COUR D'APPEL
DE RIOM
Troisième chambre civile et commerciale
Surendettement
ARRET N° 282
DU : 18 Mai 2022
N° RG 21/02219 - N° Portalis DBVU-V-B7F-FWHA
VD
Arrêt rendu le dix huit Mai deux mille vingt deux
Sur APPEL d'une décision rendue le 11 octobre 2021 par le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de VICHY (RG n° 11-21-000148)
COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré :
Madame Anne-Laurence CHALBOS, Président
Mme Virginie THEUIL-DIF, Conseiller
Madame Virginie DUFAYET, Conseiller
En présence de : Mme Christine VIAL, Greffier, lors des débats et de Mme Rémédios GLUCK lors de la mise à disposition
ENTRE :
Mme [T] [I]
[Adresse 12]
[Localité 2]
AR signé
Non comparante, représentée par Me Anne BARNOUD, avocat au barreau de CUSSET/VICHY
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2022/002561 du 08/04/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de [Localité 10])
APPELANTE
ET :
[13]
[Adresse 4]
[Localité 10]
Comparante par Madame [W] [L] munie d'un pouvoir
[17]
[Adresse 15]
[Localité 2]
Non comparante, non représentée - AR signé
SIP DE [Localité 18]
[Adresse 8]
[Localité 3]
Non comparant, représenté - AR signé
TRESORERIE DE [Localité 18]
[Adresse 8]
[Localité 3]
Non comparante, non représentée - AR signé
Société [11]
Service Surendettement
[Adresse 5]
[Localité 6]
Non comparante, non représentée - AR signé
Société CRCAM CENTRE FRANCE
Service surendettement
[Adresse 16]
[Localité 1]
Non comparante, non représentée - AR signé
Compagnie d'assurance [14]
DOMMAGES AUTORISATION 32834
[Localité 1]
Non comparante, représentée - AR signé
TRESORERIE [Localité 10] METROPOLE ET AMENDES
[Adresse 9]
[Adresse 9]
[Localité 7]
Non comparante, non représentée - AR signé
INTIMÉS
DÉBATS :
Après avoir entendu les parties en application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, à l'audience publique du 17 Mars 2022, sans opposition de leur part, Madame DUFAYET, magistrat chargé du rapport, en a rendu compte à la Cour dans son délibéré.
ARRET :
Prononcé publiquement le 18 Mai 2022 par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
Signé par Madame Anne-Laurence CHALBOS, Président, et par Mme Rémédios GLUCK, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Exposé du litige
Mme [T] [I] a saisi la commission de surendettement des particuliers de l'Allier le 24 novembre 2020 d'une demande tendant au traitement de sa situation de surendettement.
Le 23 décembre 2020, la commission a déclaré sa demande recevable et a orienté son dossier vers une procédure de rétablissement personnel sans liquidation judiciaire. Le même jour, la commission a élaboré des mesures imposées tendant à l'ouverture d'une procédure de rétablissement personnel sans liquidation judiciaire.
Parmi les créanciers de Mme [I], la [13] a formé un recours contre ces mesures.
Par jugement du 11 octobre 2021, le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Vichy a :
- sur la forme, déclaré le recours de la [13] recevable ;
- sur le fond, l'a reçu et dit que la créance de la [13] doit être exclue de la procédure de surendettement ;
- constaté que la situation de Mme [I] n'est pas irrémédiablement compromise ;
- renvoyé le dossier à la commission de surendettement des particuliers de l'Allier ;
- laissé dépens à la charge de l'Etat.
Le jugement a été notifié à Mme [I] par LRAR du 14 octobre 2021.
Suivant LRAR en date du 21 octobre 2021, Mme [I] a interjeté appel de cette décision.
Elle a, ainsi que les créanciers, été convoquée par les soins du greffe à l'audience du 17 mars 2022, date à laquelle l'affaire a été évoquée.
A l'audience, son conseil a demandé à la cour de :
- réformer le jugement ;
- débouter la [13] de ses demandes et intégrer sa créance au plan de surendettement ;
- prononcer le rétablissement judiciaire sans liquidation judiciaire de Mme [I] ;
- condamner la [13] aux dépens.
Il prétend que la [13] ne justifie pas du caractère frauduleux de sa créance, ni de son montant, celui-ci ayant fluctué au gré des courriers.
Il ajoute que sa situation est irrémédiablement compromise car elle est âgée de 50 ans, perçoit le RSA, est sans profession, a deux enfants à charge âgés de 6 et 9 ans, ne vit que de prestations sociales et n'a pas de capacité de remboursement. Elle est contrainte d'être présente à domicile pour tous les repas, un des enfants étant diabétique et ne pouvant manger à la cantine.
Parmi les créanciers de Mme [I], la [13] était représentée à l'audience par une salariée munie d'un pouvoir à cet effet. Elle a sollicité la confirmation de la décision, la condamnation de Mme [I] au paiement d'une somme de 150 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens.
La [13] rappelle que Mme [I] a intentionnellement fait de fausses déclarations pour percevoir des prestations indues.
Les autres créanciers n'ont pas comparu, ni formalisé de demandes par écrit, dans les formes prévues aux articles 16 et 946 du code de procédure civile.
Motifs de la décision
1/ Sur la créance de la [13]
L'article L.711-4 du code de la consommation dispose que sont notamment exclues de toute remise, rééchelonnement ou effacement les dettes ayant pour origine des manoeuvres frauduleuses commises au préjudice des organismes de protection sociale énumérés à l'article L.114-12 du code de la sécurité sociale. L'origine frauduleuse de la dette est établie soit par une décision de justice, soit par une sanction prononcée par un organisme de sécurité sociale dans les conditions prévues aux articles L.114-17 et L.114-17-1 du code de la sécurité sociale.
Il n'est pas contesté que la [13] fait partie des organismes de protection sociale énumérés à l'article L.114-12 du code de la sécurité sociale. Elle a versé à la débitrice les prestations suivantes : revenu de solidarité active (RSA), allocations familiales et allocation logement.
S'agissant de l'origine frauduleuse de la dette, la [13] ne produit aucune décision de justice en ce sens. Elle ne produit pas non plus de document ayant la nature d'une sanction telle qu'exigée par le texte sus-visé, lequel vise un avertissement ou une pénalité.
En effet, les pièces qu'elle verse au débat ne sont pas conforme à son bordereau lequel liste 7 pièces, alors que seules les pièces suivantes sont produites : la décision de la commission de recours amiable en date du 7 juin 2021, un accusé de réception signé le 14 juin 2021 par Mme [I] et la plainte adressée par courrier au procureur de la République le 23 août 2021.
Aucune de ces pièces ne porte notification d'une sanction.
En outre, si la décision de la commission de recours amiable vise un indu dont Mme a demandé la remise, ce courrier ne fait nulle mention d'une sanction. La plainte adressée au procureur de la République vise également un indu, sans mention d'une sanction.
L'examen du dossier déposé par Mme [I] auprès de la commission de surendettement permet de trouver un courrier que la [13] lui a adressé le 13 novembre 2019 et portant comme objet : 'contrôle de la législation agricole'. Ce courrier liste les prestations indûment versées par la [13] et affirme en page 6 que Mme [I] a 'sciemment, intentionnellement, effectué de fausses déclarations'. Cependant le courrier se contente de mentionner la mise en paiement des indus, sans évoquer une sanction.
Ainsi, force est de constater que la [13] ne justifie pas de l'origine frauduleuse de la dette dans les conditions exigées par l'article 711-4 du code de la consommation.
La décision sera infirmée en ce qu'elle a écarté la créance de la [13] de la procédure.
2/ Sur la situation de la débitrice
En vertu de l'article L.724-1 alinéa 2 du code de la consommation, lorsque le débiteur se trouve dans une situation irrémédiablement compromise caractérisée par l'impossibilité manifeste de mettre en oeuvre des mesures de traitement mentionnées au premier alinéa, la commission peut notamment imposer un rétablissement personnel sans liquidation judiciaire si elle constate que le débiteur ne possède que des biens meublants nécessaires à la vie courante et des biens non professionnels indispensables à l'exercice de son activité professionnelle, ou que l'actif n'est constitué que de biens dépourvus de valeur marchande ou dont les frais de vente seraient manifestement disproportionnés au regard de leur valeur vénale.
La situation irrémédiablement compromise implique qu'il n'existe aucune possibilité de retour à meilleure fortune dans un avenir proche. Elle s'apprécie par rapport aux revenus, à la capacité de remboursement et à la situation personnelle du débiteur.
En l'espèce, Mme [I] est âgée de 49 ans. Elle n'a plus d'emploi depuis 2018. Elle a deux jeunes enfants à charge âgés de 8 et bientôt 11 ans. Elle ne justifie pas d'une formation ou de compétences professionnelles particulières.
Elle perçoit des prestations sociales et une pension alimentaire, le tout pour un montant mensuel de 1 145 euros.
Les charges mensuelles ont été évaluées par la commission à 1 940 euros comprenant le forfait de base pour 3 personnes, le forfait habitation, le forfait chauffage, le loyer et la taxe d'habitation.
Aucune des pièces versées au débat par son conseil ne permet de retenir des sommes différentes.
Son endettement s'élève à la somme de 6 704,38 euros, la dette la plus importante étant celle envers la [13].
Il ressort de ces éléments que Mme [I] ne dispose actuellement d'aucune capacité de remboursement et que, même si elle accédait de nouveau à un emploi, en l'absence de qualification, celui-ci ne lui procurerait pas un revenu lui permettant de dégager une capacité de remboursement.
Dans ces circonstances, il convient de conclure que la situation de l'intéressée est irrémédiablement compromise, ce qui justifie le prononcé d'un rétablissement personnel sans liquidation judiciaire, ainsi que l'avait décidé la commission. Le jugement sera infirmé.
PAR CES MOTIFS :
La cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire et en dernier ressort, mis à la disposition des parties au greffe de la juridiction ;
Infirme le jugement en ce qu'il a écarté la créance de la [13] de la procédure de surendettement, constaté que la situation de Mme [T] [I] n'était pas irrémédiablement compromise et ordonné le renvoi du dossier à la commission de surendettement ;
Statuant à nouveau :
Dit que la [13] ne justifie pas de l'exclusion de sa créance de la procédure de surendettement;
Dit que la situation de Mme [T] [I] est irrémédiablement compromise ;
Prononce un rétablissement personnel sans liquidation judiciaire pour remédier à la situation de surendettement de Mme [T] [I] ;
Rappelle que le rétablissement personnel sans liquidation judiciaire entraîne l'effacement de toutes les dettes professionnelles et non professionnelles du débiteur arrêtées à la date de la décision de la commission (tableau annexé à l'arrêt) à l'exception des dettes mentionnées aux articles L.711-4 et L.711-5 et des dettes dont le montant a été payé au lieu et place du débiteur par la caution ou le co-obligé, personnes physiques ;
Dit que le greffe procédera aux mesures de publicité (destinées à permettre aux créanciers qui n'auraient pas été avisés des mesures de la commission, de former tierce opposition à l'encontre de la présente décision) en adressant un avis de l'arrêt au Bulletin Officiel des Annonces Civiles et Commerciales ;
Rappelle qu'en application de l'article L.752-3 du Code de la consommation, les personnes ayant bénéficié de la procédure de rétablissement personnel font l'objet, à ce titre, d'une inscription pour une période de cinq années au fichier national des incidents de paiement ;
Déboute la [13] de l'ensemble de ses demandes ;
Laisse les dépens à la charge de l'Etat.
Le greffierLa Présidente