COUR D'APPEL
DE RIOM
Chambre Commerciale
ARRET No-
DU : 20 Février 2008
N : 06/01357-
(dossiers joints : 06/1444-+06/1523)
CB
Arrêt rendu le vingt Février deux mille huit
COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré :
Mme Claudine BRESSOULALY, Présidente
M. Vincent NICOLAS, Conseiller
Mme Chantal JAVION, Conseillère
lors des débats et du prononcé : Mme C. GOZARD, Greffière
Sur APPEL d'une décision rendue le 9.5.2006
par le Tribunal de commerce de RIOM
A l'audience publique du 16 Janvier 2008 Mme BRESSOULALY a fait le rapport oral de l'affaire, avant les plaidoiries, conformément aux dispositions de l'article 785 du NCPC
ENTRE :
S.A. GROUPAMA TRANSPORT siège social 1 Quai Georges V 76600 LE HAVRE
Représentante : Me Barbara GUTTON-PERRIN (avouée à la Cour) - Représentant : la SCP AMBIEHL - KENNOUCHE - TREINS - POULET - VIAN (avocat plaidant au barreau de RIOM)
S.A. GROUPAMA VIE siège social 5-7 Rue du Centre93160 NOISY LE GRAND
Représentante : Me Barbara GUTTON-PERRIN (avouée à la Cour) - Représentant : la SCP AMBIEHL - KENNOUCHE - TREINS - POULET - VIAN (avocat plaidant au barreau de RIOM)
APPELANTES et intimées sur les appels de STE TRANSPORTS MORTERON et SA AXA CORPORATE SOLUTIONS (RG 06/1444+1523)
ET :
S.A.S. NSE INTEGRATION siège social Les Seignes 03250 NIZEROLLES
Représentant : Me Sébastien RAHON (avoué à la Cour) - Représentant : la SCP B. SOUTHON A. AMET- DUSSAP (avocats au barreau de MONTLUCON)
GROSSE délivrée le
à Mes:Gutton-Perrin,
Rahon Mottet Lecocq
Goutet-Arnaud
S.A. AXA FRANCE IARD siège social 26 Rue Drouot 75001 PARIS
Représentant : la SCP LECOCQ (avoué à la Cour) - Représentant : la SCP COLLET - DE ROCQUIGNY - CHANTELOT - ROMENVILLE ET ASSOCIES (avocat plaidant au barreau de CLERMONT-FERRAND)
SAS ETABLISSEMENTS LEVIGNE et FILS siège social Parc d'Activité Le Petit Champ B.P. 10 63430 PONT DU CHATEAU
Représentante : Me Martine-Marie MOTTET (avouée à la Cour) - Représentant : la SCP HERMAN P. - HERMAN J. (avocat plaidant au barreau de CLERMONT-FERRAND)
S.A. AXA CORPORATE SOLUTIONS siège social 2 Rue Jules Lefebvre
75426 PARIS CEDEX 09
Représentant : SCP LECOCQ (avoué à la Cour)- Représentant Me F. RENAUDIN avocat plaidant au barreau de MARSEILLE -
(également appelante (RG 06/1523)
S.A TRANSPORTS MOURTERON siège social Route de Vichy 63360 SAINT BEAUZIRE
Représentant : la SCP GOUTET - ARNAUD (avoués à la Cour) - Représentant : Me François-Xavier DOS SANTOS (avocat plaidant au barreau de RIOM)
(également appelante (RG 06/1444)
CRAMA GROUPAMA RHONE ALPES AUVERGNE siège social 50 RUE DE ST Cyr 69251 LYON CEDEX 09
Représentante : Me Barbara GUTTON-PERRIN (avouée à la Cour) - Représentant : la SCP AMBIEHL-KENNOUCHE-TREINS-POULET-VIAN (avocat plaidant au barreau de RIOM)
INTIMES
DEBATS :
A l'audience publique du 16 Janvier 2008,
la Cour a mis l'affaire en délibéré au 20 Février 2008
l'arrêt a été prononcé publiquement conformément à l'article 452 du Nouveau Code de Procédure Civile :
FAITS, PROCÉDURE et DEMANDES DES PARTIES
Selon marché conclu avec La Marine Nationale, la société EADS était chargée de la rénovation d'affûts de missile sagaie, travaux qu'elle sous-traitait à la société NSE INTEGRATION en restant responsable de la réception et de la garantie des affûts à l'égard de la Marine Nationale. La société NSE INTEGRATION située à RIOM (63)sous-traitait à son tour les travaux de peinture à la société ETS LEVIGNE sise à PONT-du CHATEAU (63).
Le 03.02.2004 la société TRANSPORTS MOURTERON, transporteur requis par la société LEVIGNE, enlevait un affût auprès de la société LEVIGNE à PONT-DU-CHATEAU (63) en vue de le livrer le jour même à la société NSE INTEGRATION à RIOM. Avant d'atteindre le quai de déchargement à RIOM l'affût basculait du camion et était endommagé lors de sa chute sur le sol. La société NSE INTEGRATION refusait la réception. Un constat de sinistre était immédiatement dressé entre les représentants de la société ETS LEVIGNE, de la société TRANSPORTS MOURTERON et de la société NSE INTEGRATION.
La valeur de la marchandise transportée faisait l'objet de discussion. Elle était estimée à 453.000 € selon les renseignements fournis par la société NSE INTEGRATION et la remise en état était évaluée à 206.500 €, selon l'expertise effectuée par le cabinet HUOT le 30.09.2004. Selon les conclusions du rapport d'expertise déposé le 20.12.2004 par le cabinet BONNAY FINET EXPERTS, la valeur aurait été de 600.000 € vétusté déduite et la réparation des dommages était estimée à 165.000 €.
Par actes en date des 11 et 18.05.2005, la SAS NSE INTEGRATION assignait la société LEVIGNE et la Cie AXA FRANCE IARD, recherchée en qualité d'assureur de la société LEVIGNE, afin d'obtenir leurs condamnations solidaires à lui payer la somme de 165.000 € de dommages-intérêts et 3.000 € au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Par actes en date des 15 et 23.06.2005, la société LEVIGNE appelait en cause et en garantie la SA TRANSPORTS MOURTERON et la société GROUPAMA TRANSPORT.
Par actes des 18 et 21.11.2005, la société AXA CORPORATE SOLUTIONS SA assignait la société TRANSPORTS MOURTERON, la société GROUPAMA TRANSPORT et la société GROUPAMA VIE aux fins de les voir condamnées conjointement et solidairement à la relever et garantir de toutes condamnations qui pourraient éventuellement être prononcées à son encontre ainsi qu'en paiement de la somme de 10.000 € au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Par jugement en date du 09.05.2006, le tribunal de commerce de RIOM a :
- ordonné la jonction des procédures
- condamné solidairement les Ets LEVIGNE et les sociétés d'assurances AXA CORPORATE SOLUTIONS SA et AXA FRANCE IARD à payer à la société NSE INTEGRATION la somme de 70.113,31 € à titre de dommages-intérêts ainsi que la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile
- dit que ces sociétés seront relevées et garanties par la société TRANSPORTS MOURTERON à charge pour elle d'appeler en cause son assureur dont il n'a pas été dévoilé l'identité lors de l'instance.
- déclaré le jugement opposable aux sociétés GROUPAMA VIE et GROUPAMA TRANSPORT.
- débouté les parties de leurs autres demandes.
Le jugement était frappé d'appel le :
- 06.06.2006 par la SA GROUPAMA TRANSPORT et la SA GROUPAMA VIE
- 14.06.2006 par la société TRANSPORTS MOURTERON
- 23.06.2006 par la société AXA CORPORATE SOLUTIONS SA
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Vu les dernières conclusions signifiées le 02.04.2007 aux termes desquelles la société NSE INTEGRATION demande de :
- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné solidairement les Ets LEVIGNE et les sociétés d'assurances AXA CORPORATE SOLUTIONS SA et AXA FRANCE IARD à réparer le préjudice subi par la société NSE INTEGRATION
- déclarer le jugement opposable aux sociétés d'assurance GROUPAMA VIE et GROUPAMA TRANSPORT
- y ajoutant,
- condamner solidairement la société ETS LEVIGNE et les sociétés d'assurances AXA CORPORATE SOLUTIONS SA et AXA FRANCE IARD à lui payer la somme de 165.000 € en réparation du dommage subi
- débouter les sociétés d'assurances AXA CORPORATE SOLUTIONS SA et AXA FRANCE IARD de toutes leurs demandes à l'égard de la société NSE INTEGRATION
- condamner solidairement la société ETS LEVIGNE et les sociétés d'assurances AXA CORPORATE SOLUTIONS SA et AXA FRANCE IARD à payer à la société NSE INTEGRATION la somme de 4.500 € au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
La société NSE INTEGRATION indique avoir réparé l'affût et supporté le coût de la remise en état.
Elle fait observer que la commande passée à la société ETS LEVIGNE le 28.08.2003 et régulièrement acceptée, stipulait des travaux de sous-traitance de peinture et de finition effectués dans les locaux de la société LEVIGNE. C'est la société LEVIGNE qui s'était de sa propre initiative rapprochée de la société TRANSPORTS MOURTERON pour effectuer le retour du matériel sur le site de la société NSE INTEGRATION.
Elle considère que le contrat qui la lie à la société ETS LEVIGNE est un contrat d'entreprise, de prestation de services et non un contrat de transport, la prestation dominante emportant la qualification du contrat. Elle demande donc d'écarter le moyen tiré de la prescription annale applicable au contrat de transport en vertu de l'article L.133-6 du code de commerce..
Elle fait observer que le sinistre s'est produit à un moment où elle n'avait pas encore réceptionné le matériel.
Elle reproche à la société ETS LEVIGNE d'avoir commis une faute engageant sa responsabilité en raison de l'absence de cerclage de l'affût sur la palette par feuillage d'acier, faute qu'elle estime être à l'origine du sinistre. Elle indique que lorsque l'affût a été transporté dans les locaux de la société ETS LEVIGNE il était cerclé sur la palette. Après la survenance du sinistre elle précise avoir rappelé par écrit les spécifications techniques de manutention à l'intention des sous-traitants mais ne les a pas modifiées, précisant qu'en tout état de cause elles relèvent d'un simple bon sens compte tenu de la nature et de la valeur du matériel.
La société NSE INTEGRATION déclare que la société ETS LEVIGNE lui avait communiqué les justificatifs de sa couverture d'assurance par la Cie AXA FRANCE IARD à effet du 14.11.2000 jusqu'en janvier 2004 au titre de sa responsabilité civile "dommages aux biens confiés" spécifiant une garantie de 204.159,11 € par sinistre. Elle insiste sur le fait qu'il n'avait pas été porté à sa connaissance que cette garantie ne s'étendait pas à la phase transport. Elle lui reproche d'avoir commis une faute en ne l'informant pas de cette distinction.
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Vu les dernières conclusions signifiées le 07.05.2007 aux termes desquelles la société ETS LEVIGNE demande de :
- réformer le jugement en ce qu'il a déclaré recevable l'action de la société NSE INTEGRATION
- subsidiairement,
- déclarer l'action de la société NSE INTEGRATION mal fondée et l'en débouter
- très subsidiairement,
- limiter l'indemnité due à la somme de 41.257,75 € et dire que la société LEVIGNE sera garantie par son assureur la société AXA CORPORATE SOLUTIONS SA
- en ce cas, condamner la société TRANSPORTS MOURTERON et la CRAMA GROUPAMA RHONES ALPES à garantir la société LEVIGNE de l'ensemble des condamnations qui interviendront à son encontre
- condamner la société NSE INTEGRATION, la société TRANSPORTS MOURTERON et la CRAMA GROUPAMA RHONES ALPES à lui payer la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile
La société ETS LEVIGNE conteste l'intérêt à agir de la société NSE INTEGRATION à défaut pour elle de justifier qu'elle ait indemnisé EADS ou qu'elle ait effectué les travaux de remise en état.
Elle invoque la prescription tirée de l'application des dispositions de l'article L.133-6 du code de commerce aux motifs qu'il existerait deux contrats, le contrat de sous-traitance d'une part et le contrat de transport, indépendant, d'autre part. Elle souligne que c'est à l'occasion de ce second contrat qu'est survenu le sinistre qui doit être réglé selon les dispositions d'ordre public concernant le contrat de transport. Elle fait observer que la prescription annale est acquise dès lors que l'assignation a été délivrée le 18.05.2005, soit plus d'un an après la livraison.
Subsidiairement, elle invoque une faute du conducteur qui avait enlevé la sangle de maintien avant arrêt définitif du véhicule ainsi qu'une faute de la société NSE INTEGRATION lors du contrôle du déchargement dans ses locaux au motif que les consignes en la matière n'auraient pas été respectées en ce qu'elles prévoient qu'en aucun cas les sangles ne doivent être retirées avant l'arrêt complet du véhicule.
Elle prétend que la faute du destinataire est exonératoire de toute responsabilité de l'expéditeur. Elle considère que l'absence de feuillard n'est nullement établie et qu'en tout état de cause, cela ne pouvait avoir aucune incidence sur la genèse du sinistre car durant tout le transport de plusieurs dizaines de kilomètres il n'y avait pas eu le moindre incident.
Dans l'hypothèse où une part de responsabilité serait laissée à sa charge, elle demande d'appliquer à la société NSE INTEGRATION une règle proportionnelle par rapport au coût du sinistre car elle avait donné pour instruction d'assurer le bien confié à hauteur de 150.000 €. La société LEVIGNE indique avoir demandé en conséquence une couverture de garantie à son assureur "transport" à hauteur de 150.000 €. Compte tenu de la valeur du bien soit 600.000 €, son assureur a décidé d'appliquer la règle proportionnelle et accepte le règlement du sinistre à hauteur de la somme de 41.257,75 €. Elle critique le jugement entrepris en ce qu'il a retenu une valeur de 353.000 € correspondant à celle mentionnée dans l'attestation du propriétaire du canon.
La société LEVIGNE sollicite la garantie de la société TRANSPORTS MOURTERON, seule responsable du sinistre avec la société NSE INTEGRATION.
Elle fait valoir que la société TRANSPORTS MOURTERON ne saurait invoquer la prescription de l'article L.133-6 du code de commerce à son encontre car elle indique que l'assignation en garantie délivrée à la requête de la société LEVIGNE est intervenue dans le délai d'un mois prévu à l'article L.133-6 al.4 du code de commerce soit le 15.06.2005 tandis que l'assignation de la société NSE INTEGRATION à l'encontre de la société LEVIGNE est en date du 18.05.2005.
Elle revendique la garantie du transporteur, tenu d'une obligation de résultat, de surcroît auteur de faute lourde engageant sa responsabilité. Elle en déduit que la société TRANSPORTS MOURTERON ne peut voir limiter sa garantie à la somme de 750 €.
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Vu les dernières conclusions signifiées le 09.11.2006 aux termes desquelles la Cie AXA FRANCE IARD demande sa mise hors de cause et le paiement à son profit de la somme de 1.500 € au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Elle indique que la police souscrite auprès d'elle ne comporte aucune assurance pour les opérations de transport.
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Vu les dernières conclusions signifiées le 27.11.2006 aux termes desquelles la société AXA CORPORATE SOLUTIONS SA demande de :
- réformer le jugement entrepris
- débouter la société NSE INTEGRATION de ses demandes irrecevables pour défaut d'intérêt et pour cause de prescription
- subsidiairement, débouter la société NSE INTEGRATION de toutes ses demandes comme mal fondées
- à titre infiniment subsidiaire,
- limiter la garantie de la société AXA CORPORATE SOLUTIONS SA à la somme de 41.257,75 € et condamner conjointement et solidairement la société TRANSPORTS MOURTERON et la CRAMA GROUPAMA RHONES ALPES à la relever et garantir de toutes condamnations mises à sa charge.
- condamner tout succombant à lui payer la somme de 20.000 € au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile
Elle fait siens les moyens invoqués par la société ETS LEVIGNE tirés du défaut d'intérêt à agir et de la prescription de l'action, le dommage devant être réparé selon les règles contractuelles correspondant à l'opération au cours de laquelle il est intervenu, en l'occurrence lors du transport. Elle considère que les premiers juges ont appliqué à tort le contrat de sous-traitance. Elle indique que la société NSE INTEGRATION avait été informée par un courrier en date du 02.03.2004 adressé par son assureur responsabilité civile que l'action s'inscrivait dans le cadre d'un contrat de transport. Or la société NSE INTEGRATION a laissé écouler le délai de prescription. Elle prétend que la société NSE INTEGRATION invoque le contrat de sous-traitance pour tenter d'échapper à la prescription.
A titre subsidiaire, elle se prévaut d'une faute exonératoire imputable au destinataire, la société NSE INTEGRATION, commise à l'occasion des opérations de déchargement intervenues en sa présence et sous son contrôle. Elle soutient que la société NSE INTEGRATION aurait dû interdire au chauffeur d'enlever les sangles avant l'arrêt complet du véhicule.
En tout état de cause elle demande de faire application de la règle proportionnelle en raison de la valeur de la chose assurée qui excède la somme garantie et de limiter le montant de sa garantie à la somme de 41.257,75 €.
Elle demande à être relevée et garantie de toute condamnation par la société TRANSPORTS MOURTERON. Elle fait valoir que cette société ne peut lui opposer la prescription de son action récursoire exercée dans le délai légal imparti et a commis une faute lourde, constituée par l'insuffisance flagrante d'arrimage de l'affût dont le centre de gravité était élevé et la base étroite. Elle en déduit que la limitation de garantie à 750 € invoquée par la société TRANSPORTS MOURTERON n'est pas applicable en cas de faute lourde.
Elle forme une demande de garantie à l'encontre de la CRAMA GROUPAMA RHONES ALPES qui a déposé des conclusions d'intervention volontaire en appel pour dire qu'elle était en réalité l'assureur de la société TRANSPORTS MOURTERON alors que la société TRANSPORTS MOURTERON et les sociétés GROUPAMA VIE et GROUPAMA TRANSPORT, appelées en garantie en première instance, avaient refusé de dévoiler l'identité de l'assureur de la société TRANSPORTS MOURTERON.
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Vu les dernières conclusions signifiées le 09.05.2007 aux termes desquelles la société TRANSPORTS MOURTERON demande de
- réformer le jugement entrepris
- déclarer prescrite l'action dirigée contre le transporteur
- subsidiairement, constater les défauts d'emballage, de conditionnement et d'arrimage de la marchandise imputables à la société ETS LEVIGNE et constater l'exonération de la responsabilité du transporteur dans la survenance du sinistre du 03.02.2004.
- très subsidiairement, juger que l'indemnisation du préjudice subi ne saurait excéder 23 € par kilogramme de poids brut de marchandise détruite sans pouvoir dépasser 750 €
- dire et juger que la société TRANSPORTS MOURTERON sera intégralement garantie et relevée indemne par son assureur de responsabilité civile GROUPAMA.
- en tout état de cause, rejeter toutes demandes dirigées à l'encontre de la société TRANSPORTS MOURTERON
- condamner la société ETS LEVIGNE, la Cie AXA FRANCE IARD, la société AXA CORPORATE SOLUTIONS SA à lui payer la somme de 4.000 € au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile
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Vu les dernières conclusions signifiées le 04.10.2006 aux termes desquelles les sociétés GROUPAMA VIE et GROUPAMA TRANSPORT sollicitent leurs mises hors de cause ainsi que la condamnation de la société AXA CORPORATE SOLUTIONS SA à leur payer la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
La CRAMA GROUPAMA RHONES ALPES demande de lui donner acte de son intervention volontaire, de constater que la prescription annale est acquise et subsidiairement de constater l'absence de responsabilité de la société TRANSPORTS MOURTERON. Très subsidiairement, elle demande de juger que la garantie de la CRAMA GROUPAMA RHONES ALPES serait limitée à 750 € maximum, garantie due pour un colis.
Elle fait valoir que le transporteur ne pouvait se convaincre du défaut interne de conditionnement et d'arrimage car l'engin, positionné sur la palette au moment du chargement, était enrobé d'un voile opaque empêchant une quelconque vérification. Elle considère que le défaut de cerclage sur la palette est la cause exclusive du sinistre.
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Vu l'ordonnance de clôture de la procédure en date du 31 mai 2007.
MOTIFS ET DÉCISION
1-sur l'action engagée par société NSE INTEGRATION à l'encontre de la société ETS LEVIGNE
1-1- sur l'intérêt à agir de la société NSE INTEGRATION
Attendu que l'intérêt à agir de la société NSE INTEGRATION a été contesté au motif que cette société ne justifierait pas avoir supporté le coût des réparations de l'affût endommagé le 3 février 2004 ;
que la société NSE INTEGRATION produit en cause d'appel la pièce no 23 établissant l'acceptation par la société EADS les 7 et 8 juin 2005 de deux affûts SAGAIE NG no03A9 et 03A10 ayant fait l'objet du marché A 0077 112 00 470 lot 4.3.; que le dossier produit devant la Cour ne permet pas de vérifier les références exactes de l'affût litigieux mais il convient d'observer qu'aucune des parties ne met en cause le fait que la pièce 23 de la société NSE INTEGRATION, soumise à débat contradictoire, ne ferait pas référence à l'affût endommagé ; qu'elle est corroborée par la production de la lettre adressée depuis le 2 février 2005 à la société ETS LEVIGNE, dans laquelle la société NSE INTEGRATION expliquait avoir été contrainte d'assurer la réparation complète de l'affût, avoir dû négocier des délais avec son client EADS qui lui avait indiqué un montant de facturation pour ce sinistre ;
Attendu que le moyen tiré du défaut d'intérêt à agir de la société NSE INTEGRATION sera donc écarté ;
1-2-sur la qualification juridique des obligations dues par la société ETS LEVIGNE à la société NSE INTEGRATION
Attendu que le contrat de sous-traitance matérialisé par écrit le 23 juillet 2004 est produit au débat ; qu'il n'est pas certain qu'il soit la retranscription exacte des rapports qui existaient entre les deux sociétés lorsque la société NSE INTEGRATION a sous-traité à la société ETS LEVIGNE les travaux de peinture sur l'affût litigieux, endommagé le 3 février 2004, soit à une date antérieure ; que néanmoins si les deux sociétés s'opposent sur la qualification juridique de leurs relations, elles s'accordent sur la nature des prestations confiées en sous-traitance ;
Attendu que les travaux concernant l'affût litigieux ont font l'objet d'une commande écrite de prestations de sous-traitance no P009369AV.no00, passée le 28.08.2003, mentionnant la désignation suivante :"prestation de peinte et spec.....mode opératoire ....." moyennant un coût de 14.100 € HT ;
Attendu qu'il incombait à la société ETS LEVIGNE, une fois les travaux de peinture terminés, d'assurer le transport du canon jusqu'aux locaux de la société NSE INTEGRATION à RIOM où la réception par cette société devait intervenir mais a été en l'occurrence refusée en raison des dégâts présentés par l'affût ;
Attendu que la commande ne comportait aucune disposition particulière concernant les modalités de transport de l'affût, notamment son coût, lequel, au même titre que les frais relatifs à la conservation de la chose confiée, cotisation d'assurance comprise, était intégré dans le montant de la prestation principale ;
Attendu que la seule spécificité relative au "transport" concerne la garantie d'assurance souscrite par la société ETS LEVIGNE ; qu'elle s'explique par le fait que la garantie "biens confiés" consentie par la Cie AXA à la société ETS LEVIGNE était limitée à des activités précisément décrites :" tôlerie, chaudronnerie industrielle, mécano soudure avec travaux sur biens confiés y compris peinture" ; que la phase "transport" n'étant pas couverte par sa police multirisque "responsabilité civile", la société ETS LEVIGNE a souscrit une autre police spécifique auprès de société AXA CORPORATE SOLUTIONS SA ; que la société NSE INTEGRATION a fait connaître à la société ETS LEVIGNE le 24.02.2003 la "valeur à assurer" fixée à un montant de 150.000 € ; que le courrier adressé le 2 février 2005 par la société NSE INTEGRATION à la société ETS LEVIGNE confirme qu'elle avait demandé une couverture d'assurance à hauteur de 150.000 € , ayant décidé, selon son droit le plus strict, une couverture d'assurance pour un éventuel différentiel à assumer par elle-même ; que la société ETS LEVIGNE a satisfait à cette demande ; que selon les termes de la lettre adressée le 05.02.2004 par la société TRANSPORTS MOURTERON à son assureur, la société ETS LEVIGNE lui avait demandé une information sur le coût de la garantie d'assurance relative au transport de la marchandise donnée par GROUPAMA, assureur du transporteur, mais jugeant le prix trop élevé, avait décidé d'assurer elle-même cette prestation ;
que, compte tenu de l'économie générale des relations contractuelles ci-dessus exposée, la souscription par la société ETS LEVIGNE d'un contrat d'assurance supplémentaire pour garantir les risques lors du transport de l'affût, mesure de bonne gestion, nécessaire pour lui permettre de bénéficier d'une garantie d'assurance couvrant cette opération lui incombant à l'occasion de l'exécution du contrat de sous-traitance passé avec la société NSE INTEGRATION, n'est pas significative - dans ses rapports avec la société NSE INTEGRATION - d'une autonomie de la prestation "transport" par rapport au contrat d'entreprise ;
Attendu que pour effectuer le déplacement de l'affût, la société ETS LEVIGNE a, de sa propre initiative, préféré faire appel à un transporteur professionnel, la société TRANSPORTS MOURTERON, avec lequel elle a souscrit un contrat de transport de marchandises ; que ce choix, qui lui appartient, ne modifie pas la nature des rapports contractuels la liant à la société NSE INTEGRATION ; que le fait que la société NSE INTEGRATION ait signé le constat de sinistre le 3 février 2004 avec les représentants de la société ETS LEVIGNE et de la société TRANSPORTS MOURTERON n'a pas d'incidence sur la qualification juridique de ses rapports avec la société ETS LEVIGNE ;
Attendu qu'en définitive, il ressort du dossier que la société NSE INTEGRATION et la société ETS LEVIGNE étaient liées par un contrat unique comprenant une prestation principale, en l'absence de laquelle le contrat n'aurait pas eu d'utilité économique, celle correspondant aux travaux de peinture, objet de l'accord de volonté ; que l'exécution de la prestation devait avoir lieu dans les locaux de la société ETS LEVIGNE à PONT-du-CHATEAU alors que l'affût avait fait l'objet de travaux de réparation dans les locaux de la société NSE INTEGRATION à RIOM ; que la réalisation des travaux de peinture impliquait que le bien soit déplacé ; qu'il était convenu entre les parties que la société ETS LEVIGNE assurât le transport et la conservation du bien confié jusqu'à sa réception par la société NSE INTEGRATION au retour de la pièce dans ses locaux ; qu'au moment du sinistre, survenu avant réception, les risques relatifs à la conservation de la chose confiée se trouvaient incontestablement à la charge de la société ETS LEVIGNE ; que l'action engagée par la société NSE INTEGRATION trouve en conséquence son fondement dans un contrat d'entreprise, plus précisément de louage d'industrie au sens de l'article 1789 du code civil ;
1-3-sur la prescription annale prévue par l'article L.133-6 du code de commerce
Attendu que selon une jurisprudence constante, n'entrent pas dans le domaine de la prescription annale de l'article L.133-6 du code de commerce, les actions fondées sur un autre contrat que le contrat de transport ;
qu'en l'occurrence dès lors que l'action engagée par la société NSE INTEGRATION à l'encontre de la société ETS LEVIGNE repose sur un contrat d'entreprise, l'opération de transport étant simplement l'accessoire de l'exécution des travaux de peinture qui constituent la prestation essentielle, la prescription annale n'a pas lieu de s'appliquer ;
1-4-sur la responsabilité encourue par la société ETS LEVIGNE à l'égard de la société NSE INTEGRATION
Attendu qu'il importe de vérifier les circonstances dans lesquelles l'affût a été endommagé pour se prononcer sur la distinction qui doit être opérée entre une perte non fautive, hypothèse dans laquelle l'entrepreneur est libéré de son obligation de restitution, et une perte fautive, hypothèse dans laquelle pèse sur l'entrepreneur une présomption simple de faute ; que pour se libérer de son obligation de restitution il a alors la charge d'établir que le sinistre est survenu sans faute de sa part ;
Attendu qu'en l'espèce, au vu des pièces communiquées, les circonstances du sinistre sont les suivantes :
qu'après avoir terminé les travaux de peinture, la société ETS LEVIGNE procédait dans ses locaux au positionnement de l'affût sur la palette et entourait l'affût d'un film opaque de polyéthylène étirable en vue du retour du bien confié à la société NSE INTEGRATION ; que la palette sur laquelle se trouvait l'affût était chargée dans le camion de la société TRANSPORTS MOURTERON ;
qu'arrivé à environ 3 mètres du quai de déchargement de la société NSE INTEGRATION, le chauffeur de la société TRANSPORTS MOURTERON, ouvrait les portes arrières du camion et constatait que durant le transport, effectué sur plusieurs dizaines de kilomètres, le bien était resté en place ; qu'il enlevait la traverse supérieure solidarisant les côtés ainsi que la sangle passée à l'avant de la palette sur laquelle l'affût était posé ; qu'il enclenchait une marche arrière ; qu'au moment du passage des roues arrières du camion dans le dénivelé d'un caniveau, l'affût basculait du camion et tombait au sol tandis que la palette restait dans le camion ;
qu'il était constaté l'absence de cerclage de maintien et de tire-fond de fixation de l'affût sur la palette, le canon étant bloqué uniquement par 4 cales bois clouées sur la palette, bien illusoires selon le rapport d'expertise de M.HUOT, pour un objet pesant approximativement 1.400 kg ;
que le transporteur qui avait déjà effectué d'autres transports de ce type de matériels indiquait qu'ils étaient habituellement cerclés de 3 feuillards, assurant la cohésion de l'affût et de la palette ;
Attendu que les dommages constatés (constat contradictoire du 03.02.2004, rapports d'expertise de M.HUOT du 30.09.2004 et de BONNAY FINET EXPERTS du 20.12.2004) résultent à l'évidence de la chute du canon sur le sol ; qu'il est certain qu'ils ne proviennent pas d'un cas fortuit, d'un vice interne ou d'un fait extérieur, hypothèse dans laquelle les risques seraient restés à la charge du maître, en l'occurrence de la société NSE INTEGRATION ;
Attendu que doit s'appliquer en l'espèce le régime de responsabilité prévu en cas de perte fautive ; qu'en tant que professionnelle, avisée de la valeur et du poids de la chose confiée sur laquelle elle avait travaillé en ayant pu prendre conscience des risques de déséquilibre amplifiés par un centre de gravité élevé ( à une hauteur de 1.10m environ, la base étant de diamètre relativement faible par rapport aux dimensions supérieures), et assumant les opérations de positionnement de l'affût sur la palette en vue de son déplacement, la société ETS LEVIGNE devait prendre toutes les précautions normalement attendues, plus spécialement toutes les dispositions utiles dans la préparation de la pièce avant enlèvement par le transporteur de façon à ce qu'aucune faute ne puisse lui être reprochée pour la conservation de la chose ; qu'or ayant manifestement fait preuve de négligence, la société ETS LEVIGNE ne démontre pas que les dommages à la chose confiée seraient survenus sans faute de sa part ;
qu'elle ne peut s'exonérer de ses obligations en invoquant la faute de la société NSE INTEGRATION sous prétexte que cette société ne lui aurait pas donné de consigne quant à la nécessité d'arrimer l'affût sur la palette ; qu'il est vrai que postérieurement au sinistre, la société NSE INTEGRATION a donné des instructions écrites en ce sens ; que pour autant il s'agissait d'une précaution élémentaire que la société ETS LEVIGNE a négligée ;
Que la société ETS LEVIGNE évoque en outre un manquement dans le contrôle du déchargement du canon qu'elle voudrait voir imputer à la société NSE INTEGRATION ; qu'il n'existe aucune disposition contractuelle en ce sens ; qu'au demeurant la chute est intervenue avant le début de l'opération de déchargement, alors que le camion de la société TRANSPORTS MOURTERON n'avait pas encore atteint le quai de déchargement de la société NSE INTEGRATION ;
Attendu qu'en conséquence, à l'égard de la société NSE INTEGRATION, la société ETS LEVIGNE doit être déclarée entièrement responsable du sinistre ;
1-5-sur l'indemnisation des dommages par la société ETS LEVIGNE
Attendu que le cabinet BONNAY FINET EXPERTS déposait le 20.12.2004 à l'intention de la CIE AXA FRANCE IARD CORPORATE SOLUTIONS un rapport d'expertise évaluant le coût de remise en état de l'affût après sa chute du camion de la société TRANSPORTS MOURTERON à un montant global de 165.031 € HT, somme arrondie à 165.000 € estimation admise par la société NSE INTEGRATION ;
que la société ETS LEVIGNE voudrait voir limiter le montant de l'indemnisation due à la société NSE INTEGRATION au motif que cette dernière lui avait donné pour instructions d'assurer le bien à hauteur d'une somme limitée à 150.000 € ; que compte tenu de la valeur du bien estimé par son assureur à hauteur de 600.000 €, elle indique que ce dernier a fait application de la règle proportionnelle en proposant une indemnisation limitée à 41.257,75 € ; qu'elle soutient avoir satisfait à la demande de la société NSE INTEGRATION en souscrivant une police d'assurance pour le montant indiqué et tient la société NSE INTEGRATION pour responsable de l'insuffisance de couverture d'assurance ;
qu'en tant que professionnelle avisée, ayant une activité économique qui implique de travailler sur des biens confiés, source de risques pour lesquels elle a l'habitude de souscrire des garanties auprès de son assureur, la société ETS LEVIGNE se doit de reconnaître la chose confiée dans tous ses éléments, y compris en ce qui concerne la valeur, au besoin en sollicitant les informations utiles pour cette appréciation ; qu'en l'occurrence, elle avait déjà travaillé sur des biens comparables selon les explications fournies par M.MOURTERON qui a déclaré avoir effectué d'autres transports de pièces du même type pour le compte de la société ETS LEVIGNE ; que la demande de couverture d'assurance pour une valeur à assurer de 150.000 € remontant au 24.02.2003, soit pratiquement un an avant la date du sinistre, la société ETS LEVIGNE avait eu largement le temps d'obtenir tous renseignements nécessaires ; que la mise en oeuvre par la société NSE INTEGRATION d'une pratique courante dans les relations d'affaires, consistant à répartir entre entreprises la charge des couvertures d'assurance concernant un même bien sur lequel elles sont amenées à intervenir, ne peut servir de prétexte à la société ETS LEVIGNE pour s'exonérer de ses obligations et soutenir qu'elle aurait ignoré que la valeur de l'affût endommagé était très supérieure à la valeur à assurer, telle que déclarée par la société NSE INTEGRATION ;
Que la démarche de la société NSE INTEGRATION visant à obtenir le justificatif d'une garantie minimum ne privait pas la société ETS LEVIGNE de la possibilité de souscrire une garantie plus importante lui assurant une meilleure protection des risques qu'elle pouvait encourir, étant observé que la société ETS LEVIGNE avait accepté la commande pour un prix fixé forfaitairement ;
Attendu qu'en conséquence, il convient de condamner la société ETS LEVIGNE à réparer l'intégralité du dommage dont elle est responsable, chiffré à un montant de 165.000 € ;
2-sur l'application des garanties d'assurances souscrites par la société ETS LEVIGNE
Attendu qu'il est constant que la société ETS LEVIGNE avait souscrit auprès de la Cie AXA FRANCE IARD une police comportant une délimitation bien précise des activités assurées au nombre desquelles l'opération de transport n'était pas prévue ; qu'il n'existe aucune ambiguïté à ce sujet puisque, consciente de cette absence de garantie au titre de sa police multirisque responsabilité professionnelle, elle a signé un contrat d'assurance complémentaire auprès de la société AXA CORPORATE SOLUTIONS SA ;
Qu'en conséquence la mise hors de cause de la Cie AXA FRANCE IARD s'impose, le jugement devant être infirmé en ce que le tribunal de commerce avait retenu une obligation de garantie à la charge de cette compagnie ;
Attendu que s'agissant de la garantie recherchée auprès de la société AXA CORPORATE SOLUTIONS SA, elle doit s'appliquer dès lors que le dommage imputable à la société ETS LEVIGNE est couvert par la police souscrite auprès de cette compagnie ;
qu'au vu des motifs développés ci-dessus, il convient d'écarter les moyens d'irrecevabilité soulevés par société AXA CORPORATE SOLUTIONS SA tirés du défaut d'intérêt à agir de la société NSE INTEGRATION et de la prescription de son action en indemnisation, de même que ceux déniant le bien fondé de l'action en responsabilité engagée contre la société ETS LEVIGNE ;
Attendu que la société AXA CORPORATE SOLUTIONS SA revendique l'application de la règle proportionnelle prévue par l'article L.121-5 du code des assurances selon lequel, s'il résulte des estimations que la valeur de la chose assurée excède au jour du sinistre la somme garantie, l'assuré est considéré comme restant son propre assureur pour l'excédent, et supporte, en conséquence, une part proportionnelle du dommage, sauf convention contraire ; que cette disposition est opposable au tiers lésé ;
Attendu qu'il est constant que la valeur assurée était limitée à 150.000 € alors que la valeur réelle du bien confié à la société ETS LEVIGNE au jour de la souscription de l'assurance était sensiblement supérieure ; qu'en conséquence, dès lors qu'il n'y a pas eu perte totale du bien mais seulement un sinistre partiel, l'assureur est en droit de se prévaloir de la règle proportionnelle qu'aucune clause du contrat d'assurance n'a écartée ; que l'indemnité due par l'assureur doit être réduite en vertu de la règle proportionnelle suivante
Va (valeur assurée)
I (indemnité due) = D (montant du dommage) x ---------------------------
VA (valeur assurable)
Attendu que les parties s'opposent sur la valeur assurable, la société AXA CORPORATE SOLUTIONS SA invoquant la somme de 600.000 € au vu du rapport d'expertise de BONNAY FINET EXPERTS tandis que la société NSE INTEGRATION invoque une valeur de 453.000 € retenue par M.HUOT dans le rapport d'expertise établi le 30.09.2004 à la requête de l'assureur de la société TRANSPORTS MOURTERON ;
que M.HUOT a précisé avoir arrêté cette estimation en fonction, bien évidemment d'une valeur à neuf, selon des sources recueillies auprès de la Marine Nationale ;
que selon le rapport BONNAY la valeur de l'affût avait été déclarée dans un bon d'expédition de EADS pour une somme de 450.000 € mais aurait été en réalité bien supérieure, avis qui n'est accrédité par aucune référence fiable ; que l'expert a considéré que, vu la valeur des pièces endommagées non précisée, si l'on devait reconstituer l'ensemble, on atteindrait des montants de l'ordre d'un million d'euros ; qu'appliquant des dépréciations (sans autre explication) il ramenait la valeur de l'ensemble, vétusté déduite à 600.000 € HT ; que cette appréciation a été portée alors que l'expert, intervenant pour le compte de la Cie AXA FRANCE IARD, avait eu connaissance le 26.02.2003 de l'existence de l'assurance transport en valeur assurée de 1 million de francs soit 150.000 € ;
Attendu que compte tenu du contexte des expertises et des éléments recueillis de part et d'autre, il convient de retenir une valeur assurable de 453.000 € ;
que l'indemnité due par la société AXA CORPORATE SOLUTIONS SA s'élève donc à la somme de 54.635,76 € ; que le jugement sera également infirmé de ce chef ;
Attendu que la société NSE INTEGRATION bénéficiera donc de la condamnation de la société ETS LEVIGNE à lui payer la somme de 165.000 € in solidum avec la société AXA CORPORATE SOLUTIONS SA à hauteur de la somme de 54.635,76 € ;
3-sur les appels en garantie dirigés contre la société TRANSPORTS MOURTERON et son assureur
3-1-sur le régime juridique applicable en matière de prescription
Attendu que la société ETS LEVIGNE et la société AXA CORPORATE SOLUTIONS SA ont formé des appels en garantie à l'encontre de la société TRANSPORTS MOURTERON et de son assureur, tenant le transporteur pour responsable de la chute de l'affût et des dommages en résultant ;
Attendu que la recevabilité de l'action en garantie de la société ETS LEVIGNE et de son assureur à l'encontre de la société TRANSPORTS MOURTERON et de GROUPAMA n'était pas conditionnée par le respect du délai d'un mois prévu par l'article L.133-6 alinéa 4 du code de commerce ; que les conditions ne sont en effet pas réunies pour l'application de ce délai qui suppose que l'action principale soit fondée sur un contrat de transport ou de commission de transport;
que l'indépendance du contrat de transport par rapport au contrat d'entreprise étant totale, lorsque l'action du destinataire à l'encontre de l'expéditeur est fondée sur un contrat d'entreprise à raison d'avaries survenues au cours du transport, le recours en garantie n'est pas assujetti au délai d'un mois , que ne sont soumises à ce délai que les actions récursoires qui sont elles-mêmes fondées sur un contrat de transport ;
Attendu que l'appel en garantie, constituant une action distincte de la demande principale, ne crée de lien d'instance qu'entre l'appelant et l'appelé en garantie ; que toutefois l'appelé en garantie n'est pas privé de la faculté d'invoquer les moyens de défense inhérents à la dette elle-même que l'appelant en garantie était fondé à opposer aux réclamations dont il était lui-même saisi ;
qu'en l'occurrence la société TRANSPORTS MOURTERON et son assureur GROUPAMA excipent du moyen tiré de l'acquisition de la prescription annale prévue par l'article L.133-6 du code de commerce, en faisant valoir que les recours ont été intentés à leur encontre postérieurement à l'expiration du délai d'un an qui avait commencé à courir à compter du jour du sinistre ;
qu'il importe donc de rechercher si à la date où le recours a été exercé, le bénéfice de la prescription était ou non acquis à l'expéditeur, la société ETS LEVIGNE, à l'encontre duquel l'action principale avait été engagée par la société NSE INTEGRATION ;
que pour les motifs ci-dessus exposés, il est constant que, si le recours en garantie dirigé contre la société TRANSPORTS MOURTERON est fondé sur le contrat de transport souscrit par la société ETS LEVIGNE, l'action principale trouve son fondement non pas dans le contrat de transport mais dans un contrat d'entreprise et échappe dès lors à la prescription annale, le régime de prescription prévu par l'article L.133-6 du code de commerce n'étant en définitive applicable ni à l'action principale ni au recours en garantie ;
Attendu que l'action principale comme l'appel en garantie dirigé contre la société TRANSPORTS MOURTERON sont recevables ;
3-2-sur les responsabilités encourues et la garantie due par la société TRANSPORTS MOURTERON
Attendu que la société TRANSPORTS MOURTERON sollicite son exonération de toute obligation et sa mise hors de cause en raison du défaut de conditionnement de la pièce transportée qu'elle estime être la cause exclusive des dommages ; qu'à tout le moins elle soutient qu'aucune faute lourde, d'une exceptionnelle gravité ne peut lui être reprochée de telle sorte que l'indemnisation du préjudice subi ne saurait excéder 23 € par kilogramme transporté de poids brut de marchandise détruite sans pouvoir dépasser 750 € ;
Attendu qu'en application de l'article L.133-1 du code de commerce, le voiturier est garant des avaries autres que celles qui proviennent du vice propre de la chose ou de la force majeure ; que la présomption de responsabilité qui pèse sur lui peut être écartée s'il prouve la faute de l'expéditeur et la relation de causalité entre cette faute et le dommage ;
Attendu qu'il ressort du dossier qu'à l'évidence la société ETS LEVIGNE n'avait pas cerclé la pièce sur la palette d'expédition ; qu'au vu des photographies prises immédiatement après le sinistre il semble bien que le film mis en place sur l'affût n'était pas enroulé autour de la palette de telle sorte que doit être accueillie avec réserve l'affirmation de la société TRANSPORTS MOURTERON selon laquelle elle était dans l'impossibilité de constater l'absence de feuillardage sous prétexte qu'il était sous la housse opaque qui aurait recouvert le fardeau et la palette ; que la société TRANSPORTS MOURTERON n'a fait aucune réserve lors du chargement ;
qu'il demeure que le contrôle du conditionnement effectué a posteriori par le transporteur ne peut permettre qu'une inspection d'ensemble ; que dès lors que l'arrimage par fixation de feuillards de l'affût sur la palette était une précaution élémentaire, systématiquement respectée par la société ETS LEVIGNE lors des précédents transports de biens mobiliers similaires, la société TRANSPORTS MOURTERON a pu, compte tenu des caractéristiques du fardeau pris en charge, ne pas s'apercevoir de l'absence de cerclage ;
Attendu que la faute commise par l'expéditeur existe et a contribué à la réalisation du dommage dès lors que le cerclage avait pour effet de conforter la stabilité de l'ensemble, la fixation de l'affût sur une palette plus large que la base de la pièce renforçant la sécurité du transport ;
que si cette faute est en relation de causalité avec le dommage, elle n'est certainement pas la cause exclusive de la chute de l'affût ; qu'en effet compte tenu du poids dérisoire de la palette par rapport au poids de l'affût de l'ordre de 1.400 kg, ce cerclage ne pouvait prévenir avec certitude la chute en cas de déséquilibre trop accentué de l'affût ;
Attendu que la société ETS LEVIGNE reproche à la société TRANSPORTS MOURTERON d'avoir commis une faute lourde en corrélation immédiate avec la chute du canon ; qu'il est vrai qu'ayant connaissance des spécificités de la pièce transportée, du même type que d'autres livrées précédemment, et notamment du poids, de sa répartition et des risques de déséquilibre, ainsi que du trajet restant à parcourir pour l'accès au quai, impliquant un passage des roues dans le dénivelé d'un caniveau, le transporteur a commis de graves erreurs en enclenchant le déplacement du camion après avoir ouvert les portes arrières et enlevé les sangles, sans prendre la moindre mesure d'arrimage de l'ensemble palette-affût, simplement posé sur la plate-forme du camion, de surcroît sur la partie arrière ; que ces négligences graves sont évidemment en relation de causalité avec la chute du canon survenue au cours de ce dernier déplacement et plus précisément lors du passage des roues arrières dans le caniveau alors qu'il est à noter que durant le trajet de plusieurs dizaines de kilomètres comprenant tournants, phases de freinage et d'accélération, le transporteur avait lui-même constaté que la pièce ne s'était pas déplacée ;
que cette faute lourde n'empêche pas d'établir un partage de responsabilité avec l'expéditeur qui a lui-même contribué par sa faute à la survenance du dommage ;
qu'en l'espèce, compte tenu des éléments de la cause analysés ci-dessus, il convient de répartir les responsabilités encourues dans la proportion de 35 % à la charge de la société ETS LEVIGNE et de 65 % à la charge de la société TRANSPORTS MOURTERON ;
Attendu que les limitations d'indemnité invoquées par la société TRANSPORTS MOURTERON ne sauraient s'appliquer dès lors qu'elles sont tenues en échec par l'existence de la faute lourde qui lui est imputable ;
Attendu que la société TRANSPORTS MOURTERON ne peut sérieusement prétendre voir limiter son obligation indemnitaire sous-prétexte que la société NSE INTEGRATION aurait sous-évalué la marchandise ; qu'en réalité il ressort de l'analyse du dossier déjà exposée que l'indication de la valeur à assurer donnée par la société NSE INTEGRATION à la société ETS LEVIGNE ne caractérise nullement un comportement fautif de sa part ;
Attendu qu'en définitive la société ETS LEVIGNE est fondée à solliciter la garantie de la société TRANSPORTS MOURTERON à hauteur de 65 % du montant des condamnations prononcées à son encontre, correspondant en principal à la somme de 107.250 € ;
Attendu que le recours de la société AXA CORPORATE SOLUTIONS SA est en revanche dépourvu de fondement dès lors que le montant de la garantie due par cette société limité à la somme de 54.635,76 € ne suffit pas à couvrir la part du dommage devant rester à la charge de son assurée qui s'élève à la somme de 57.750 € ;
3-3-sur la garantie due par l'assureur de la société TRANSPORTS MOURTERON
Attendu qu'il a fallu attendre la procédure d'appel pour qu'intervienne en la cause la société CRAMA GROUPAMA RHONE ALPES AUVERGNE, venue expliquer qu'elle était l'assureur du transporteur et que dans l'hypothèse très subsidiairement où la prescription serait écartée et la responsabilité du transporteur retenue, elle devrait sa garantie dans la limite de 750 € ; qu'auparavant avaient été appelées dans la cause GROUPAMA TRANSPORT et GROUPAMA VIE, entités juridiques distinctes, qui s'avèrent étrangères au litige au vu des éléments communiqués aux débats par CRAMA ; que ces deux sociétés seront mises hors de cause ;
qu'il appartiendra à CRAMA de garantir son assuré à hauteur de la somme de 750 € compte tenu des garanties souscrites qui excluaient la responsabilité civile contractuelle, seules ayant été souscrites l'assurance "responsabilité civile d'exploitation" et l'assurance "vol" moyennant une cotisation annuelle fixée à 1.093 francs HT lors de la souscription du contrat le 14 mars 1995 ;
Qu'informée du sinistre par M.MOURTERON selon courrier en date du 5 février 2004 confirmant une conversation téléphonique, la CRAMA devra supporter les dépens relatifs aux mises en cause et intervention de GROUPAMA TRANSPORT et GROUPAMA VIE ;
Attendu que la CRAMA sera condamnée in solidum avec la société TRANSPORTS MOURTERON à garantir la société ETS LEVIGNE pour un montant limité à 750 € et devra garantir son assurée du paiement de cette indemnité ;
PAR CES MOTIFS,
La Cour, statuant publiquement, contradictoirement, en dernier ressort et après en avoir délibéré,
Confirme le jugement entrepris pour partie, par substitution de motifs, en ce qu'il a :
-retenu à la charge de la société ETS LEVIGNE et de la société AXA CORPORATE SOLUTIONS SA une obligation indemnitaire à l'égard de la société NSE INTEGRATION
- retenu à la charge de la société TRANSPORTS MOURTERON une obligation de garantie à l'égard de la société ETS LEVIGNE.
Infirmant pour le surplus et statuant à nouveau,
Rejette les exceptions d'irrecevabilité opposées à la société NSE INTEGRATION.
Ordonne la mise hors de cause de la Cie AXA FRANCE IARD.
Déclare non prescrites les actions engagées par la société NSE INTEGRATION à l'encontre de la société ETS LEVIGNE et de la société AXA CORPORATE SOLUTIONS SA.
Déclare la société ETS LEVIGNE responsable du dommage subi par la société NSE INTEGRATION, consécutif à la chute de l'affût SAGAIE survenue le 3 février 2004 à RIOM.
Condamne en conséquence la société ETS LEVIGNE à porter et payer à la société NSE INTEGRATION la somme de 165.000 € en principal, et ce, in solidum avec la société AXA CORPORATE SOLUTIONS SA à hauteur de la somme de 54.635,76 €.
Condamne la société ETS LEVIGNE in solidum avec la société AXA CORPORATE SOLUTIONS SA à porter et payer à la société NSE INTEGRATION la somme de 2.500 € au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Déclare recevable l'appel en garantie dirigé par la société ETS LEVIGNE à l'encontre de la CRAMA.
Ordonne la mise hors de cause de GROUPAMA TRANSPORT et de GROUPAMA VIE.
Déclare la société TRANSPORTS MOURTERON responsable du dommage consécutif à la chute de l'affût SAGAIE survenue le 3 février 2004 à RIOM et dit que dans ses rapports avec la société ETS LEVIGNE un partage de responsabilité doit s'opérer à hauteur de 35 % à la charge de la société ETS LEVIGNE et de 65 % à la charge de la société TRANSPORTS MOURTERON.
Condamne la société TRANSPORTS MOURTERON à garantir la société ETS LEVIGNE du montant des condamnations prononcées à son encontre à hauteur de 65 % de leur montant, soit un montant en principal de 107.250 €, et ce, in solidum avec la CRAMA dans la limite de la somme de 750 €.
Condamne la CRAMA à garantir la société TRANSPORTS MOURTERON du paiement de cette condamnation à hauteur de 750 €.
Condamne la société TRANSPORTS MOURTERON à garantir la société ETS LEVIGNE du paiement de l'indemnité accordée à la société NSE INTEGRATION au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile à hauteur de 65 % de son montant, et ce, in solidum avec la CRAMA à hauteur de 10 % de son montant..
Condamne la CRAMA à garantir la société TRANSPORTS MOURTERON du paiement de cette condamnation à hauteur de 10 % de son montant.
Déboute la société AXA CORPORATE SOLUTIONS SA de ses appels en garantie dirigés contre la société TRANSPORTS MOURTERON et la CRAMA.
Déboute la société ETS LEVIGNE, la société AXA CORPORATE SOLUTIONS SA, la société TRANSPORTS MOURTERON et CRAMA de toutes leurs autres prétentions.
Condamne la CRAMA à supporter les entiers dépens exposés par les mises en cause de GROUPAMA TRANSPORT et de GROUPAMA VIE.
Fait masse de tous les autres dépens, de première instance et d'appel, et condamne la société ETS LEVIGNE in solidum avec la société AXA CORPORATE SOLUTIONS SA à les supporter en proportion de 35 % de leur montant, la société TRANSPORTS MOURTERON à les supporter à hauteur de 55 % de leur montant et la CRAMA à hauteur de10 % de leur montant.
Dit qu'ils seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile .
La greffière La présidente
C. Gozard C. Bressoulaly