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04/10/2022 | FRANCE | N°19/02010

France | France, Cour d'appel de Riom, 1ère chambre, 04 octobre 2022, 19/02010


COUR D'APPEL

DE RIOM

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE







Du 04 octobre 2022

N° RG 19/02010 - N° Portalis DBVU-V-B7D-FJV6

-DA- Arrêt n°



[J] [P] / Commune d'[Localité 19]



Jugement au fond, origine Tribunal d'Instance de THIERS, décision attaquée en date du 13 Septembre 2019, enregistrée sous le n° 11-17-000010



Arrêt rendu le MARDI QUATRE OCTOBRE DEUX MILLE VINGT DEUX



COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré :

M. Philippe VALLEIX, Président

M. Dan

iel ACQUARONE, Conseiller

Mme Laurence BEDOS, Conseiller



En présence de :

Mme Marlène BERTHET, greffier lors de l'appel des causes et du prononcé



ENTRE :



M. [J]...

COUR D'APPEL

DE RIOM

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

Du 04 octobre 2022

N° RG 19/02010 - N° Portalis DBVU-V-B7D-FJV6

-DA- Arrêt n°

[J] [P] / Commune d'[Localité 19]

Jugement au fond, origine Tribunal d'Instance de THIERS, décision attaquée en date du 13 Septembre 2019, enregistrée sous le n° 11-17-000010

Arrêt rendu le MARDI QUATRE OCTOBRE DEUX MILLE VINGT DEUX

COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré :

M. Philippe VALLEIX, Président

M. Daniel ACQUARONE, Conseiller

Mme Laurence BEDOS, Conseiller

En présence de :

Mme Marlène BERTHET, greffier lors de l'appel des causes et du prononcé

ENTRE :

M. [J] [P]

[Adresse 15]

[Adresse 20]

[Localité 19]

Représenté par Maître François Xavier DOS SANTOS, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND

Timbre fiscal acquitté

APPELANT

ET :

Commune d'[Localité 19]

Le Bourg

[Localité 19]

Représentée par Maître David TEYSSIER de la SCP TREINS-POULET-VIAN ET ASSOCIÉS, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND

Timbre fiscal acquitté

INTIMEE

DÉBATS : A l'audience publique du 04 juillet 2022

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 04 octobre 2022 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

Signé par M. VALLEIX, président et par Mme Marlène BERTHET, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

I. Procédure

Monsieur [J] [P] est propriétaire sur la commune d'[Localité 19] (Puy-de-Dôme), lieu dit « [Localité 17] », des parcelles cadastrées section AL nº [Cadastre 3], [Cadastre 4], [Cadastre 5], [Cadastre 6], [Cadastre 7] et [Cadastre 11], acquises le 14 octobre 1995, et des parcelles cadastrées section AL nº [Cadastre 1], [Cadastre 2], [Cadastre 8], [Cadastre 9] et [Cadastre 10], acquises le 14 septembre 2011.

Un chemin traverse ces deux ensembles de parcelles qu'il partage à peu près par le milieu.

Considérant qu'elle est propriétaire de ce chemin dit « rural », la commune d'[Localité 19], par courrier du 4 septembre 2014, a demandé à M. [P] de retirer les barrières qu'il avait posées, empiétant sur le chemin.

Le 29 septembre 2014, elle a pris un arrêté aux mêmes fins. M. [J] [P] a saisi le tribunal administratif de Clermont-Ferrand en annulation de cet arrêté pour excès de pouvoir.

Par jugement du 3 novembre 2016. le tribunal administratif a fait droit à la demande de M. [P], aux motifs que :

- aucun élément ne permettait de déterminer l'emprise exacte du chemin ;

- la réalité de l'empiétement n'était pas établie ;

- il n'était pas assuré que les clôtures installées par M. [P] étaient de nature à troubler la circulation sur le chemin.

La commune d'[Localité 19] a interjeté appel de ce jugement.

Parallèlement, une procédure de bornage amiable, initiée par la commune d'[Localité 19], a été refusée par M. [P].

