31 MAI 2022
Arrêt n°
FD/SB/NS
Dossier N° RG 20/00367 - N° Portalis DBVU-V-B7E-FL6G
[E] [U]
/
S.A.R.L. ALUTEC MENUISERIES
Arrêt rendu ce TRENTE ET UN MAI DEUX MILLE VINGT DEUX par la QUATRIEME CHAMBRE CIVILE (SOCIALE) de la Cour d'Appel de RIOM, composée lors des débats et du délibéré de :
Mme Karine VALLEE, Président
Mme Claude VICARD, Conseiller
Mme Frédérique DALLE, Conseiller
En présence de Mme Séverine BOUDRY greffier lors des débats et du prononcé
ENTRE :
M. [E] [U]
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représenté par Me Frédérik DUPLESSIS, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND
APPELANT
ET :
S.A.R.L. ALUTEC MENUISERIES prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Carole VIGIER de la SCP SAGON, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND
INTIMEE
Après avoir entendu , Mme DALLE, Conseiller en son rapport, les représentants des parties à l'audience publique du 28 Mars 2022, la Cour a mis l'affaire en délibéré, Madame le Président ayant indiqué aux parties que l'arrêt serait prononcé, ce jour, par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450 du code de procédure civile.
FAITS ET PROCÉDURE
Monsieur [E] [U] a été embauché en qualité de chauffeur livreur par la SARL ALUTEC MENUISERIES le 3 septembre 2007 en contrat à durée indéterminée. Le 1er avril 2010, il est devenu responsable logistique.
Le 4 juin 2013, Monsieur [U] a été victime d'un accident du travail. Il a été placé en arrêt de travail jusqu'au 28 février 2014 puis de nouveau en arrêt pour accident du travail le 13 avril 2015. Il a repris son poste de responsable logistique le 14 septembre 2015. Lors de sa visite de reprise le 17 septembre 2015, le médecin du travail 1'a déclaré apte à la reprise au poste de responsable logistique avec des préconisations d'aménagement.
Le 10 octobre 2015, Monsieur [U] a de nouveau été placé en arrêt de travail en rechute d'accident du travail.
Lors de la visite de reprise du 10 janvier 2017, le médecin du travail l'a déclaré «inapte définitif à son poste de travail, une seule visite est nécessaire, article R. 4624-31 du code du travail (le maintien du salarie ci son poste entraîne un danger immédiat pour sa santé). Ne peut occuper qu'un emploi sans efforts physiques importants ni port de charges lourdes supérieures à 10kg'. Cet avis indiquait que le poste occupé par Monsieur [U] était celui de chauffeur livreur et non de responsable logistique.
La société ALUTEC MENUISERIES a écrit à Monsieur [U] lui confirmant que conformément à l'avis et aux restrictions médicales antérieurs, il pouvait occuper le poste de responsable logistique.
Le 13 février 2017, suite à une nouvelle convocation, le médecin du travail a confirmé l'aptitude de Monsieur [U] au poste de responsable logistique.
Le 17 février 2017, Monsieur [U] a écrit à l'employeur et lui a indiqué qu'íl refusait la proposition de reclassement au poste de responsable logistique proposé par le Docteur [K] en 2015.
Le 24 février 2017, la société ALUTEC MENUISERIES a mis en demeure Monsieur [U] de reprendre son poste de travail.
Le 7 mars 2017 la société ALUTEC MENUISERIES a convoqué Monsieur [U] à un entretien préalable pour le 20 mars 2017.
Le 16 mars 2017, Monsieur [U], par l'intermédiaire de son avocat, a indiqué à son employeur être en attente de proposition de reclassement dans le cadre de la procédure de licenciement en cours précisant ne pas être démissionnaire.
Le 5 avril 2017, Monsieur [U] a été licencié pour faute grave.
Par requête en date du 20 avril 2017, Monsieur [U] a saisi le conseil de prud'hommes de CLERMONT-FERRAND d`une demande en contestation de son licenciement ainsi que des demandes de nature indemnitaire et salariale.
Par jugement du 25 janvier 2018, le Conseil de prud'hommes a débouté Monsieur [U] de l'ensemble de ses demandes en ces termes :
- Déboute M. [U] de l'intégralité de ses demandes ;
- Déboute la société ALUTEC .MENUISERIES de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamne M. [U] aux dépens.
Monsieur [U] a relevé appel de cette décision.
Le 16 octobre 2018, une ordonnance de caducité a été rendue par la cour d`appel de RIOM.
Le 2 avril 2019, Monsieur [U] a déposé une requête en omission de statuer devant le conseil de prud'hommes de CLERMONT-FERRAND, estimant que le dispositif du jugement rendu le 21 janvier 2018 était incomplet et ne tranchait pas le litige. Il a demandé ainsi au conseil de prud'hommes de CLERMONT-FERRAND de compléter ledit jugement et notamment de voir juger son licenciement nul outre obtenir diverses sommes à titre indemnitaire et de rappel de salaires.
Par jugement contradictoire en date du 23 janvier 2020 (audience du 10 octobre 2019), le conseil de prud'hommes de CLERMONT-FERRAND a :
- dit et jugé que la demande en omission de statuer a été introduite par Monsieur [U] dans les délais pour agir ;
- dit et jugé que le dispositif du jugement rendu par le Conseil de prud'hommes de CLERMONT-FERRAND le 25 janvier 2018 est suffisamment précis et ne fonde donc pas une requête en omission de statuer;
- dit et jugé que la demande en omission de statuer Monsieur [U] est irrecevable ;
- dit qu'i1 n'y a par conséquent pas lieu d'examiner les autres prétentions de Monsieur [U] ;
- débouté les parties de leur demande d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné Monsieur [U] aux dépens.
Le 24 février 2020, Monsieur [U] a interjeté appel de ce jugement qui lui a été notifié à sa personne le 27 janvier2020.
Vu les conclusions notifiées à la cour le 14 mars 2022 par Monsieur [U],
Vu les conclusions notifiées à la cour le 15 mars 2022 par la société ALUTEC MENUISERIES,
Vu l'ordonnance d'incident du 22 mars 2022 fixant la clôture de l'instruction au 22 mars 2022.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Dans ses dernières écritures, Monsieur [U] demande à la cour de :
- dire que la demande d'omission de statuer de Monsieur [U] était recevable et bien fondée ;
- réformer le jugement dont appel ;
- constater que le dispositif du jugement rendu par le Conseil de prud'hommes de CLERMONT-FERRAND le 21 janvier 2018 ne tranche pas le litige ;
- Par conséquent, statuer à nouveau :
- condamner la société ALUTEC MENUISERIES à payer à Monsieur [U] les sommes suivantes :
* 2.788,70 euros au titre du salaire dû suivant le 1er mois suivant l'avis d'inaptitude constaté le 10 janvier 2017 ;
* 500 euros à titre de dommages intérêts pour le non-paiement du salaire ;
- constater que le licenciement est nul et à tout le moins sans cause réelle ni sérieuse ;
En conséquence,
- condamner la société ALUTEC MENUISERIES à indemniser Monsieur [U] soit les sommes suivante :
* indemnité de licenciement : 5.677 euros ;
* indemnité de préavis : 2.987,90 euros ;
* indemnité compensatrice de congés payés sur préavis (10%): 298,79 euros ;
* dommages intérêts pour rupture illicite : 20.000 euros ;
- condamner la société ALUTEC MENUISERIES à payer à Monsieur [U] la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 CPC ainsi qu'aux entiers dépens ;
- dire que les sommes porteront intérêts au taux légal avec capitalisation à compter de la demande pour les sommes à caractère de salaire, à compter de la décision pour les sommes à caractère indemnitaire.
- prononcer l'exécution provisoire de la décision à intervenir pour les condamnations qui ne le seraient pas de plein droit.
Monsieur [U] soutient tout d'abord que sa requête en omission est recevable et bien fondée, car le jugement du conseil de prud'hommes contenait un dispositif insuffisant et qui ne tranchait pas le litige.
Monsieur [U] estime ensuite que l'avis d'inaptitude du 10 janvier 2017 est valide et s'impose aux parties. Il mentionne notamment le fait qu'aucune contestation de l`avis d'inaptitude n'a été formée dans les 15 jours suivant son émission.
Il conteste donc la décision rendue au fond par le conseil de prud'hommes en date du 25 janvier 2018 qui n'applique pas l'avis définitif d'inaptitude du 10 janvier 2017 et qu'il qualifie de nul.
Or, Monsieur [U] soutient que pour annuler un avis d'inaptitude cela ne peut se faire qu'en la forme d'un référé et dans le délai de 15 jours. Par ailleurs, aucun texte ne prévoit la nullité de 1'avis d'inaptitude. Enfin, le fait que l'avis médical n'indique pas le poste réellement occupé par le salarié s'analyse selon ce dernier comme une erreur de qualification du poste occupé qui n'est pas une cause d'irrégularité en l'absence de recours dans le délai de 15 jours. Par conséquent, il en déduit que la cour doit statuer sur ses demandes suite à son inaptitude d'origine professionnelle déclarée le 10 janvier 2017.
Monsieur [U] estime ensuite que la reprise du versement de son salaire est due à compter du 10 février 2017 dans le cadre de la procédure d'inaptitude. Il conteste ainsi s'être vu déduire des congés payés alors qu'il n'était pas en congés payés et avoir été considéré en absence injustifiée. Il demande ainsi une somme au titre du maintien de salaire.
Monsieur [U] sollicite la condamnation de la société ALUTEC MENUISERIES à lui verser une somme à titre de dommages et intérêts pour non-paiement du salaire. Il affirme justifier d'un préjudice en ce qu'il a subi des difficultés financières du 10 janvier 2017 au 6 avril 2017.
Monsieur [U] estime que l`employeur n`a pas respecté la procédure suite à l'avis d'inaptitude et qu'il ne pouvait le considérer en absence injustifiée puisqu'il était dans l'attente de propositions de reclassement. Par conséquent, selon lui il n'y a pas de faute à l'appui du licenciement. Il soutient que le licenciement n'était motivé que par son état de santé, dès lors ce licenciement est nul. Par ailleurs, l'employeur n'a réalisé aucune recherche sérieuse de reclassement. Par conséquent, Monsieur [U] demande à la cour de condamner la société ALUTEC MENUISERIES à lui payer le préavis de deux mois, une indemnité de licenciement doublée et des dommages et intérêts.
Monsieur [U] sollicite enfin une somme au titre de ses frais d'avocats, du temps consacré aux rendez-vous ainsi que le temps passé en audience qui sont autant de critères d'indemnisation.
Dans ses dernières écritures, la société ALUTEC MENUISERIES conclut à la confirmation du jugement en toutes ses dispositions et demande à la cour, y ajoutant, de :
A titre principal,
- dire et juger la requête en omission de statuer de Monsieur [U] irrecevable ;
- la dire et juger en tout état de cause mal fondée et débouter Monsieur [U] de l'ensemble de ses demandes ;
A titre subsidiaire,
- débouter Monsieur [U] de sa demande de dommages et intérêts ;
- condamner Monsieur [U] à payer la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- condamner Monsieur [U] aux entiers dépens.
La société ALUTEC MENUISERIES soutient tout d'abord que la demande en omission de statuer soulevée par Monsieur [U] est irrecevable car hors délai et pour avoir été présentée postérieurement à la déclaration d'appel et au dessaisissement de la cour.
A titre subsidiaire, la société ALUTEX MENUISERIES affirme que le conseil de prud'hommes a bien statué sur l'intégralité des demandes de Monsieur [U] et que le jugement est parfaitement motivé. Elle ajoute que le salarié entend porter une requête en omission de statuer alors qu'il vise essentiellement à contourner la caducité de son appel, et que toutes ses demandes n'ont pour seul but que d'ajouter une disposition nouvelle à la décision initiale et d'en modifier l'étendue puisque dans ses conclusions, c'est un réexamen total et complet du dossier qu'il requiert. Elle ajoute que Monsieur [U] formule en outre une demande nouvelle s'agissant de la nullité du licenciement. Or, elle fait valoir que la décision du conseil de prud'hommes a autorité de la chose jugée. Dès lors, elle conclut que la requête en omission de statuer est irrecevable et mal fondée pour n'être nullement une demande de rectification d'une omission de statuer.
A titre infiniment subsidiaire, sur le fond, la société ALUTEC MENUISERIES soutient que devant l'absence prolongée du salarié non justifiée, elle n'a eu d'autre choix que d'engager la procédure de licenciement pour faute grave. Relativement à la validité de l'avis d'inaptitude daté du 10 janvier 20l7 la société ALUTEC MENUISERIES considère que le premier avis rendu était de nul effet puisqu' il concernait un poste non occupé. Elle ajoute que cet avis a été rendu sans étude de poste ni entretien avec l'employeur et a été sur la base d'une disposition qui n'est plus applicable, à savoir pour danger immédiat. L'employeur soutient que le médecin lui-même était revenu sur l'avis d'inaptitude rendu constatant les irrégularités. Le second avis rectificatif du 13 février 2017 n'a pas été contesté par le salarié.
En conséquence, l'employeur estime qu'il n'avait pas à enclencher une procédure de reclassement et que face aux absences injustifiées de Monsieur [U], mis en demeure de reprendre son poste de travail, elle n'avait d'autre choix que de le licencier pour faute grave. Il en déduit que le salarié sera débouté de toutes ses demandes à ce titre.
La société ALUTEC MENUISERIES soutient, à titre infiniment subsidiaire, que Monsieur [U] sera débouté de sa demande indemnitaire, celui-ci ne versant aucun élément permettant de prouver son préjudice financier.
La société ALUTEC MENUISERIES sollicite enfin l'allocation d'une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Pour plus ample relation des faits, de la procédure, des prétentions, moyens et arguments des parties, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il y a lieu de se référer à la décision attaquée et aux dernières conclusions régulièrement notifiées et visées.
MOTIFS
- Sur la requête en omission de statuer -
Aux termes de l'article 463 du code de procédure civile : 'La juridiction qui a omis de statuer sur un chef de demande peut également compléter son jugement sans porter atteinte à la chose jugée quant aux autres chefs, sauf à rétablir, s'il y a lieu, le véritable exposé des prétentions respectives des parties et de leurs moyens. La demande doit être présentée un an au plus tard après que la décision est passée en force de chose jugée ou, en cas de pourvoi en cassation de ce chef, à compter de l'arrêt d'irrecevabilité. Le juge est saisi par simple requête de l'une des parties, ou par requête commune. Il statue après avoir entendu les parties ou celles-ci appelées. La décision est mentionnée sur la minute et sur les expéditions du jugement. Elle est notifiée comme le jugement et donne ouverture aux mêmes voies de recours que celui-ci.'
Il faut distinguer l'omission matérielle relevant de l'article 462 du code de procédure civile (pas de délai) de l'omission de statuer relevant de l'article 463 du code de procédure civile (délai d'un an). Il y aurait omission matérielle si le juge omet simplement de reprendre dans le dispositif une prétention sur laquelle il s'est prononcé dans les motifs. La véritable omission de statuer serait caractérisée si le juge n'a pas répondu à une demande, même dans les motifs.
La demande en réparation d'une omission de statuer présentée au-delà du délai d'un an après que la décision critiquée soit passée en force de chose jugée est irrecevable.
Le jugement qui, en dépit de la formule très générale du dispositif déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires, n'a pas statué sur le chef de demande relatif à la requête en réparation, dès lors qu'il ne résulte pas des motifs de la décision que le juge a examiné cette demande, participe d'une omission de statuer pouvant être réparée par la procédure prévue à l'article 463 du code de procédure civile.
La juridiction qui a omis de statuer sur un chef de demande ne peut admettre d'autres moyens que ceux contradictoirement débattus avant le prononcé de la décision visée par la requête en réparation de l'omission de statuer.
Les décisions rectificatives ont, quant aux voies de recours, les mêmes caractères et sont soumis aux mêmes règles que les décisions complétées. La décision rectificative s'incorpore à la décision qu'elle complète et ne peut, sauf s'il lui est reproché une violation ou une dénaturation de la chose précédemment jugée, faire l'objet d'une voie de recours séparée.
Par exception au principe de dessaisissement du juge, le code de procédure civile permet de saisir à nouveau le juge qui a rendu la décision en cas d'erreur, d'infra petita (omission de statuer), ou s'il y a nécessité d'interprétation.
Les dispositions des articles 461 à 463 du code de procédure civile ne constituent pas des voies de recours mais des exceptions au principe de dessaisissement du juge qui a rendu une décision.
Monsieur [U] soutient que sa requête en omission est recevable et bien fondée, car le jugement du conseil de prud'hommes en date du 25 janvier 2018 est insuffisant et ne tranche pas le litige.
La société ALUTEC MENUISERIES réplique que la demande en rectification d'erreur matérielle soulevée par Monsieur [U] est irrecevable car hors délai et pour avoir été présentée postérieurement à la déclaration d'appel et au dessaisissement de la cour.
A titre subsidiaire, la société ALUTEX MENUISERIES affirme que le conseil de prud'hommes a bien statué sur l'intégralité des demandes de Monsieur [U] et que le jugement du 25 janvier 2018 est parfaitement motivé. Elle ajoute que le salarié entend porter une requête en omission de statuer alors qu'il vise essentiellement à contourner la caducité de son appel, et que toutes ses demandes n'ont pour seul but que d'ajouter une disposition nouvelle à la décision initiale et d'en modifier l'étendue puisque dans ses conclusions, c'est un réexamen total et complet du dossier qu'il requiert. Elle ajoute que Monsieur [U] formule en outre une demande nouvelle s'agissant de la nullité du licenciement. Or, elle fait valoir que la décision du conseil de prud'hommes a autorité de la chose jugée. Dès lors, elle conclut que la requête en omission de statuer est
irrecevable et mal fondée pour n'être nullement une demande de rectification d'une omission de statuer.
- Sur la recevabilité de la requête -
Monsieur [U] fonde sa requête en omission de statuer sur les dispositions de l'article 463 du code de procédure civile.
En l'espèce, Monsieur [U] a interjeté appel le 12 février 2018 du jugement du conseil de prud'hommes en date du 25 janvier 2018.
Faute pour l'appelant d'avoir notifié ses conclusions dans le délai prévu à l'article 908 du code de procédure civile, la cour d'appel de RIOM a rendu le 16 octobre 2018 une ordonnance de caducité.
Le 2 avril 2019, Monsieur [U] a déposé une requête en omission de statuer devant le conseil de prud'hommes de CLERMONT-FERRAND.
Aux termes de l'alinéa 2 de l'article 463 du code de procédure civile, la requête en omission de statuer doit être présentée un an au plus tard après que la décision est passée en force de chose jugée ou, en cas de pourvoi en cassation de ce chef, à compter de l'arrêt d'irrecevabilité.
Aux termes de l'article 500 du code de procédure civile: 'A force de chose jugée le jugement qui n'est susceptible d'aucun recours suspensif d'exécution. Le jugement susceptible d'un tel recours acquiert la même force à l'expiration du délai du recours si ce dernier n'a pas été exercé dans le délai.'
Aux termes de l'article 539 du code de procédure civile: 'Le délai de recours par une voie ordinaire suspend l'exécution du jugement. Le recours dans le délai est également suspensif.'
L'appel interjeté par Monsieur [U] le 12 février 2018 constitue un recours par voie ordinaire qui a suspendu l'exécution du jugement du conseil de prud'hommes en date du 25 janvier 2018, ce jugement n'ayant acquis force de chose jugée que suite à l'ordonnance de caducité rendue par la cour d'appel de RIOM le 16 octobre 2018.
Monsieur [U] disposait dès lors d'un délai d'un an à compter de l'ordonnance de caducité rendue par la cour d'appel de RIOM pour présenter sa requête en omission de statuer.
L'ordonnance de caducité de la cour d'appel de RIOM étant en date du 16 octobre 2018 alors que Monsieur [U] a déposé sa requête en omission de statuer devant le conseil de prud'hommes de CLERMONT-FERRAND le 2 avril 2019, il échet de considérer que sa requête en omission de statuer est recevable.
- Sur le bien fondé de la requête -
Monsieur [U] fait valoir que le dispositif du jugement du conseil de prud'hommes en date du 25 janvier 2018 est insuffisant et ne tranche pas le litige.
En l'espèce, par requête en date du 20 avril 2017, Monsieur [U] a saisi le conseil de prud'hommes de CLERMONT-FERRAND d`une demande en contestation de son licenciement ainsi que des demandes de nature indemnitaire et salariale.
Le conseil de prud'hommes de CLERMONT-FERRAND, dans son jugement rendu en date du 25 janvier 2018, a résumé les moyens et prétentions présentés par Monsieur [U] comme suit:
'Monsieur [U] indique avoir été reçu par la médecine du travail le 10 janvier 2017 et déclaré inapte en une visite pour danger immédiat.
Il précise que la société n'a pas saisi la formation de référé du Conseil de prud'hommes dans le délai de 15 jours comme le prévoit l'article R. 4624-45 du code du travail.
Il estime que l'avis de la médecine du travail du 10 janvier 2017 s'impose de façon définitive. Il considère que l'argumentaire développé par la société sur le fait de l'erreur du poste occupé, à savoir chauffeur-livreur au lieu de responsable logistique, est non avenu compte tenu du fait que l'avis d'inaptitude n'a pas été contesté dans le délai des 15 jours.
Monsieur [U] trouve que la moralité du médecin du travail qui a procédé à un nouvel examen est critiquable puisque l'examen est illégal et sans fondement.
Il soutient que compte-tenu du fait qu'il a été déclaré inapte en une seule fois le10 janvier 2017 il est en droit de prétendre à la reprise du versement de son salaire dès le 10 février 2017 puisqu'il ne perçoit aucune rémunération.
Il ajoute que son bulletin de salaire de février 2017 est non conforme car il y est déduit des congés payés alors qu'il n'était pas en congés, étant en attente de reclassement.
Il indique qu'il est considéré en absence injustifiée du 6 février 2017 au 28 février 2017.
En conséquence, il demande au Conseil de condamner la société ALUTEC MENUISERIE au paiement des salaires de:
- Février: 995,96 € (2/3 du salaire mensuel)
- Mars: 1.493,95 €
- Avril: 298,80 € (6/30 du salaire mensuel)
Monsieur [U] ajoute qu'ayant subi un préjudice important en ne percevant plus de salaire, il est en droit de réclamer le versement de la somme de 500 € à titre de dommages et intérêts pour non-paiement de son salaire.
Il considère qu'en le licenciant pour faute grave le 6 avril 2017 au motif d'une absence injustifiée, l'employeur a fauté puisqu'un avis d'inaptitude en une fois et définitif lui avait été adressé.
Il estime qu'il n'y avait donc aucune absence injustifiée et de ce fait aucune faute grave.
Il ajoute que la société s'est mise en faute en ne réalisant pas de recherche sérieuse de reclassement en plus d'avoir instrumentalisé le médecin du travail pour se permettre de se dégager du paiement de son salaire passé le délai d'un mois.
En conséquence Monsieur [U] demande au Conseil de condamner la société ALUTEC MENUISERIES à lui payer les sommes de:
- 2.987,90 € à titre d'indemnité de préavis (2 mois) ;
- 5.677,00 € à titre d'indemnité de licenciement doublée ;
- 20.000 € à titre de dommages et intérêts.'
