8ème Ch Prud'homale
ARRÊT N°263
N° RG 20/03074 -
N° Portalis DBVL-V-B7E-QXVX
M. [D] [K]
C/
SAS APAVE EXPLOITATION FRANCE
Confirmation
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
- Me Luc BOURGES
- Me Jean-Paul RENAUDIN
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 26 JUIN 2023
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Monsieur Rémy LE DONGE L'HENORET, Président de chambre,
Monsieur Philippe BELLOIR, Conseiller,
Madame Gaëlle DEJOIE, Conseillère,
GREFFIER :
Monsieur Philippe RENAULT, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 14 Avril 2023
devant Monsieur Philippe BELLOIR, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties et qui a rendu compte au délibéré collégial
En présence de Madame Laurence APPEL, Médiatrice judiciaire
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 26 Juin 2023 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats
****
APPELANT :
Monsieur [D] [K]
né le 26 Mars 1973 à [Localité 9] (44)
demeurant [Adresse 5]
[Localité 2]
Représenté par Me Luc BOURGES de la SELARL LUC BOURGES, Avocat postulant du Barreau de RENNES et ayant Me Philippe AH-FAH, Avocat au Barreau de NANTES, pour conseil
(bénéficiaire d'une aide juridictionnelle totale numéro 2020/012603 du 11/12/2020 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de RENNES)
INTIMÉE :
La SAS APAVE NORD OUEST ([Adresse 1]) prise en la personne de son représentant légal
AUX DROITS DE LAQUELLE INTERVIENT VOLONTAIREMENT :
.../...
La S.A.S. APAVE EXPLOITATION FRANCE prise en la personne de son représentant légal et ayant son siège :
[Adresse 4]
[Localité 6]
Représentée par Me Jean-Paul RENAUDIN de la SCP GUILLOU-RENAUDIN, Avocat postulant du Barreau de RENNES et par Me Marie-Odile DE MILLEVILLE, Avocat plaidant du Barreau de ROUEN
=+=+=+=+=+=+=+=+=+=+=+=+=+=+=+=
M. [D] [K] a été engagé par la SAS APAVE EXPLOITATION FRANCE venant aux droit de la SAS APAVE NORD OUEST selon un contrat à durée déterminée en date du 1er septembre 2014, puis selon un contrat à durée indéterminée à compter du 1er juin 2015 en qualité de téléprospecteur, en application de la convention collective nationale de branche de la métallurgie et la convention collective de la métallurgie des Flandres.
Au cours de l'année 2018, la société a procédé à une réorganisation de ses services impliquant la ré-affectation des salariés de la téléprospection. En ce sens, au cours du mois de juin 2018, il a été proposé à M. [K] d'intégrer l'agence IAPM située à [Localité 8].
Le 02 juillet 2018, M. [K] a rejoint l'agence IAPM et rencontré le chef d'agence, M. [T]. Le 03 juillet suivant, une violente altercation a opposé M. [K] à M. [T].
Par courrier du 04 juillet 2018, M. [K] a été convoqué à un entretien préalable au licenciement fixé au 12 juillet suivant, avec mise à pied à titre conservatoire.
Par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 18 juillet 2018, la SAS APAVE EXPLOITATION FRANCE a notifié à M. [K] son licenciement pour faute grave pour les faits de violence à l'encontre de M. [T].
Par requête du 30 novembre 2018, M. [K] a saisi le conseil de prud'hommes de Nantes aux fins de :
'Dire et juger que le licenciement est nul et sans cause réelle et sérieuse,
' Annuler la sanction disciplinaire en date du 03 juillet 2018,
' Condamner la SAS APAVE EXPLOITATION FRANCE à verser à M. [K] les sommes suivantes :
- 10.473,75 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 2.454,40 € à titre d'indemnité légale de licenciement,
- 4.567,06 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
- 1.385 € au titre de la mise à pied injustifiée,
- 12.000 € à titre de dommages et intérêts pour discrimination,
- 1.000 € à titre d'indemnité pour non-respect du contrat de travail,
- 468 € au titre de la prime de congés,
- 300 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La cour est saisie de l'appel régulièrement formé le 08 juillet 2020 par M. [K] contre le jugement du 19 mars 2020, par lequel le conseil de prud'hommes de Nantes a :
' Dit que le licenciement de M. [K] repose sur une faute grave,
' Condamné la SAS APAVE EXPLOITATION FRANCE à payer à M. [K] les sommes suivantes :
- 468 € au titre de la prime de vacances,
- 300 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
' Lesdites sommes étant assorties des intérêts au taux légal à compter de la date de saisine du conseil, soit le 30 novembre 2018,
' Débouté M. [K] de toutes ses autres demandes.
Vu les écritures notifiées par voie électronique le 20 janvier 2021, suivant lesquelles M. [K] demande à la cour de :
' Constater que la société APAVE EXPLOITATION FRANCE n'a pas garanti un égal accès de tous les téléprospecteurs aux mêmes postes de reclassement,
' Constater que la société APAVE EXPLOITATION FRANCE n'a pas établi de critères écrits de départage des candidats concurrents sur un même poste de reclassement,
' Constater que la société APAVE EXPLOITATION FRANCE n'apporte pas de preuve objective et matériellement vérifiable de la faute grave de M. [K],
' Constater que les attestations produites en faveur de la société APAVE EXPLOITATION FRANCE sont exclusivement à charge de M. [K] sans élément probant quant à la disproportion de son geste jugé violent par rapport aux provocations réciproques de son supérieur hiérarchique, M. [T],
' Constater que les attestations produites en faveur de la société APAVE EXPLOITATION FRANCE sont exclusivement à charge de M. [K] et ne font pas mention de la présence de M. [C] (n+2) dans le bureau de M. [K] en présence de M. [T] en fin d'altercation,
' Constater que la lettre de licenciement ne dit mot sur le rôle déterminant de M. [T] dans la provocation de la faute grave reprochée à M. [K],
Statuant à nouveau,
' Réformer le jugement du 19 mars 2020 du Conseil de prud'hommes de Nantes,
' Dire et que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse,
' Condamner la société APAVE EXPLOITATION FRANCE à verser à M. [K] les sommes suivantes :
- 917 € brut à titre de rappel de salaire pour annulation de la mise à pied conservatoire,
- 91,70 € brut à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur rappel de salaire pour annulation de la mise à pied à titre conservatoire,
- 2.453 € à titre d'indemnité légale de licenciement ,
- 4. 909 € brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
- 490,60 € brut à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,
- 30.000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à défaut de respect de l'obligation de reclassement qui y concourt,
- 2.000 € pour préjudice professionnel découlant du défaut d'adaptation à un emploi et insuffisance d'employabilité,
' Dire que la société APAVE EXPLOITATION FRANCE n'a pas respecté son contrat de travail,
' Dire que sa demande de dommages et intérêts pour primes perdues sur 2018 est recevable,
' Condamner la société APAVE EXPLOITATION FRANCE à lui verser :
- 1 150,00 € de dommages et intérêts pour primes perdues sur 2018,
' Ordonner à la société APAVE EXPLOITATION FRANCE le remboursement à Pôle Emploi des prestations de chômage dans la limite de six mois,
' Condamner la société APAVE EXPLOITATION FRANCE à lui verser 3.000 € au titre de l'article 37 de la loi du 11 juillet 1993 sur l'aide juridique dans le cas où la cour accéderait à tout ou partie de ses demandes.
