Chambre de l'Expropriation
ARRÊT N° 10
N° RG 23/03780 - N° Portalis DBVL-V-B7H-T3Z3
(Réf 1ère instance : 21/00014)
SCI VALAMELIA
C/
DIRECTION RÉGIONALE DES FINANCES PUBLIQUES
S.P.L.A. TERRITOIRES PUBLICS
Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Copie exécutoire délivrée
le :
à : Me Dietenbeck
Me Fleischl
cc commissaire du gouvernement
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 14 JUIN 2024
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Monsieur Fabrice ADAM, Premier Président de chambre,
Assesseur : Madame Nathalie MALARDEL, Conseillère,
Assesseur : Monsieur Philippe BELLOIR, Conseiller,
GREFFIER :
Madame OMNES, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 12 Avril 2024, devant Monsieur Fabrice ADAM, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties et qui a rendu compte au délibéré collégial
En présence de :
- Monsieur [C] [U], Commissaire du Gouvernement représentant la DIRECTION RÉGIONALE DES FINANCES PUBLIQUES de la région Bretagne et du département d'Ille et Vilaine,
ARRÊT :
contradictoire, prononcé publiquement le 14 Juin 2024 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats
****
APPELANTE :
SCI VALAMELIA, immatriculée au RCS de Rennes sous le n° 812 429 892, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège,
[Adresse 17]
[Localité 10]
Représentée par Me Elsa DIETENBECK de la SCP ODYS AVOCATS, postulant, avocat au barreau de RENNES
Représentée par Me Rémi ANTOMARCHI de la SELARL AYRTON AVOCATS, plaidant, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉE :
S.P.L.A. TERRITOIRES PUBLICS, société publique locale d'aménagement, immatriculée au RCS de Rennes sous le n° 523 189 553, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège,
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 10]
Représentée par Me Jean FLEISCHL de la SARL MARTIN AVOCATS, postulant, avocat au barreau de RENNES
Représentée par Me Jean Marc NOYER, plaidant, avocat au barreau de MONTPELLIER
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES ':
Une politique de réhabilitation du centre historique de [Localité 10] est menée par la ville depuis plusieurs années. Dans ce cadre, cette dernière a conclu le 15 février 2011 avec la société publique locale d'aménagement Territoires Publics une concession d'aménagement. Cette concession a été reconduite par délibération du 19 septembre 2016.
Par arrêté du 27 mai 2014 prorogé le 21 mai 2019 pour cinq ans, le préfet d'Ille et Vilaine a déclaré d'utilité publique une opération de restauration immobilière portant sur vingt-deux immeubles dont un immeuble situé [Adresse 17]. La société civile immobilière Valamelia était propriétaire au sein de cet immeuble de quatre lots de copropriété correspondant à trois appartements et à un grenier (ainsi que des 3398/10000èmes des parties communes).
Cette société n'ayant pas exécuté les travaux de réhabilitation qui lui incombaient en application de cette décision, le préfet de l'Ille et Vilaine, après enquête parcellaire effectuée du 26 septembre au 17 octobre 2019, a par arrêté du 10 décembre 2019 modifié le 19 mai 2020, déclaré cessibles les lots de copropriété de la société Valamelia au profit de la société Territoires Publics.
Ces lots ont été expropriés au profit de cette société suivant ordonnance du juge de l'expropriation du département d'Ille et Vilaine rendue le 15 juin 2020.
Par courrier du 23 mars 2021, la société Territoires publics a proposé de verser à la société Valamelia une somme de 95'511,15'euros au titre de l'indemnité de dépossession lui revenant, en valeur occupée. La société Valamelia a refusé et a demandé la somme de 383 000'euros.
Sa demande n'ayant pas été acceptée, la société Valamelia a, par un mémoire enregistré au greffe le 20' octobre 2021, saisi la juridiction de l'expropriation d'une demande de fixation judiciaire de l'indemnité lui revenant.
La société Territoires publics a, par la suite, proposé une indemnisation d'un montant de 106'123,50'euros en valeur libre, les lieux ayant été libérés.
Après transport sur les lieux effectué le 13 mars 2023, le juge de l'expropriation a, par jugement du 30'mai 2023 ':
- fixé à la somme de 128 187'euros le montant de l'indemnité principale due par la société Territoires publics à la société Valamelia,
- fixé à la somme de 13 819'euros le montant de l'indemnité de remploi,
- fixé à la somme de 17 381,04'euros le montant de l'indemnité pour perte de revenus locatifs,
- laissé la charge des dépens à la société Territoires publics,
- condamné la société Territoires publics à payer à la société Valamelia la somme de 3'000'euros au titre des frais irrépétibles,
rejeté toute autre demande.
La société Valamelia a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 21'juin 2023.
Aux termes de son dernier mémoire (27'mars 2024), la société civile immobilière Valamelia demande à la cour de' :
- infirmer le jugement du 30 mai 2023 en toutes ses dispositions,
- juger qu'il appartient à l'expropriant de rapporter la preuve de ces affirmations sur l'état de l'immeuble,
- juger que les seules préconisations d'un architecte sans justification technique et contredites par des ingénieurs ne permettent pas de considérer que l'immeuble nécessite une grande réhabilitation,
- fixer les indemnités d'expropriation des trois appartements à la somme de 515'428,08'euros, soit une indemnité principale de 383'000'euros, une indemnité pour perte de revenus de 17 381,04'euros, une indemnité pour perte de jouissance de 75 317,84'euros, une indemnité de remploi de 39'300'euros et 429,20'euros de frais d'huissier,
- rejeter les conclusions indemnitaires de la société Territoires Publics,
- condamner la société Territoires Publics à lui verser la somme de 5 000'euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société aux entiers dépens.
La société Valamelia rappelle que l'immeuble a fait l'objet de nombreux travaux notamment en 2006 (planchers et bois) et 2009 (électricité), que si, en 2010, le syndicat des copropriétaires a mandaté un architecte pour réaliser d'autres travaux, ce dernier a soumis au syndicat des copropriétaires un programme de travaux démesuré notamment pour obtenir des subventions qui a été rejeté. Elle ajoute qu'à la suite, d'autres travaux ont été exécutés en 2012 (escalier, poutres, électricité), 2014 (marches extérieures) et 2016 (toiture). Elle précise que c'est en raison de l'inaction des autres copropriétaires que les travaux de sécurité incendie et d'accessibilité n'ont pas été réalisés. Elle soutient que les travaux restant à effectuer étaient peu importants.
Elle ne conteste pas les dates de référence retenue par le juge (15 juin 2020 pour la consistance des biens et 4 février 2020 pour la qualification et l'usage effectif des biens).
Elle reproche à la juridiction de première instance d'avoir retenu qu'elle n'avait pas contesté les observations du commissaire enquêteur lequel faisait état des préconisations de l'architecte de 2011 quant aux travaux à réaliser. Elle précise en effet qu'elle a adressé un courrier à ce titre, mais que l'expropriante, qui hébergeait le commissaire enquêteur, a refusé de le récupérer. Elle estime donc que la cour ne peut conclure à un acquiescement aux conclusions du commissaire enquêteur.
La société Valamelia conteste la force probante des préconisations de l'architecte, M. [T]. Elle précise que son rapport d'analyse de 2011 ne fait état d'aucune problématique structurelle justifiant les travaux préconisés. Selon elle, c'est donc à tort que l'expropriante et la juridiction de première instance ont considéré que ces travaux supposaient un état de vétusté important de l'immeuble. Elle ajoute qu'il n'est pas possible pour les juges de se limiter à un rapport d'expertise non contradictoire, ce qui vaut également pour l'estimation de M. [T].
La société Valamelia se fonde sur de documents qu'elle a versés aux débats en première instance, permettant d'apprécier la réalité de l'état de l'immeuble. Selon elle, ces documents démontrent que les travaux préconisés en 2011 n'ont aucun fondement et qu'ils étaient disproportionnés. Elle a également versé au débat un rapport d'estimation immobilière, qui, selon la méthode utilisée, évalue les biens entre 119 574'euros et 123'711'euros ou 132 519 et 137'104'euros.
Elle relève que les prix auxquels se sont vendus la majorité des biens de taille quasiment identique aux siens sont largement supérieurs à l'indemnité que lui a allouée le juge de l'expropriation. Même dans le cas d'un bien insalubre et moins bien situé, le bien a été vendu à un prix supérieur à celui de l'indemnité offerte.
La société Valamelia se prévaut également de la situation privilégiée de ses biens, en plein c'ur du centre historique de [Localité 10]. Elle rappelle que l'immeuble consiste en une maison à pans-de-bois typique de [Localité 10] et se trouve dans l'hyper-centre, et à proximité immédiate d'une station de métro. Des travaux ont par ailleurs été réalisés, dont l'expropriante ne tient pas compte. Elle soutient que la part des travaux restant à réaliser incombant au copropriétaire des biens se monte à la somme de 7 502,78'euros.
Elle estime que l'assiette foncière pourrait être qualifiée de terrain à bâtir, ce dont l'indemnité doit tenir compte.
Elle conteste la comparaison faite par la société Territoires publics pour fixer le montant de l'indemnité, en raison de la situation moins avantageuse des biens servant de comparaison, ainsi que celle faite par le commissaire du gouvernement.
Pour les indemnités accessoires, la société Valamelia sollicite une indemnité pour perte de revenus et une indemnité pour perte de jouissance, puisqu'elle avait, le temps du paiement de la cession, un droit d'usufruit que l'insalubrité naissante de l'immeuble l'a empêché d'exercer en louant le bien de manière précaire.
Aux termes de ses dernières écritures (4 avril 2024), la société publique locale d'aménagement Territoires Publics forme un appel incident et demande à la cour de' :
- dire et juger infondé l'appel principal formé par la société Valamelia à l'encontre du jugement d'expropriation du 30' mai 2023,
- recevoir son appel incident,
- infirmer la décision déférée du chef des indemnités principales et de remploi,
- fixer les indemnités principales et de remploi dues par la société Territoires publics à la société Valamelia aux sommes de 115'368'euros et 12 536'euros,
- confirmer le surplus de la décision déférée,
- rejeter la demande de versement de 5 000'euros au titre de l'article 700'du code de procédure civile,
- condamner la société Valamelia aux dépens de l'appel.
La société Territoires publics se prévaut de l'évaluation des travaux nécessaires effectuée par l'architecte mandaté par le syndicat des copropriétaires en 2011 et des avis du Service départemental d'incendie et de secours confirmant la nécessité d'une mise en sécurité de l'immeuble. Elle observe que les travaux allégués ne sont que des travaux d'entretien courant et non des travaux de réhabilitation de l'immeuble. La société Territoires publics précise que la société Valamelia n'apporte aucun nouvel élément probant pouvant remettre en cause l'appréciation faite en première instance de l'état du bien. Elle invoque les indemnités accordées pour d'autres biens comparables, qui évaluent le prix du m² entre 872 et 1 900'euros, et conteste les biens servant de comparaison à la société Valamelia, au motif qu'ils ne sont pas comparables car dans un bien meilleur état. Elle ajoute que de plus, l'expropriée ne produit pas les actes de vente cités.
Elle sollicite qu'un abattement de 10 % soit retenu pour tenir compte du fait que le bien était occupé au jour de l'ordonnance et que l'indemnité principale soit donc fixée à la somme de 115 368 euros et l'indemnité de remploi à celle de 12 536 euros.
La société Territoires publics ne conteste pas l'indemnité pour perte de revenus locatifs fixée par le premier juge.
Elle s'oppose à l'indemnité de jouissance réclamée faisant valoir que la gestion des locataires incombait à l'expropriée et qu'il lui appartenait de consentir des baux précaires ce qu'elle n'a pas fait.
Dans ses conclusions reçues le 28 mars 2024, le commissaire du gouvernement demande à la cour de fixer ainsi qu'il suit le montant des indemnités revenant à l'expropriée ':
- indemnité principale' : 131'662 euros,
- indemnité de remploi : 14 166 euros,
- indemnité pour perte de revenus locatifs' : 17'381,04'euros,
soit au total la somme de 163' 209 euros.
Le commissaire du gouvernement rappelle que l'immeuble dont s'agit, est un immeuble à pans de bois construit, selon le cadastre, vers 1700, situé place Ste Anne, est en secteur sauvegardé. Il précise que les quatre lots de la société Valamelia forment trois appartements de 25,68'm², 24,47'm² et 28,46'm², soit au total 78,61'm² (superficie Carrez).
Il précise qu'il n'existe aucune contestation sur la date de référence (4 février 2020 soit la date d'opposabilité aux tiers du plan local d'urbanisme intercommunal, ce en application des articles L 231-6 et L 213-4 du code de l'urbanisme, le bien étant situé dans le périmètre du droit de préemption urbain institué le 19'décembre 2019 par [Localité 10] Métropole) comme sur la situation du bien au regard de l'urbanisme (site patrimonial remarquable dans un secteur sauvegardé) et sa qualification juridique (constructible).
Il rappelle que des diagnostics ont été effectués en juin'2012 (diagnostic électrique et structure bois) confirmant la nécessité des travaux lourds estimés en 2011.
Il critique les termes de comparaison avancés par l'expropriée, pour partie non justifiés et pour partie inadaptés puisque correspondant à des immeubles réhabilités.
Compte tenu des huit termes de comparaison qu'il cite, il propose de retenir une valeur de 1 900'euros/m² pour l'un des appartements de 1'500'euros/m² pour les deux autres.
Il conclut à la confirmation du jugement pour les indemnités accessoires.
SUR CE, LA COUR' :
Sur les biens expropriés' :
Les biens expropriés consistent en trois appartements situés, pour deux d'entre eux au premier étage (25,68'm² et 24,47'm² ' lots n° 3 et 4 du règlement de copropriété) et, pour le dernier, aux deuxième et troisième étages (28,46'm² ' lots n° 6 et 8, les combles ayant été transformés en coin couchage accessible par un échelle de meunier) d'un immeuble ancien (édifié avant 1700), à pans de bois, de la place Saint Anne, place animée du centre ville, en secteur piétonnier et desservie par une station de métro.
Le juge de l'expropriation indique que l'accès à l'immeuble depuis la voie publique est malaisée (perron constitué de plusieurs marches en granit) et que l'escalier intérieur desservant les appartements est très étroit et en colimaçon. Il décrit une couverture vétuste mais note que les parties communes sont en état d'usage mais propres.
Le premier appartement (25,68 m²) n'a pu être visité par le juge de l''expropriation, la société Valamélia ne disposant pas de la clef. L'expropriante produit un rapport d'expertise immobilière (pièce n° 9) dont il ressort que cet appartement, composé d'une pièce à vivre (sol en linoléum usagé ' avec impacts), d'une cuisine et d'une salle d'eau avec douche (sol carrelé), est chauffé par radians et équipé de simples vitrages. Il est décrit comme étant en bon état.
Le second appartement (24,47 m²) visité par le juge est décrit comme étant en très bon état. Il se compose d'une pièce à vivre, d'une cuisine et d'une salle d'eau. Il est équipé de doubles vitrages.
Le dernier appartement (28,46 m² avec grenier transformé en mezzanine) a été visité par le juge. Il est décrit comme étant en état d'usage (décoration ancienne), sans double vitrage et malcommode (séparation coin cuisine / coin toilette par un simple rideau, échelle de meunier pour accéder au couchage).
Un constat de commissaire de justice (Me [E] [J], pièce n°53) en date du 1er décembre 2022 décrit des parties communes, accessibles à tous depuis la voie publique (absence de fermeture de la porte d'entrée) en état d'abandon (présence d'immondices, de déchets et d'excréments) et insécurisées (absence de détection d'incendie).
Sur les dates de référence et la qualification juridique ':
Il convient de rappeler que le montant des indemnités d'expropriation doit être fixé :
- à la date du jugement de première instance (article L.'322-2),
- d'après la consistance du bien à la date de l'ordonnance portant transfert de propriété (article L.'322-1 du code de l'expropriation),
- et, en considération de l'usage effectif des immeubles et droits réels immobiliers un an avant l'ouverture de l'enquête prévue à l'article L 1 (enquête d'utilité publique).
Cependant, dérogeant au code de l'expropriation, le code de l'urbanisme prévoit, lorsqu'un droit de préemption urbain a été institué, une date de référence différente. En effet, en ce cas, l'article L. 213-6 du code de l'urbanisme dispose que «'lorsqu'un bien soumis au droit de préemption fait l'objet d'une expropriation pour cause d'utilité publique, la date de référence prévue à l'article L.'322-2 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique est celle prévue au a de l'article L.'213-4'». Ce dernier article distingue suivant que le bien se trouve ou non dans le périmètre d'une zone d'aménagement différé (ZAD). Lorsque, comme en l'espèce, tel n'est pas le cas, il prévoit que :
«'a) La date de référence prévue à l'article L. 322-2 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique est : pour les biens non compris dans une telle zone, la date à laquelle est devenu opposable aux tiers le plus récent des actes rendant public, approuvant, révisant ou modifiant le plan d'occupation des sols, ou approuvant, révisant ou modifiant le plan local d'urbanisme et délimitant la zone dans laquelle est situé le bien'».
Le plan local d'urbanisme intercommunal de [Localité 10] Métropole, adopté le 19 décembre 2019, étant devenu opposable aux tiers le 4 février 2020, c'est dès lors à bon droit que les parties s'accordent pour retenir que cette date constitue la date de référence.
Les biens expropriés, consistant en trois appartements, dépendent d'un immeuble situé en zone constructible mais soumis à des contraintes urbanistiques fortes (site patrimonial remarquable dans un secteur sauvegardé), et desservi par l'ensemble des réseaux, ce point n'étant pas discuté.
Sur l'évaluation des biens expropriés et les indemnités d'expropriation' :
La valeur d'un appartement est fonction non seulement de l'état de l'appartement lui-même mais également de l'état de l'immeuble dans lequel il se situe.
Pour allouer à l'expropriée une somme de 128'187'euros, le juge de l'expropriation a notamment retenu que ':
- le syndicat des copropriétaires du [Adresse 17] avait missionné un architecte, la société [T] & Associés, qui a estimé les travaux de réhabilitation de l'immeuble à la somme (HT et hors maîtrise d''uvre) de 524'693,15'euros HT,
- lors de l'assemblée générale du 27 février 2012, l'assemblée générale des copropriétaires a voté le report des travaux (estimés à la somme, non contestée par les copropriétaires, de 690 000 euros, cf résolution n° 8) «'dans l'attente de l'étude d'impact du tunnelier de la seconde ligne de métro passant place Ste Anne et jouxtant notre immeuble, et pour la démolition des immeubles au [Adresse 6] à proximité de notre immeuble pour se prémunir des dégâts occasionnels qui peuvent en découler'» et annulé l'avenant n° 1 au contrat de maîtrise d''uvre irrégulièrement signé par le syndic (résolution n° 9),
- si la société expropriée avait fait appel à deux spécialistes (diagnostic électricité et gaz des communs ; désordres structuraux) pour connaître l'étendue réelle des travaux à réaliser, ces deux études ne comportent aucun élément chiffré, mais révèle des non conformités et désordres,
- les travaux ultérieurement validés (enduit mural, changement de poutres, réfection de planchers, mise en place d'un système de désenfumage, remplacement de la porte d'entrée et installation de portes coupe-feu) n'ont pu aboutir, alors qu'il n'est justifié que de travaux d'entretien courant (couverture 2'253 euros, emmarchement en granit 1'243 euros, mise en place d'un plan d'évacuation 149,90 euros ce qui ne peut, en aucun cas et contrairement à ce qui est présenté par la société Valamélia dans ses écritures en page 3, constituer une mise en conformité des installations à la réglementation applicable en matière de sécurité incendie).
Il convient de préciser que lors de l'assemblée du 27 février 2012, les travaux ont été seulement ajournés (résolution n° 7) et le budget annulé («'l'assemblée générale décide de retirer (sic) la ligne budgétaire du poste T3 réfection immeuble OPAH de 690 000 euros dans l'attente d'une mise à jour suivant ordre du jour 7'») ce qui démontre que les copropriétaires avaient bien conscience de la nécessité de procéder aux travaux et de l'importance de ceux-ci.
Si, nonobstant ces éléments, la société Valamelia conteste l'estimation des travaux effectuée en 2011 soutenant que celle-ci a été majorée par l'architecte dans la perspective de l'obtention de subventions et si elle s'étonne que seuls les copropriétaires d'appartements et non ceux des commerces ont été expropriés, il ressort des pièces versées aux débats que ':
- l'arrêté du 27 mai 2014 déclarant d'utilité publique la 2ème opération de restauration immobilière du centre ancien de [Localité 10] énonce que pour chaque immeuble à restaurer (dont l'immeuble situé au [Adresse 17]), la ville de [Localité 10], ou son concessionnaire, la société Territoires Publics, arrêtera le programme des travaux à réaliser dans un délai qu'il lui appartiendra de fixer et que faute pour le propriétaires de réaliser les dits travaux, la ville, ou son concessionnaire, pourra procéder à l'amiable ou par voie d'expropriation à l'acquisition des immeubles nécessaires à la réalisation de l'opération,
- selon un rapport en date du 4 janvier 2013 du directeur départemental du service d'incendie et de secours d'Ille et Vilaine (pièce n° 15 de l'intimé) l'immeuble présentait du point de vue de la sécurité incendie les défauts suivants' : absence d'isolation des caves / à la cage d'escalier, absence de ventilation de la cage d'escalier, présence d'un conduit d'extraction des cuisines de la crêperie (extraction des hottes) dans le hall d'entrée, mauvais état des réseaux d'eau, vétusté des installation d'électricité et de gaz, absence de dispositif de mise en sécurité incendie (défaut de résistance au feu des portes palières, absence de désenfumage,
- le programme de travaux non daté défini par l'opérateur (concessionnaire) comporte pour l'immeuble en cause les points suivants (pièce n° 13 de l'intimé) ':
- s'agissant des parties communes': réfection complète des façades, réfection de la toiture, réfection complète des structures, consolidation des planchers, restauration de la cage et sécurisation de l'escalier, mise aux normes et réfection des réseaux, création d'un local poubelles,
- s'agissant des parties privatives : mise aux normes de confort, d'habitabilité et de sécurité conformément au règlement du Plan de sauvegarde et de mise en valeur.
Si la société Valamélia conteste ce programme de travaux (lequel comporte des dispositions imprécises voire quasi impossibles à mettre en 'uvre telle la création d'un local poubelle compte tenu de la configuration de l'immeuble qui comporte un emmarchement extérieur en granit relativement important), force est de relever qu'elle ne l'a nullement discuté de même qu'elle n'a contesté ni l'arrêté de cessibilité (limité aux seuls appartements alors que le programme de travaux concernait l'ensemble des parties communes) ni l'ordonnance d'expropriation.
Au regard de ces éléments, la valeur du bien exproprié doit être appréciée en fonction de l'état de l'immeuble et des travaux, imposés par l'administration, qu'il nécessite.
Les parties s'accordent pour évaluer les biens ayant appartenu à la société Valamelia en les comparant à d'autres biens de même nature.
L'appelante produit un rapport d'expertise non contradictoire comportant un certain nombre de références et six actes de vente. Seules ces dernières pièces seront prises en considération, les références citées dans le rapport n'ayant pu être vérifiées, les actes de vente n'étant pas annexés.
Les six termes de la société Valamelia sont les suivants ':
- V1': vente du 21 décembre 2020 d'un appartement de 33 m² dépendant d'un immeuble en copropriété situé [Adresse 12] (parcelle AB n° [Cadastre 21]) moyennant le prix de 135 000'euros, soit 4 090,91 euro/m². Ce bien est situé à proximité mais n'est pas comparable, l'immeuble dont s'agit étant un immeuble récent, reconstruit en structure béton (cf photographie jointe). Ce terme doit donc être écarté,
- V2 : vente du 16 février 2021 d'un appartement de 26 m² dépendant d'un immeuble en copropriété situé [Adresse 7] (parcelle BE n° [Cadastre 9]) moyennant le prix de 115'000'euros, soit 4 423,08 euro/m². Ce bien est situé à proximité et se trouve dans un immeuble ancien (17ème siècle) mais ayant fait l'objet d'une réhabilitation complète (d'un montant de 1'131 984 euros) dans le cadre d'une opération de rénovation urbaine achevée en 2018 comme la société Territoires Publics en justifie (sa pièce n° 29). Ce motif justifie que ce terme soit écarté,
- V3': vente du 8 septembre 2020 d'un appartement de 34 m² dépendant d'un immeuble en copropriété situé [Adresse 5] (parcelle AC n° [Cadastre 11]) moyennant le prix de 145 273'euros, soit 4 272,74 euro/m². Le commissaire du gouvernement précise que ce bien a été revendu le 12 janvier 2022 sur la base de 4 772 euros/m². Ce bien est situé à proximité et se trouve dans un immeuble ancien (17ème siècle) mais a fait l'objet d'une réhabilitation complète (d'un montant de 474'709 euros) dans le cadre d'une opération de rénovation urbaine achevée en 2016 comme la société Territoires Publics en justifie (sa pièce n° 27). Ce motif justifie que ce terme soit écarté,
- V4': vente du 28 septembre 2020 d'un appartement de 31 m² dépendant d'un immeuble en copropriété situé [Adresse 3] (parcelle AC n° [Cadastre 19]) moyennant le prix de 142 900'euros, soit 4 609,69 euro/m². Ce bien est situé à proximité et se trouve dans un immeuble certes ancien mais plus récent (18e siècle) ainsi qu'il ressort de la photographie produite, bâti lors de la reconstruction de [Localité 10] après l'incendie de 1720. Le premier juge a relevé, à juste titre, que cet immeuble ne faisait l'objet d'aucune injonction et que seuls des diagnostics avaient été préconisés. Il s'agit donc d'un immeuble de bonne facture en meilleur état d'entretien que le bien à évaluer ce qui justifie que ce terme soit écarté,
- V5': vente du 20 octobre 2020 d'un appartement de 30 m² dépendant d'un immeuble en copropriété situé [Adresse 14] (parcelle AC n° [Cadastre 18]) moyennant le prix de 155 000 euros soit 5 166,67 euro/m². Ce bien est situé à proximité et présente les mêmes caractéristiques que le terme V4. L'acte de vente ne mentionne pas de travaux de réhabilitation à prévoir. Il s'agit donc d'un immeuble de bonne facture en meilleur état d'entretien que le bien à évaluer ce qui justifie que ce terme soit écarté,
- V6 : vente du 9 novembre 2020 d'un appartement de 27 m² dépendant d'un immeuble en copropriété situé 5'rue Chateaurenault (parcelle AC n° [Cadastre 16]) moyennant le prix de 130 800'euros, soit 4 844,44 euro/m². Ce bien est situé à proximité et se trouve dans un immeuble certes ancien mais en pierres et plus récent (18e siècle) ainsi qu'il ressort de la photographie produite, bâti lors de la reconstruction de [Localité 10] après l'incendie de 1720. Cet immeuble ne faisait l'objet d'aucune injonction. Il s'agit d'un immeuble de bonne facture et en meilleur état que le bien à évaluer ce qui justifie que ce terme soit écarté.
Les termes cités par la société Valamelia qui concernent des biens de surfaces similaires mais situés dans des immeubles en copropriété ne justifiant pas d'importants travaux ne sont donc pas pertinents. Le prix moyen avancé par l'exproprié (4 567,92'euros/m², proche de celui de son mémoire initial 4 656'euros/m²) est donc largement supérieur à la valeur de ses biens.
La société Territoires Publics présente sept termes de comparaison concernant des acquisitions toutes réalisées à son profit' :
- E1': vente du 6 août 2020 d'un logement de 36 m² dépendant d'un immeuble en copropriété sis au [Adresse 15], moyennant le prix principal de 31 410 euros, soit 872 euros/m². Cet immeuble se trouve à proximité immédiate des biens à estimer et bénéficie (contrairement à ce que le société Valamelia indique dans ses écritures) des mêmes commodités (la rue [Localité 24] se situant à l'autre extrémité de la place Saint Anne... et à proximité immédiate du métro), il s'agit d'un immeuble ancien, vétuste, à réhabiliter. La situation de l'immeuble est toutefois moins favorable dans la mesure où la rue [Localité 24] est une rue étroite et très bruyante, où se trouvent de nombreux bars fréquentés le soir et la nuit. L'appartement objet de cette vente ne dispose pas de sanitaires propres mais de sanitaires indivis, sur le palier, communs à quatre lots ainsi qu'il résulte de l'acte. Ces éléments justifient que ce terme, éloigné des biens à estimer notamment en raison de ses éléments de confort, soit écarté,
- E2': vente du 6 juillet 2020 d'un logement de 35,96 m² dépendant d'un immeuble en copropriété sis au [Adresse 15], moyennant le prix principal de 35 000 euros, soit 973 euros/m². Cet appartement se trouve dans l'immeuble précédemment décrit (terme E1). L'appartement objet de cette vente ne dispose pas de sanitaires propres mais de sanitaires indivis, sur le palier, communs à quatre lots ainsi qu'il résulte de l'acte. Ces éléments justifient que ce terme, éloigné en terme de confort des biens à estimer, soit également écarté,
- E3 : vente du 20 février 2020 d'un logement de 38,16 m² dépendant d'un immeuble en copropriété sis au [Adresse 15], moyennant le prix principal de 33'500'euros, soit 877 euros/m². Cet appartement se trouve dans l'immeuble précédemment décrit (terme E1). À la différence des précédents, cet appartement dispose de sanitaires propres (salle de bains avec WC). Ce bien est plus proche des biens à estimer que les précédents en raison du niveau de confort dont il bénéficie. L'état de cet appartement n'est cependant pas connu. La rue [Localité 24] est moins favorablement située. La valeur des biens à estimer est donc supérieure,
- E4 : jugement d'expropriation du 4 novembre 2019 portant sur un appartement de 48 'm² situé [Adresse 20] (inscrit au programme d'une opération de rénovation immobilière) dont l'indemnité principale a été fixée sur la base de 1 345'euros/m². Le jugement décrit l'immeuble comme étant incommode à l'instar de l'immeuble [Adresse 17] (accès par emmarchement et escalier étroit) mais l'appartement est en bon état. Ce terme de comparaison est donc pertinent,
- E5': jugement d'expropriation du 4 novembre 2019 portant sur un local commercial et deux appartements, d'une superficie totale de 185'm² (63'm² pour les parties habitation) situés [Adresse 13] (inscrit au programme d'une opération de rénovation immobilière) dont l'indemnité principale a été globalement fixée sur la base de 1 500 euros/m². Les caractéristiques des appartements correspondent à ceux à évaluer mais leur état est inconnu. L'immeuble, construit vers 1800, que le juge de l'expropriation a décrit comme étant sans charme particulier, ne présente pas le même intérêt architectural que celui édifié [Adresse 17]. Ce terme, bien que différent des biens à estimer en raison notamment de sa superficie et de sa destination, est cependant à prendre en considération,
- E6 : vente du 19 décembre 2022 d'un local à usage mixte (professionnel et habitation) de 285 m² avec droit à la cour commune et aux latrines situé dans un immeuble en copropriété [Adresse 8] moyennant le prix principal de 544'546'euros, soit 1 910 euros/m². Cet immeuble fait partie de la même opération de restauration immobilière que l'immeuble [Adresse 17] (cf pièce n° 1 de l'intimée). Il doit en être déduit que son état justifie d'importants travaux de réhabilitation. Le bien est évidemment dissemblable de celui à estimer notamment en raison de sa superficie et de sa destination, mais ce terme de comparaison est intéressant et doit également être pris en considération,
- E7 : jugement d'expropriation du 30 mai 2023 (rendu le même jour que le jugement critiqué) portant sur le quatrième appartement (27,04 m²) et un grenier en combles de l'immeuble [Adresse 17], dont l'indemnité principale (40 560 euros) a été fixée sur la base de 1'500'euros/m². Il convient de préciser que ce bien n'avait pu être visité par le juge de l'expropriation et que son état n'était donc pas connu au moment où l'indemnité a été fixée. Ce terme est cependant pertinent.
Le commissaire du gouvernement s'appuie sur huit termes de comparaison (six déjà cités par l'expropriante E1 à E3, E6, E5 et E7) et produit deux actes de vente ':
- C1 : vente du 7 octobre 2022 à la société Territoires Publics d'un appartement de type 2 de 49 m², comprenant séjour, chambre, cuisine, salle d'eau avec WC, situé dans un immeuble [Adresse 4], moyennant le prix de 62'000'euros (soit 1 265 euros/m²). Cet immeuble fait partie de la même opération de restauration immobilière que l'immeuble [Adresse 17] (cf pièce n° 1 de l'intimée). Il doit en être déduit que son état justifie également d'importants travaux de réhabilitation. Selon l'expropriée, la superficie Carrez de ce bien ne serait que de 20 m². Cet élément ne ressort toutefois pas des pièces produites (extrait d'acte). Ce terme de comparaison est pertinent, le bien étant de même nature et la [Adresse 23] étant proche de la [Adresse 22],
- C2 : vente du 16 octobre 2019 d'un appartement comprenant dégagement, séjour, chambre et salle de bains sombre, de 30,53 m², situé dans un immeuble en copropriété [Adresse 2], moyennant le prix de 90 100 euros, soit 2 951 euros/m². L'acte précise que cet immeuble ne fait pas l'objet de travaux nécessaires à sa sauvegarde. Il s'agit a priori d'un immeuble en bon état d'entretien. Il n'est donc pas comparable aux biens à estimer.
Au regard des éléments qui précèdent, les appartements situés dans des immeubles dégradés devant faire l'objet d'importants travaux de réhabilitation se négocient à des prix variant entre 870 et 1 900 euros/m², à la différence de biens similaires situés dans des immeubles en bon état d'entretien dont les prix varient entre 2 900 et 4 600 euros/m².
L'immeuble [Adresse 17] est bien situé (place animée, proche des commerces et desservie par le métro) et présente un intérêt architectural évident.
L'un des appartements de la société Valamelia est en très bon état d'entretien ce qui justifie de retenir un prix au m² situé en limite supérieure de la fourchette (2 000 euros/m²). L'autre appartement situé au 1er étage n'a pu être visité mais il ressort de l'expertise produite que son état de confort et d'entretien est moindre (simple vitrage, linoléum usagé,...). Un prix sur la base de 1 650 euros/m² sera retenu. Le dernier appartement (2 et 3e étage) offre un confort moindre (salle d'eau dans la cuisine, couchage en comble, simple vitrage). Le prix retenu par le premier juge (1 500 euros/m²) est justifié.
L'indemnité principale sera donc arrêtée à la somme de (2 000*24,47 + 1 650*25,68 + 1 500 * 28,46) 134 002 euros.
Les biens étant libre d'occupation, aucun abattement ne doit être pratiqué.
L'indemnité de remploi sera fixée, comme d'usage et de manière dégressive, à la somme de (5 000*0,2 + 10 000*0,15 + 119 002*0,10) 14'400,20 euros.
Sur l'indemnisation de perte de revenus locatifs ':
Il est constant que les trois appartements, propriété de la société Valamelia étaient initialement loués et l'étaient toujours à la date de l'ordonnance d'expropriation. La circonstance qu'ils n'aient pas été reloués entre la date de cette ordonnance et la visite des lieux en raison de la procédure introduite ne saurait justifier que l'expropriée soit privée de l'indemnisation de perte de revenus locatifs laquelle a été justement fixée au regard des pièces produites à la somme de 17'381,04'euros.
Le jugement sera donc confirmé de ce chef.
Sur le perte de jouissance ':
La société Valamélia sollicite une indemnité pour perte de jouissance faisant valoir qu'elle s'est trouvée dans l'impossibilité de jouir des biens (et de les louer sur de courtes périodes) en raison du défaut d'entretien des parties communes et du fait que l'eau lui ait été coupée. Elle verse aux débats la lettre qu'elle a adressée à l'expropriante le 31 juillet 2022 (pièce n° 51) ainsi que le constat d'huissier qu'elle a fait dresser (1er décembre 2022, sa pièce n° 53) dont les énonciations sont éloquentes et mettent en évidence un état d'abandon des parties communes (qui ont manifestement été nettoyées postérieurement, cf. transport sur les lieux effectué en mars 2023).
Le premier juge a rejeté cette demande en considérant que l'obligation d'entretien incombait au syndic. Cependant postérieurement à l'ordonnance d'expropriation qui emporte transfert de propriété (mais non de la jouissance) le seul interlocuteur de l'expropriée (la société Valamelia) est, jusqu'au versement (ou suivant les cas la consignation) des indemnités, l'expropriante à savoir, la société Territoires Publics à charge pour elle de faire pression sur le syndic dont elle est le seul interlocuteur. En sa qualité de propriétaire, elle doit à l'expropriée de pouvoir continuer à jouir du bien ce que l'état de l'immeuble a interdit. Une indemnité est donc due.
Celle-ci ne saurait cependant être fixée à la somme réclamée qui correspond aux montants des loyers, les lieux ayant été volontairement libérés de tous locataires. Seules des locations meublées de courte durée étaient envisageables, mais improbables en raison de l'investissement matériel et humain qu'elles supposent.
La privation de jouissance sera donc indemnisée par une somme limitée à 100 euros par mois soit, pour la durée de 52 mois, la somme de 5 200 euros.
Sur les dépens et les frais irrépétibles ':
La société Territoires Publics supportera la charge des dépens d'appel.
Elle devra verser à la société Valamélia une somme de 1 929,20 euros (dont 429,20 euros de frais d'huissier) au titre de l'article 700 du code de procédure civile, la somme allouée en première instance étant confirmée.
PAR CES MOTIFS' :
Statuant par arrêt rendu publiquement et contradictoirement ':
Confirme le jugement rendu par le juge de l'expropriation du département d'Ille et Vilaine le 30 mai 2023 en ce qu'il a fixé le montant de l'indemnité pour perte de loyers à la somme de 17'381,04'euros, condamné la société Territoires Publics aux dépens de première instance et à verser à la société Valamélia une somme de 3'000'euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
L'infirme pour le surplus et statuant à nouveau' :
Fixe l'indemnité principale d'expropriation due par la société Territoires Publics à la société Valamélia à la somme de 134'002'euros.
Fixe le montant de l'indemnité de remploi due par la société Territoires Publics à la société Valamélia à la somme de 14 400,20'euros.
Alloue à la société Valamelia une indemnité pour perte de jouissance de 5'200'euros.
Rejette le surplus des demandes.
Condamne la société Territoires publics aux dépens d'appel.
Condamne la société Territoires publics à verser à la société Valamélia une somme de 1 929,20 sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Le greffier, Le président,