Il convient d'observer que les prétentions et les moyens ainsi développés dans le jugement du conseil de prud'homme sont identiques à ceux présentés à l'occasion des écritures de première instance de Monsieur [U] ainsi qu'à l'occasion de sa requête en omission de statuer.
Le conseil de prud'hommes de CLERMONT-FERRAND, dans son jugement rendu en date du 25 janvier 2018, a motivé ainsi sa décision:
'Il résulte des pièces du dossier que le premier avis du 10 janvier 2017 émis par le médecin du travail était nul et de nul effet puisqu'il concernait un poste non occupé par le salarié, l'avis étant rendu par application des anciennes dispositions du code du travail qui n'étaient plus applicables. C'est dans ce contexte qu'une deuxième visite a eu lieu auprès du médecin du travail qui a déclaré Monsieur [U] apte à son poste. Monsieur [U] ayant refusé de reprendre son poste pour lequel il a été déclaré apte et n'ayant fourni aucun arrêt de travail pour justifier de son absence, l'employeur n'avait pas d'autre solution que de tirer les conséquences de son absence en procédant à son licenciement, lequel repose sur une cause réelle et sérieuse étrangère à l'état de santé du salarié. En tout état de cause, le conseil considère qu'il ne peut être imputé une carence à l'encontre de la SARL ALUTEC MENUISERIE et que cette dernière n'est pas en faute.'.
Le conseil de prud'hommes a enfin débouté Monsieur [U] de ses demandes en ces termes :
'- Déboute M. [U] de l'intégralité de ses demandes ;
- Déboute la société ALUTEC MENUISERIES de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamne M. [U] aux dépens.'
Il résulte de ces éléments que les premiers juges ont considéré que le premier avis tendant à l'inaptitude du salarié était nul et de nul effet et ont retenu la validité du deuxième avis, celui-ci établissant l'aptitude du salarié. Ils ont également estimé que le licenciement du salarié reposait sur une cause réelle et sérieuse en raison de l'absence injustifiée du salarié. Dès lors, aux termes du dispositif du jugement, les premiers juges ont débouté Monsieur [E] [U] de l'intégralité de ses demandes, salariales et indemnitaires.
Les dispositions des articles 461 à 463 du code de procédure civile ne constituant pas des voies de recours mais des exceptions au principe de dessaisissement du juge qui a rendu une décision, il n'y a pas lieu de faire droit à la requête en omission de statuer, celle-ci n'étant pas fondée dans la mesure où le jugement du conseil de prud'hommes de CLERMONT-FERRAND en date du 25 janvier 2018 a motivé et tranché l'intégralité du litige soumis.
Le jugement déféré sera infirmé en ce qu'il a dit que la requête en omission de statuer de Monsieur [E] [U] est irrecevable et, statuant à nouveau, la cour dit que la requête en omission de statuer de Monsieur [E] [U] est recevable mais mal fondée.
- Sur les frais irrépétibles et les dépens -
Les dispositions du jugement déféré relatives aux dépens et aux frais irrépétibles de première instance seront confirmées.
Monsieur [E] [U], qui succombe en son recours, sera condamné au paiement des dépens en cause d'appel.
En équité, il convient de condamner Monsieur [E] [U] à payer à la société ALUTEC MENUISERIES la somme de 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement, contradictoirement et après en avoir délibéré conformément à la loi,
- Infirme le jugement déféré en ce qu'il a dit que la requête en omission de statuer de Monsieur [E] [U] est irrecevable et, statuant à nouveau, dit que la requête en omission de statuer de Monsieur [E] [U] est recevable mais mal fondée ;
- Confirme le jugement déféré en toutes ses autres dispositions;
Y ajoutant,
- Condamne Monsieur [E] [U] à payer à la société ALUTEC MENUISERIES la somme de 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamne Monsieur [E] [U] au paiement des dépens en cause d'appel ;
- Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
Ainsi fait et prononcé lesdits jour, mois et an.
Le Greffier, Le Président,
S. BOUDRY K.VALLEE