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14/04/2023 | FRANCE | N°20/02967

France | France, Cour d'appel de Rennes, 2ème chambre, 14 avril 2023, 20/02967


2ème Chambre





ARRÊT N°191



N° RG 20/02967

N° Portalis DBVL-V-B7E-QXE4





(1)







M. [O] [F]



C/



BANQUE POPULAIRE GRAND OUEST



















Infirme la décision déférée















Copie exécutoire délivrée



le :



à :

- Me RICHARD

- Me LE BERRE BOIVIN







RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
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COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 14 AVRIL 2023





COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :



Président : Monsieur Joël CHRISTIEN, Président de Chambre,

Assesseur : Monsieur David JOBARD, Président de Chambre,

Assesseur : Madame Hélène BARTHE-NARI, Conseiller,



GREFFIER :



Mme Aicha...

2ème Chambre

ARRÊT N°191

N° RG 20/02967

N° Portalis DBVL-V-B7E-QXE4

(1)

M. [O] [F]

C/

BANQUE POPULAIRE GRAND OUEST

Infirme la décision déférée

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

- Me RICHARD

- Me LE BERRE BOIVIN

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 14 AVRIL 2023

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Monsieur Joël CHRISTIEN, Président de Chambre,

Assesseur : Monsieur David JOBARD, Président de Chambre,

Assesseur : Madame Hélène BARTHE-NARI, Conseiller,

GREFFIER :

Mme Aichat ASSOUMANI, lors des débats, et Madame Ludivine MARTIN, lors du prononcé,

DÉBATS :

A l'audience publique du 21 février 2023, tenue en double rapporteur par Monsieur Joel CHRISTIEN, Président de Chambre et Monsieur David JOBARD, Président de Chambre, sans opposition des parties

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 14 avril 2023 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANT :

Monsieur [O] [F]

né le [Date naissance 1] 1945 à [Localité 6] (38)

[Adresse 4]

[Localité 5]

Représenté par Me Bruno RICHARD, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NANTES

INTIMÉE :

BANQUE POPULAIRE GRAND OUEST

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Tiphaine LE BERRE BOIVIN, postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Jean-Philippe RIOU de la SCP PARTHEMA 3, plaidant, avocat au barreau de NANTES

EXPOSÉ DU LITIGE

Le 10 mai 2007, la Banque populaire Atlantique (la BPA) a, en vu de financer l'auto-construction d'un immeuble à usage de chambres d'hôtes, consenti à M. [O] [F] un prêt n° 923 de 60 000 euros au taux de 3,80 % remboursable en 71 mensualités.

Par avenant du 7 novembre 2010, la banque a accordé un moratoire d'un an, sans prorogation du terme du prêt dont les échéances à échoir étaient redéfinies en conséquence.

Puis, par contrat du 18 avril 2012, la BPA lui a accordé un prêt in fine n° 161 de 68 000 euros se substituant au prêt antérieur, au taux de 3,75 % l'an et remboursable en 23 mensualités d'intérêts et une ultime échéance de capital.

Par ailleurs, selon offre préalable acceptée le 9 mai 2014 et réitérée par acte authentique du 21 août 2014, la BPA a, en vue de financer la poursuite des travaux de construction par des entreprises, consenti à M. [F] :

un prêt relais n° 743 de 500 000 euros au taux de 2,65 % l'an, remboursable le 19 août 2016,

un prêt standard n° 742 de 129 180 euros au taux de 2,80 % l'an, remboursable en 120 mensualités.

Par jugements des 13 juillet 2016 et 4 octobre 2017, le tribunal de commerce de La Roche-sur-Yon a ouvert à l'égard de M. [F] une procédure de sauvegarde puis a prononcé sa liquidation judiciaire.

Cette procédure collective a été clôturée le 4 décembre 2019 pour insuffisance d'actif.