Par exploit du 24 janvier 2017, la commune d'[Localité 19] a donc fait assigner M. [J] [P] devant le tribunal d'instance de THIERS afin de voir ordonner le bornage du chemin dit rural nº 49 lieudit « de [Localité 17] à [Localité 16] » au droit de la propriété du défendeur et de celle de l'Élevage des Puys Auvergne de Braque, cadastrée section AL nº [Cadastre 1], [Cadastre 2], [Cadastre 6], [Cadastre 7], [Cadastre 9] et [Cadastre 12].

Par jugement du 21 avril 2017, le tribunal d'instance de THIERS a notamment ordonné une mesure d'expertise judiciaire dont il a confié la mission à M. [Z] [O], aux fins de proposition de bornage.

L'expert judiciaire a déposé le 17 novembre 2017 son rapport définitif daté du 14 novembre.

Par arrêt du 17 mai 2018, la cour administrative d'appel de [Localité 18] a rejeté la requête présentée par la commune d'[Localité 19], au motif notamment que le bornage judiciaire n'étant pas intervenu, l'emprise du chemin litigieux n'était pas établie.

Après plusieurs renvois, l'affaire a été retenue par le tribunal d'instance de THIERS à son audience du 16 novembre 2018.

Par jugement du 28 décembre 2018, le juge d'instance a sursis à statuer sur l'ensemble des demandes des parties et ordonné un transport sur les lieux le 6 février 2019. En raison des intempéries, le transport a été reporté au 29 mars 2019.

Après trois nouveaux renvois, l'affaire a été retenue à l'audience du 5 juillet 2019.

Dans ses dernières écritures la commune d'[Localité 19], représentée par son maire en exercice, demandait au tribunal d'instance de :

' dire et juger irrecevable le moyen de Monsieur [J] [P] tendant à contester la propriété de la commune d'[Localité 19] sur le chemin rural nº 49 reliant les lieudits [Localité 17] à [Localité 16] ;

' dire et juger que l'entrée du chemin rural nº 49 reliant les lieudits [Localité 17] à Fétus

sera délimitée par les bornes OGE et eau telles que matérialisées sur le procès-verbal de bornage du 9 octobre 2007 dressé par la SELARL de géomètres [K]/ [I] ;

' l'autoriser à mandater tout géomètre de son choix aux fins de repositionner, aux frais de Monsieur [P], la borne eau sus-indiquée ;

' pour le surplus, homologuer le rapport d'expertise de Monsieur [O] ;

' ordonner qu'il soit procédé, à l'initiative de la partie la plus diligente, aux modifications cadastrales impliquées par la solution ainsi retenue ;

' dire et juger qu'une copie du rapport d'expertise judiciaire du 14 novembre 2017,

comprenant les annexes 1 à 10, sera annexée au jugement à intervenir ;

' condamner Monsieur [J] [P], sous astreinte de 500 € par jour de retard passé le délai d'un mois à compter de la signification du jugement à intervenir, à démonter ou faire démonter la clôture en bois implantée au-delà de la borne eau ;

' le condamner au paiement d'une somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre paiement des dépens, en ce compris la somme de 2 799,30 € au titre des frais d'expertise, ainsi que les frais de bornage.

Au soutien de ses prétentions devant le tribunal d'instance, en substance, la commune d'[Localité 19] soulevait in limine litis l'autorité de la chose jugée par rapport au jugement rendu précédemment le 21 avril 2017. Sur le fond, elle soutenait être propriétaire du chemin litigieux sur la foi de divers éléments, notamment des attestations et une délibération du conseil municipal du 11 novembre 2005. Concernant le bornage elle retenait pour partie la délimitation proposée par l'expert judiciaire. Elle sollicitait enfin la suppression des empiétements. La cour renvoie au jugement pour un exposé complet des prétentions présentées par la commune devant le tribunal d'instance de THIERS.

