COUR D'APPEL
DE RIOM
Troisième chambre civile et commerciale
ARRET N°
DU : 04 Septembre 2024
N° RG 23/00533 - N° Portalis DBVU-V-B7H-F7HO
VTD
Arrêt rendu le quatre Septembre deux mille vingt quatre
Sur APPEL d'une décision rendue le 20 février 2023 par le Juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de THIERS (RG n° 11-22-0167)
COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré :
Mme Annette DUBLED-VACHERON, Présidente de chambre
Mme Virginie THEUIL-DIF, Conseiller
Madame Anne Céline BERGER, Conseiller
En présence de : Mme Cécile CHEBANCE, Greffier placé, lors de l'appel des causes et Mme Christine VIAL, Greffier, lors du prononcé
ENTRE :
CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE CENTRE FRANCE
Société coopérative à capital et personnel variables immatriculée au RCS de CLERMONT-FERRAND sous le n° 445 200 488 00010
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentant : