COUR D'APPEL
DE RIOM
Chambre Commerciale
Pourvoi N08-17293
ARRET No
DU : 16 Janvier 2008
N : 06/00193
CJ
Arrêt rendu le seize Janvier deux mille huit
COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré :
Mme Claudine BRESSOULALY, Présidente
M. Vincent NICOLAS, Conseiller
Mme Chantal JAVION, Conseillère
lors des débats et du prononcé : Mme C. GOZARD, Greffière
Sur APPEL d'une décision rendue le 21.12.2005
par le Tribunal de grande instance de CLERMONT FERRAND
A l'audience publique du 28 Novembre 2007 Mme JAVION a fait le rapport oral de l'affaire, avant les plaidoiries, conformément aux dispositions de l'article 785 du NCPC
ENTRE :
Compagnie d'assurances LA SAUVEGARDE siège social 76 Rue de Prony 75017 PARIS - Représentante : Me Barbara GUTTON-PERRIN (avouée à la Cour) - Représentant : la SCP MARTY BAFFELEUF BLANCHET (avocat plaidant au barreau de RIOM)
APPELANT
ET :
M. Franck Z... - né le 25 avril 1970 à CLERMONT FERRAND - NoCPAM du PUY DE DOME : 1.70.04.63.113.353 et demeurant ...
Représentante : Me Martine-Marie MOTTET (avouée à la Cour) - Représentant : la SCP HERMAN P et J (avocat plaidant au barreau de CLERMONT-FD)
Melle Stéphanie B... ...
Représentante : Me Barbara GUTTON-PERRIN (avouée à la Cour) - Représentant : Me Hervé C... (avocat plaidant au barreau de CLERMONT-FERRAND)
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU PUY DE DOME
Cité Administrative Rue Pélissier 63000 CLERMONT - FERRAND
assignée à personne habilitée non représentée
grosse délivrée le
à Me Mottet Me Gutton-P
SCP Goutet/Arnaud
-copie CPAM
CAISSE DES DEPOTS ET CONSIGNATIONS Rue du Vergne 33059 BORDEAUX CEDEX - Représentant : la SCP GOUTET - D... (avoué à la Cour) - Représentant la SCP COLLET - DE ROCQUIGNY - CHANTELOT - ROMENVILLE ET ASSOCIES (avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND)
CAISSE NATIONALE DE PREVOYANCE - C.N.P.4 Place Raoul E... 75015 PARIS Représentant : la SCP GOUTET - D... (avoué à la Cour) - Représentant la SCP COLLET - DE ROCQUIGNY - CHANTELOT - ROMENVILLE ET ASSOCIES (avocats au barreau de CLERMONT-FERRAND)
COMMUNE DE SAINT MAURICE ES ALLIER Mairie grand place 63270 ST MAURICE ES ALLIER - assignée non représentée
INTIMES
DEBATS :
A l'audience publique du 28 Novembre 2007,
la Cour a mis l'affaire en délibéré au 16 Janvier 2008
l'arrêt a été prononcé publiquement conformément à l'article 452 du Nouveau Code de Procédure Civile :
No 06 / 001936- Z...
FAITS ET PROCEDURE :
Le 1er juillet 1999, M. Franck Z..., conducteur d'une motocyclette, a été victime d'un accident de la circulation dans lequel était impliqué le véhicule automobile conduit par Mlle B..., assuré auprès de LA SAUVEGARDE.
Vu le jugement du tribunal de grande instance de CLERMONT-FERRAND du 21 décembre 2005 qui a liquidé son dommage corporel en tenant compte de son droit à indemnisation limité à 50 % tel que précédemment jugé, a fait droit aux demandes en paiement formées par la CNP ASSURANCES et la Caisse des Dépôts et Consignations, et limité celles de la victime à son préjudice personnel en raison du recours prioritaire des tiers payeurs.
Vu l'appel interjeté par la Cie LA SAUVEGARDE suivant déclaration du 25 janvier 2006.
Vu l'arrêt de la présente Cour du 31 janvier 2007 ayant ordonné la réouverture des débats afin de recueillir les observations des parties sur les nouvelles règles du recours des tiers payeurs fixées par l'article 25 de la loi no 2006-1640 du 21 décembre 2006.
Vu les dernières conclusions de la Cie LA SAUVEGARDE déposées le 26 novembre 2007, celles de Mlle B... déposées le 26 juin 2007, celles de M. Z... déposées le 6 novembre 2007, celles de la CNP ASSURANCES déposées le 20 juillet 2007, et celles de la Caisse des Dépôts et Consignations déposées le 23 novembre 2007, la CPAM du Puy de Dôme n'ayant pas constitué avoué.
PRETENTIONS DES PARTIES :
La Cie LA SAUVEGARDE demande de limiter la prise en charge des frais médicaux, pharmaceutiques, et d'hospitalisation à hauteur de moitié, et chiffre les indemnités proposées au titre de la perte de gains professionnels actuels, des souffrances endurées, du préjudice fonctionnel temporaire, du préjudice esthétique, et du préjudice d'agrément sur lesquelles doit être appliqué le partage de responsabilité.
Elle insiste sur l'absence d'incidence professionnelle au motif que M. Z... ne justifie pas de son impossibilité définitive de retrouver un emploi ni de ses démarches de reclassement professionnel tel que préconisé par l'expert judiciaire alors qu'il est titulaire d'un baccalauréat électrotechnique.
Mlle B..., appelante incidente, s'associe aux écritures de son assureur.
M. Z..., appelant incident, demande une augmentation des sommes allouées par le tribunal en les dénommant suivant la nouvelle nomenclature.
Il justifie sa réclamation au titre de la perte de gains professionnels futurs par le fait qu'il n'a pu poursuivre son emploi à la Mairie de SAINT MAURICE ES ALLIER et a été placé en retraite anticipée à compter du 1er mars 2004. Il estime que ses chances de reclassement professionnel sont extrêmement réduites eu égard à son niveau de formation initial et aux possibilités qui lui restent du fait de son handicap physique alors qu'il ne peut prétendre qu'à une activité manuelle.
La CNP ASSURANCES demande la confirmation du jugement par condamnation in solidum de Mlle B... et la Cie LA SAUVEGARDE à lui payer la somme de 47.581,93 € outre une indemnité au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
La Caisse des Dépôts et Consignations demande à titre principal de confirmer le jugement en condamnant in solidum Mlle B... et la Cie LA SAUVEGARDE à lui payer la somme de 46.139,07 €, et subsidiairement de les condamner à lui payer la somme de 23.069,35 € à déduire du montant de l'indemnisation du préjudice résultant de la perte des gains professionnels.
SUR QUOI :
Attendu que M. Z..., né le 25 avril 1970, occupait un emploi d'agent territorial de la commune de SAINT MAURICE ES ALLIER pour l'entretien des voiries, espaces verts, locaux communaux ;
Que l'accident lui a occasionné de multiples fractures complexes lui ayant laissé les séquelles suivantes : une limitation des mouvements du coude et du poignet droit (dominant) associée à une diminution de la force de préhension, un important raccourcissement du membre inférieur droit entraînant une bascule du bassin et une boiterie, une limitation douloureuse des mouvements de la hanche droite, principalement en rotation interne, une déformation du genou droit en varum qui est limité en flexion, instable, et une raideur de la cheville droite. Qu'il existe également une anxio-dépression réactionnelle ;
Que dans son rapport d'expertise judiciaire déposé le 27 février 2003, le Dr D... a conclu à :
- une ITT de 3 ans,
- consolidation au 1er juillet 2002,
- IPP 45 % (séquelles physiques et anxio-dépression réactionnelle)
- SE 6/7 (physiques, psychiques, morales)
- PE 3/7 (boiterie, utilisation d'une canne à l'extérieur, multiples cicatrices)
- Préjudice d'agrément : impossibilité de reprendre ses activités sportives et ludiques antérieures (ski de descente, ski nautique, plongée, parapente, moto. Par contre, pilote un side-car aménagé et a repris la natation)
- retentissement professionnel : impossibilité de reprendre son travail antérieur ainsi qu'un travail physique et nécessité, au vu du jeune âge de la victime, d'envisager un reclassement professionnel.
Attendu que l'article 25 de la loi de financement de la sécurité sociale du 21 décembre 2006 a modifié le recours subrogatoire des tiers payeurs en limitant son exercice poste par poste sur les seules indemnités qui réparent les préjudices qu'ils ont pris en charge et en instituant un droit préférentiel de la victime lorsqu'elle n'a été prise en charge que partiellement par les prestations sociales ;
Que la Cour de Cassation a émis un avis le 29 octobre 2007 suivant lequel les dispositions de l'article 31 de la loi du 5 juillet 1985, modifié par l'article 25 IV de la loi du 21 décembre 2006 s'appliquent aux recours exercés par l'Etat et certaines autres personnes publiques en remboursement des prestations versées en application de l'article 1er de l'ordonnance no 59-76 du 7 janvier 1959 avec imputation prioritaire sur les pertes de gains professionnels puis sur la part d'indemnité réparant l'incidence professionnelle ;
Attendu que suivant état définitif, la CPAM du Puy de Dôme a versé des prestations en nature d'un montant total de 72.588 €, dont 8.021,84 € de frais futurs ;
Que la CNP ASSURANCES a versé des indemnités journalières d'un montant total de 47.581,93 € dont 35.741,81 € avant consolidation et 11.840,12 € après consolidation ;
Que la Caisse des Dépôts et Consignations a ensuite versé à M. Z... une pension de retraite anticipée à compter du 1er mars 2004 correspondant à un montant total de 46.139,07 € au 1er septembre 2006, dont 8.222,76 € au titre des arrérages échus et 37.916,31 € au titre des arrérages à échoir ;
Attendu qu'il convient, au vu de ces éléments et des pièces justificatives produites de fixer les éléments du préjudice corporel de M. Z... de la manière suivante :
1o) Préjudices patrimoniaux
A- Préjudices patrimoniaux avant consolidation au 1er juillet 2002
* DSA (dépenses de santé actuelles)
Attendu que ces dépenses ont été entièrement prises en charge par
la CPAM ; 64.566,16 €
Qu'après limitation du droit à indemnisation de la victime, il est dû
à la CPAM la somme de 32.283,08 € ;
* PGPA (pertes de gains professionnels actuels)
Attendu que M. Z... a formé des réclamations de ce chef jusqu'au 29 février 2004 correspondant à la fin du versement des indemnités journalières, soit au delà de la date de consolidation du 1er juillet 2002 ; Qu'en recadrant la demande à la date de consolidation, il s'avère que durant cette période de 36 mois, M. Z... a touché des indemnités journalières de 35.741,81 € ; Qu'au vu du montant du salaire réclamé sur une base mensuelle de 881,83 €, il n'est pas justifié de perte de salaire restant à charge de la victime ;
Que ce poste correspond donc au montant des indemnités journalières de 35.741,81 €
Qu'après limitation du droit à indemnisation de la victime, il est dû
à la CNP la somme de 17.870,91 € ;
B- Préjudices patrimoniaux après consolidation
* DSF (dépenses de santé futures)
Attendu que ces dépenses sont entièrement prises en charge par la
la CPAM ; 8.021,84 €
Qu'après limitation du droit à indemnisation de la victime, il est dû
à la CPAM la somme de 4.010,92 € ;
* PGFP (pertes de gains professionnels futurs)
Attendu qu'il résulte du rapport d'expertise que M. Z... ne peut plus reprendre ses activités antérieures d'agent territorial ni exercer toute activité physique nécessitant la mise en jeu régulière des membres supérieurs et inférieurs ; Que si le Dr D... préconise un reclassement professionnel en raison du jeune âge de M. Z... , il échet toutefois d'observer que sa reconversion dans un travail de bureau ou intellectuel est des plus aléatoires en raison de son niveau d'étude et de son profil essentiellement manuel, et ce d'autant plus qu'il est resté très atteint psychiquement par cet accident ; Qu'il convient par suite de retenir qu'il subit une perte de gains professionnels futurs de l'ordre de 80 % à compter de sa mise en retraite anticipée jusqu'à l'âge de 60 ans qui sera évaluée à 180.000 € ;
Qu'avant sa mise en retraite anticipée, il aurait dû percevoir sur 20 mois un salaire de 17.636,60 € ;
Que le total des pertes de gains professionnels s'élève donc à 197.636,60 €
(17.636,60 + 180.000) arrondi à 197.600,00 €
Qu'après limitation du droit à indemnisation, l'indemnité de droit
commun s'élève à 98.818,30 € arrondie à 98.800 € ;
Que le préjudice subi par M. Z... s'élève à 139.620,81 €
(197.600 € - 11.840,12 € d'indemnités journalières servies par
la CNP jusqu'au 29/02/2004 - 46.139,07 € de pension servie par la
CDC à compter du 01/03/ 2004) ;
Que le recours de la victime étant prioritaire sur l'indemnité de
droit commun, il est dû à M. Z... la somme de 98.800 €,
aucun solde ne restant pour la CNP et la CDC ;
2o) Préjudices extra-patrimoniaux
A- Préjudices extra-patrimoniaux avant consolidation
* DFT (déficit fonctionnel temporaire) de 3 ans
Attendu que M. Z... demande confirmation de l'indemnité de
15.000 € estimée par le premier juge dans le cadre de l'ancien
préjudice de désagrément, laquelle apparaît correctement appréciée 15.000,00 €
Attendu qu'après limitation du droit à indemnisation, il est dû
à M. Z... la somme de 7.500 € ;
* SE (souffrances endurées) de 6 / 7
Attendu que ce poste détaillé dans l'expertise sera évalué à 32.000,00 €
Attendu qu'après limitation du droit à indemnisation, il est dû
à M. Z... la somme de 16.000 € ;
B- Préjudices extra-patrimoniaux après consolidation
* DFP (déficit fonctionnel permanent) de 45 %
Attendu que ce poste détaillé dans l'expertise sera évalué à 100.000,00 €
Attendu qu'après limitation du droit à indemnisation, il est dû
à M. Z... la somme de 50.000 €
* PE (préjudice esthétique) de 3 /7
Attendu que ce poste détaillé dans l'expertise sera évalué à 8.000,00 €
Attendu qu'après limitation du droit à indemnisation, il est dû
à M. Z... la somme de 4.000 € ;
* PA (préjudice d'agrément)
Attendu que M. Z... qui était un grand sportif a dû renoncer
à la plupart de ses activités sportives et ludiques antérieures
Attendu que ce poste sera évalué à 30.000,00 €
Attendu qu'après limitation du droit à indemnisation, il est dû
à M. Z... la somme de 15.000 € ;
PAR CES MOTIFS :
La Cour, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire, en dernier ressort, après en avoir délibéré conformément à la loi
Réforme le jugement déféré
Statuant à nouveau au vu des nouvelles dispositions prévues par l'article 25 de la loi du 21 décembre 2006
Fixe les préjudices subis par M. Franck Z... du fait de l'accident dont il a été victime le 1er juillet 1999 aux sommes suivantes :
- au titre des DSA 64.566,16 €
- au titre des PGPA 35.741,81 €
- au titre des DSF 8.021,84 €
- au titre des PGPF 197.600,00 €
- au titre du DFT 15.000,00 €
- au titre des SE 32.000,00 €
- au titre du DFP 100.000,00 €
- au titre du PE 8.000,00 €
- au titre du PA 30.000,00 €
Condamne in solidum Mlle Stéphanie B... et la Cie LA SAUVEGARDE à payer, après réduction du droit à indemnisation de la victime de moitié, à :
1) la CNP la somme de 17.870,91 € au titre des PGPA,
2) M. Franck Z... en deniers ou quittances la somme de 191.300 € (98.800 + 7.500 + 16.000 + 50.000 + 4.000 +15.000) au titre de son préjudice corporel et la somme de 3.000 € au titre des frais irrépétibles exposés lors des deux instances.
Déboute la CNP du surplus de ses demandes et la Caisse des Dépôts et Consignations de l'intégralité de ses demandes en raison du droit préférentiel de la victime.
Déclare le présent arrêt commun et opposable à la CPAM du Puy de Dôme.
Condamne in solidum Mlle Stéphanie B... et la Cie LA SAUVEGARDE aux entiers dépens, lesquels seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.
La greffière La présidente
C. Gozard C. Bressoulaly