1ère Chambre
ARRÊT N°133/2023
N° RG 20/05263 - N° Portalis DBVL-V-B7E-RA4J
M. [N] [P]
Mme [V] [P]
C/
DIRECTION GÉNÉRALE DES FINANCES PUBLIQUES
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 10 MAI 2023
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Madame Aline DELIÈRE, Présidente de chambre,
Assesseur : Madame Véronique VEILLARD, Présidente de chambre,
Assesseur : Madame Caroline BRISSIAUD, Conseillère entendue en son rapport,
GREFFIER :
Madame Marie-Claude COURQUIN, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 14 février 2023
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 10 mai 2023 par mise à disposition au greffe après prorogation du délibéré annoncé au 3 mai 2023 à l'issue des débats
****
APPELANTS :
Monsieur [N] [P]
né le [Date naissance 1] 1958 à [Localité 8] (61)
[Adresse 5]
[Localité 4]
Représenté par Me Xavier-Pierre NADREAU de la SELARL KERJEAN-LE GOFF-NADREAU-BARON-NEYROUD, Postulant, avocat au barreau de SAINT-MALO
Représenté par Me Rémi NANCLARES de la SELAS FIDAL, plaidant, avocat au barreau du MANS
Madame [V] [P]
née le [Date naissance 3] 1958 à [Localité 7] (TCHAD)
[Adresse 5]
[Localité 4]
Représentée par Me Xavier-Pierre NADREAU de la SELARL KERJEAN-LE GOFF-NADREAU-BARON-NEYROUD, Postulant, avocat au barreau de SAINT-MALO
Représentée par Me Rémi NANCLARES de la SELAS FIDAL, plaidant, avocat au barreau du MANS
INTIMÉE :
La DIRECTION GÉNÉRALE DES FINANCES PUBLIQUES d'Ile de France et du Département de Paris, représentée par le Directeur général des Finances publiques, poursuites et diligences du Directeur régional des Finances publiques d'Ille de France et de Paris, Pôle Contrôle fiscal et affaires juridiques, Pôle Juridictionnel Judiciaire, ayant ses bureaux
[Adresse 2]
[Localité 6]
Représentée par Me Anne DENIS de la SELARL ANNE DENIS, Postulant, avocat au barreau de RENNES
Représentée par Me Jean-Yves BENOIST de la SCP BENOIST DUPUY RENOU CESBRON DE PONTFARCY, plaidant, avocat au barreau du MANS
EXPOSÉ DU LITIGE
M. [N] [P] et Mme [V] [P] ont mentionné sur leur déclaration d'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) de l'année 2008 avoir souscrit au capital de la société Bio System Calor pour un montant de 1 500 € le 26 mai 2008.
Ils ont obtenu, pour cette même année, le bénéfice de la réduction d'impôt prévue en application de l'article 885-0 V bis du Code général des impôts (CGI) au titre de la souscription directe au capital de petites et moyennes entreprises (PME), montant ouvrant droit à une réduction d'ISF de 75 % des versements plafonnée à 50 000 €.
Cette réduction d'ISF a été remise en cause par une proposition de rectification modèle 2120 du 10 novembre 2014 au motif que la société Bio System Calor ne satisfaisait pas aux conditions fixées par l'article 885-0 V bis du CGI pour rendre éligible le versement réalisé par les requérants.
Malgré le désaccord formulé par M. et Mme [P] l'administration fiscale a maintenu les rectifications envisagées et a répondu à leurs observations par lettre modèle 3926 du 19 mars 2015.
Les droits rappelés ont été assortis de l'intérêt de retard prévu à l'article 1727 du CGI. Ils ont été mis en recouvrement le 27 mai 2015 (AMR n° 15 05 00004).
M. et Mme [P] ont contesté les rappels mis à leur charge par une réclamation du 20 mai 2016 qui a fait l'objet d'un rejet le 20 octobre 2016.
Persistant dans leur contestation, M. et Mme [P] ont porté le litige devant le tribunal de grande instance de Rennes par assignation du 20 décembre 2016, aux fins de :
- déclarer non fondée la décision du 20 octobre 2016 de la direction générale des finances publiques ;
-accorder la décharge de l'imposition contestée et des intérêts de retard y afférents ;
-condamner l'administration aux entiers dépens de l'instance et au paiement d'une somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Le 20 novembre 2019, l'administration a adressé au Président du tribunal de grande instance de Rennes une note en délibéré indiquant son acquiescement à la demande en décharge de l'imposition contestée et produisant l'avis de dégrèvement.
Par un jugement rendu le 26 novembre 2019, le tribunal de grande instance de Rennes a :
-constaté l'acquiescement de l'administration et le dégrèvement prononcé ;
-dit que la contestation est devenue sans objet ;
-dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;
-laissé les dépens à la charge du Trésor public.
Par déclaration du 28 octobre 2020, M. [N] [P] et Mme [V] [P] ont interjeté appel de tous les chefs de cette décision.
EXPOSÉ DES MOYENS ET PRÉTENTIONS
Aux termes de leurs conclusions d'appelants remises et notifiées au greffe le 27 janvier 2021, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé détaillé des moyens et prétentions, M. [N] [P] et Mme [V] [P] demandent à la cour de :
-réformer ledit jugement sur le fondement de l'article 700 ;
-condamner l'administration à leur payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
-condamner l'administration aux entiers dépens.
Au soutien de leur appel, M. et Mme [P] considèrent que l'équité aurait dû conduire le premier juge, auquel ils font grief de ne pas avoir motivé sa décision sur ce point, à leur accorder une somme au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, compte tenu de la technicité du litige imposant le recours à un avocat, de la durée de la procédure et du fait qu'une action en justice a été nécessaire pour que l'administration soit déboutée. Ils exposent que de multiples diligences nécessaires à la protection de leurs intérêts ont été effectuées tant dans la phase précontentieuse que dans le cadre de la procédure judiciaire et que l'administration fiscale s'est systématiquement opposée à toute négociation ou solution amiable.
Aux termes de ses conclusions d'intimée remises et notifiées au greffe le 22 avril 2021, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé détaillé des moyens et prétentions, la Direction régionale des finances publiques d'Ile de France et du Département de Paris demande à la cour de :
-confirmer le jugement entrepris ;
En conséquence,
-rejeter toutes les demandes de M. [N] [P] et Mme [V] [P] ;
-condamner M. [N] [P] et Mme [V] [P] aux entiers dépens d'appel dont distraction au profit de Me Denis.
L'administration fiscale rappelle que le juge dispose d'un pouvoir souverain d'appréciation s'agissant des indemnités sollicitées sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile. Elle indique s'en remettre à l'appréciation de la cour mais souligne que son désistement fait suite à l'arrêt de la cour d'appel d'Angers, défavorable à l'administration fiscale, rendu le 24 septembre 2019 alors que précédemment, au moins trois décisions rendues par les tribunaux de première instance lui avaient été favorables. Elle relève par ailleurs que dans les affaires pour lesquelles l'administration fiscale a été condamnée au paiement des frais irrépétibles, les condamnations oscillaient entre 1.000 et 2.000 euros et qu'au surplus, l'ensemble des contribuables intéressés par ce litige ont fait le choix d'un même avocat.
S'agissant des dépens, l'administration fiscale fait valoir que dans le cas où, contrairement à ses conclusions, elle serait condamnée sans aucune réserve, elle n'aurait à acquitter d'autres frais que ceux qui lui incombent légalement en application des dispositions des articles L. 207 et R. 207-1 du Livre des procédures fiscales (frais de signification et frais d'enregistrement du mandat) qui dérogent expressément aux articles 695 à 699 du Code de procédure civile et qui excluent les émoluments d'avocats.
MOTIVATION DE LA COUR
C'est à juste titre que le premier juge a mis les dépens à la charge du Trésor public, l'administration fiscale devant être assimilée du fait de son acquiescement et au dégrèvement total auquel elle a procédé, à la partie perdante au sens de l'article 696 du Code de procédure civile.
Les articles L. 207 et R. 207-1 du Livre des procédures fiscales relatifs aux contentieux en matière de droits d'enregistrement ne comportent aucune dérogation à l'article 700 du Code de procédure civile (Com. 22 juillet 1986, pourvoi n° 84.175-96).
Aux termes de l'article 700 du Code de procédure civile, dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation.
L'article 700 du Code de procédure civile permet au juge d'accorder le remboursement des frais exposés et non compris dans les dépens en tenant compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il ne vise que les frais exposés et concerne essentiellement les honoraires versés à l'avocat et accessoirement d'autres frais tels que les honoraires payés à d'autres professionnels, les frais de transport ou de séjour pour les besoins du procès, par exemple.
Contrairement à ce que soutiennent les appelants, la Cour de cassation a jugé que l'application de l'article 700 du Code de procédure civile relève du pouvoir discrétionnaire du juge, exclusif de toute exigence de motivation ( Civ.2ème, 10 octobre 2002, pourvoi n°00.138-32).
Cette jurisprudence concerne tant l'appréciation de la notion d'équité que celle du montant de la somme à allouer au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
En l'espèce, la cour entend néanmoins souligner d'une part, qu'au moment de l'introduction de l'instance, l'administration fiscale pouvait se prévaloir de plusieurs jugements favorables et qu'elle s'est désistée dès que la cour d'appel d'Angers s'est prononcée en faveur du dégrèvement (auquel elle a d'ailleurs procédé immédiatement) et d'autre part, que si les appelants ont incontestablement été contraints d'exposer des frais d'avocats au vu de la technicité du litige et que, de fait, de multiples diligences ont été accomplies, il est observé que l'ensemble des contribuables concernés par ce litige sériel ont été représentés par le même cabinet et qu'en l'occurrence, les appelants ne justifient pas des frais irrépétibles effectivement acquittés.
Aucune considération tenant à l'équité ou à la situation économique des parties ne commande que soit attribuée à quiconque, une indemnité sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de première instance.
Le jugement sera donc confirmé en toutes ses dispositions.
Dès lors que l'appel tendait uniquement à la réformation du jugement s'agissant des frais irrépétibles et qu'il n'a pas été fait droit à la demande des appelants à ce titre, ces derniers seront condamnés aux dépens d'appel dont distraction au profit de Me Denis conformément à l'article 699 du Code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Rennes le 26 novembre 2019,
Y ajoutant :
Condamne M. [N] [P] et Mme [V] [P] aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE