31 MAI 2022
Arrêt n°
KV/SB/NS
Dossier N° RG 20/00313 - N° Portalis DBVU-V-B7E-FL2E
S.E.L.A.R.L
MJ DE L' ALLIER
/
[B] [S],
CPAM DE L' ALLIER, S.E.L.A.R.L. [9]
Arrêt rendu ce TRENTE ET UN MAI DEUX MILLE VINGT DEUX par la QUATRIEME CHAMBRE CIVILE (SOCIALE) de la Cour d'Appel de RIOM, composée lors des débats et du délibéré de :
Mme Karine VALLEE, Président
Mme Claude VICARD, Conseiller
Mme Frédérique DALLE, Conseiller
En présence de Mme Séverine BOUDRY greffier lors des débats et du prononcé
ENTRE :
S.E.L.A.R.L. [12] représentée par Maître [J] [F] pris en sa qualité de mandataire liquidateur de la Société [10]
[Adresse 3]
[Localité 2]
Représentée par Me Véronique SOUEF, avocat au barreau de MONTLUCON
APPELANTE
ET :
Mme [B] [S]
[Adresse 4]
[Localité 2]
Représentée par Me Anicet LECATRE, avocat au barreau de MOULINS
Organisme CPAM DE L' ALLIER
[Adresse 8]
[Localité 1]
Représentée par Me Thomas FAGEOLE suppléant Me Valérie BARDIN-FOURNAIRON de la SAS HDV AVOCATS, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND
S.E.L.A.R.L. [9] représentée par Maître [A] pris en sa qualité d'administateur judiciaire de la Société [10]
[Adresse 7]
[Localité 6]
Représentée par par Me Véronique SOUEF, avocat au barreau de MONTLUCON
INTIMEES
Après avoir entendu Mme VALLEE, Président en son rapport, les représentants des parties à l'audience publique du 28 Mars 2022, la Cour a mis l'affaire en délibéré, Madame le Président ayant indiqué aux parties que l'arrêt serait prononcé, ce jour, par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450 du code de procédure civile.
FAITS ET PROCÉDURE
Le 15 mars 2013, M. [I] [Z], employé par la SAS [10], a régularisé une déclaration de maladie professionnelle au titre d'une sclérodermie systémique progressive associée à une syndrome de [F].
Par jugement du tribunal de commerce de Montluçon du 19 avril 2013, la SAS [10] a été placée en liquidation judiciaire et le 6 juin 2013, M. [Z] a été licencié pour motif économique.
La CPAM de l'Allier a admis la prise en charge de la pathologie déclarée au titre de la législation sur les risques professionnels par décision du 29 août 2013.
Par lettre recommandée avec avis de réception expédiée le 4 novembre 2015, M. [Z] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de l'Allier d'une action en reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur.
Mme [B] [Z] née [S], agissant en sa qualité d'ayant droit, a poursuivi l'instance introduite à la suite du décès de M. [Z], son époux, survenu le 22 novembre 2018.
Par jugement en date du 1er octobre 2019, le pôle social du tribunal de grande instance de Moulins, auquel a été transféré sans formalités à compter du 1er janvier 2019 le contentieux relevant jusqu'à cette date de la compétence du tribunal des affaires de sécurité sociale de l'Allier, a :
- ordonné le rabat de l'ordonnance de clôture du 13 mai 2019 afin de prendre en compte les écritures récapitulatives de la SELARL [12] adressées au Pôle Social du tribunal de grande instance de MOULINS le 13 juin 2019.
- déclaré le recours de Mme [S] veuve [Z] recevable en la forme ;
- déclaré irrecevable l'intervention volontaire de Mme [Y] et rejeté par conséquent sa demande d'indemnisation ;
- dit que la maladie professionnelle de M. [Z] déclarée le 15 mars 2013 résulte d'une faute inexcusable de son employeur, la société [10] ;
- fixé au maximum légal la rente ou le capital perçue par Mme [S], veuve de M. [Z], en application des dispositions de l'article L.452-2 du code de la sécurité sociale, et condamné la CPAM de l'Allier à régler les sommes dues au titre des arrérages résultant de cette majoration ;
- ordonné une mesure d'expertise médicale sur pièces, confiée au docteur [N] [W] - CHU [11] - Service Santé au Travail - [Adresse 5] avec pour mission d'évaluer les préjudices causés par la maladie professionnelle :
- accordé à Mme [S] veuve [Z], agissant au titre de l'action successorale, une provision de 3.000 euros qui fera l'objet d'une avance de la part de la CPAM de l'Allier ;
- fixé le préjudice personnel indemnisable de Mme [S] veuve [Z] résultant de la faute inexcusable de la société [10] comme suit :
* indemnisation du préjudice moral : 30 000 euros ;
- rejeté la demande d'indemnisation autonome au titre de l'aggravation du devoir de secours et d'assistance ;
- déclaré le jugement commun à la CPAM de l'Allier et renvoyé Mme [S] veuve [Z] devant cette caisse pour la liquidation de ses droits personnels ainsi que dans le cadre de son exercice de l'action successorale ;
- dit que la CPAM de l' Allier est fondée à solliciter le remboursement de l'ensemble des sommes avancées par elle au titre de l'expertise et au titre de la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur auprès de la société [10], prise en la personne de son liquidateur, et dit que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter du jour du paiement à Mme [S] veuve [Z];
- condamné la société [10], prise en la personne de son liquidateur, à régler à Mme [S] veuve [Z] une somme de 800 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;
- condamné la société [10], prise en la personne de son liquidateur, aux dépens de l'instance.
Par déclaration reçue au greffe de la cour le 25 octobre 2019, la société [12], prise en sa qualité de mandataire liquidateur de la société [10], a interjeté appel de ce jugement notifié à sa personne le 14 octobre 2019 en ce qu'il a dit que la CPAM de l'Allier est fondée à solliciter le remboursement de l'ensemble des sommes avancées par elle au titre de l'expertise et au titre de la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur, pris en la personne de son liquidateur, et dit que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter du jour du paiement des dites sommes à Mme [S] veuve [Z].
Par jugement rectificatif d'erreur matérielle rendu le 15 novembre 2019, le pôle social du tribunal de grande instance de Moulins a :
- rectifié le jugement du pôle social du tribunal de grande instance de Moulins en date du 1er octobre 2019 en ce qu'il convient d'ajouter les éléments suivants du dispositif de la décision :
- ' ACCORDE à Madame [B] [S] veuve [Z], agissant au titre de l'action successorale, le bénéfice de l'indemnité forfaitaire prévue par les dispositions de l'article L.452-3 du code de la sécurité sociale'.
- dit que les autres dispositions du jugement du 1er octobre 2019 précité demeurent inchangées ;
- rappelé que si la décision rectifiée est passée en force de chose jugée, la décision rectificative ne peut être attaquée que par la voie du recours en cassation.
Par ordonnance du 11 février 2020 , la radiation de l'instance d'appel du rang des affaires en cours a été ordonnée.
L'affaire a été réinscrite le 17 février 2020 à l'initiative de Mme [S] veuve [Z].
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Par leurs dernières écritures déposées au greffe le 28 mars 2022 et oralement soutenues à l'audience, la SELARL [12], liquidateur judiciaire de la société [10] et la SELARL [9], administrateur judiciaire de la même société, demandent à la cour de :
- déclarer la CPAM de l'Allier forclose en sa demande tendant à se voir rembourser l'ensemble des sommes avancées par elle au titre de l'expertise et au titre de la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur pris en la personne de son liquidateur avec intérêts au taux légal à compter du jour du paiement desdites sommes à Mme [S] veuve [Z] ;
- par suite, la débouter de cette demande ;
- déclarer opposable et commun à Mme [S] veuve [Z] l'arrêt à intervenir ;
- débouter Mme [S] veuve [Z] de l'ensemble de ses demandes ou conclusions ;
- débouter Mme [S] veuve [Z] de l'intégralité de ses prétentions, fins et conclusions dirigées contre elle ;
- condamner la CPAM de l'Allier, outre aux entiers dépens, à lui payer la somme de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Elles estiment que faute d'avoir déclaré sa créance à la liquidation judiciaire dans le délai de deux mois, la CPAM de l'Allier est forclose en sa demande visant à obtenir, de la part de la liquidation judiciaire, le remboursement des sommes qu'elle a avancées au profit de Mme [S] veuve [Z].
Par ses dernières écritures déposées le 28 mars 2022 et oralement soutenues à l'audience, Mme [S] veuve [Z] demande à la cour de :
- ordonner la réinscription au rôle de l'affaire ;
- confirmer le jugement dont appel ;
- recevoir et déclarée fondée sa demande de dommages et intérêts pour appel et résistance abusifs ;
- y ajoutant, condamner solidairement Me [F] ès-qualité et la CPAM de l'Allier à lui payer la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts ;
- y ajoutant, faire droit à l'omission de statuer et ordonner le versement de l'indemnité forfaitaire de l'article L452-3 du code de la sécurité sociale pour un montant de 22.441,89 euros ;
- condamner solidairement Me [F] és-qualité et la CPAM de l'Allier à lui payer la somme de 1.440 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'en tous les dépens.
Mme [S] veuve [Z] soutient que le recours de la société [12], ne repose sur aucun motif sérieux, preuve en étant que celle-ci n'a pas conclu dans le délai des articles 381 et 383 du code de procédure civile, de sorte qu'une ordonnance de radiation de son appel a été rendue le 11 février 2020. Elle ajoute que la CPAM de l'Allier, tirant intérêt dilatoire de l'appel interjeté par la SELARL [12], s'est abusivement abstenue de lui verser les sommes allouées par les premiers juges.
Par ses dernières écritures déposées le 28 mars 2022 et oralement soutenues à l'audience, la CPAM de l'Allier demande à la cour de :
- dire qu'elle est fondée à solliciter le remboursement de l'ensemble des sommes avancées par elle au titre de l'expertise auprès de la société [10] et le cas échéant auprès de ses liquidateurs ;
- dire qu'elle est fondée à solliciter le remboursement de l'ensemble des sommes avancées par elle au titre de la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur, tant au titre des préjudices que de la majoration de rente, auprès de la société [10] et le cas échéant auprès de ses liquidateurs ;
- dire qu'elle est recevable à ce que l'ensemble des sommes versées par elle, tant au titre de l'expertise qu'au titre des sommes allouées au titre la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur, portent intérêts au taux légal à compter du jour du versement des sommes allouées ;
- rejeter la demande de dommages et intérêts formée à son encontre ;
- rejeter la demande d'article 700 du code de procédure civile dirigée contre elle.
Par une note en délibéré datée du 31 mai 2022 et notifiée le 1er avril 2022 qu'elle a été autorisée à produire en application de l'article 445 du code de procédure civile, elle soutient l'irrecevabilité, et en tout état de cause, le mal fondé de la demande tendant à la voir déclarer forclose en l'exercice de son action récursoire à l'encontre de la procédure collective de la société [10].
Conformément aux dispositions légales, la CPAM de l'Allier s'estime fondée à solliciter auprès de la société [10], prise en la personne de son liquidateur, le remboursement des frais d'expertise, de réparation de préjudices et de majoration de la rente, qu'elle serait susceptible d'exposer dans le cadre du litige.
Concernant la demande en dommages et intérêts formée par Mme [S] veuve [Z], elle soutient qu'elle n'avait pas à procéder à l'exécution à titre provisoire de la décision rendue par le pôle social du tribunal de grande instance de Moulins le 1er octobre 2019. Dès lors, elle considère n'avoir commis aucun manquement justifiant le versement de dommages et intérêts.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions susvisées des parties, oralement soutenues à l'audience, pour un plus ample exposé de leurs moyens.
MOTIFS
- Sur la forclusion de la demande de remboursement des sommes avancées par la CPAM de l'Allier :
Selon l'article L622-24 du code de commerce, à partir de la publication du jugement, tous les créanciers dont la créance est née antérieurement au jugement d'ouverture, à l'exception des salariés, adressent la déclaration de leurs créances au mandataire judiciaire dans des délais fixés par décret en Conseil d'Etat.
L'article L622-26 du même code, dans sa rédaction applicable au litige, prévoit qu' 'à défaut de déclaration dans les délais prévus à l'article L. 622-24, les créanciers ne sont pas admis dans les répartitions et les dividendes à moins que le juge-commissaire ne les relève de leur forclusion s'ils établissent que leur défaillance n'est pas due à leur fait ou qu'elle est due à une omission volontaire du débiteur lors de l'établissement de la liste prévue au deuxième alinéa de l'article L. 622-6.'
En vertu des articles L452-2 alinéa 6, L452-3 et L452-3-1 du code de la sécurité sociale, quelles que soient les conditions d'information de l'employeur par la caisse au cours de la procédure d'admission du caractère professionnel de la maladie, la reconnaissance de sa faute inexcusable par une décision passée en force de chose jugée emporte l'obligation pour celui-ci de rembourser à la caisse les sommes dont elle aura fait l'avance au titre des frais de l'expertise ordonnée en vue de l'évaluation des chefs de préjudice subis par la victime, de la majoration de rente et de l'indemnisation des préjudices non couverts par le livre IV du même code.
En l'espèce, faisant application des dispositions des articles précités du code de la sécurité sociale, la CPAM de l' Allier entend obtenir confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a reconnu son droit à solliciter le remboursement de l'ensemble des sommes avancées par elle au titre de l'expertise et de la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur auprès de la société [10], prise en la personne de son liquidateur, et dit que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter du jour de leur paiement à Mme [S] veuve [Z].
Par sa note en délibéré communiquée sur autorisation du président d'audience, la CPAM de l'Allier soutient l'irrecevabilité de la prétention visant à la voir déclarer forclose en sa demande de remboursement des sommes avancées par elle au titre de l'expertise et de la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur, au motif que cette demande n'a pas été préalablement formée devant les premiers juges.
Il ressort effectivement du jugement entrepris qu'en première instance, la forclusion n'avait pas été soulevée.
L'article 564 du code de procédure civile prévoit qu'à peine d'irrecevabilité les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenue ou de la révélation d'un fait.
Il résulte de ce texte que la demande qui tend à faire écarter une prétention adverse est recevable en cause d'appel quand bien même elle n'a pas été présentée au premier juge.
En l'espèce, la demande tendant à voir déclarer forclose l'action de la caisse dirigée contre la procédure collective de société [10] s'analyse plus justement comme une exception destinée à faire écarter la prétention adverse soumise par la CPAM de l'Allier et n'encourt donc pas l'irrecevabilité.
Sur le fond, il y a lieu de rappeler que depuis l'entrée en vigueur de la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises, l' absence de déclaration de la créance n'emporte plus son extinction, mais seulement son inopposabilité à la procédure collective du débiteur.
Il s'ensuit que, d'une part, l'irrecevabilité pour cause de forclusion de la demande en remboursement présentée par la caisse de sécurité sociale sera rejetée et que d'autre part, la chambre sociale de la cour d'appel, qui n'est pas compétente pour connaître de l'opposabilité de la créance invoquée par la caisse à l'égard de la procédure collective de l'employeur, se limitera à dire que les sommes dues à Mme [S] veuve [Z] en application de la législation de sécurité sociale seront avancées par la CPAM de l'Allier, qui sous réserve des règles et modalités prévues par le code de commerce applicables à la procédure collective de la société [10], pourra en récupéra le montant auprès de la SELARL [12].
Les dispositions du jugement entrepris statuant sur l'action récursoire dont dispose la CPAM de l'Allier vis à vis du liquidateur judiciaire de la société [10] seront confirmées, sauf à préciser que ce droit ne pourra s'exercer que sous réserve des règles et modalités prévues au code de commerce applicables à la liquidation judiciaire dont ladite société fait l'objet.
- Sur l'omission de statuer sur l'indemnité forfaitaire de l'article L452-3 du code de la sécurité sociale :
Par déclaration en date du 25 octobre 2019, la SELARL [12] a interjeté appel partiel du jugement rendu le 1er octobre 2019, limité à la disposition par laquelle il a dit que la CPAM de l'Allier est fondée à solliciter le remboursement de l'ensemble des sommes avancées par elle au titre de l'expertise et de la faute inexcusable de l'employeur auprès de la société [10], prise en la personne de son liquidateur judiciaire, et dit que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter du jour de leur paiement à Mme [S] veuve [Z].
Le 5 novembre 2019, Mme [S] veuve [Z] a déposé devant le pôle social du tribunal de grande instance de Moulins une requête tendant à réparer l'omission de statuer sur sa demande de versement de l'indemnité forfaitaire au titre de l'action successorale.
Par un jugement rectificatif en date du 15 novembre 2019, le pôle social du tribunal de grande instance de Moulins a fait droit à la requête et rectifié son jugement du 1er octobre 2019 en ajoutant à son dispositif que le bénéfice de l'indemnité forfaitaire de l'article L452-3 du code de la sécurité sociale est accordé à Mme [S] veuve [Z] agissant au titre de l'action successorale.
Il résulte de l'article 562 du code de procédure civile que l'effet dévolutif de l'appel principal formé par la SELARL [12], qui ne tend pas à l'annulation du jugement ni ne porte sur un litige à l'objet indivisible, est limité au seul chef critiqué du jugement déféré.
Cependant, par des conclusions oralement reprises à l'audience, Mme [S] veuve [Z] entend obtenir réparation de ce qu'elle qualifie d'omission de statuer sur sa demande tendant à voir ordonner le versement de l'indemnité forfaitaire de l'article L452-3 du code de la sécurité sociale au titre de l'action successorale.
Alors que les motifs du jugement critiqué mentionnent très clairement qu'il doit être fait droit à cette prétention, le dispositif ne statue pas sur celle-ci, en conséquence de quoi il doit être considéré que l'omission ainsi constatée revêt un caractère purement matériel.
L'article 462 du code de procédure civile conséquemment applicable dispose que les erreurs et omissions matérielles qui affectent un jugement, même passé en force de chose jugée, peuvent toujours être réparées par la juridiction qui l'a rendu ou par celle à laquelle il est déféré.
Le jugement de première instance argué d'erreur ayant été déféré à la cour, ne serait ce que pour partie seulement, l'omission matérielle de statuer doit, nonobstant le jugement rectificatif déjà rendu en ce sens par le pôle social du tribunal de grande instance, être corrigée par la juridiction du second degré saisie du recours, qui détient seule le pouvoir de le rectifier à compter de l'inscription de l'appel au rôle de la cour.
Sur le fond, il apparaît que les premiers juges ont très clairement fait droit à la demande de Mme [S] veuve [Z], agissant au titre de l'action successorale, de se voir attribuer le bénéfice de l'indemnité forfaitaire prévue par l'article L452-3 du code de la sécurité sociale, ce dont il résulte qu'il convient, ajoutant au jugement frappé d'appel, d'ordonner le versement à son profit de cette indemnité forfaitaire, sans toutefois qu'il soit fixé de montant, les premiers juges ne s'étant pas prononcés sur ce point.
- Sur la demande de dommages et intérêts formée par Mme [S] veuve [Z] :
Il résulte de l'article 539 du code de procédure civile que l'appel formé contre un jugement de première instance est suspensif d'exécution, sauf s'il est assorti de l'exécution provisoire ordonnée par les premiers juges ou en bénéficie de plein droit.
En l'espèce, le jugement prononcé par le pôle social du tribunal de grande instance de Moulins n'est pas revêtu de l'exécution provisoire de droit et n'a pas ordonné l'exécution provisoire de ses dispositions.
Pour autant, la CPAM de l'Allier est mal fondée à arguer de l'absence de caractère exécutoire du jugement entrepris au motif qu'il aurait été frappé d'appel dans le délai de recours, alors que l'appel interjeté par la SELARL [12], limité aux rapports entre la caisse et l'employeur, ne pouvait avoir aucune incidence sur les droits ouverts par la décision au profit de Mme [S] veuve [Z] en son nom personnel et au titre de l'action successorale.
C'est par conséquent dès l'échéance du délai d'un mois suivant la notification du jugement que la CPAM de l'Allier aurait dû exécuter les dispositions en faveur de Mme [S] veuve [Z].
S'étant abstenue de procéder à cette exécution, il ne peut qu'être constaté de la part de la caisse de sécurité sociale un manquement à son obligation de diligence.
Toutefois, il résulte de l'article 1240 du code civil, sur lequel Mme [S] veuve [Z] fonde sa demande, que son indemnisation à ce titre est subordonnée à la démonstration d'un préjudice consécutif.
Or en l'espèce, Mme [S] veuve [Z] échoue à rapporter la preuve qu'elle a subi un préjudice corrélatif à ce retard fautif de la caisse dans l'exécution de ses obligations, distinct de celui qui sera réparé par l'allocation d'intérêts moratoires.
Sa demande indemnitaire dirigée contre la CPAM de l'Allier sera donc rejetée.
S'agissant de la demande en dommages et intérêts formée à l'encontre de la SELARL [12], Mme [S] veuve [Z] allègue du caractère abusif de l'appel interjeté.
Sa position ne peut être validée alors que la SELARL [12] n'a fait qu'user de son droit de former appel d'un chef de jugement afférent exclusivement à ses rapports avec la CPAM de l'ALLIER, indépendants de ceux qui existent entre l'épouse de la victime décédée et cette caisse.
Aucun abus dans l'exercice du droit d'appel ne pouvant dès lors être caractérisé au préjudice de Mme [S] veuve [Z], la demande indemnitaire que celle-ci formule à l'encontre du liquidateur judiciaire de la société [10] sera rejetée.
- Sur les demandes accessoires :
Mme [S] veuve [Z] étant partie à l'instance d'appel, il n'y a pas lieu, par une disposition spéciale, de lui déclarer le présent arrêt commun et opposable, cet effet étant déjà attaché par l'effet de la loi à la décision de justice rendue par la cour.
Il n'y a pas lieu non plus de statuer sur la demande, devenue sans objet, de réinscription au rôle de l'affaire, cette réinscription ayant eu lieu dès réception des conclusions de Mme [S] veuve [Z].
La SELARL [12], es qualité de liquidateur judiciaire de la société [10], sera condamnée aux dépens d'appel, ce qui exclut qu'il soit fait droit à la demande qu'elle présente au titre des frais irrépétibles. Elle sera en revanche dispensée de verser à Mme [S] veuve [Z] une indemnité fondée sur le dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, cette dernière étant également déboutée de la demande à ce titre dirigée contre la CPAM de l'Allier.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi,
- Déclare recevable la demande de la CPAM de l'Allier tendant à voir juger qu'elle est fondée à obtenir de la SELARL [12], prise en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société [10], le remboursement des sommes qu'elle aura avancées au titre de l'expertise judiciaire et de la reconnaissance de la faute inexcusable de la société [10] ;
- Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a dit que la CPAM de l'Allier est fondée à solliciter le remboursement de l'ensemble des sommes avancées par elle au titre de l'expertise et au titre de la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur auprès de la société [10], prise en la personne de son liquidateur, et dit que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter du paiement des dites sommes à Mme [B] [S] veuve [Z], sauf à préciser que ce droit à remboursement ne pourra s'exercer que sous réserve des règles et modalités prévues par le code de commerce applicables à la liquidation judiciaire dont ladite société fait l'objet ;
Y ajoutant,
- Ordonne le versement à Mme [B] [S] veuve [Z], agissant au titre de l'action successorale, de l'indemnité forfaitaire prévue à l'article L452-3 du code de la sécurité sociale ;
- Déboute Mme [B] [S] veuve [Z] de sa demande en dommages et intérêts dirigée solidairement contre la CPAM de l'Allier et la SELARL [12] ;
- Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamne la SELARL [12], es-qualité de liquidateur judiciaire de la société [10], aux dépens d'appel ;
- Déboute les parties de leur demandes plus amples ou contraires.
Ainsi fait et prononcé lesdits jour, mois et an.
Le Greffier, Le Président,
S. BOUDRY K. VALLEE