De son côté, M. [J] [P] demandait au tribunal d'instance de :

' à titre principal, dire et juger que la commune d'[Localité 19] n'est pas propriétaire du chemin qu'elle revendique et pour lequel elle a sollicité le bornage ;

' en conséquence, la débouter de ses demandes d'homologation du bornage et demandes subséquentes ;

' à titre subsidiaire, dire et juger que l'emprise de 5 mètres retenue par l'expert ne repose sur aucun élément technique ;

' en conséquence, fixer l'emprise du chemin litigieux à une largeur de 3,50 mètres à compter de la ligne rouge points 101 à 110 de l'annexe 4 du rapport d'expertise ;

' en tout état de cause, dire et juger que la commune d'[Localité 19] supportera seule la charge des frais de l'expert ;

' la condamner au paiement d'une somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure châle, outre paiement des dépens.

M. [P] faisait valoir devant le premier juge que les conclusions de l'expert ne pouvaient recevoir application en l'absence de documents fiables autres que le cadastre, lequel ne pouvait servir à prouver la propriété du chemin qualifié de rural par l'expert sans aucune explication. Subsidiairement, il contestait la largeur du chemin.

La cour renvoie au jugement pour un exposé complet des prétentions présentées par M. [P] devant le tribunal d'instance de THIERS.

À l'issue des débats, le tribunal d'instance de THIERS a statué comme suit par jugement du 13 septembre 2019 :

« Le tribunal, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire, en premier ressort,

REJETTE la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de chose jugée du jugement avant-dire droit du 21 avril 2017 soulevée par la commune d'[Localité 19] ;

DÎT que le chemin rural nº [Adresse 13], situé entre les parcelles de Monsieur [J] [P], est présumé appartenir à la commune d'[Localité 19], à défaut de preuve contraire ;

ORDONNE le bornage judiciaire entre le chemin rural nº 49 appartenant à la commune d'[Localité 19] et les parcelles cadastrées section AL nº [Cadastre 1], [Cadastre 2], [Cadastre 6], [Cadastre 7], [Cadastre 9] et [Cadastre 12], appartenant à Monsieur [J] [P], conformément au rapport de Monsieur [Z] [O], expert judiciaire, notamment l'annexe 4, déposé le 17 novembre 2017 ;

DIT que le rapport d'expertise de Monsieur [Z] [O] sera joint à la présente décision ;

ORDONNE qu'il soit procédé, à l'initiative de la partie la plus diligente, aux modifications cadastrales impliquées par la solution ainsi retenue ;

CONDAMNE Monsieur [J] [P] à faire procéder à l'enlèvement de la clôture qu'il a installée entre les points 7 et 8 figurant au rapport d'expertise ;

DIT n' y avoir lieu à assortir cette condamnation d'une astreinte ;

REJETTE le surplus des demandes des parties ;

CONDAMNE Monsieur [J] [P] à payer à la commune d'[Localité 19] la somme de 1 500 € (mille cinq cents euros) sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE Monsieur [J] [P] aux dépens, en ce compris les frais d'expertise et de bornage. »

Dans les motifs de sa décision, après avoir rejeté la fin de non-recevoir soulevée par la commune, le tribunal d'instance, statuant sur le fond, a jugé en substance comme suit :

- Il est constant que le tribunal d'instance a le pouvoir de statuer, à charge d'appel, sur toute exception ou moyen de défense impliquant l'examen d'une question de nature immobilière pétitoire. Par suite, le juge saisi d'une action en bornage est compétent pour statuer sur la prétention d'une partie à la propriété d'une parcelle.

- En vertu des articles L. 161-1 et L. 161-3 du code rural et de la pêche maritime, un chemin dit rural est présumé appartenir à la commune. Il s'agit toutefois d'une présomption simple, la preuve contraire pouvant donc être rapportée par tout moyen. Ainsi, le propriétaire qui revendique la propriété d'un chemin affecté à la circulation générale doit renverser la présomption d'appartenance à la commune. Il doit, en particulier, apporter la preuve contraire établissant sa propriété.