Corrélativement, prétendant que la banque lui aurait, après 2010, refusé les concours nécessaires à la poursuite de son opération d'auto-construction qu'elle lui avait laissé espérer, et qu'elle aurait manqué à son devoir de conseil et de vigilance en ne le mettant pas en garde sur les risques nés de l'endettement lors de l'octroi des prêts de 2014 destinés au financement de la poursuite des travaux en 'sous-traitance', M. [F] a, par acte du 3 octobre 2017, fait assigner la BPA, à présent dénommée Banque populaire Grand-Ouest (la BPGO), devant le tribunal de grande instance (devenu tribunal judiciaire) de Nantes, aux fins de paiement de dommages-intérêts en réparation des préjudices procédant du renchérissement du coût de la construction de l'immeuble et de son manque à gagner ainsi qu'en restitution des intérêts des prêts.

La banque a invoqué le défaut de qualité à agir du demandeur, dessaisi de l'exercice de ses droits et actions par la liquidation judiciaire, la prescription de l'action, l'autorité de chose jugée attachée à la décision d'admission de ses créances au passif de la liquidation judiciaire, l'immunité qui lui est conférée par l'article L. 650-1 du code de commerce, et, sur le fond, elle a contesté sa responsabilité.

Par jugement du 11 juin 2020, les premiers juges ont :

déclaré irrecevables (comme étant prescrites) les demandes de M. [F] au titre du manque à gagner et des intérêts d'emprunts antérieurs au 3 octobre 2012,

déclaré recevables les autres demandes de M. [F],

débouté M. [F] de ses demandes,

condamné M. [F] aux dépens de l'instance,

condamné M. [F] à payer à la BPGO la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

M. [F] a relevé appel de cette décision le 2 juillet 2020.

Par ordonnance du 28 janvier 2022, le conseiller de la mise en état a rejeté sa demande de production de documents de 2010 justifiant le refus de la BPA d'octroyer de prêts bancaires aux auto-entrepreneurs.

M. [F] demande à la cour de :

infirmer le jugement attaqué en toutes ses dispositions,

dire M. [F] recevable en ses demandes,

constater la faute de la BPGO pour le refus d'ouverture de crédit, le défaut de devoir de conseil et le défaut de devoir de vigilance,

en conséquence, condamner la BPGO à réparer l'entier préjudice subi par M. [F] s'élevant aux sommes de 424 640,90 euros pour l'augmentation du coût des travaux et de 205 286,67 euros pour le manque à gagner, outre les intérêts indûment versés,

débouter la BPGO de toutes ses demandes,

condamner la BPGO au paiement d'une indemnité de 6 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Ayant formé appel incident, la BPGO demande quant à elle à la cour de :

réformer le jugement attaqué en en ce qu'il a rejeté la demande de la banque tendant à voir juger M. [F] totalement irrecevable en ses demandes,

dire M. [F] irrecevable en ses demandes, faute de pouvoir et de qualité pour agir, et en raison de la prescription ou de l'autorité de chose jugée attachée à la décision d'admission de ses créances par le juge-commissaire,

subsidiairement, confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a débouté M. [F] de l'ensemble de ses demandes comme étant partiellement irrecevables ou en tous cas mal fondées, et en ce qu'il l'a condamné sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens,

très subsidiairement, si la responsabilité de la banque était retenue, ordonner une expertise afin de déterminer le préjudice effectivement subi,

constater que la BPGO est créancière de M. [F] :

au titre du prêt n° 743, pour la somme de 584 124 euros arrêtée au 28 décembre 2020 , avec intérêts ultérieurs au taux contractuel de 2,65 % l'an,

au titre du prêt n° 742, pour la somme de 130 493,42 euros au 28 décembre 2020, avec intérêts ultérieurs au taux contractuel de 2,80 % l'an,

ordonner la compensation entre les créances réciproques, et constater qu'après compensation la BPGO demeure créancière de M. [F],

additant au jugement, condamner M. [F] au paiement d'une indemnité de 7 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens,

rejeter toutes demandes autres ou contraires.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée ainsi qu'aux dernières conclusions déposées pour M. [F] le 10 janvier 2023 et pour la BPGO le 10 janvier 2023, l'ordonnance de clôture ayant été rendue le 26 janvier 2023.

EXPOSÉ DES MOTIFS

La clôture de la liquidation judiciaire, qui met fin au dessaisissement du débiteur, lui permet d'engager une action en paiement d'une créance née antérieurement à l'ouverture de la procédure collective et non recouvrée par le liquidateur.

Toutefois, si la clôture de la liquidation est prononcée pour insuffisance d'actif, l'action qui tend à la reconstitution du gage commun des créanciers et relève du monopole du liquidateur est subordonnée à la reprise préalable de la procédure collective dans les conditions prévues par l'article L. 643-13 du code de commerce, le débiteur n'étant recevable à agir qu'en réparation de son préjudice personnel.

En l'occurrence, M. [F] prétend que l'opération financée serait étrangère à toute activité commerciale et soutient que son préjudice résulterait :

du surenchérissement du coût de l'opération immobilière procédant de ce qu'en raison du refus du concours complémentaire demandé en 2010 pour poursuivre l'édification de l'immeuble d'exploitation de chambres d'hôtes dans le cadre d'une opération d'auto-construction, il a dû emprunter en 2014 des sommes beaucoup plus importantes afin de financer la réalisation de travaux plus conséquents dans le cadre d'une 'sous-traitance' onéreuse,

du manque à gagner subi durant cinq ans entre 2010 et 2014, du fait de l'interruption des travaux provoquée par les atermoiements de la banque,

de la charge des intérêts des emprunts contractés en vue de mener une opération de construction qu'il s'est avéré impossible de mener à bien conformément au projet initial en raison des fautes de la banque.

Cependant, la liquidation judiciaire du débiteur concerne l'universalité de son patrimoine, ainsi que de ses droits et actions sur celui-ci.

En outre, les postes du préjudice nés du surenchérissement du coût de l'opération de construction et de la charge des intérêts des emprunts ne constituent qu'une fraction du passif collectif dont l'apurement est assuré par le gage commun des créanciers, et l'action en réparation du manque à gagner ne vise qu'à faire supporter par un tiers prétendument fautif l'insuffisance d'actif du débiteur afin de reconstituer le gage commun des créanciers.

Il s'en évince que l'ensemble des préjudices invoqués relève du monopole du liquidateur, qui s'est au demeurant abstenu d'intervenir devant le tribunal de grande instance pendant la durée de la procédure de liquidation judiciaire ouverte au lendemain de l'assignation introductive d'instance du 3 octobre 2017.

Dès lors, cette action indemnitaire était, à la supposer bien fondée, subordonnée à la reprise préalable de la procédure collective dans les conditions prévues par l'article L. 643-13 du code de commerce.

Pour ces motifs et ceux, non contraires, des premiers juges, M. [F] est donc irrecevable en toutes ses demandes, le jugement attaqué étant réformé en ce sens.

La demande de fixation de la créance de la banque et de compensation, formée par la BPGO à titre subsidiaire, est ainsi sans objet.

Il serait enfin inéquitable de laisser à la charge de la BPGO l'intégralité des frais exposés par elle à l'occasion de l'instance d'appel et non compris dans les dépens, en sorte qu'il lui sera alloué une somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS, LA COUR :

Infirme le jugement rendu le 11 juin 2020 par le tribunal judiciaire de Nantes en ce qu'il a déclaré recevables les demandes de M. [F] autres que celles formées au titre du manque à gagner et des intérêts d'emprunts antérieurs au 3 octobre 2012 ;

Déclare M. [F] irrecevable en toutes ses demandes ;

Condamne M. [F] à payer à la Banque populaire Grand-Ouest une somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. [F] aux dépens d'appel ;

Accorde le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20/02967
Date de la décision : 14/04/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-04-14;20.02967 ?
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