Vu les écritures notifiées par voie électronique le 27 octobre 2020, suivant lesquelles la SAS APAVE NORD OUEST demande à la cour de :
A titre principal,
' Déclarer nulle la déclaration d'appel du 9 juillet 2020,
' Débouter M. [K] de son appel, la cour n'étant saisie d'aucune prétention au dispositif des conclusions signifiées le 28 juillet 2020,
' Déclarer irrecevables toutes écritures ultérieures destinées à modifier le dispositif des premières écritures,
Subsidiairement sur le fond,
A titre principal,
' Confirmer la décision du 19 mars 2020 en toutes ses dispositions qui valide le licenciement pour faute grave,
A tout le moins,
' Juger que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse et débouter M. [K] de toute demande indemnitaire,
' Débouter M. [K] de toutes demandes, fins et conclusions pouvant constituer des demandes nouvelles,
En tout état de cause,
' Condamner M. [K] aux dépens d'appel,
' Condamner M. [K] à lui payer la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Vu les écritures notifiées par voie électronique le 27 mars 2023, suivant lesquelles la SAS APAVE EXPLOITATION FRANCE intervenante volontaire et venant aux droits de la SAS APAVE NORD OUEST demande à la cour de :
In limine litis,
' La recevoir en son intervention volontaire,
' Mettre hors de cause la société APAVE NORD OUEST,
A titre principal,
' Déclarer nulle la déclaration d'appel du 9 juillet 2020,
' Débouter M. [K] de son appel, la cour n'étant saisie d'aucune prétention au dispositif des conclusions signifiées le 28 juillet 2020,
' Déclarer irrecevables toutes écritures ultérieures destinées à modifier le dispositif des premières écritures,
Subsidiairement sur le fond,
A titre principal,
' Confirmer la décision du 19 mars 2020 en toutes ses dispositions qui valide le licenciement pour faute grave,
A tout le moins,
' Juger que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse et débouter M. [K] de toute demande indemnitaire,
' Débouter M. [K] de toutes demandes, fins et conclusions pouvant constituer des demandes nouvelles,
En tout état de cause,
' Condamner M. [K] aux dépens d'appel,
' Condamner M. [K] à lui payer la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 30 mars 2023.
Par application de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties à leurs dernières conclusions sus-visées.
MOTIFS DE LA DÉCISION
A titre liminaire, la cour rappelle qu'en application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile , elle ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et que les «dire et juger» et les «constater» ainsi que les «donner acte» ne sont pas des prétentions en ce que ces demandes ne confèrent pas de droit à la partie qui les requiert hormis les cas prévus par la loi; en conséquence, la cour ne statuera pas sur celles-ci, qui ne sont en réalité que le rappel des moyens invoqués.
Sur la mise hors de cause de la SAS APAVE NORD OUEST au profit de la SAS APAVE EXPLOITATION FRANCE
En l'état des opérations de scission intervenues avec effet au 1er janvier 2023, la Cour en ajoutant au jugement déféré, met hors de cause la SAS APAVE NORD OUEST et reçoit l'intervention volontaire de la SAS APAVE EXPLOITATION FRANCE.
Sur la nullité de la déclaration d'appel
Sur le non-respect des dispositions de l'article 901 du code de procédure civile
La société APAVE EXPLOITATION FRANCE soutient que la déclaration d'appel de M. [K] est nulle aux motifs que les mentions du paragraphe 'objet de l'appel' ne visent précisément aucun chef du jugement.
M. [K] rétorque que la demande de nullité de la déclaration d'appel doit être rejetée puisqu'elle mentionne les chefs de jugement critiqués auxquels l'appel est limité.
Selon l'article 901 du code de procédure civile, la déclaration d'appel est faite par acte contenant, à peine de nullité, ' Les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l'appel est limité, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible ('.)'.
De plus, en vertu de l'article 562 alinéa 1 du code de procédure civile, 'L'appel ne défère à la cour que la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément ou implicitement et de ceux qui en dépendent.'
L'article 1er de l'arrêté du 25 février 2022 modifiant l'arrêté du 20 mai 2020 relatif à la communication par voie électronique en matière civile devant les cours d'appel, applicable aux instances en cours, a complété l'article 3 de l'arrêté du 20 mai 2020 désormais rédigé comme suit : ' Le message de données relatif à l'envoi d'un acte de procédure remis par voie électronique est constitué d'un fichier au format XML destiné à faire l'objet d'un traitement automatisé par une application informatique du destinataire.
Lorsque ce fichier est une déclaration d'appel, il comprend obligatoirement les mentions des alinéas 1 à 4 de l'article 901 du code de procédure civile. En cas de contradiction, ces mentions prévalent sur celles mentionnées dans le document fichier au format PDF visé à l'article 4".
Il résulte de la combinaison de ces dispositions qu'une déclaration d'appel, acte de procédure saisissant la juridiction d'appel et fixant les limites du litige, doit en application de l'article 901 du code de procédure civile et à peine de nullité comporter les chefs du jugement critiqués. Lorsque la communication électronique est imposée, la déclaration d'appel prend la forme d'un fichier XML devant obligatoirement comprendre les mentions des alinéas 1à 4 de l'article 901 du code de procédure civile.
Enfin, il convient de rappeler que l'article 901 du code de procédure civile, prévoyant l'obligation pour l'appelant de mentionner expressément les chefs de jugement critiqués dans la déclaration d'appel, vise à informer les parties et la juridiction d'appel sur les conditions d'exercice du droit d'appel dans un but légitime de bonne administration de la justice.
En l'espèce, le fichier XML de la déclaration d'appel de M. [K] mentionne dans le paragraphe objet de l'appel 'obtenir la réformation ou l'annulation déférée en application de l'article 542 sur tous les chefs de demande ou sur l'un d'entre eux'. L'appelant poursuit avec la liste suivante :
'- La faute grave du salarié
- Le caractère sans cause réelle et sérieuse du licenciement
- L'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
- L'indemnité légale de licenciement
- L'indemnité compensatrice de préavis
- Le caractère injustifié de la mise à pied et le paiement à ce titre
- La discrimination de l'employeur à l'égard du salarié
- Les dommages et intérêts pour discrimination
- L'absence d'exécution de bonne foi du contrat de travail par l'employeur
- L'indemnité pour non-respect du contrat de travail
- Les frais irrépétibles et les dépens.'
Dès lors, l'objet de l'appel visant expressément la réformation ou l'annulation du jugement et mentionnant surtout les chefs de jugement critiqués auxquels l'appel est limité, la déclaration d'appel du 08 juillet 2020 encadre les conditions d'exercice du droit d'appel.
En conséquence, il n'y a pas lieu de prononcer la nullité de la déclaration d'appel de M. [K] à l'encontre du jugement du conseil de prud'hommes de Nantes du 19 mars 2020. La cour rejette la demande de nullité de la déclaration d'appel.
Sur l'inexactitude de la mention du siège social de l'intimé
A ce titre, la SAS APAVE EXPLOITATION FRANCE fait valoir que l'erreur relative au siège social de la société avait déjà été soulevée en première instance de sorte que M. [K] ne pouvait ignorer que le siège social de l'entreprise était situé [Adresse 1].
M. [K] rétorque que le jugement a été dûment notifié à la SAS APAVE NORD OUEST à l'établissement situé [Adresse 3], de sorte que l'inexactitude de la mention du siège social de l'intimé ne lui fait pas grief. Il rappelle que l'omission des mentions de l'article 58 du code de procédure civile constitue une irrégularité de forme de sorte que l'annulation de l'acte nécessite de démontrer un grief.
En vertu de l'article 901 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret du 25 février 2022, d'application immédiate, 'La déclaration d'appel est faite par acte, comportant le cas échéant une annexe, contenant, outre les mentions prescrites par les 2° et 3° de l'article 54 et par le cinquième alinéa de l'article 57...'
Le 3° b de l'article 54 du même code prévoit que la demande doit mentionner 'pour les personnes morales, leur forme, leur dénomination, leur siège social et l'organe qui les représente légalement'.
Il sera rappelé que la mention relative à la désignation de l'intimé relève des nullités de forme ; que l'absence ou l'inexactitude de la mention du domicile dans l'acte d'appel est de nature à faire grief s'il est justifié qu'elle nuit à l'exécution du jugement déféré à la cour d'appel.
Au cas présent l'employeur ne produit aucun élément permettant de considérer que l'inexactitude de la mention de son siège social dans la déclaration d'appel est de nature à lui faire grief.
La Cour relève que le jugement du conseil de prud'hommes de Nantes a été notifié à l'adresse mentionnée dans l'acte d'appel, à savoir : [Adresse 3]. M. [K] a régulièrement interjeté appel par acte du 08 juillet 2020, la SAS APAVE NORD OUEST a constitué avocat le 20 juillet 2020 et a produit des conclusions d'intimé le 27 octobre 2020. Dès lors, l'inexactitude de la mention du siège social de l'intimé ne porte pas atteinte au principe du contradictoire et ne nuit pas à l'exécution du jugement déféré à la cour.
Il résulte de ce qui suit qu'en l'absence de grief, l'inexactitude de la mention du siège social de l'intimé dans la déclaration d'appel ne saurait entraîner la nullité de la déclaration d'appel pour vice de forme.
La cour rejette la demande de nullité de la déclaration d'appel.
Sur l'absence d'effet dévolutif
La SAS APAVE EXPLOITATION FRANCE soutient que la Cour n'est saisie d'aucune demande dès lors que le dispositif des conclusions signifiées par M. [K] le 28 juillet 2020 vise à 'constater' de sorte que la Cour ne peut que confirmer le jugement déféré. Elle ajoute que, l'appelant ne sollicite ni la réformation, ni l'annulation du jugement déféré dans le dispositif de ses conclusions.
M. [K] réplique que les demandes de 'constater' et de 'dire' sont bien des prétentions et rappelle que la solution dégagée par l'arrêt de la Cour de cassation du 17 septembre 2020 n'est pas applicable à l'espèce, l'instance ayant été introduite par une déclaration d'appel antérieure à ce dernier arrêt.
La cour constate que les premières conclusions de l'appelant sont dénuées d'une demande d'infirmation de la décision de première instance quant aux chefs de jugement critiqués sur l'exécution et la rupture du contrat de travail.
Néanmoins, la règle édictée pour la première fois par l'arrêt publié du 17 septembre 2020, telle qu'invoquée par l'employeur, a conduit la Cour de cassation à différer son application immédiate, considérant qu'elle aboutirait à priver les appelants du droit à un procès équitable.
Dès lors que la présente instance a été introduite par une déclaration d'appel du 8 juillet 2020, soit à une date antérieure à la date de cet arrêt, il ne peut être reproché à M. [K], une carence et en l'état de ses dernières conclusions, la présente Cour se déclare saisie de la demande visant à infirmer la décision déférée quant aux demandes du salarié.
Sur l'irrecevabilité des nouvelles prétentions
La SAS APAVE EXPLOITATION FRANCE soutient que sont constitutifs de demandes nouvelles formulées par le salarié :
- les dommages et intérêts pour violation de l'obligation de reclassement,
- les dommages et intérêts pour primes perdues,
- les dommages et intérêts pour perte d'employabilité,
- l'absence d'entretien biennal,
- les demandes pour écarter le barème Macron.
M. [K] n'oppose dans ses dernières écritures aucun moyen de droit à ces demandes d'irrecevabilité.
Aux termes de l'article 564 du code de procédure civile, 'A peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait'.
Suivant l'article 565 du code précité, 'Les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent'.
Et selon l'article 566 du code précité, 'Les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire'.
En l'espèce, il résulte des pièces versées à la procédure que M. [K] n'a pas saisi le Conseil des prud'hommes de demandes relatives aux primes perdues, à des dommages et intérêts pour perte d'employabilité ou pour absence d'entretien biennal, de même de telles prétentions ne sont ni des prétentions tendant aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, ni des demandes accessoires ou complémentaires, ni des demandes reconventionnelles. En conséquence, ces demandes du salarié sont irrecevables en cause d'appel.
En revanche, les demandes de M. [K] tendant à des dommages et intérêts pour violation de l'obligation de reclassement et à écarter le barème Macron s'analysent à des demandes accessoires dès lors que le salarié a contesté son licenciement pour faute devant les premiers juges et a formulé des demandes indemnitaires pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Elle sont donc recevables en appel.
Sur la prime de vacances :
La SAS APAVE EXPLOITATION FRANCE développe dans les motifs de ses dernières conclusions qu'elle ne formule pas d'appel incident sur ce point compte tenu de 'la modicité de la condamnation'. Il s'ensuit que le jugement sera donc confirmé de ce chef.
Sur le licenciement pour faute grave :
Pour infirmation à ce titre, M. [K] soutient que le conseil de prud'hommes a retenu la faute grave sur la foi des attestations de Mmes [B] et [J] mais qu'aucune constatation objective et médicale n'est produite par l'employeur pour corroborer les faits de violences. M. [K] conteste la matérialité des faits de violence commis à l'encontre de M. [T] et indique que les propos de Mmes [B] et [J] sont mensongers puisqu'elles n'ont pas pu voir l'altercation.
M. [K] ajoute que le conseil de prud'hommes n'a pas apprécié la faute au regard de l'ancienneté du salarié et de son absence d'antécédent disciplinaire de violence. Il indique que l'animosité réciproque entre lui et M. [T] disqualifie la faute grave à l'origine de son licenciement.
Pour confirmation à ce titre, la SAS APAVE EXPLOITATION FRANCE expose que les violences physiques exercées par un salarié à l'encontre d'autres salariés au temps et sur le lieu de travail sont qualifiés de faute grave. De plus, la réalité des violences est attestée par les témoins, la plainte déposée au près de la gendarmerie ainsi que l'attestation de M. [T].
En matière de licenciement disciplinaire, si la lettre de licenciement fixe les limites du litige en ce qui concerne les griefs articulés à l'encontre du salarié et les conséquences que l'employeur entend en tirer quant aux modalités de rupture, il appartient au juge de qualifier les faits invoqués.
La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié constituant une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien de l'appelant dans l'entreprise même pendant la durée du préavis.
L'employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve.
La lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, doit être suffisamment motivée et viser des faits et griefs matériellement vérifiables, sous peine de rendre le licenciement dénué de cause réelle et sérieuse.
Par ailleurs, les juges qui constatent que l'employeur s'est placé sur le terrain disciplinaire, doivent examiner l'ensemble des motifs mentionnés dans la lettre de licenciement et doivent dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse s'ils retiennent qu'aucun d'entre eux ne présente de caractère fautif.
En l'espèce, les faits reprochés à M. [K] selon la lettre de licenciement datée du 18 juillet 2018 (pièce n°14a de l'employeur) sont les suivants :
' [...] Le mardi 03 juillet au matin, à l'arrivée de M. [V] [T], vous avez fait irruption dans son bureau et avez refermé la porte derrière vous. Vous avez alors saisi M. [T] à la gorge et aux oreilles en proférant des menaces. Puis vous êtes reparti vers votre bureau. M. [T] vous a suivi afin de vous demander des explications sur votre comportement. Au cours de l'échange qui a suivi vous vous êtes montré très emporté et des éclats de votre part ont été clairement entendus par les collaborateurs présents dans les locaux. Votre comportement ne s'est pas calmé et vous avez violemment frappé M. [T] au visage, avec la paume de la main sur la joue gauche.
Lorsque M. [V] [T] est sorti de son bureau, la marque de ce coup a pu être constatée par les collaborateurs présents dans les locaux. Ceux-ci sont allés chercher M. [S] [C] et il vous a été demandé de quitter les locaux.
Une mise à pied à titre conservatoire vous a été ensuite signifiée par courrier recommandé.
Nous vous avons ensuite écouté. Vous avez nié avoir exercé des violences physiques sur M. [T] et vous avez cherché à justifier votre comportement par un mauvais comportement de l'entreprise à votre égard, que vous avez qualifié de dédaigneux.
Néanmoins les témoignages recueillis auprès des collaborateurs présents le jour de l'événement tendent tous à confirmer la réalité des actes violents perpétrés par vous sur votre supérieur hiérarchique.
En conséquence, nous sommes dans l'obligation de vous notifier par la présente votre licenciement pour faute grave, privatif de préavis et de l'indemnité de licenciement compte tenu de la teneur des faits qui vous sont reprochés.'
Pour établir la réalité des violences subies par M. [T], la SAS APAVE EXPLOITATION FRANCE produit une déclaration effectuée par M. [T] auprès de la gendarmerie de [Localité 7] le 04 juillet 2018 (pièce n°8), l'attestation de M. [T] (pièce n°9) ainsi que deux attestations de salariées, présentes à l'agence IAPM le 03 juillet 2018 (pièce n°10 et n°11).
La déclaration en gendarmerie de M. [T] ainsi que son attestation relatent des menaces circonstanciées ainsi que des faits de violences physiques exercés par M. [K]. Il est ainsi exposé que M. [K] a plaqué M. [T] contre la vitre de son bureau avant de le saisir à la gorge, puis de le gifler quelques minutes plus tard.
Dans son attestation Mme [F] [J], conseillère clientèle, affirme avoir entendu 'des éclats de voix assez violents malgré les portes des bureaux fermés' avant de voir arriver M. [T] 'visiblement très choqué' et ayant déclaré : 'Je viens de m'en prendre une'.
Mme [J] ajoute que M. [T] était 'très rouge et gonflé au niveau du cou et une joue'.
Cette attestation est corroborée par le témoignage de Mme [I] [B], secrétaire de l'agence qui confirme avoir 'été alertée par des cris'. Elle atteste avoir entendu 'le bruit d'une forte gifle. [D] [K] criait et [V] [T] essayait de lui faire entendre raison'.
Enfin, Mme [B] affirme également avoir constaté que M. [T] était très choqué et avait 'la joue et le cou écarlates'.
M. [K] produit le courrier adressé à la société APAVE NORD OUEST le 25 juillet 2018 afin de contester son licenciement (pièce n°9). Dans son courrier, le salarié reconnaît que 'l'échange était vif' mais ne conteste ni ne confirme les faits de violence tels que décrits dans la lettre de licenciement.
L'animosité réelle ou supposée entre M. [K] et M. [T] ne saurait justifier des faits de violence.
Ainsi au vu des éléments produits et nonobstant l'absence de certificats médicaux, ce comportement violent et irrespectueux de M. [K] est d'une gravité telle qu'il rendait en fait impossible la poursuite du contrat de travail, même pour la durée du préavis et justifiait en conséquence son licenciement pour faute grave, même en l'absence d'antécédents disciplinaires.
Le jugement sera confirmé à ce titre y compris sur les conséquences financières de la rupture.
Sur les dépens et frais irrépétibles
En application de l'article 696 du code de procédure civile, M. [K], partie perdante, sera condamné aux dépens d'appel.
Condamné aux dépens, M. [K] sera débouté de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.
L'équité commande en revanche de le condamner, sur ce même fondement juridique, à payer à la Société APAVE EXPLOITATION FRANCE une indemnité d'un montant de 800 € au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR,
Statuant en dernier ressort et par arrêt contradictoire mis à la disposition des parties au greffe,
MET hors de cause la SAS APAVE NORD OUEST ;
RECOIT l'intervention de SAS APAVE EXPLOITATION FRANCE ;
REJETTE la demande de nullité de la déclaration d'appel du 08 juillet 2020 ;
DEBOUTE la SAS APAVE EXPLOITATION FRANCE de sa demande relative à l'absence d'effet dévolutif de l'appel ;
DÉCLARE irrecevables les demandes nouvelles de M. [D] [K] relatives à des dommages et intérêts pour primes perdues, des dommages et intérêts pour défaut d'adaptation à un emploi et insuffisance d'employabilité et absence d'entretien biennal ;
CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions.
Y ajoutant,
DÉBOUTE les parties de leurs autres demandes.
CONDAMNE M. [D] [K] au paiement de la somme de 800 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;
CONDAMNE M. [D] [K] aux dépens d'appel.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT.