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22/05/2023 | FRANCE | N°20/01986

France | France, Cour d'appel de Rennes, 8ème ch prud'homale, 22 mai 2023, 20/01986


8ème Ch Prud'homale





ARRÊT N°208



N° RG 20/01986 -

N° Portalis DBVL-V-B7E-QSLP













Association UNEDIC, Délégation AGS-CGEA DE [Localité 3]



C/



- Mme [Y] [J]

- S.C.P. [T] [B] (liquidation judiciaire de la SARL NOSSY BEACH)

















Infirmation partielle













Copie exécutoire délivrée

le :



à :



- Me Marie-NoÃ

«lle COLLEU

- Me Erwan BARICHARD



RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 22 MAI 2023





COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :



Monsieur Rémy LE DONGE L'HENORET, Président de chambre,

Monsieur Philippe BELLOIR, Conseiller,

Madame Gaëlle ...

8ème Ch Prud'homale

ARRÊT N°208

N° RG 20/01986 -

N° Portalis DBVL-V-B7E-QSLP

Association UNEDIC, Délégation AGS-CGEA DE [Localité 3]

C/

- Mme [Y] [J]

- S.C.P. [T] [B] (liquidation judiciaire de la SARL NOSSY BEACH)

Infirmation partielle

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

- Me Marie-Noëlle COLLEU

- Me Erwan BARICHARD

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 22 MAI 2023

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Rémy LE DONGE L'HENORET, Président de chambre,

Monsieur Philippe BELLOIR, Conseiller,

Madame Gaëlle DEJOIE, Conseillère,

GREFFIER :

Monsieur Philippe RENAULT, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 10 Mars 2023

devant Monsieur Philippe BELLOIR, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties et qui a rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 22 Mai 2023 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats.

****

APPELANTE et intimée à titre incident :

L'Association UNEDIC, Délégation AGS-CGEA DE [Localité 3] prise en la personne de son représentant légal et ayant son siège social :

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Marie-Noëlle COLLEU de la SELARL AVOLITIS, Avocat au Barreau de RENNES

INTIMÉES et appelantes à titre incident :

Madame [Y] [J]

née le 12 Janvier 1992 à [Localité 6] (44)

demeurant [Adresse 1]

[Localité 4]

Ayant Me Erwan BARICHARD, Avocat au Barreau de NANTES, pour Avocat constitué

.../...

La S.C.P. de Mandataires Judiciaires [T] [B] représentée par Maître [T] [B], ès-qualités de mandataire liquidateur de la SARL NOSSY BEACH

[Adresse 5]

[Adresse 5]

[Localité 4]

Représentée par Me Marie-Noëlle COLLEU de la SELARL AVOLITIS, Avocat au Barreau de RENNES

=+=+=+=+=+=+=+=+=+=+=+=+=+=+=+=+=

Mme [Y] [J] a été engagée par la société OSTERIA, qui exploitait un restaurant La plage de Val, en qualité de barman/serveur dans le cadre de plusieurs contrats à durée déterminée d'extra sur la période du 8 avril au 31 mai 2017.

Le 1er juin 2017, un contrat à durée déterminée a été régularisé entre la même société et Mme [J] pour occuper les fonctions de chef de rang, à temps complet, jusqu'au 1er octobre 2017.

Le 1er mars 2018, Mme [J] était engagée par la SARL NOSSY BEACH sur le même restaurant mais au poste de responsable de salle dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée.

La Convention collective nationale des Hôtels Cafés Restaurants est applicable à la relation salariale.

Fin octobre 2018, le restaurant a fermé pour démolition.

Le 20 février 2019, la SARL NOSSY BEACH, rencontrant de graves difficultés économiques, a été placée en liquidation judiciaire.

Le 25 février 2019, Mme [J] a déclaré ses créances.

Me [B] a été nommé mandataire liquidateur de la société et a convoqué Mme [J] pour un entretien préalable de licenciement à l'occasion duquel, elle a accepté le contrat de sécurisation professionnelle.

Le 25 mars 2019, Mme [J] a été licenciée pour motif économique.

