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08/11/2022 | FRANCE | N°21/00218

France | France, Cour d'appel de Riom, 1ère chambre, 08 novembre 2022, 21/00218


COUR D'APPEL

DE RIOM

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE







Du 08 novembre 2022

N° RG 21/00218 - N° Portalis DBVU-V-B7F-FQ65

-PV- Arrêt n° 502



[S] [HL] [A], [N] [YP] [A], [GP] [RV] VEUVE [A] / [P] [A], [U] [A] épouse [XU], [OG] [A], [R] [A] épouse [M], [V] [A] veuve [E], [Z] [A], [TN] [A]



Jugement Au fond, origine TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP d'AURILLAC, décision attaquée en date du 04 Janvier 2021, enregistrée sous le n° 17/00508



Arrêt rendu le MARDI HUIT NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT DEU

X



COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré :

M. Philippe VALLEIX, Président

M. Daniel ACQUARONE, Conseiller

Mme Laurence BEDOS, Conseille...

COUR D'APPEL

DE RIOM

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

Du 08 novembre 2022

N° RG 21/00218 - N° Portalis DBVU-V-B7F-FQ65

-PV- Arrêt n° 502

[S] [HL] [A], [N] [YP] [A], [GP] [RV] VEUVE [A] / [P] [A], [U] [A] épouse [XU], [OG] [A], [R] [A] épouse [M], [V] [A] veuve [E], [Z] [A], [TN] [A]

Jugement Au fond, origine TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP d'AURILLAC, décision attaquée en date du 04 Janvier 2021, enregistrée sous le n° 17/00508

Arrêt rendu le MARDI HUIT NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX

COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré :

M. Philippe VALLEIX, Président

M. Daniel ACQUARONE, Conseiller

Mme Laurence BEDOS, Conseiller

En présence de :

Mme Marlène BERTHET, greffier lors de l'appel des causes et du prononcé

ENTRE :

Mme [S] [HL] [A] (bénéficiaire d'une aide juridictionnelle Partielle à 55% numéro 2021/002590 du 26/03/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de CLERMONT-FD)

[Adresse 14]

[Adresse 14]

et

Mme [N] [YP] [A] (bénéficiaire d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/002591 du 26/03/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de CLERMONT-FD)

[Adresse 14]

[Adresse 14]

et

Mme [GP] [RV] veuve [A]

[Adresse 14]

[Adresse 14]

toutes représentées par Me Sophie LACQUIT, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND

et par Me Pierre MERAL, avocat au barreau D'AURILLAC

Timbre fiscal acquitté

APPELANTES

ET :

M. [TN] [A]

[Adresse 9]

[Adresse 9]

Représenté par Me Sébastien RAHON, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND

et par Me Jacques VERDIER, avocat au barreau D'AURILLAC

Timbre fiscal acquitté

M. [P] [A]

[Adresse 9]

[Adresse 9]

et

Mme [U] [A] épouse [XU]

[Adresse 10]

[Adresse 10]

et

M. [OG] [A]

[Adresse 4]

[Localité 2]

et

Mme [R] [A] épouse [M]

[Adresse 7]

[Adresse 7]

et

Mme [V] [A] veuve [E]

[Adresse 8]

[Adresse 8]

et

M. [Z] [A]

[Adresse 13]

[Localité 2]

tous représentés par Me Nadine MASSON-POMOGIER de la SELARL OGMA, avocat au barreau de HAUTE-LOIRE

Timbre fiscal acquitté

INTIMES

DÉBATS :

L'affaire a été débattue à l'audience publique du 19 septembre 2022, en application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. VALLEIX et M. ACQUARONE, rapporteurs.

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 08 novembre 2022 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

Signé par M. VALLEIX, président et par Mme BERTHET, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

M. [J] [NK] [A], né le 23 juillet 1924 à [Localité 3], et Mme [W] [EB] [X], née le 2 septembre 1925 à [Localité 5] ont contracté mariage le 20 septembre 1947 devant l'officier de l'état civil de la mairie de [Localité 15], suivant le régime légal de la communauté de biens meubles et acquêts et sont décédés le 26 novembre 2009 à [Localité 12] concernant Mme [W] [X] épouse [A] et le 13 mars 2015 à [Localité 3] concernant M. [J] [A]. Ils ont laissé pour leur succéder :

- M. [P] [A], leur fils, né le 11 septembre 1948 ;

- Mme [U] [C] [I] [A] épouse [XU], leur fille, née le 1er octobre 1950 ;

- M. [OG] [H] [A], leur fils, né le 15 décembre 1953 ;

- Mme [R] [WY] [A] épouse [M], leur fille, née le 1er mars 1959 ;

- Mme [V] [DF] [A] veuve [E], leur fille, née le 13 juin 1961 ;

- M. [Z] [Y] [A], leur fils, né le 22 juin 1963 ;

- M. [TN] [A], leur fils, né le 23 novembre 1960 ;

- Mme [GP] [RV] veuve [A], leur belle-fille par représentation de leur fils [KW] [B] [A] prédécédé le 20 février 2014, née le 24 avril 1961 ;

- Mme [S] [HL] [A], leur petite fille, par représentation de leur fils [KW] [B] [A] prédécédé le 20 février 2014, née le 15 février 1982 ;

- Mme [N] [YP] [A], leur petite fille, par représentation de leur fils [KW] [B] [A] prédécédé le 20 février 2014, née le 7 février 1987.

Aucun partage n'a été effectué entre le décès le 26 novembre 2009 de Mme [W] [X] épouse [A] et le décès le 13 mars 2015 de M. [J] [A], ce dernier ayant alors opté à la suite d'un acte de donation au dernier vivant pour l'usufruit de la totalité des biens de la succession. Aucun d'eux n'a établi de son vivant des dispositions testamentaires.

M. [P] [A] a fait l'acquisition par vente licitation le 24 juillet 2010 d'immeubles appartenant à sa mère à titre de biens propres, cadastrés section [Cadastre 18] et [Cadastre 1] et situés au lieu-dit [Localité 6] sur le territoire de la commune d'[Localité 3].

Suivant un jugement n° RG-17/00508 rendu le 4 janvier 2021, le tribunal judiciaire d'Aurillac a :

- déclaré recevable l'intervention volontaire de Mme [GP] [RV] veuve [A] ;

- ordonné l'ouverture des opérations de compte, de liquidation et de partage des successions laissées par Mme [W] [EB] [X] épouse [A], décédée le 26 novembre 2009, et par M. [J] [NK] [A], décédé le 13 mars 2015 ;

- désigné Me [D] [EX], notaire associé à [Localité 16] afin de procéder à ce règlement successoral ;

- désigné le magistrat chargé du suivi des partages du tribunal judiciaire d'Aurillac pour surveiller ce règlement successoral ;

- donné pour mission au notaire instrumentaire de dresser un état liquidatif dans un délai d'un an afin d'établir les comptes entre les copartageants et de déterminer la masse partageable, les droits des parties et la composition des lots à répartir, le notaire pouvant se faire remettre toutes les pièces bancaires, fiscales et administratives lui paraissant nécessaires ;

- renvoyé aux dispositions des articles 1364 à 1373 du code de procédure civile concernant les règles de procédure applicables au partage ;

- ordonné une expertise judiciaire d'estimation de biens confiée à M. [MO] [KA], expert agricole et foncier près la cour d'appel de Riom, afin notamment d'évaluer une parcelle bâtie et non bâtie à usage de stabulation cadastrée section [Cadastre 19] (à la demande de Mme [S] [A] et Mme [N] [A]) ;

- rejeté une demande aux fins de rapport à la succession par M. [Z] [A] d'une créance alléguée de donation déguisée du fait de cheptel mort et vif de M. [J] [A] ;

- rejeté une demande de Mme [S] [A], Mme [N] [A] et Mme [GP] [A] aux fins de reconnaissance d'une créance de salaire différé de leur père M. [KW] [A] à la charge de la succession pour la période du 20 octobre 1974 au 31 juillet 1978 ;

- constaté que M. [TN] [A] ne dispose pas de bail à ferme sur la parcelle cadastrée section [Cadastre 17] ;

- rejeté les demandes de licitation et de partage en nature à ce stade de la procédure ;

- débouté les parties de leurs autres demandes ;

- ordonné l'emploi des dépens en frais de liquidation et de partage.

Par déclaration formalisée par le RPVA le 27 janvier 2021, le conseil de Mme [S] [A], Mme [N] [A] ainsi que Mme [GP] [RV] veuve [A] a interjeté appel de ce jugement.

' Par dernières conclusions d'appelant notifiées par le RPVA le 25 octobre 2021, Mme [S] [A] et Mme [N] [A] ainsi que Mme [GP] [RV] veuve [A] ont demandé de :

- au visa des dispositions des articles L.321-13 et L.321-14 du code rural et de la pêche maritime, des articles 921 et 843 du Code civil et des articles 4, 5, 31 et 954 du code de procédure civile ;

- infirmer le jugement du 4 janvier 2021 du tribunal judiciaire d'Aurillac en ce qu'il a :

* rejeté leur demande de reconnaissance d'une créance de salaire différé du fait de M. [KW] [A] pour la période du 20 octobre 1974 au 31 juillet 1978 ;

* rejeté leur demande de rapport à la succession par M. [Z] [A] d'une donation déguisée de cheptel vif et mort ayant appartenu à M. [J] [A] ;

- statuer à nouveau sur ces points et fixer :

* cette créance de salaire différé au profit de Mme [S] [A] et de Mme [N] [A] du fait de leur père défunt M. [KW] [A] à la somme de 53.726,40 € à la date du 1er janvier 2021, sauf à parfaire, à la charge de l'indivision successorale ;

* cette créance de rapport à la succession de cheptel vif et mort au profit de Mme [S] [A] et de Mme [N] [A] du fait de leur grand-père défunt M. [J] [A] à la somme de 82.932,10 €, à la charge de M. [Z] [A] ;

- ordonner subsidiairement un complément de mission dans le cadre de l'expertise judiciaire agricole et foncière actuellement en cours en première instance afin « (') d'évaluer le cheptel vif et mort composant la propriété agricole faisant l'objet du rapport. », en les dispensant des frais de consignation compte tenu du fait qu'elles bénéficient de l'aide juridictionnelle en cause d'appel ;

- juger irrecevables et mal fondées les demandes incidentes formées par M. [TN] [A] ;

- confirmer en conséquence le jugement de première instance pour le surplus ;

- débouter les intimés de l'intégralité de leurs demandes ;

- condamner solidairement les intimés à leur payer une indemnité de 5.000 € au titre à la fois de l'article 700 du code de procédure civile et de l'article 37 de la loi de 1991 sur l'aide juridictionnelle ;

- ordonner l'emploi des dépens en frais privilégiés de partage.

' Par dernières conclusions d'intimé notifiées par le RPVA le 8 septembre 2022, M. [P] [A], Mme [U] [A] épouse [XU], M. [OG] [A], Mme [R] [A] épouse [M], Mme [V] [A] veuve [E] et M. [Z] [A] ont demandé de:

- au visa des articles 815 et suivants du Code civil et 1360 et suivants du code de procédure civile ;

- juger recevables mais mal fondés les appels formés par Mme [S] [A], Mme [N] [A] et Mme [GP] [A] et débouter ces dernières de l'ensemble de leurs demandes ;

- condamner Mme [S] [A], Mme [N] [A] et Mme [GP] [A] à leur payer une indemnité de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner Mme [S] [A], Mme [N] [A] et Mme [GP] [A] aux entiers dépens de l'instance.

' Par dernières conclusions d'intimé notifiées par le RPVA le 4 août 2022, M. [TN] [A] a demandé de :

- réformer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté la demande de M. [Z] [A] aux fins de rapport à la succession de la créance de cheptel mort et vif ;

- confirmer ce même jugement en ce qu'il a rejeté les demandes de Mme [S] [A], Mme [N] [A] et Mme [GP] [A] aux fins de reconnaissance d'une créance de salaire différé du fait de leur père M. [KW] [A], en ce qu'il a ordonné une mesure d'expertise judiciaire concernant la parcelle bâtie [Cadastre 19] et en ce qu'il a désigné Me [EX] pour procéder à ce règlement successoral ;

- débouter les parties appelantes et intimées de l'ensemble de leurs demandes formé à son encontre ;

- condamner toute partie succombante à lui payer une indemnité de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- dire que les dépens de l'instance seront employés en frais privilégiés de partage.

Par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, les moyens développés par chacune des parties à l'appui de leurs prétentions respectives sont directement énoncés dans la partie MOTIFS DE LA DÉCISION.

Par ordonnance rendue le 8 septembre 2022, le Conseiller de la mise en état a ordonné la clôture de cette procédure. Lors de l'audience civile collégiale du 19 septembre 2022 à 14h00 au cours de laquelle cette affaire a été évoquée, chacun des conseils des parties a réitéré ses précédentes écritures. La décision suivante a été mise en délibéré au 8 novembre 2022, par mise à disposition au greffe.

MOTIFS DE LA DÉCISION

En définitive, l'appel ne porte principalement que sur deux points de désaccords subsistants : le rejet de la créance de salaire différé formée par Mme [S] [A], Mme [N] [A] et Mme [GP] [A] du fait de M. [KW] [A] et le rejet de la demande de rapport à la succession formée par Mme [S] [A], Mme [N] [A] et Mme [GP] [A] ainsi que M. [TN] [A] à l'encontre de M. [Z] [A] en allégation de donation déguisée du fait du cheptel vif et mort ayant appartenu à M. [J] [A].

1/ En ce qui concerne la demande de créance de salaire différé.

L'article L.321-13 alinéa 1er du code rural et de la pêche maritime dispose que « Les descendants d'un exploitant agricole qui, âgés de plus de dix-huit ans, participent directement et effectivement à l'exploitation, sans être associés aux bénéfices ni aux pertes et qui ne reçoivent pas de salaire en argent en contrepartie de leur collaboration, sont réputés légalement bénéficiaires d'un contrat de travail à salaire différé sans que la prise en compte de ce salaire pour la détermination des parts successorales puisse donner lieu au paiement d'une soulte à la charge des cohéritiers. », tandis que l'article L.321-17 du Code civil dispose notamment que « Le bénéficiaire d'un contrat de salaire différé exerce son droit de créance après le décès de l'exploitant et au cours du règlement de la succession ; (') / (') ».

L'article L.321-14 du code rural et de la pêche maritime dispose que « Le bénéfice du contrat de travail à salaire différé constitue pour le descendant de l'exploitant agricole un bien propre dont la dévolution, par dérogation aux règles du droit civil et nonobstant toutes conventions matrimoniales, est exclusivement réservée à ses enfants vivants ou représentés. / Cette transmission est dispensée de tous droits de mutation par décès. ».

En application des dispositions législatives qui précèdent, Mme [S] [A] et Mme [N] [A] (filles) ainsi que Mme [GP] [A] (veuve) font ici valoir que M. [KW] [A] :

- né le 20 octobre 1956 et décédé le 20 février 2014, a travaillé comme aide familial sur l'exploitation agricole de ses parents de l'âge de sa majorité le 20 octobre 1974 (18 ans) à l'âge de 22 ans jusqu'au 31 juillet 1978 ;

- cette créance de salaire différé s'étend ainsi sur une période de 1380 jours, soit 3 ans 9 mois et 11 jours sur la base des 2/3 de la somme correspondant à 2080 fois le taux du salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC) en vigueur à la date du 1er janvier 2021 du premier jour de l'année de leurs conclusions du 25 octobre 2021, suivant la formule : [(10,25 € x 2080 x 2/3) x 3,78 = 53.726,40 €].

Il leur incombe dès lors de rapporter la preuve que M. [KW] [A] a, de l'âge de sa majorité légale à compter du 20 octobre 1974 au 31 juillet 1978, participé directement et effectivement à l'exploitation agricole de ses parents sans rémunération et sans être associé aux bénéfices et aux pertes de cette même exploitation.

Mme [S] [A], Mme [N] [A] et Mme [GP] [A] produisent d'abord une attestation établie le 8 juillet 2014 par la Mutualité sociale agricole (MSA) Auvergne, mentionnant que M. [KW] [A] a été inscrit auprès de cet organisme en qualité d'aide familial auprès de M. [J] [A] pour la période du 1er octobre 1972 au 31 juillet 1978. Cette attestation ne constitue toutefois qu'un commencement de preuve, étant en elle-même insuffisante pour caractériser la réalité et la consistance des tâches alors accomplies par M. [KW] [A] dans cette exploitation familiale et pour objectiver la condition d'absence de rémunération ou d'association aux bénéfices de cette exploitation rurale.

Elles produisent également une attestation du 5 février 2017 de M. [F] [K] faisant état de cette situation d'aide familial de M. [KW] [A] mais qui ne peut aucunement être créditée pour n'avoir pas été établie dans les conditions de formalisme prévues à l'article 202 du code de procédure civile. Plusieurs autres témoins précisent, sur sommations interpellatives par actes d'huissier de justice ou par attestations établies conformément aux dispositions de l'article 202 du code de procédure civile, que M. [KW] [A] travaillait effectivement pendant la période concernée sur cette exploitation rurale familiale, décrivant un certain nombre de tâches agricoles diverses et variées telles que les soins aux animaux, les fenaisons, les fumures dans les champs, les moissons, l'entretien des clôtures, l'enlèvement des ronces, le ramassage des pierres, le bois, les pommes de terre, le jardin (sommations interpellatives du 10 mars 2021 de Mme [T] [IH] et de Mme [UJ] [G], attestations du 28 février 2021 de Mme [L] [O] et du 22 février 2021 de Mme [GP] [A]). Ces élément testimoniaux suffisent à documenter des activités agricoles de participation de M. [KW] [A] dans l'exploitation familiale mais demeurent insuffisants pour apporter la preuve de la condition d'absence de rémunération ou d'association aux bénéfices de l'exploitation rurale familiale concernée.

À ce sujet, l'examen d'un document FICOBA établi le 27 mars 2017 par la Direction générale des finances publiques / Centre national de traitement FBFV de [Localité 11] amène à constater que M. [KW] [A] n'a ouvert son premier compte en banque que le 21 mars 1978 auprès de l'agence de [Localité 12] de la Caisse régionale de crédit agricole mutuel (CRCAM) Centre France, soit quasiment à la fin de cette période arguée de travail bénévole en qualité d'aide familial. Ainsi, sur l'ensemble de la période du 20 octobre 1974 au 31 juillet 1978, aucun relevé de compte n'a été versé aux débats en ce qui concerne cette fin de période du 21 mars 1974 au 31 juillet 1978. Il aurait été pourtant aisément loisible aux appelants de produire ces relevés de compte, ce qui amène à considérer que ceux-ci peuvent dès lors contenir la trace de mouvements créditeurs provenant de son activité dans la ferme familiale au cours de cette dernière phase du 21 mars 2018 au 31 juillet 2018.

Mais c'est surtout, ainsi que l'a relevé le premier juge, un relevé de carrière établi le 21 décembre 2016 par l'institution de retraite CARSAT Auvergne à propos de M. [KW] [A], produit par les appelants, qui en définitive invalide leurs allégations d'absence de rémunération ou de toutes autres formes de contreparties à l'activité exercée dans l'exploitation familiale. En effet, la lecture que fait le premier juge de ce document est que M. [KW] [A] a fait l'acquisition des trimestres MSA se rapportant à la période litigieuse, soit 1 trimestre pour l'année 1974 et 4 trimestres pour chacune des années 1974 à 1978. Or, il était précisément censé n'avoir aucune rémunération au cours de cette période du 21 mars 1974 au 31 juillet 1978. Il importe effectivement d'inférer de ce constat de lecture que M. [KW] [A] bénéficiait alors nécessairement de revenus pour avoir pu ainsi bénéficier de l'ensemble de ces trimestres de cotisations dans le cadre de sa retraite. Cette situation de perception de revenus ou d'association au bénéfice de l'exploitation rurale familiale au cours de la période litigieuse est par ailleurs corroborée par une attestation délivrée le 20 juin 2021 par M. [VF] [PD], précisant que M. [KW] [A] bénéficiait alors d'un véhicule personnel qu'il utilisait quotidiennement après avoir passé son permis de conduire.

Dans ces conditions, la condition supplémentaire et cumulative de preuve d'absence de revenus ou d'association aux bénéfices de l'exploitation rurale familiale au cours de la période concernée n'est pas rapportée. Le jugement de première instance sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté cette demande de reconnaissance de créance de salaire différé, sans qu'il soit dès lors nécessaire de poursuivre la discussion sur les autres moyens échangés sur ce chef entre les parties.

2/ En ce qui concerne l'allégation de donation déguisée du fait du cheptel vif et mort

L'article 843 alinéa 1er du Code civil dispose que « Tout héritier, même ayant accepté à concurrence de l'actif, venant à une succession, doit rapporter à ses cohéritiers tout ce qu'il a reçu du défunt, par donations entre vifs, directement ou indirectement ; il ne peut retenir les dons à lui faits par le défunt, à moins qu'ils ne lui aient été faits expressément hors part successorale. / Les legs faits à un héritier sont réputés faits hors part successorale, à moins que le testateur n'ait exprimé la volonté contraire, auquel cas le légataire ne peut réclamer son legs qu'en moins prenant. ».

Mme [S] [A], Mme [N] [A] et Mme [GP] [A] ainsi que M. [TN] [A] considèrent que M. [Z] [A] a bénéficié d'une donation déguisée du fait du cheptel vif et mort ayant appartenu à M. [J] [A], la valeur de ce cheptel devant dès lors selon eux être rapportée à la succession sur la base d'une valeur totale de 82.932,10 €. En l'espèce, M. [Z] [A] a poursuivi l'exploitation familiale en s'installant comme jeune agriculteur à compter du 1er janvier 1986 après avoir conclu un bail rural avec son père M. [J] [A] le 10 octobre 1985.

En l'occurrence, ce bail rural du 10 octobre 1985 n'a pas donné lieu concomitamment à l'établissement d'un état des lieux d'entrée ainsi qu'à un inventaire, ce qui apporte un premier élément de complication à l'établissement de la preuve d'une appropriation sans contrepartie en la matière. La question de l'inventaire du cheptel vif et mort y est ni plus ni moins éludée dans le cadre d'une clause type figurant en son article 4 alinéa 2, celle-ci indiquant sans plus de précisions que cet inventaire sera ultérieurement établi, ce qui n'a jamais été ensuite le cas. Aucun autre document datant de cette période entre le 10 octobre 1985 et le 1er janvier 1986, soit en temps réel, n'est versé aux débats par Mme [S] [A], Mme [N] [A] et Mme [GP] [A] ainsi que M. [TN] [A] de manière à apporter la preuve de la consistance et de la valeur de ce cheptel vif ou mort dans ce qui pourrait être un inventaire ou s'y apparenter.

M. [Z] [A] apporte ici la preuve, en produisant la fiche de synthèse afférente à son installation comme Jeune agriculteur à compter de 1985, qu'il a organisé le financement de cette installation par un emprunt Jeune agriculteur de 300.000 Frs et un autofinancement de 115.300 Frs afin de racheter à ses parents du cheptel estimé à 305.300 Frs et du matériel estimé à 110.000 Frs. L'objectivation de cette contrepartie onéreuse de manière spécialement dédiée à la cession du cheptel vif et mort ne permet donc pas à Mme [S] [A], Mme [N] [A] et Mme [GP] [A] ainsi que M. [TN] [A] d'affirmer qu'il s'agirait là d'un acte dénué de toute contrepartie et donc d'une donation déguisée devant être de ce fait rapportée à la succession.

Le jugement de première instance sera en conséquence confirmé en ce qu'il a rejeté cette demande de rapport à la succession en allégation de donation déguisée concernant la cession du cheptel vif et mort à M. [Z] [A] à l'occasion de ce bail rural du 10 octobre 1985.

3/ Sur les autres demandes

En conséquence des motifs précédemment énoncés à titre principal concernant l'absence de preuve d'une quelconque donation déguisée du fait de la cession à M. [Z] [A] de cheptel vif et mort dans le cadre du bail rural conclu le 10 octobre 1985, la demande subsidiaire de Mme [S] [A], Mme [N] [A] et Mme [GP] [A] aux fins de complément d'expertise judiciaire sera rejetée.

Il serait effectivement inéquitable, au sens des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, de laisser à la charge de M. [P] [A], Mme [U] [XU], M. [OG] [A], Mme [R] [M], Mme [V] [E] et M. [Z] [A] les frais irrépétibles qu'ils ont été contraints d'engager à l'occasion de cette instance et qu'il convient d'arbitrer à la somme de 3.000 €, à la charge solidairement de Mme [S] [A], Mme [N] [A] et Mme [GP] [A] ainsi que de M. [TN] [A].

Les demandes de M. [TN] [A] tendant à demander la confirmation du jugement de première instance en ce qu'il a ordonné une mesure d'expertise judiciaire sur la parcelle bâtie [Cadastre 19] et désigné le notaire instrumentaire chargé de procéder à ce règlement successoral sont inutiles et sans objet, ces postes de décision de première instance n'ayant fait l'objet d'aucun appel.

Succombant dans leurs prétentions, Mme [S] [A], Mme [N] [A] et Mme [GP] [A] ainsi que M. [TN] [A] seront purement et simplement déboutés de leurs demandes de défraiement formées au visa de l'article 700 du code de procédure civile et supporteront les entiers dépens de l'instance en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

STATUANT PUBLIQUEMENT

ET CONTRADICTOIREMENT.

CONFIRME en toutes ses dispositions frappées d'appel le jugement n° RG-17/00508 rendu le 4 janvier 2021 par le tribunal judiciaire d'Aurillac.

Y ajoutant.

CONDAMNE solidairement Mme [S] [A], Mme [N] [A] et Mme [GP] [RV] veuve [A] ainsi que M. [TN] [A] à payer au profit de M. [P] [A], Mme [U] [A] épouse [XU], M. [OG] [A], Mme [R] [A] épouse [M], Mme [V] [A] épouse [E] et M. [Z] [A] une indemnité de 3.000 € en dédommagement de leurs frais irrépétibles prévus à l'article 700 du code de procédure civile.

REJETTE le surplus des demandes des parties.

CONDAMNE solidairement Mme [S] [A], Mme [N] [A] et Mme [GP] [RV] veuve [A] ainsi que M. [TN] [A] aux entiers dépens de l'instance en cause d'appel.

Le greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Riom
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21/00218
Date de la décision : 08/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-08;21.00218 ?
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