites du litige et qui lie le juge, est ainsi rédigée :

[...]

dans le cadre des procédures de contrôle réalisées récemment, la Direction des Risques et de la Conformité (ci-après 'DRC') a été alertée sur des constats de mauvaises pratiques ainsi que des manquements répétés aux règles de procédures et de déontologie, suite à des opérations réalisées par vos soins, règles que vous ne pouviez pas ignorer compte tenu de votre ancienneté dans les métiers bancaires.

A l'occasion de ces analyses, la DRC à découvert un certain nombre d'opérations non autorisées et fautives.

En qualité de président de l'Association « FESTIDREUZ '', vous avez effectué sur le compte courant de l'Association, cliente de notre Banque, des opérations a votre profit, à savoir notamment :

- vous avez remis à l'encaissement sur votre compte personnel un chèque d'un montant de 3.000 €, émis par la Société 'JUNIOR SENIOR SERVICE B' au profit de l'Association FESTIDREUZ qui aurait dû être bénéficiaire de cette somme.

A ce titre, vous avez reconnu avoir modifié a votre profit la mention du bénéficiaire.

- Vous avez également réalisé à votre profit des retraits d'espèces sur le compte courant de l'Association, à partir de votre carte bancaire personnelle, notamment à la [Localité 5], le 21/12/2016 à 6 reprises ainsi qu'à [Localité 7] le 06/06/2017 à des horaires tardifs.

Nous avons pu constater que ces opérations étaient concomitantes à des refus de retraits sur votre compte personnel.

Par ailleurs, suite a l'octroi a votre fille [T] [Z] d'un prêt étudiant d'un montant de 15 000€, cliente au sein de notre agence de [Localité 6] dirigée par Madame [E] [X] nous avons constaté que le déblocage des fonds a été réalisé sur son compte de dépôt pour être ensuite immédiatement et intégralement virée par vos soins sur votre compte personnel.

Enfin, en examinant les documents contractuels dans le dossier de votre fille, la DRC a constaté 3 documents établis au nom de votre fille et portant tous des signatures différentes.

Tout en reconnaissant l'essentiel des faits qui vous ont été reprochés, vous avez néanmoins tenté d'excuser votre comportement précisant que :

- la surcharge de l'ordre du chèque était une 'bêtise',

- par les retraits en espèces 'vous vous étiez remboursés de sommes prêtées à l'Association à raison de difficultés financières de cette dernière'

- et 'que le prêt étudiant au nom de votre fille avait servi à financer une voiture.'

Toutefois, vous ne nous avez procuré aucun justificatif permettant de confirmer vos affirmations.

De plus, à l'étude des comptes de l'association à cette période, il apparaît que cette dernière disposait d'une trésorerie largement excédentaire et avait donc la possibilité de vous rembourser à cette date.

L'ensemble de ces opérations constituent des manquements graves, de surcroît compte tenu de vos obligations de probité, d'exemplarité et de bonne foi eu égard à vos fonctions.

Vos agissements sont de nature à mettre en jeu la responsabilité de la société.

L'ensemble de vos explications, non corroborées par des éléments sérieux, ne nous ont pas permis de modifier notre appréciation des faits.

Aussi, la gravité des agissements qui vous sont reprochés rendent impossible votre maintien dans l'entreprise, nous conduisant de vous notifier par la présente votre licenciement pour motif disciplinaire, en application des dispositions de l'article 27 de la Convention Collective de la Branche Banque Populaire.

Votre licenciement pour faute grave prend donc effet immédiatement, sans indemnité de préavis ni de licenciement.[...]

Il ressort des écritures de la SA BANQUE POPULAIRE DU GRAND OUEST et du jugement entrepris que seul le motif tiré de la falsification d'un chèque à l'ordre de l'association FESTIDREUZ par l'apposition du nom de M. [L] [Z] qui en était président, demeure imputé à faute à l'intéressé.

En l'espèce, il est effectivement établi que M. [L] [Z] a remis à l'encaissement sur son compte personnel un chèque daté du 4 octobre 2016 d'un montant de 3.000 €, émis par la Société "JUNIOR SENIOR SERVICE B" à l'ordre de l'Association FESTIDREUZ après l'avoir surchargé en y mettant ses nom et prénom, que M. [L] [Z] a fait l'objet d'une convocation à un entretien préalable assortie d'une mesure de mise à pied le 11 juillet 2018.

Pour opposer au salarié l'absence de prescription des faits qui lui sont imputés, antérieurs de plus de deux mois de l'engagement des poursuites disciplinaires à son encontre, la SA BANQUE POPULAIRE DU GRAND OUEST invoque la procédure d'enquête initiée par la DRC (Direction des Risques et de la Conformité ) à la suite de la détection par le dispositif LAF (Lutte Contre la Fraude Interne) d'un fonctionnement atypique de son compte bancaire, en l'occurrence, une demande d'autorisation de découvert, mais également d'un courriel de la DRC à la direction de la BPGO du 27 juin 2018.

Il doit être observé que ce courriel (pièce 15 employeur) adressé par M. [W] [P] et destiné à M. [J] [S], avec en copie Mme [H] [O], fait certes état de 'quelques investigations complémentaires : Association : regarder le numéro de téléphone (lien XXL)[désignation de M. [L] [Z]], adresse relevés de compte, adresse mail...

Association : voir si il n'y a pas eu de changement de signalétique dans le passé et par qui SARL SERVICES (tiré du chèque remis sur compte) : activité, qui gère, date entrée en relation...

Règlement intérieur : est ce que les collaborateurs ont l'obligation de déclarer leurs compte (sic) (je ne le pense pas)

Remise de chèque : est ce qu'on a la copie du bordereau de remise de chèque

Au CODIR d'hier, j'ai été à un moment à proximité de XXL. Dans une discussion il a fait part d'une sollicitation du chargé d'affaires pour mettre à jour le DRC de l'association. Peux tu regarder si c'est fait'

Pour autant, cette partie de ce courriel démontre qu'antérieurement à cette date, la falsification imputée au salarié était connue des trois responsables concernés par cet échange et il n'est rapporté aucune information concernant la poursuite effective d'investigations au delà mais surtout, il ressort de la suite de cet échange que c'est avant tout les indiscrétions du Directeur Général de la BPGO concernant la procédure en cours à l'encontre de M. [L] [Z], en direction de six personnes dont celle pressentie pour préparer son éventuel remplacement.

En outre, les pièces 22 et 23 produites par l'employeur intitulées 'lutte contre la fraude interne' concernant l'alerte déclenchée en mars 2018 à l'encontre de M. [L] [Z], mentionne que les anomalies ont été signalées dans un rapport LAF émis le 18 mai 2018.

Toutefois, la date d'édition de ce document non autrement daté, n'est pas précisée et le rapport produit en pièce 24 auquel il renvoie, ne comporte pas plus d'élément permettant d'identifier ni son rédacteur ni sa date d'édition ou d'élaboration, de sorte que ces documents produits établis à une date que l'employeur me met pas la cour en mesure de déterminer, ne sont pas de nature à interrompre la prescription de deux mois dont entend se prévaloir le salarié.

Il y a lieu par conséquent d'infirmer le jugement entrepris et de déclarer prescrits les manquements imputés au salarié, de sorte que son licenciement est privé de cause réelle et sérieuse.

Sur les conséquences du licenciement :

* Quant aux dommages et intérêts pour absence de cause réelle et sérieuse :

Compte tenu de l'effectif du personnel de l'entreprise, de la perte d'une ancienneté de 29 ans pour un salarié âgé de 54 ans ainsi que des conséquences matérielles et morales du licenciement à l'égard de M. [L] [Z] qui justifie de la difficulté avérée à retrouver un emploi ainsi que cela résulte de la notification de sa situation à l'égard de Pôle emploi, étant souligné que les éléments produits par l'employeur évoquent déjà antérieurement à son licenciement une situation financière qu'il qualifie d'atypique ayant conduit le salarié à solliciter une autorisation de découvert que son licenciement n'a pas pu améliorer, le degré d'employabilité de l'intéressé étant en outre impacté par le profil du salarié marqué par une évolution de carrière particulière au sein d'entités du seul même groupe, il lui sera alloué, en application de l'article L. 1235-3 du Code du travail dans sa rédaction postérieure à l'ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017 une somme de 120.000 € net à titre de dommages-intérêts, les développements de l'employeur sur les moyens dont disposerait le salarié au regard de la demande formulée au titre de l'article 700 du Code de procédure civile étant dénués de pertinence.

Aux termes de l'article L.1234-1 du code du travail, lorsque le licenciement n'est pas motivé par une faute grave, le salarié a droit à un préavis dont la durée est calculée en fonction de l'ancienneté de services continus dont il justifie chez le même employeur.

Selon l'article L.1234-5 du code du travail, lorsque le salarié n'exécute pas le préavis, il a droit, sauf s'il a commis une faute grave, ou si l'inexécution résulte du commun accord des parties, à une indemnité compensatrice.

Le licenciement étant dépourvu de cause réelle et sérieuse, le salarié peut donc prétendre aux indemnités compensatrice de préavis et de congés afférents ainsi qu'au rappel de salaire sur la mise à pied conservatoire tel qu'il est dit au dispositif, pour les sommes non autrement contestées.

Le salarié peut également prétendre dans ces conditions, à l'indemnité conventionnelle de licenciement pour licenciement non disciplinaire. Cependant le salarié n'oppose aucun argument en ce qui concerne les modalités de calcul de cette indemnité telles que développées par l'employeur au visa de l'article 26-2 de la convention collective, en tenant compte d'un salaire de référence hors prime et hors part variable tel que défini par l'article 39 de la même convention, prenant en compte le changement de régime au 1er janvier 2002.

Il y a lieu en conséquence d'allouer à M. [L] [Z] la somme de 105.469 € net à ce titre, la décision entreprise étant infirmée de ce chef dans cette limite.

* Quant à l'irrégularité de la procédure :

C'est à juste titre que l'employeur souligne que l'irrégularité alléguée de la procédure de licenciement ne peut faire l'objet d'une indemnisation distincte dès lors que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse, l'indemnisation allouée à ce titre intégrant celle résultant d'une irrégularité le cas échéant, il y a lieu par conséquent de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. [L] [Z] de la demande formulée à ce titre.

* Quant au préjudice distinct :

Nonobstant les objections de l'employeur concernant l'existence alléguée de rumeur concernant l'imputation de détournement de fonds à l'encontre de M. [L] [Z], il ressort du courriel du 27 juin 2016 précité (pièce 15 employeur) que le Directeur Général de la BPGO élargissait par ses indiscrétions le cercle des personnes informées de la procédure en cours, au delà des personnes pouvant être concernées par une enquête présentée comme confidentielle.

Le licenciement intervenu dans ces circonstances, à l'égard d'un salarié fort d'une ancienneté de 29 ans sans antécédent disciplinaire et pourvu d'appréciations élogieuses sur sa manière de servir et de contribuer au développement de la banque, est à l'origine d'un préjudice moral distinct et ce, abstraction faite des développements du salarié concernant son remplacement dès sa mise à pied dès lors qu'il n'était envisagé que de préparer son remplacement éventuel.

Dans ces conditions, il y a lieu d'évaluer son préjudice à ce titre à la somme de 10.000 € net, la décision entreprise étant infirmée dans cette limite.

* Quant à l'indemnité de fin de carrière :

M. [L] [Z] ne développe aucun argument concernant un éventuel fondement conventionnel de la demande qu'il formule à ce titre. Il y a donc lieu de confirmer le jugement entrepris qui l'a débouté de cette demande.

* Quant à la demande de congés payés sur rappel de salaire :

Il ne peut être fait droit à cette demande présentée dans le dispositif des écritures du salarié et reprise dans ses développements sans argumentation et sans demande de rappel de salaire autre que celle relative à la mise à pied conservatoire, elle-même assortie des congés payés afférents, la décision entreprise étant confirmée de ce chef.

Sur la capitalisation des intérêts :

En application de l'article 1343-2 du code civil, la capitalisation des intérêts est de droit dès lors qu'elle est régulièrement demandée ; il doit être fait droit à cette demande';

Sur la remise des documents sociaux :

La demande de remise de documents sociaux conformes est fondée ; il y sera fait droit dans les termes du dispositif ci-dessous sans qu'il y ait lieu à astreinte ;

Sur le remboursement ASSEDIC :

En application de l'article L.1235-4 du Code du travail, dans les cas prévus aux articles L.1235-3 et L.1235-11, le juge ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage par salarié intéressé. Ce remboursement est ordonné d'office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l'instance ou n'ont pas fait connaître le montant des indemnités versées

Les conditions d'application de l'article L 1235-4 du Code du travail étant réunies en l'espèce, le remboursement des indemnités de chômage par l'employeur fautif, est de droit ; ce remboursement sera ordonné tel qu'il est dit au dispositif ;

Sur l'article 700 du Code de procédure civile

Les éléments de la cause et la situation économique respective des parties justifient qu'il soit fait application de l'article 700 du code de procédure civile dans la mesure énoncée au dispositif ; la société qui succombe en appel, doit être déboutée de la demande formulée à ce titre et condamnée à indemniser le salarié des frais irrépétibles qu'il a pu exposer pour assurer leur défense en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Statuant en dernier ressort et par arrêt contradictoire mis à la disposition des parties au greffe,

INFIRME partiellement le jugement entrepris,

et statuant à nouveau,

DÉCLARE le licenciement de M. [L] [Z] dépourvu de cause réelle et sérieuse,

CONDAMNE la SA BANQUE POPULAIRE DU GRAND OUEST à payer à M. [L] [Z] :

- 3.916.89 € brut à titre de rappels de salaire relatifs à la mise à pied conservatoire du 11 juillet 2018 au 1er août 2018,

- 391.68 € brut à titre de congés payés du 11 juillet 2018 au 1er août 2018,

- 19.062 € brut à titre d'indemnité de préavis,

- 1.906,20 € brut au titre des congés payés afférents,

- 105.469 € net d'indemnité de licenciement,

- 120.000 € net à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 10.000 € net à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral distinct,

RAPPELLE que les sommes de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter de la date de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation, les autres sommes, à caractère indemnitaire porteront intérêts au taux légal à compter de la décision qui les alloue ;

ORDONNE la capitalisation des intérêts,

CONDAMNE la SA BANQUE POPULAIRE GRAND OUEST à remettre à M. [L] [Z] un certificat de travail, une attestation destinée au Pôle Emploi et un bulletin de salaire conformes au présent arrêt dans un délai de deux mois à compter de sa signification,

DÉBOUTE la SA BANQUE POPULAIRE DU GRAND OUEST de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

CONFIRME le jugement entrepris pour le surplus,

et y ajoutant,

CONDAMNE la SA BANQUE POPULAIRE DU GRAND OUEST à payer à M. [L] [Z] 3.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

ORDONNE le remboursement par la SA BANQUE POPULAIRE DU GRAND OUEST à l'organisme social concerné des indemnités de chômage payées à M. [L] [Z] dans les limites des six mois de l'article L 1235-4 du code du travail.

CONDAMNE la SA BANQUE POPULAIRE DU GRAND OUEST aux entiers dépens de première instance et d'appel,

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 8ème ch prud'homale
Numéro d'arrêt : 20/01453
Date de la décision : 03/04/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-04-03;20.01453 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award