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26/06/2023 | FRANCE | N°20/01945

France | France, Cour d'appel de Rennes, 8ème ch prud'homale, 26 juin 2023, 20/01945


8ème Ch Prud'homale





ARRÊT N°257



N° RG 20/01945 -

N° Portalis DBVL-V-B7E-QSIU













M. [L] [Z]



C/



S.A.S. TEXA SERVICES

















Confirmation











Copie exécutoire délivrée

le :



à :

Me Catherine PENEAU

Me Christophe LHERMITTE



RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL D

E RENNES

ARRÊT DU 26 JUIN 2023





COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :



Monsieur Rémy LE DONGE L'HENORET, Président de chambre,

Monsieur Philippe BELLOIR, Conseiller,

Madame Gaëlle DEJOIE, Conseillère,



GREFFIER :



Monsieur Philippe RENAULT, lors des débats et lors du prononcé



...

8ème Ch Prud'homale

ARRÊT N°257

N° RG 20/01945 -

N° Portalis DBVL-V-B7E-QSIU

M. [L] [Z]

C/

S.A.S. TEXA SERVICES

Confirmation

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Catherine PENEAU

Me Christophe LHERMITTE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 26 JUIN 2023

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Rémy LE DONGE L'HENORET, Président de chambre,

Monsieur Philippe BELLOIR, Conseiller,

Madame Gaëlle DEJOIE, Conseillère,

GREFFIER :

Monsieur Philippe RENAULT, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 19 Janvier 2023

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 26 Juin 2023, date à laquelle a été prorogé le délibéré initialement fixé au 03 Avril précédent, par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANT :

Monsieur [L] [Z]

né le 07 Septembre 1979 à [Localité 5] (92)

demeurant [Adresse 3]

[Localité 2]

Ayant Me Catherine PENEAU, Avocat au Barreau de NANTES, pour postulant

et représenté à l'audience par Me Marie VERRANDO, Avocat au Barreau de RENNES substituant à l'audience Me Patricia BONZANINI-BECKER, Avocat plaidant du Barreau de GRASSE

INTIMÉE :

La SAS TEXA SERVICES prise en la personne de son représentant légal et ayant son siège social :

[Adresse 1]

[Localité 4]

Ayant Me Christophe LHERMITTE de la SCP GAUVAIN, DEMIDOFF & LHERMITTE, Avocat au Barreau de RENNES, pour postulant et ayant Me Olga OBERSON, Avocat au Barreau de PARIS, pour conseil

M. [L] [Z] a été embauché par la SAS TEXA SERVICES à compter du 3 octobre 2011 dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée en qualité d'Expert métreur, coefficient 400, statut cadre, la convention collective applicable étant celle des entreprises d'expertise en matière d'évaluations industrielles et commerciales (IDCC 915).

L'article 8 de son contrat de travail prévoyait une clause de non-concurrence d'une durée d'un an, dans un secteur correspondant aux départements de Loire Atlantique et limitrophes, avec une indemnité dont le montant était déterminé par référence à l'article 66 de la convention collective applicable. Cet article 66 a été supprimé de la convention collective par un avenant 62 signé le 18 décembre 2015.

M. [Z] a présenté sa démission par lettre du 6 août 2017.

Le 7 septembre 2017, SAS TEXA SERVICES a fait savoir à M. [Z] qu'elle entendait appliquer sa clause de non-concurrence.

Le 31 octobre 2017, M. [Z] a demandé à la société de le délier de la clause qu'il considérait comme nulle au titre de sa limitation dans l'espace et de l'absence d'acceptation de la contrepartie.

Le contrat de travail a été rompu le 8 novembre 2017, au terme du préavis.

M. [Z] a saisi en référé le conseil de prud'hommes, afin de faire prononcer la nullité de la clause. Par ordonnance du 13 mars 2018, le Conseil de prud'hommes a renvoyé l'affaire au fond.

Le 9 avril 2018, M. [Z] a saisi le Conseil de prud'hommes de Nantes aux fins de :

' constater l'absence de contrepartie financière de la clause de non concurrence,

' constater l'absence d'intérêt légitime de la clause de non-concurrence tant sur son principe que sur la zone géographique fixée,

' prononcer l'annulation de la clause de non-concurrence,

' dire que M. [Z] est délié de toute obligation de non-concurrence,

' condamner SAS TEXA SERVICES à verser :

- 59.581,44 € de dommages et intérêts pour application d'une clause de non-concurrence illicite (soit 4.965,12 € par mois),

- 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

' condamner la SAS TEXA SERVICES aux dépens.

La cour est saisie d'un appel régulièrement formé par M. [Z] le 24 mars 2020 du jugement du 27 février 2020 par lequel le Conseil de prud'hommes de Nantes a :

' dit que la clause de non-concurrence inscrite au contrat de travail de M. [Z] est valide, tant en ce qui concerne la contrepartie financière que la légitimité de son application et du secteur géographique ;

' débouté M. [Z] de l'ensemble de ses demandes ;

' condamné M. [Z] à verser à SAS TEXA SERVICES la somme de 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

' condamné M. [Z] aux dépens éventuels.

Vu les écritures notifiées par voie électronique le 5 septembre 2022, suivant lesquelles M. [Z] demande à la cour de :

' déclarer irrecevable comme nouvelle la demande reconventionnelle de la SAS TEXA SERVICES formée en cause d'appel aux fins de remboursement de l'indemnité de non-concurrence,

' réformer dans son intégralité le jugement du Conseil de prud'hommes de Nantes en date du 27 février 2020,

Et statuant à nouveau,

' constater l'absence de contrepartie financière de la clause de non- concurrence,

' constater l'absence d'intérêt légitime de la clause de non-concurrence tant sur son principe que sur la zone géographique fixée,

' annuler la clause de non-concurrence ;

' dire et juger que M. [Z] est délié de toute obligation de non-concurrence,

' condamner la SAS TEXA SERVICES à verser à M. [Z] :

- 59.581,44 € à titre de dommages et intérêts, correspondant à la somme mensuelle de 4.965,12 € pour chaque mois d'application de la clause de non-concurrence illicite,

- 36.976,44 € de solde restant dû, après compensation avec les sommes d'ores et déjà perçues au titre de la clause de non-concurrence illicite,

- 1.000 € au titre du préjudice moral,

- 5.000 € au titre de 1'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Vu les écritures notifiées par voie électronique le 9 septembre 2022, suivant lesquelles SAS TEXA SERVICES demande à la cour de :

' confirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions,

' débouter M. [Z] de l'intégralité de ses demandes,

A titre subsidiaire, si par exceptionnel la Cour infirmait le jugement dont appel et annulait la clause de non-concurrence,

' condamner M. [Z] à payer à la SAS TEXA SERVICES la somme de 17.400 € nets à titre de remboursement de l'indemnité contractuelle de non-concurrence et des congés payés afférents versés,

En toutes hypothèses,

' débouter M. [Z] de l'intégralité de ses demandes,

' condamner M. [Z] à payer à la SAS TEXA SERVICES la somme de 4.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile en cause d'appel,

' le Condamner aux entiers dépens.

La clôture a été prononcée par ordonnance du 5 janvier 2023.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour renvoie, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, à leurs conclusions régulièrement notifiées.

MOTIVATION DE LA DECISION

M. [Z] soutient que c'est à tort que le conseil de prud'hommes a considéré que la validité de la clause de non concurrence devait s'apprécier à la date de la conclusion du contrat, alors que doit être annulée la clause de non concurrence qui ne comporte pas, au jour de son application, les conditions indispensables à sa validité ; que l'application de la clause par référence à une disposition abrogée de la convention collective n'est pas possible et que l'accord du salarié n'a ensuite pas été sollicité sur les modalités de calcul de la contrepartie financière de sorte que la clause s'en trouve dépourvue ; que la société ne justifie pas d'un intérêt légitime à la clause de non concurrence qu'elle a imposée à son salarié ; que la société a tenté d'élargir le secteur géographique concerné par la clause de non concurrence alors que l'application littérale du contrat aurait dû conduire à le libérer des départements dans lesquels il n'a pas travaillé dans la dernière année ; que la zone géographique de la clause de non concurrence n'est pas justifiée par la protection des intérêts légitimes de la société TEXA SERVICES, faute pour le salarié d'y avoir réellement et effectivement exercé son activité.

La société TEXA SERVICES justifie de la validité de la clause de non concurrence tant s'agissant de la limitation de sa zone géographique que de la contrepartie financière et de son intérêt légitime ; qu'en tout état de cause M. [Z] ne justifie par aucune pièce de l'existence d'un quelconque préjudice découlant de l'application de la clause de non concurrence dont il dénonce la validité ; qu'à tout le moins en cas d'annulation de la clause il devrait être tenu de rembourser les sommes percues à ce titre.

Il est établi qu'une clause de non-concurrence n'est licite que si elle est indispensable à la protection des intérêts légitimes de l'entreprise, limitée dans le temps et dans l'espace, qu'elle tient compte des spécificités de l'emploi du salarié et comporte l'obligation pour l'employeur de verser au salarié une contrepartie financière, ces conditions étant cumulatives. Cette contrepartie peut être prévue par un accord collectif.

Il doit être tenu compte, pour apprécier la validité de la clause de non-concurrence, de l'ensemble des limitations qu'elle comporte, dans le temps, dans l'espace, quant aux activités concernées, et tenir compte des spécificités de l'emploi.

La clause du contrat de travail de M. [Z] est ainsi libellée (pièces n°1 du salariée, n°3 de l'intimée) :

« Compte tenu de la nature de vos fonctions, vous mettant en rapport avec la clientèle de la société TEXA SERVICES, vous vous engagez après la rupture de votre contrat de travail ou de votre départ effectif de l'entreprise, à ne pas exercer, sous quelque forme que ce soit, une activité concurrente à celle de la Société ou à entrer directement ou indirectement au service d'entreprises ayant une activité principale ou accessoire d'expertise auprès des organismes d'assurance ou des mutualistes.

Cette interdition de concurrence est applicable pour une durée d'un an à compter du jour de la cessation effective de votre contrat de travail et limitée au secteur géographique suivant': département de Loire atlantique et départements lilmitrophes, correspondant au secteur dans lequel vous exerciez effectivement votre activité au cours de l'année précédant la rupture de votre contrat de travail.

Elle s'appliquera quels que soient la nature et le motif de la rupture du contrat sauf en cas de rupture de la période d'essai.

Pendant toute la durée de l'interdiction, il vous sera versé chaque mois une indemnité égale au montant minimum prévu à l'article 66 de la Convention collective applicable à notre société'[...]»

La durée de la clause de non-concurrence, d'une durée d'un an, n'est pas critiquée.

La zone géographique définie portant sur les départements de Loire-atlantique et les départements limitrophes, dont la clause précise qu'elle correspond «'au secteur dans lequel [le salarié] exerç[ait] effectivement [son] activité au cours de l'année précédant la rupture'», a été réduite en l'espèce aux seuls départements de Loire-Atlantique, Vendée et Maine et Loire auxquels les premiers juges ont déjà relevé à juste titre que la société avait restreint le champ d'application de la clause (conf. Le courrier du 24 novembre 2017 en pièces n°6 du salarié et n°7 de la société).

L'article 8 précise expressément le versement «'pendant toute la durée de l'interdiction'[chaque mois] [d'] une indemnité égale au montant minimum prévu à l'article 66 de la Convention collective applicable'» soit la convention collective nationale des entreprises d'expertises en matière d'évaluations industrielles et commerciales.

Il est établi que la date de validité de la clause de non concurrence doit être appréciée à la date de sa conclusion, de sorte que l'abrogation de l'article 66 de la convention collective n'est pas de nature à entraîner l'illicéité de la clause de non concurrence.

La note du 29 mars 2016 remise à M. [Z] par laquelle, après abrogation de l'article 66 de la convention collective, ne fait que confirmer les modalités de calcul de la contrepartie financière de la clause de non concurrence définie auparavant par le texte abrogé auquel le contrat faisait référence, de sorte que M. [Z] ne peut prétendre que son accord n'aurait pas été recueilli sur la fixation de la contrepartie financière.

C'est ensuite à juste titre que les premiers juges ont retenu que le montant de l'indemnité versée par la société TEXA à son salarié en contrepartie de l'obligation de non-concurrence, correspondant conformément aux dispositions contractuelles, en considération de l'ancienneté du salarié, au tiers de la moyenne mensuelle des rémunérations perçues au cours des deux dernières années de présence, ne pouvait être considérée comme dérisoire, de sorte que la clause comportait bien une contrepartie financière.

Il est établi en outre que la portée d'une obligation de non concurrence doit s'apprécier au regard de l'activité réelle de l'entreprise et non sur la base des seules indications figurant sur l'extrait Kbis concernant l'activité déclarée de la personne morale'; il est établi en l'espèce que la société TEXA SERVICES exerce son activité dans le domaine particulier de l'expertise pour le compte de compagnies d'assurance.

Il ressort de l'ensemble des pièces versées aux débats d'une part que le marché de l'expertise sur lequel la société TEXA SERVICES intervient est très concurrentiel et qu'il est important pour elle notamment de démontrer sa capacité à traiter un volume important de missions, donc de disposer d'implantations suffisantes sur tout le territoire et d'un nombre important d'experts (pièces n°18 et 19 de la société).

Il est établi d'autre part que M. [Z] exerçait au sein de la société TEXA SERVICES les fonctions d'un expert de haut niveau, disposant de qualifications techniques et juridiques spécifiques, acquises notamment au cours de ses années d'expérience au sein de la société, ce qui correspond à un profil de personnel difficile à recruter et nécessitant une importante formation par l'employeur après recrutement (pièce n°20 de la société), ainsi qu'en atteste également un autre expert, M. [V] (pièce n°21 de la société).

La société TEXA SERVICES établit donc que le départ de M. [Z] représentait pour elle un risque sérieux dès lors qu'une société concurrente pouvait se prévaloir par son embauche d'une ressource de compétence rare qui pouvait lui communiquer non seulement son savoir-faire mais également la stratégie commerciale et les contacts entretenus jusque-là avec les agents d'assurance et courtiers depuis des années, créant la possibilité d'influer directement sur les missions confiées localement à TEXA SERVICES et conduisant ainsi à développer une activité concurrentielle à son détriment après la cessation du contrat.

Il sera observé enfin que M. [Z] affirme qu'un autre salarié présentant les mêmes compétences que lui aurait démissionné un mois plus tard sans se voir imposer par la société le jeu d'une clause de non concurrence mais ne justifie pas de la réalité de cette situation ni de son identité avec la sienne, ni des conséquences qui devraient en être tirées sur la validité de la clause de non concurrence insérée dans son propre contrat de travail.

C'est dans ces conditions à juste titre que les premiers juges ont considéré que la clause, limitée et dans le temps et dans l'espace et qui n'interdisait pas de fait au salarié l'exercice d'une activité professionnelle conforme à son expérience, était nécessaire à la protection des intérêts légitimes de la société TEXA SERVICES et n'avait donc pas lieu d'être invalidée.

M. [Z] sera donc débouté de toutes ses demandes, le jugement étant confirmé en toutes ses dispositions.

Sur les frais irrépétibles

L'équité et la situation économique respective des parties justifient qu'il soit fait application de l'article 700 du code de procédure civile dans la mesure énoncée au dispositif.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

La cour, statuant en dernier ressort et par arrêt contradictoire mis à la disposition des parties au greffe,

CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement rendu entre les parties par le Conseil de prud'hommes de NANTES le 27 février 2020,

Y ajoutant,

CONDAMNE M. [L] [Z] à payer à la société TEXA SERVICES la somme de 1.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE M. [Z] aux dépens de première instance et d'appel,

DEBOUTE les parties de leurs autres demandes plus amples ou contraires.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 8ème ch prud'homale
Numéro d'arrêt : 20/01945
Date de la décision : 26/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-26;20.01945 ?
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