Le 20 mai 2019, Mme [J] a saisi le conseil de prud'hommes de Saint Nazaire aux fins de :

' Voir constater l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire de la SARL NOSSY BEACH et la désignation de Me [B] en qualité de mandataire liquidateur,

' Voir constater l'existence des créances à la charge de la SARL NOSSY BEACH fixées a :

- 11.843,9 € bruts à titre de rappel de salaire 2018,

- 1.184,39 € bruts de congés payés afférents,

- 7.500 € nets à titre d'indemnité pour manquement de l'employeur à son obligation de décompte du temps de travail et perte de chance,

- 4.052 € nets à titre d'indemnité de repos compensatoire,

- 186,46 € nets à titre d'indemnité pour travail de nuit,

- 19.566 € nets à titre d`indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,

- 1.000 € au titre du manquement à la bonne foi contractuelle,

- 2.000 € nets d'indemnité pour manquement aux repos journalier et hebdomadaire,

- 559,40 € de rappel d'indemnité de licenciement,

' Inscription sur le relevé des créances salariales de ces sommes,

' Fixer le salaire de référence à 3.261 € bruts,

' Voir dire et juger que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter de l'introduction de l'instance pour les sommes ayant le caractère de salaire et a compter de la décision à intervenir pour les autres sommes avec capitalisation des intérêts en application des articles 1153, 1153-1 et 1154 du code civil,

' Voir prononcer l'exécution provisoire du jugement à intervenir, y compris pour les sommes pour lesquelles elle ne serait pas de droit,

' Voir condamner la même aux dépens.

La cour est saisie d'un appel formé le 27 mars 2020 par l'Association AGS CGEA de [Localité 3] à l'encontre du jugement prononcé le 2 mars 2020 par lequel le conseil de prud'hommes de Saint Nazaire a :

' Constaté l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire de la SARL NOSSY BEACH et la désignation de Me [B] en qualité de mandataire judiciaire,

' Reçu l'association AGS CGEA de [Localité 3] en son intervention,

' Donné acte à l'association AGS CGEA de [Localité 3] de sa qualité de représentant dans l'instance,

' Décerné acte à l'association AGS CGEA de [Localité 3] des conditions de son intervention sur le fondement de l'article 625-1 du code du commerce,

' Constaté l'existence des créances à la charge de la SARL NOSSY BEACH fixées à :

- 11.843,90 € bruts à titre de rappel de salaire 2018,

- 1.184,39 € bruts à titre de congés payés afférents,

- 19.566 € nets a titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,

- 2.520,81 nets à titre d'indemnité de repos compensatoire,

- 2.000 € nets à titre d'indemnité pour manquement aux repos journaliers et hebdomadaires,

- 559,40 € nets à titre de rappel d'indemnité de licenciement,

' Dit que ces sommes sont garanties par l'association AGS CGEA de [Localité 3],

' Dit n'y avoir lieu à intérêt légaux en raison de la procédure collective datant du 20 février 2019 intervenue avant la saisine du conseil de prud'hommes du 2 mai 2019,

' Débouté Mme [J] de ses demandes à titre d'indemnité pour manquement de l'employeur à son obligation de décompte du temps de travail et perte de chance, d'indemnité pour travail de nuit et de manquement à la bonne foi contractuelle,

' Ordonné à la SARL NOSSY BEACH en liquidation judiciaire prise en la personne de son représentant légal, de délivrer à Mme [J] un bulletin de salaire, une attestation destinée à Pôle Emploi, tous documents rectifiés conformément au jugement et ce sans astreinte,

' Rappelé que l'exécution provisoire du paiement des sommes au titre des rémunérations et indemnités mentionnées aux articles R. 1454-14 et R. 1454-28 du code du travail et de la remise de certificat de travail, de bulletin de paie ou de toute pièce que l'employeur est tenu de délivrer, est de droit dans la limite de neuf mois de salaire en application du dernier article,

' Fixé la moyenne des trois derniers mois de salaire a la somme de 3.261 € bruts,

' Rejeté l'exécution provisoire pour les surplus des condamnations, à savoir pour les indemnités pour manquement de l'employeur à son obligation de décompte du temps de travail et perte de chance, celle pour travail de nuit et celle du manquement à la bonne foi contractuelle,

' Condamné la SARL NOSSY BEACH en liquidation judiciaire prise en la personne de son représentant légal aux dépens, ainsi que les éventuels frais d'huissier en cas d'exécution forcée de la présente décision,

' Débouté la SCP [B] de toutes ses demandes,

' Débouté les parties du surplus de leurs demandes.

Vu les écritures notifiées par voie électronique le 2 octobre 2020, suivant lesquelles l'association AGS CGEA de [Localité 3] demande à la cour de :

' Déclarer recevable et bien fondé son appel,

' Réformer le jugement du conseil de prud'hommes en ce qu'il a :

- constaté l'existence des créances à la charge de la SARL NOSSY BEACH fixées à :

- 11.843,90 € bruts à titre de rappel de salaires 2018,

- 1.184,39 € bruts à titre de congés payés afférents,

- 19.566 € nets à titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,

- 2.520,81 € nets à titre d'indemnité de repos compensatoire,

- 2.000 € nets à titre d'indemnité pour manquement aux repos journaliers et hebdomadaires,

- 559,40 € nets à titre de rappel d'indemnité de licenciement,

- ordonné à la SARL NOSSY BEACH en liquidation judiciaire prise en la personne de son représentant légal, de délivrer à Mme [J] un bulletin de salaire, une attestation destinée à Pôle Emploi, tous documents rectifiés conformément au présent jugement,

- fixé la moyenne des trois derniers mois de salaire à la somme de 3.261 € bruts,

' Confirmer le jugement pour le surplus ;

En conséquence,

' Débouter Mme [J] de l'ensemble de ses demandes ;

' Fixer à la somme de 2.274 € le salaire de référence de Mme [J],

En tout état de cause,

' Rejeter les demandes nouvelles de Mme [J] en cause d'appel comme étant irrecevables sur le fondement de l'article 564 du code de procédure civile,

Subsidiairement,

' Débouter Mme [J] de toute demande excessive et injustifiée,

En toute hypothèse,

' Débouter Mme [Y] [J] de toutes ses demandes qui seraient dirigées à l'encontre de l'association AGS CGEA de [Localité 3],

' Décerner acte à l'association AGS CGEA de [Localité 3] de ce qu'elle ne consentira d'avance au mandataire judiciaire que dans la mesure où la demande entrera bien dans le cadre des dispositions des articles L.3253-6 et suivants du code du travail,

' Dire et juger que :

- l'indemnité éventuellement allouée au titre de l'article 700 du code de procédure civile n'a pas la nature de créance salariale,

- l'association AGS CGEA de [Localité 3] ne pourra être amenée à faire des avances, toutes créances du salarié confondues, que dans la limite des plafonds applicables prévus aux articles L.3253-17 et suivants du code du travail,

' Dépens comme de droit.

Vu les écritures notifiées par voie électronique le 2 octobre 2020, suivant lesquelles la SCP [B] ès-qualités demande à la cour de :

' Déclarer recevable et bien fondé son appel incident,

' Réformer le jugement du conseil de prud'hommes en ce qu'il a :

- constaté l'existence des créances à la charge de la SARL NOSSY BEACH fixée à :

- 11.843,90 € bruts à titre de rappel de salaires 2018,

- 1.184,39 € bruts à titre de congés payés afférents,

- 19.566 € nets à titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,

- 2.520,81 € nets à titre d'indemnité de repos compensatoire,

- 2.000 € nets à titre d'indemnité pour manquement aux repos journaliers et hebdomadaires,

- 559,40 € nets à titre de rappel d'indemnité de licenciement,

- ordonné à la SARL NOSSY BEACH en liquidation judiciaire prise en la personne de son représentant légal, de délivrer à Mme [J] un bulletin de salaire, une attestation destinée à Pôle Emploi, tous documents rectifiés conformément au présent jugement,

- fixé la moyenne des trois derniers mois de salaire à la somme de 3.261 € bruts ;

' Confirmer le jugement pour le surplus ;

En conséquence,

' Débouter Mme [J] de l'ensemble de ses demandes,

' Fixer à la somme de 2.274 € le salaire de référence de Mme [J],

En tout état de cause,

' Rejeter les demandes nouvelles de Mme [J] en cause d'appel comme étant irrecevables sur le fondement de l'article 564 du code de procédure civile,

Subsidiairement,

' Débouter Mme [J] de toute demande excessive et injustifiée,

' Dépens comme de droit.

Vu les écritures notifiées par voie électronique le 4 décembre 2020, suivant lesquelles Mme [J] demande à la cour de :

' Voir confirmer l'existence de créances à la charge de la SARL NOSSY BEACH,

' Voir réformer le jugement du conseil de prud'hommes du 2 mars 2020,

En conséquence,

' Juger la modulation inscrite aux contrats de Mme [J] inopposable,

' A titre subsidiaire, en limiter les effets aux seules feuilles d'émargement de 2018,

' Voir réformer et condamner au paiement :

- 3.137 € bruts au titre du rappel d'heures supplémentaires 2017,

- 313.7 € bruts de congés payés afférents,

- 1.500 € nets au titre de l'indemnité pour manquement de l'employeur à son obligation de décompte du temps de travail et perte de chance,

- 12.533,18 € bruts, à titre principal, au titre du rappel d'heures supplémentaires 2018,

- 1.253,3 € bruts de congés payés afférents

- 11.843,9 € bruts, à titre subsidiaire, au titre du rappel d'heures supplémentaires 2018,

- 1.184,9 € bruts de congés payés afférents,

- 4.282,08 € nets, à titre principal, au titre de l'indemnité de repos compensatoire,

- 4.052€ nets, à titre subsidiaire, au même titre,

- 19.910,58 € nets, à titre principal, au titre de l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,

- 19.566 € nets, à titre subsidiaire, au même titre,

- 587,40 € nets, à titre principal, au titre du rappel d'indemnité de licenciement,

- 559,40 € nets, subsidiairement, au même titre,

' Voir réformer le montant du salaire de référence et retenir :

- la somme de 3.318,43 € bruts à titre principal,

- la somme de 3.261 € bruts à titre subsidiaire ;

' Voir confirmer

- la condamnation au titre des manquements aux repos journaliers et hebdomadaires, la somme de 2.000 € nets,

- l'inscription sur le relevé des créances salariales de ces sommes,

- la garantie de ces sommes par l'association AGS CGEA de [Localité 3],

' Voir ordonner la délivrance à Mme [J] de tous documents conforme à l'arrêt,

' Voir confirmer la condamnation aux dépens.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 23 février 2023.

Par application de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties à leurs dernières conclusions sus-visées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l'inopposabilité du dispositif de modulation

Aux termes de l'article 4 de l'avenant de la convention collective nationale des Hôtels Cafés Restaurants relatif à l'aménagement du temps de travail 'la durée du travail ne peut être supérieure aux durées maximales suivantes :

Durée maximale journalière :

Personnel administratif hors site d'exploitation : 10 heures.

Cuisinier : 11 heures.

' Autre personnel : 11 h 30.

' Veilleur de nuit : 12 heures.

' Personnel de réception : 12 heures.

Durées maximales hebdomadaires :

' Moyenne sur 12 semaines : 46 heures.

' Absolue : 48 heures.

Il ne peut être dérogé aux durées maximales hebdomadaires que dans les conditions prévues

par le code du travail et notamment par les articles L 3121-36 et R 3121-23 et suivants'.

Et suivant l'article 5 du même texte : 'A l'intérieur de la période de référence, la durée hebdomadaire de travail peut varier selon l'activité de l'entreprise de 0 à 48 heures.

L'employeur informera les salariés par tous moyens, notamment par affichage, des jours travaillés et de l'horaire prévisionnel de travail au moins 15 jours à l'avance.

Conformément aux dispositions de l'article 8 de l'avenant n°2 à la convention collective nationale en date du 5 février 2007, lorsque les salariés d'un atelier, d'un service ou d'une équipe ne sont pas occupés selon le même horaire collectif de travail affiché, la durée du travail de chaque salarié concerné doit être décomptée selon les modalités suivantes :

- quotidiennement, par enregistrement, selon tous moyens, des heures de début et de fin de chaque période de travail ou par le relevé du nombre d'heures de travail effectuées ;

- chaque semaine, par récapitulation, selon tous moyens du nombre d'heures de travail effectuées par chaque salarié. Ce document, à défaut de tout autre document déjà existant dans l'entreprise, émargé par le salarié et par l'employeur, est tenu à la disposition de l'inspection du travail ;

- un document mensuel, dont le double est annexé au bulletin de paie, sera établi pour chaque salarié. Ce document précisera le nombre d'heures effectuées au cours du mois ainsi que le cumul des heures effectuées depuis le début de la période de référence. Il précisera en outre les droits à repos compensateur éventuellement acquis par le salarié au titre des dispositions de l'article 6.

L'article 6 énonce que :'Des changements de la durée ou de l'horaire de travail peuvent être rendus nécessaires pour adapter la durée du travail à l'activité de l'entreprise : les salariés doivent être avisés de la modification au plus tôt et au moins 8 jours à l'avance. Ce délai peut être réduit pour faire face à des circonstances exceptionnelles'.

L'article 7 dispose que conformément à l'article L. 3122-4 du code du travail, constituent des heures supplémentaires :

1 - les heures effectuées au-delà de 1 607 heures sur une période de référence égale à 12 mois :

Ces heures supplémentaires ouvrent droit à une majoration de salaire ou à un repos compensateur de remplacement dans les conditions prévues ci-après :

- les heures supplémentaires effectuées entre 1607 heures et 1790 heures (correspondant en moyenne aux 36, 37, 38 et 39èmes heures) sont majorées de 10 %

- les heures supplémentaires effectuées entre 1791 heures et 1 928 heures sont majorées de 20 % (correspondant en moyenne aux 40, 41 et 42èmes heures)

- les heures supplémentaires effectuées entre 1929 heures et 1973 heures sont majorées de 25 % (correspondant en moyenne à la 43ème heure)

- les heures supplémentaires effectuées à partir de 1 974 heures sont majorées de 50 % (correspondant en moyenne à la 44ème heure et au-delà)

2- les heures de travail effectuées au-delà de la durée du travail de la période de référence telle que définie à l'article 3 - 2ème alinéa.

Lorsque l'organisation mise en place dans l'entreprise ne couvre pas l'année entière, constituent des heures supplémentaires les heures effectuées au-delà de la moyenne de 35 heures, calculée sur la période de référence fixée dans l'entreprise.

Ainsi, pour une période de référence de 4 mois, la durée du travail de référence est de 606 heures. Constitueront des heures supplémentaires les heures effectuées au-delà de 606 heures'.

En l'espèce, il n'est pas discuté que le contrat de travail de Mme [J] stipule une clause de modulation annuelle du temps de travail conformément aux dispositions conventionnelles.

Il sera rappelé que la modulation ne doit pas permettre à l'employeur d'imposer un travail de plus de 48 heures par semaine. Par ailleurs, le salarié doit être informé des cycles de travail et l'employeur doit décompter le temps de travail réalisé.

En l'espèce, il n'existe aucune information remise à Mme [J] sur les cycles de travail pour les années 2017 et 2018.

Il en résulte que la modulation ne peut produire d'effets compte tenu du non-respect par l'employeur des conditions de mise en 'uvre de celle-ci. Elle est inopposable à Mme [J]. Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur le rappel d'heures supplémentaires

Selon l'article L. 3121-27 du code du travail, la durée légale de travail effectif des salariés à temps complet est fixée à trente-cinq heures par semaine.

Aux termes de l'article L. 3171-2, alinéa 1er du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés.

Selon l'article L. 3171-3 du même code, l'employeur tient à la disposition de l'agent de contrôle de l'inspection du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire.

Enfin, selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

En l'espèce, Mme [J] soutient avoir effectué des heures supplémentaires au titre des années 2017 et 2018.

Dans le cadre de son appel incident, Mme [J] modifie ses demandes au titre de l'année 2017 lesquelles sont recevables, contrairement à ce que soutient l'appelant dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins qu'en première instance conformément à l'article 565 du code procédure civile.

Mme [J] revendique la somme de 3.137 € à titre de rappels d'heures supplémentaires pour l'année 2017. Au soutien de sa demande, Mme [J] ne produit aucune pièce justificative mais procède par déduction et par analogie avec l'année 2018 pour formuler sa d'heures supplémentaires. Dans ces conditions, Mme [J] ne produit pas d'éléments suffisamment précis pour l'année 2017 afin de permettre à l'employeur d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Elle sera donc déboutée de sa demande et le jugement confirmé à ce titre.

Pour l'année 2018, Mme [J] sollicite la somme de 11.843,90 € à titre de rappel d'heures supplémentaires. A cet égard, elle communique les décomptes journaliers du mois de mars et avril 2018 ainsi que les feuilles d'émargement extraites d'une badgeuse pour la période du 1er mai 2018 au 30 novembre 2018. Ces éléments sont suffisamment précis pour permettre à l'employeur d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. En l'espèce, il n'est pas demandé àl'employeur d'opérer les calculs mais de fournir au juge les éléments dont il dispose dans la mesure où il lui incombe d'assurer le contrôle du temps de travail effectué et l'affirmation selon laquelle Mme [J] 'a pu entrer des données informatisées non conformes à la réalité' suivant les attestations de deux anciens salariés (Messieurs [R] et [U]), ne le dispense pas de produire les éléments dont il dispose et ne peut justifier le rejet des décomptes fournis auxquels il n'oppose aucun calcul. Dans ces conditions et dès lors que l'employeur se dispense de communiquer le moindre décompte récapitulatif des heures supplémentaires qu'il estimait devoir, il y a lieu de confirmer le jugement entrepris et de faire droit aux prétentions de Mme [J] telles qu'arbitrées par les premiers juges pour l'année 2018.

Sur le repos compensatoire

La Cour relève que c'est par une exacte application du droit et une appréciation des faits dont les débats en cause d'appel n'ont pas altéré la pertinence que les premiers juges ont retenu que 'Mme [J] n'a pas bénéficié des repos compensateurs auxquels elle avait droit au regard de ses 378,50 heures supplémentaires au-delà des 360 heures contingentées' et a condamné l'employeur à la somme de 2520,80 € à titre d'indemnité de repos compensatoires.

Le jugement entrepris sera confirmé à ce titre.

Sur le travail dissimulé

Pour infirmation, l'AGS soutient que la SARL NOSSY BEACH a toujours déclaré la salariée auprès des services de l'URSSAF et remis à Mme [J] ses bulletins de salaires qui n'ont jamais été discuté par la salariée pendant toute l'exécution du contrat de travail. Elle ajoute que le fait que l'employeur ait mis en 'uvre un logiciel permettant un décompte informatisé des horaires de travail dans le courant de l'année 2018 s'oppose à l'évidence à l'existence d'une intention de dissimuler les horaires de travail réalisés par ses salariés.

Pour confirmation, Mme [J] rétorque essentiellement que l'employeur était parfaitement conscient de ne pas payer la totalité des heures réalisées puisque c'est lui-même qui prévoyait son planning et qui a mis en place à compter du mois d'avril 2018 un décompte horaire informatisé qu'il contrôlait.

En vertu des dispositions de l'article L 8221-5 du Code du travail, le fait se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la déclaration préalable à l'embauche ou de mentionner sur le bulletin de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, est réputé travail dissimulé.

En application de l'article L 8223-1 du même code, en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours en commettant les faits visés à l'article L 8221-5, a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

En l'espèce, il a été précédemment retenu que des heures supplémentaires ont été effectuées par Mme [J] pour l'année 2018 sans avoir été rémunérées par l'employeur, lequel n'a justifié d'aucune mesure de contrôle du temps de travail de cette salariée.

Cependant, Mme [J] ne justifie d'aucune alerte de sa part ni d'une demande adressée à l'employeur durant le temps d'exercice de son contrat de travail.

La salariée ne vise en effet aucune autre pièce de nature à caractériser plus précisément une intention, de la part de l'employeur, de se soustraire aux dispositions légales relatives à la durée de son travail.

Dans ces circonstances, l'élément intentionnel de l'infraction de travail dissimulé ne résulte d'aucune pièce au dossier et ne peut être déduit du seul fait que l'employeur n'a pas mis en 'uvre des mesures particulières de suivi de la charge de travail au cours de l'exécution du contrat de travail.

L'infraction de travail dissimulé n'est donc pas caractérisée au sens des dispositions légales précitées. Le jugement entrepris sera infirmé à ce titre.

Sur le manquement aux repos journaliers

Il sera rappelé qu'il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne que le dépassement de la durée moyenne maximale de travail hebdomadaire fixée à l'article 6, sous b), de la directive 2003/88 constitue, en tant que tel, une violation de cette disposition, sans qu'il soit besoin de démontrer en outre l'existence d'un préjudice spécifique. Cette directive poursuivant l'objectif de garantir la sécurité et la santé des travailleurs par la prise d'un repos suffisant, le législateur de l'Union a considéré que le dépassement de la durée moyenne maximale de travail hebdomadaire, en ce qu'il prive le travailleur d'un tel repos, lui cause, de ce seul fait, un préjudice dès lors qu'il est ainsi porté atteinte à sa sécurité et à sa santé. La Cour de justice de l'Union européenne a précisé que c'est au droit national des États membres qu'il appartient, dans le respect des principes d'équivalence et d'effectivité, d'une part, de déterminer si la réparation du dommage causé à un particulier par la violation des dispositions de la directive 2003/88 doit être effectuée par l'octroi de temps libre supplémentaire ou d'une indemnité financière et, d'autre part, de définir les règles portant sur le mode de calcul de cette réparation.

Selon l'article L. 3131-1 du code du travail, tout salarié bénéficie d'un repos quotidien d'une durée minimale de onze heures consécutives, sauf dans les cas prévus aux articles L. 3131-2 et L. 3131-3 ou en cas d'urgence, dans des conditions déterminées par décret.

Selon l'article L 3171- 2 lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés.

En l'espèce, la salariée formule une demande en paiement de dommages et intérêts pour non respect du repos quotidien.

L'AGS, qui a la charge de la preuve du respect du repos quotidien, ne produit aucun élément sérieux relatif au respect de son obligation de vérification et contrôle du temps de travail de la salariée.

En application de l'article L.3121-20 du code du travail, interprété à la lumière de l'article 6 b) de la directive n°2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003, le seul constat du non respect du repos quotidien ouvre droit à la réparation, sans qu'il soit besoin pour Mme [J] de justifier de l'existence d'un préjudice spécifique.

Mme [J] se verra allouer la somme de 800 € à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi, le jugement entrepris étant réformé de ce chef.

Sur l'obligation de décompte du temps de travail et perte de chance

Mme [J] réclame la condamnation de l'employeur au titre de l'année 2017 au paiement de la somme de 1.500 € à titre d'indemnité pour manquement à son obligation conventionnelle de décompte du temps de travail lui ayant fait perdre une chance de réclamer les heures supplémentaires réellement dues, lesquelles sont nécessairement supérieure à celles demandées.

Sur ce point, Mme [J] ne justifie pas d'un préjudice. À défaut de tout justificatif produit, la Cour confirme le jugement en ce qu'il a débouté Mme [J] de sa demande d'indemnisation de ce chef.

Sur l'indemnité de licenciement

Compte tenu d'un salaire salaire mensuel brut de 3261€ incluant le rappel d'heures supplémentaires au titre de l'année 2018, c'est à juste titre que les premiers juges ont fixé le rappel d'indemnité de licenciement à la somme de nette de 559,40 €. Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur la remise des documents sociaux

La demande de remise de documents sociaux rectifiés conformes à la présente décision est fondée en son principe.

Sur la garantie du CGEA-AGS de [Localité 3]

Le présent arrêt sera déclaré opposable au CGEA-AGS de [Localité 3] dont les garanties s'appliqueront pour les sommes précitées dans les limites et plafonds prévus par les articles L. 3253-8, L. 3253-17, D. 3253-2 et D. 3253-5 du code du travail.

Sur les frais irrépétibles

La Cour observe que les parties ne formulent pas de demande à ce titre.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant en dernier ressort et par arrêt contradictoire mis à la disposition des parties au greffe,

INFIRME partiellement le jugement entrepris ;

Statuant à nouveau,

FIXE la créance de Mme [Y] [J] au passif de la liquidation judiciaire de la SARL NOSSY BEACH à la somme nette de 800 € à titre de dommages et intérêts pour manquement au repos journaliers,

DEBOUTE Mme [Y] [J] de ses demandes au titre du travail dissimulé et au titre d'indemnité pour manquement à l'obligation de décompte du temps de travail,

CONFIRME le jugement entrepris pour le surplus,

et y ajoutant,

DÉCLARE la décision opposable à l'AGS-CGEA de [Localité 3],

RAPPELLE que l'AGS ne consentira d'avance au mandataire liquidateur que dans les limites des dispositions des articles L. 3253-6 et suivants du code du travail,

RAPPELLE que l'AGS ne pourra être amenée à faire des avances, toutes créances du salarié confondues, que dans la limite des plafonds applicables prévus aux articles L. 3253-17 et suivants du code du travail,

CONDAMNE l'AGS CGEA aux dépens d'appel.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 8ème ch prud'homale
Numéro d'arrêt : 20/01986
Date de la décision : 22/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-22;20.01986 ?
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