COUR D'APPEL DE RIOM Chambre Commerciale ARRET N° DU : 19 Janvier 2005 N : 03/02667 TF Arrêt rendu le dix neuf Janvier deux mille cinq Sur APPEL d'une décision rendue le 21.12.2001 par le Tribunal de commerce de Montluçon (réinscription après radiation RG 02/350) ENTRE : S.A. SODEREP ECANS, Me VINCENT X... ès qualités de Mandataire ad hoc et ès qualités de Commissaire à l'exécution du plan de la société SODEREP ECANS Me Pascal Y... ès qualités de représentant des créanciers de la société SODEREP ECANS ET : Société CIBO SERVICES INTIMES DEBATS : A l'audience publique du 15 Décembre 2004, la Cour a mis l'affaire en délibéré pour l'arrêt être rendu à l'audience publique de ce jour. A cette audience, M. le Conseiller, a prononcé publiquement l'arrêt suivant conformément à l'article 452 du Nouveau Code de Procédure Civile :
Par requête en date du 17 Mai 2001, la société CIBO SERVICES a sollicité du Président du TRIBUNAL DE COMMERCE de MONTLUCON qu'il soit donné injonction à la société SODEREP ECANS d'avoir à payer la somme de 221.260 Francs (33.730,87 Euros) en règlement de la facture en date du 7 Avril 2000, majorée des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure délivrée ainsi que des dépens.
Par ordonnance en date du 5 Juin 2001, le Président du TRIBUNAL DE COMMERCE de MONTLUCON a enjoint à la société SODEREP ECANS de payer la somme susvisée à la société CIBO SERVICES.
La requête et l'ordonnance ont fait l'objet d'une signification par voie d'Huissier en date du 25 Juin 2001.
La société SODEREP ECANS a formé opposition à l'ordonnance le 5 Octobre 2001, soit apparemment après l'expiration du délai légal d'opposition d'un mois tel que prévu par l'article 1416 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Par jugement en date du 21 Décembre 2001, statuant sur ladite
opposition en l'absence de la société opposante, le TRIBUNAL DE COMMERCE de MONTLUCON déclarait irrecevable l'opposition, parce que tardive, formée par la société SODEREP ECANS et condamnait en conséquence cette dernière au paiement de la somme de 33.730,87 Euros en principal avec intérêts légaux à compter du 22 Février 2001, outre les dépens.
Par exploit en date du 4 Mars 2002, SODEREP assignait la société CIBO devant le Premier Président de la Cour de céans afin de voir arrêter l'exécution provisoire dont le jugement était assorti. Par une ordonnance en date du 4 Avril 2002, le Premier Président suspendait l'exécution provisoire.
Maître X..., mandataire ad hoc de la société SODEREP ECANS et commissaire à l'exécution du plan de redressement, et Maître Y..., représentant des créanciers de ladite société, sont appelants principaux et ont conclu le 12.10.2004 pour la dernière fois. Ils demandent à la Cour d'infirmer le jugement critiqué, en ce qu'il a déclaré valable la signification de l'injonction de payer, donc tardive l'opposition à cette injonction ; les appelants relèvent à ce sujet que l'original de la signification d'injonction de payer porte une mention "signifié au domicile de (SODEREP) où étant et parlant à Mme X... en sa qualité de DAF, habilitée ainsi déclarée", alors que la copie laissée sur place par l'huissier porte la mention "ää" ; qu'au-delà de cette discordance source de nullité de l'acte, il se trouve que MMe X... n'est pas habilitée, que la signification n'a donc pas été faite à personne et que l'opposition demeure recevable. Au fond, les appelants estiment que la société CIBO SERVICES, se disant propriétaire de matériels déposés entre les mains de la société objet d'une procédure collective, devait impérativement revendiquer son prétendu bien, ce qu'elle a omis de faire, perdant par conséquent son droit. Les appelants sollicitent donc de la Cour
que CIBO SERVICES soit déboutée de sa demande en paiement et réclament 2000 euros pour frais irrépétibles de procédure à leur adversaire.
L'intimée, la société SODEREP ECANS a constitué avoué.
Elle a régularisé la procédure comme suit. Il a été en effet précisé, en cours de procédure d'appel et selon déclaration du 18 Novembre 2002, que la Société SODEREP ECANS avait fait l'objet de l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire par jugement en date du 10 Octobre 2002 rendu par le Tribunal de Commerce de MONTLUCON et confirmé par arrêt de la Cour de céans en date du 13 Novembre 2002. D7s lors, et par application de l'article L 621-41 du Code du Commerce, la Société CIBO SERVICES a appelé dans la cause les organes de la procédure collective, Maître Vincent X..., es qualités d'Administrateur Judiciaire, étant en outre intervenu à la procédure, et a déclaré sa créance produite aux débats en vertu de l'article 65 du décret 27 Décembre 1985.
En outre, par jugement en date du 25 Février 2003, le Tribunal de Commerce de MONTLUCON a arrêté le plan de redressement organisant la cession des activités et des biens de la Société SODEREP ECANS.
Ledit jugement a notamment désigné Maître Vincent X... es qualités de mandataire ad hoc de la Société SODEREP ECANS, Maître Y... ayant été maintenu en qualité de représentant des créanciers.
Par conclusions en date du 16 avril 2003, Maître X..., es qualités de mandataire ad hoc de la SA SODEREP ECANS et en qualité de commissaire à l'exécution du plan, est intervenu volontairement aux débats.
Enfin, par arrêt en date du 4 Juin 2003, la Cour de céans a invité la Société CIBO SERVICES à réassigner Maître Y..., es qualités de représentant des créanciers, sur le fondement de l'article 474 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Cette réassignation a été diligentée et Maître Y..., es qualités, a
constitué avoué et conclu le 16 avril 2004.
Dans ses dernières conclusions, en date du 1° octobre 2004, l'intimée demande que la signification de l'injonction de payer soit déclarée valable, que l'opposition soit dite tardive et donc irrecevable. Par suite, elle sollicite la fixation de sa créance dans la procédure collective visant SODEREP, et le paiement de 3100 euros pour frais irrépétibles exposés devant la Cour.
A l'appui de sa thèse, la société CIBO SERVICES expose qu'elle a été créée en 1993 pour acheter et revendre des automatismes ; qu'elle a été sous-traitante d'une société DIFA ELECTRONIQUE, fabricante de ce type de matériels ; que la société DIFA ELECTRONIQUE connaissant des difficultés financières, il a été décidé avec le nouveau dirigeant de cette dernière de vendre à la société CIBO SERVICES du matériel, le paiement étant effectué par compensation avec le compte courant de la société CIBO SERVICES au sein de la société DIFA ELECTRONIQUE à hauteur de 115.000 Francs (17.531,64 Euros) et ledit matériel étant ensuite donné à bail à la société DIFA ELECTRONIQUE par contrat en date du 31 Octobre 1996 dans la mesure où ce-matériel était nécessaire à son activité ; que la même opération a été réitérée en 1998 pour l'achat et la location d'un testeur de cartes électroniques, achat pour lequel la société CIBO SERVICES a obtenu un crédit bancaire à hauteur de 233.000 Francs (35.520,62 Euros), le solde étant réglé par chèque ; que cette somme a servi à rembourser un prêt consenti par la BANQUE POPULAIRE DU VAL DE FRANCE à la société DIFA ELECTRoNIQUE, comme en témoigne un relevé mensuel du compte de la société CIBO SERVICES au 31 Octobre 1998 ; qu'ultérieurement, la société CIBO SERVICES, en proie à de nouvelles difficultés financières, devait faire l'objet d'une procédure collective ; qu'une ordonnance du juge commissaire à la liquidation judiciaire de la société DIFA ELECTRONIQUE en date du 19 Avril 2000
décidait la cession des actifs de cette dernière au profit de la société SODEREP ECANS, celle-ci faisant état d'une offre de 884.204 Francs. En cet état, SODEREP ECANS ne devait pas inclure dans son offre le matériel appartenant à la société CIBO SERVICES, était au contraire d'accord pour l'acheter parallèlement à l'acquisition des actifs liquidés de DIFA pour un montant de 185.000 Francs HT, soit 221.260 Francs TTC ou 33.730,87 Euros ; qu'en témoigne un courrier d'un sieur Y... et la promesse de vente annexée à cette correspondance ; que cette perspective a amené la société CIBO SERVICES à établir une facture en date du 7 Avril à hauteur de 221.260 Francs à l'ordre de la société SODEREP ECANS, facture qui est demeurée impayée. La société CIBO ajoute à sa démonstration qu'elle a finalement assigné Maître SAULNIER, es qualités de liquidateur judiciaire de la société DIFA ELECTRONIQUE, devant le TRIBUNAL DE COMMERCE d'ORLEANS en sollicitant la condamnation du liquidateur ès qualité à lui régler la somme de 33.730,87 Euros au titre de la valeur du matériel vendu, somme que la société CIBO espérait normalement percevoir de la société SODEREP ECANS ; que le TRIBUNAL DE COMMERCE d'ORLEANS, par décision en date du 30 octobre 2002, a intégralement fait droit aux légitimes demandes de la Société CIBO SERVICES, même si ensuite la Cour d'Appel d'ORLEANS a rendu un arrêt d'infirmation le 29 Janvier 2004.
Sur la question de la régularité de la signification, qui conditionne la recevabilité de l'opposition à l'injonction de payer, donc le débouté subi par l'appelante en première instance, la société CIBO SERVICES indique qu'à son avis, il existe une confusion opérée par la Société SODEREP ECANS aujourd'hui représentée par Maître X..., es qualités, entre la copie et l'original de l'acte signifié : en effet, la copie est signifiée dans un premier temps et les originaux sont établis postérieurement ; les mentions requises sur l'original font
foi et n'ont pas toutes, selon la lettre-même de la loi, à être reportées sur les copies laissées aux destinataires. Secondairement, l'appelante estime que les manquements formels invoqués par les autres parties au procès, n'auraient causé aucun grief de nature à ouvrir la voie de nullité. SUR QUOI LA COUR
Attendu que l'appel est recevable ;
Attendu que le 25 juin 2001, la société CIBO a fait signifier à la société SODEREP l'injonction de payer litigieuse ;
Attendu que selon les mentions figurant sur la copie de cette signification, copie qui est versée aux débats, l'acte a été délivré à Madame Z..., directrice administratrice et financière ; que selon l'original conservé en l'étude, cette personne était habilitée à recevoir les actes d'huissier de justice ;
Attendu que ces mentions ne sont pas contraires l'une à l'autre, comme le prétend l'appelante, mais se complètent ; que la rigoureuse similitude des différents instruments d'un même acte d'huissier de justice n'est exigée par la loi que pour les deux originaux, contrairement à ce que soutient l'appelante ; que naturellement, la copie est d'une présentation et comporte des mentions rédigées sur-le-champ lors de la délivrance de ladite copie, tandis que l'original est établi ou complété par l'huissier plus tardivement ;
Que la règle prétorienne selon laquelle la copie tient lieu d'original pour le destinataire, est travestie par l'appelante, et indique seulement que le destinataire ne peut pas prétendre à recevoir l'un des deux originaux des actes d'huissier de justice ;
Qu'en outre, dès lors que les nuances entre ces divers instruments ne sont pas des contradictions, il n'apparaît aucun grief dont une partie puisse tirer argument pour obtenir l'annulation de l'acte ;
Attendu par conséquent que la signification du 25.06.2001 est valable, comme l'a jugé le premier juge, serait-ce par motifs
implicites ou elliptiques ;
Attendu par ailleurs, pour répondre au second argument formel de l'appelante, que cette signification a été faite à personne et a donc fait courir le délai d'un mois pour former opposition à l'injonction de payer ;
Qu'en effet, la signification faite sans fraude à un mandataire en apparence habilité est réputée à personne, sans que l'huissier ait à vérifier l'exactitude des déclarations qui lui ont été faites concernant l'habilitation ;
Qu'en l'espèce, en s'adressant à une directrice se prétendant habilitée, selon les mentions de l'huissier qui font foi, cet huissier a valablement considéré qu'il délivrait son acte à SODEREP en personne ;
Attendu par suite que l'opposition à l'injonction de payer a été tardive ;
Que CIBO peut prétendre à la confirmation du premier jugement ;
Attendu que confrontée à des arguments d'un étroit formalisme et tout-à-fait malfondés, par une appelante qui n'a pas comparu en première instance sur l'opposition dont elle était pourtant l'auteur, CIBO recevra répétition des frais de procédure qu'elle aura exposés pour les besoins du présent appel ;
Attendu enfin que SODEREP ayant été admise au bénéfice d'une procédure collective postérieurement au jugement critiqué, la confirmation de ce dernier nécessite les précisions qu'à juste titre CIBO réclame et qui seront énoncées dans les termes du dispositif ci-après ; PAR CES MOTIFS
La Cour, Troisième chambre civile et commerciale, statuant publiquement, contradictoirement et après en avoir délibéré,
Réforme le jugement rendu le 21 décembre 2001 par le Tribunal de
commerce de Montluçon ;
Vu les articles 654 alinéa 2 et 663 du Nouveau Code de Procédure Civile, dit que que la signification de l'ordonnance d'injonction de payer du 5 juin 2001 n'est pas entachée de nullité ;
Constate qu'en conséquence la Société SODEREP ECANS, alors in bonis, a formé opposition à ladite ordonnance après expiration du délai de l'article 1416 du Nouveau Code de Procédure Civile et qu'elle est irrecevable en ses prétentions exprimées désormais par Maîtres X... et Y..., ès qualités ;
En conséquence, fixe la créance de la Société CIBO SERVICES au passif de la Société SODEREP ECANS à la somme en principal de 33 730.87 Euros correspondant au règlement de sa facture en date du 07 Avril 2000 augmentée des intérêts au taux légal à compter du 22 Février 2001, date de la mise en demeure ;
Déboute Maître X... et Maître Y..., ès qualités, de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions plus amples ou contraires au présent arrêt ;
Condamne les mêmes ès qualités à payer la somme de 1000 euros (mille euros) à la société CIBO SERVICES en application de l'article 700 NCPC, outre les entiers dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du NCPC. La greffière
Le président