- Dès lors qu'il est établi qu'un chemin est affecté à l'usage du public, il est présumé appartenir à la commune.

- Il ressort des multiples attestations versées aux débats par la commune d'[Localité 19] que le chemin litigieux est depuis de nombreuses années, affecté à l'usage du public. Il s'évince de ces éléments qu'il est parfaitement établi que le chemin rural nº 49, se trouvant entre les parcelles appartenant au défendeur, constitue une voie ouverte à la circulation du public.

- En outre, l'affectation à l'usage du public ressort également des anciennes délibérations du conseil municipal versées aux débats. Le chemin est bien identifié comme un chemin rural et non comme un chemin communal.

- Il appartient donc à M. [P] de détruire la présomption de propriété du chemin dont bénéficie la commune d'[Localité 19]. Or, M. [P] ne produit aucun titre de propriété de nature à prouver qu'il serait, en réalité, le propriétaire légitime du chemin litigieux. Il ne fournit pas davantage d'éléments suffisamment probants permettant de conclure qu'il aurait acquis la propriété du chemin par prescription, conformément aux dispositions des articles 2258 et suivants du code civil. Le seul fait qu'il ait entretenu le chemin n'est pas suffisant pour lui reconnaître la qualité de propriétaire. En outre, il y a lieu de relever que le défendeur lui-même, dans plusieurs écrits antérieurs, identifie le chemin litigieux comme un chemin rural ou communal et donc, ne s'est pas présenté comme propriétaire dudit chemin.

- Il convient donc de considérer que la commune d'[Localité 19] est bien propriétaire du chemin rural nº [Adresse 14], se trouvant au droit de la propriété de M. [P] et de l'Élevage des Puys Auvergne de Braque, cadastrée section AL nº [Cadastre 1], [Cadastre 2], [Cadastre 6], [Cadastre 7], [Cadastre 9] et [Cadastre 12].

- Concernant le bornage, l'emprise de 5 mètres sera retenue, conformément au rapport de l'expert judiciaire.

- Au vu de divers éléments détaillés dans le jugement, l'entrée entre les points 1 et 101 retenue par l'expert judiciaire est validée.

- La limite séparative entre les parcelles de M. [P] et le chemin rural nº 49 sera celle fixée par M. [O], au terme de son rapport déposé le 17 novembre 2017, et notamment conformément à l'annexe 4.

***

Monsieur [J] [P] a fait appel de ce jugement le 15 octobre 2019, précisant :

« Objet/Portée de l'appel : Appel limité aux chefs de jugement expressément critiqués : 1. dit que le Chemin rural nº [Adresse 13] situé entre les parcelles de Monsieur [J] [P] est présumé appartenir à la Commune d'[Localité 19], à défaut de preuve contraire - 2. ordonne le bornage judiciaire entre le chemin rural nº 49 appartenant à la Commune d'[Localité 19] et les parcelles cadastrées section AL nº [Cadastre 1], [Cadastre 2], [Cadastre 6], [Cadastre 7], [Cadastre 9] et [Cadastre 12] appartenant à Monsieur [J] [P], conformément au rapport de Monsieur [Z] [O], expert judiciaire notamment l'annexe 4, déposé le 17 novembre 2017 - 3. dit que le rapport d'expertise de Monsieur [Z] [O] sera joint à la présente décision - 4. ordonne qu'il soit procédé à l'initiative de la partie la plus diligente, aux modifications cadastrales impliquées par la solution ainsi retenue - 5. condamne Monsieur [J] [P] à faire procéder à l'enlèvement de la clôture qu'il a installée entre les points 7 et 8 figurant au rapport d'expertise - 6. rejette le surplus des demandes des parties - 7. condamne Monsieur [J] [P] à payer à la Commune d'[Localité 19] la somme de 1500 € sur le fondement de l'article 700 CPC - 8. condamne Monsieur [J] [P] aux dépens, en ce compris les frais d'expertise et de bornage. »

M. [J] [P] a pris ensuite « conclusions de synthèse » le 7 avril 2021.

Pour sa défense, la commune d'[Localité 19], représentée par son maire en exercice, avait conclu le 1er avril 2020.

Les deux parties ayant ainsi conclu, la procédure a été clôturée par ordonnance du 20 mai 2021.

***

Cependant, après l'ordonnance de clôture du 20 mai 2021, la commune d'[Localité 19] a pris le 11 juin 2021 de nouvelles « conclusions d'appel incident récapitulatives et de rabat de l'ordonnance de clôture ».

Les parties en étant d'accord, l'ordonnance de clôture a été rabattue et le dossier a été renvoyé devant le magistrat chargé de la mise en état, afin que le conseil de M. [P] puisse prendre de nouvelles écritures en réponse à celles de la commune du 11 juin 2021.

Lors des échanges qui ont suivi, les deux parties ont donc conclu comme suit, dans l'ordre chronologique :

M. [J] [P] a pris de nouvelles « conclusions de synthèse » le 20 octobre 2021 pour demander à la cour de :

« JUGER Monsieur [P] recevable et fondé en son appel.

DÉBOUTER la Commune d'[Localité 19] de son appel incident.

RÉFORMER dans les limites de la déclaration d'appel du 15 octobre 2019 le Jugement rendu par le Tribunal d'instance de Thiers le 13 septembre 2019

À titre principal,

JUGER que la Commune d'[Localité 19] n'a aucun droit de propriété sur le passage litigieux, scindant deux propriétés de Monsieur [P]

JUGER n'y avoir lieu à bornage judiciaire entre les parties qui ne sont pas voisines.

DÉBOUTER la Commune d'[Localité 19] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.

CONDAMNER la Commune d'[Localité 19] à supprimer ledit passage privé des plans cadastraux à ses frais

CONDAMNER la Commune d'[Localité 19] à payer et porter à Monsieur [P] une indemnité de 15 000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et vexatoire.

CONDAMNER la Commune d'[Localité 19] à payer et porter à Monsieur [P] une indemnité de 6 000 € sur le fondement de l'article 700 du CPC.

DÉBOUTER la Commune d'[Localité 19] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions contraires aux présentes.

À TITRE SUBSIDIAIRE,

RÉDUIRE l'assiette du chemin rural à une largeur de 3,50 m à compter de la ligne rouge point 101 à 110 de l'annexe 4 du rapport d'expertise.

JUGER n'y avoir lieu à démolition de la clôture de Monsieur [P].

JUGER, conformément à l'article 646 du Code Civil que les frais de bornage seront supportés par moitié entre les parties.

En tout état de cause,

CONDAMNER la Commune d'[Localité 19] aux entiers dépens, comprenant le timbre fiscal de procédure. »

***

Enfin, dans des « conclusions récapitulatives après rabat d'ordonnance de clôture et réouverture des débats » datées du 4 mai 2022, la commune d'[Localité 19] demande à la cour de :

« Ayant tels égards que de droit envers le rapport d'expertise de Monsieur [O] ;

Vu le jugement du 21 avril 2017 ;

Vu l'article 646 du Code Civil ;

Vu les articles 122 et 564 du Code de procédure civile ;

In limine litis voir dire et juger irrecevable la demande nouvelle de Monsieur [P] tendant à voir condamner la commune à lui porter et payer la somme de 10 000 € à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et vexatoire,

En tout état de cause, voir dire et juger l'appel de Monsieur [P] irrecevable et infondé ;

Y faisant droit ;

Voir confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions sauf en ce que celui-ci a débouté la demande de la commune d'[Localité 19] concernant l'entrée du chemin rural ;

Statuant à nouveau en fait et en droit ;

Voir dire et juger que l'entrée du chemin rural nº 49 reliant les lieudits [Localité 17] à [Localité 16] sera délimitée par les bornes OGE et eau [sic] telles que matérialisées sur le procès-verbal de bornage du 9 octobre 2007 dressé par la SELARL de géomètres [K]/[I],

Voir autoriser la commune d'[Localité 19] à mandater tout géomètre de son choix aux fins de repositionner la borne supprimée aux frais de Monsieur [P],

Voir condamner Monsieur [P], sous astreinte de 500 € par jour de retard passé le délai d'un mois à compter de la signification de l'arrêt à intervenir, à démonter ou faire démonter la clôture en bois implantée au-delà de la borne eau ;

Condamner Monsieur [P] à payer à la commune d'[Localité 19] la somme de 5000 € sur le fondement l'article 700 du Code de Procédure Civile, outre les entiers dépens d'appel, dont distraction au profit de Maître David TEYSSIER de la SCP TREINS POULET VIAN et associés Avocat sur son affirmation de droit.

Débouter Monsieur [P] de ses prétentions plus amples ou contraires. »

***

Par message RPVA du 6 mai 2022, le conseil de M. [J] [P] a fait connaître qu'il n'entendait « sans doute pas » répondre aux dernières écritures de la commune.

La procédure a donc été clôturée par ordonnance du 2 juin 2022.

***

La cour, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des demandes et moyens des parties, fait ici expressément référence au jugement entrepris ainsi qu'aux dernières conclusions déposées, étant précisé que le litige se présente céans de la même manière qu'en première instance.

II. Motifs

La demande indemnitaire de M. [P] est l'accessoire de ses demandes principales, moyennant quoi elle n'est pas nouvelle en application de l'article 566 du code de procédure civile.

Au vu des écritures céans de la commune D'[Localité 19] la question de l'autorité de chose jugée qu'elle avait soulevée devant le premier juge n'est plus en débat devant la cour.

Sur le fond, le code rural réglemente comme suit la question de la propriété des chemins ruraux.

' Selon l'article L. 161-1 :

Les chemins ruraux sont les chemins appartenant aux communes, affectés à l'usage du public, qui n'ont pas été classés comme voies communales. Ils font partie du domaine privé de la commune.

' L'article L. 161-2 précise :

L'affectation à l'usage du public est présumée, notamment par l'utilisation du chemin rural comme voie de passage ou par des actes réitérés de surveillance ou de voirie de l'autorité municipale.

La destination du chemin peut être définie notamment par l'inscription sur le plan départemental des itinéraires de promenade et de randonnée.

' L'article L. 161-3 dit encore :

Tout chemin affecté à l'usage du public est présumé, jusqu'à preuve du contraire, appartenir à la commune sur le territoire de laquelle il est situé.

La solution du litige consiste donc à savoir si le chemin litigieux est utilisé comme voie de passage, ce qui dans l'affirmative lui confère la qualité de chemin affecté à l'usage du public présumé appartenir au territoire privé de la commune d'[Localité 19]. Si cette présomption est suffisamment établie, il appartient à M. [P] de la renverser par preuve contraire.

D'après la disposition des lieux telle qu'elle résulte des pièces produites au dossier, le chemin litigieux traverse les parcelles dont M. [J] [P] est actuellement propriétaire, mais il n'en a pas toujours été ainsi.

M. [P] a d'abord acquis le 14 octobre 1995 les parcelles [Cadastre 3], [Cadastre 4], [Cadastre 5], [Cadastre 6], [Cadastre 7] et [Cadastre 11]. À cette époque le chemin longeait seulement sur son côté ouest les parcelles les plus importantes [Cadastre 5] et [Cadastre 6].

Plusieurs années après, le 14 septembre 2011, M. [P] a acquis les parcelles [Cadastre 1], [Cadastre 2] et [Cadastre 9] qui sont situées de l'autre côté du chemin à l'est. On y trouve aussi la parcelle [Cadastre 7] acquise précédemment mais elle n'est constituée que d'une très petite pointe de terrain sans commune mesure avec les trois autres.

À l'issue de la seconde acquisition en 2011 le chemin s'est donc trouvé bordé à l'est et à l'ouest, sur quasiment toute sa longueur, par les propriétés foncières de M. [P]. Or c'est à partir de ce moment-là que M. [P] a manifesté sa volonté de fermer le chemin, ce qui a donné lieu aux réclamations de la commune au cours de l'année 2014, puis au présent litige. Auparavant, il n'avait jamais revendiqué la propriété du chemin lorsque celui-ci longeait seulement ses parcelles [Cadastre 5], [Cadastre 6] et [Cadastre 12] à l'ouest.

Ceci étant observé, il convient maintenant de déterminer si le chemin litigieux peut être qualifié de chemin rural au sens des textes applicables, et dans l'affirmative si M. [P] peut valablement opposer à la commune un droit de propriété sur ce chemin.

1. Sur l'existence d'un chemin rural

Selon l'article L. 161-1 du code rural et de la pêche maritime le chemin rural suppose une affectation à l'usage du public, laquelle est présumée par l'utilisation de ce chemin comme voie de passage selon l'article L. 161-2. Il convient donc de vérifier l'hypothèse de l'application de ces textes aux faits de la cause.

Liminairement sur cette question, il convient d'observer que les documents municipaux de la commune d'[Localité 19] montrent qu'il existait depuis très longtemps un chemin vicinal répertorié par le conseil municipal comment allant de [Localité 16] à [Localité 17] en passant par le village de [Localité 21]. On trouve cette mention dans des délibérations prise les 27 novembre 1887, 25 novembre 1888, 27 décembre 1908, et enfin 7 mai 1933 lors de la demande d'un administré souhaitant faire tirer une ligne électrique au-dessus du « chemin rural de [Localité 17] à [Localité 16] pour l'éclairage des dépendances de son exploitation agricole. »

Or précisément l'observation de plans plus récents montre que le hameau de [Localité 21] se trouve bien situé entre [Localité 16] et [Localité 17]. Au moyen de documents cadastraux anciens, M. [P] entend démontrer qu'en réalité le chemin litigieux qui actuellement traverse sa propriété n'existait pas dans sa forme actuelle et que celui dont il est question dans les documents anciens de la commune ne passait pas à cet endroit. Cependant, le cadastre napoléonien a été institué au début du XIXe siècle, et dans la mesure où les plans produits ne sont pas datés, il est impossible de savoir s'ils pouvaient représenter le tracé d'un chemin approuvé par la commune en 1887. En outre, l'appelant y a porté des annotation personnelles dont il est difficile d'évaluer la pertinence.

Quoi qu'il en soit, M. [P] reconnaît que le chemin en litige était parfaitement tracé sur le cadastre à partir de l'année 1976, c'est-à-dire plusieurs années avant que lui-même n'acquiert le 14 décembre 1995 les quatre parcelles situées à l'ouest ([Cadastre 3], [Cadastre 4], [Cadastre 5] et [Cadastre 6]). L'acte contient en annexe un extrait du cadastre où le chemin est clairement représenté, de même que sur un procès-verbal de bornage du 9 octobre 2007 entre les époux [P] et les époux [R], et sur le plan de masse d'une demande de permis de construire déposée le 15 juin 2009 par M. [P], qui à ces époques ne revendiquait pas la propriété de cette voie. De sa propre initiative d'ailleurs il avait sollicité auprès de la commune d'[Localité 19] la « régularisation de l'implantation de trois enseignes » sur sa propriété, l'une d'elles devant être située « face au chemin communal reliant [Localité 17] [sic] à [Localité 21]. »

Concernant l'usage ancien et constant du chemin, la commune d'[Localité 19] produite à son dossier pas moins de 23 attestations concordantes, témoignant de l'utilisation de cette voie depuis fort longtemps par des agriculteurs, des promeneurs, des randonneurs et des chasseurs. Notamment, dans une lettre du 7 mars 2017, l'inspecteur du cadastre précise qu'il s'agit bien d'un chemin rural faisant partie du domaine privé de la commune. Nonobstant les protestations de l'appelant, il est difficile d'imaginer que toutes ces personnes ont un quelconque intérêt à affirmer la même chose, d'autant moins dans l'intention concertée de lui nuire.

Les attestations contraires produites par M. [P], outre qu'elles émanent parfois de personnes ayant travaillé sur sa propriété, ne sont toutefois pas suffisamment pertinentes pour combattre les témoignages adverses, qui au surplus sont confortés par la représentation du chemin sur le plan cadastral contemporain ainsi que son existence sur le terrain, comme cela résulte des photographies produites par la commune d'[Localité 19] et surtout de l'expertise judiciaire faite par M. [Z] [O], lequel note que le tracé du chemin est clairement observable et que globalement il suit l'implantation de l'emprise cadastrale. La situation est tellement évidente que l'expert n'a eu aucun mal à établir les limites de ce chemin à partir de ses observations et constatations sur place (cf. rapport pages 5 et 6 et photographies annexées).

Il n'est pas nécessaire enfin que sur le terrain ce chemin soit spécialement repéré par des balises ou des pancartes, pourvu qu'il soit visible et que l'usage en soit réel et constant, ce qui est bien le cas en l'espèce au vu des pièces produites.

L'existence d'un chemin rural affecté à l'usage du public est donc démontrée, moyennant quoi il est présumé appartenir à la commune d'[Localité 19] jusqu'à preuve du contraire qui doit être rapportée par M. [P].

2. Sur l'hypothèse d'un droit de propriété de M. [P]

En vertu des textes ci-dessus le chemin litigieux est donc présumé appartenir à la commune d'[Localité 19] qui n'a pas d'autre preuve à fournir. Au contraire, M. [P] doit combattre cette présomption en démontrant qu'il est lui-même propriétaire de ce chemin.

D'évidence, ses titres ne lui sont d'aucun secours. L'acte du 14 octobre 1995 par lequel les époux [P] achètent les parcelles [Cadastre 3] à [Cadastre 7] et la parcelles [Cadastre 11] mentionne uniquement celle-ci et nullement le chemin qui aurait été acquis en même temps. Le fait que cet acte n'indique pas que les parcelles vendues aux époux [P] jouxtent une voie publique ou communale est sans conséquence ici dans la mesure où aucuns confins en réalité ne sont mentionnés dans l'acte, contrairement à ce qui se faisait autrefois dans les actes anciens qui étaient plus précis sur ce point. Surtout, cet acte de vente contient en annexe un extrait du plan cadastral où figure très clairement le chemin litigieux que les acquéreurs ne pouvaient donc méconnaître.

L'acte du 14 septembre 2011, par lequel les époux [P] acquièrent les autres parcelles situées à l'est du chemin n'est pas plus précis quant aux confins, et quoi qu'il en soit seules les parcelles désignées par leurs références cadastrales sont vendues.

Les titres de M. [P] ne sont donc pas de nature à lui permettre de revendiquer la propriété du chemin litigieux, dont il ne pouvait ignorer l'existence dès l'année de ses premières acquisitions foncières en 1995. Manifestement, il s'est satisfait de cette situation jusqu'à l'acquisition d'autres parcelles à l'est du chemin en 2011.

3. Sur l'assiette du chemin

Dans l'annexe 4 de son rapport du 14 novembre 2017 l'expert judiciaire M. [Z] [O] a tracé une configuration du chemin qui est tout à fait satisfaisante et ne mérite pas d'être modifiée.

En conséquence, le jugement sera entièrement confirmé, par adoption des motifs en tant que de besoin.

Le bornage ayant été ordonné par une juridiction, il n'y a pas lieu de faire application de l'article 646 du code civil.

L'équité commande que M. [P] paye à la commune d'[Localité 19] la somme de 2500 EUR en application de l'article 700 du code de procédure civile.

M. [P] supportera les dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement et par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement ;

Condamne M. [J] [P] à payer à la commune d'[Localité 19] la somme de 2500 EUR en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. [J] [P] aux dépens d'appel ;

Déboute les parties de leurs autres demandes.

Le greffier Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Riom
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19/02010
Date de la décision : 04/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-04;19.02010 ?
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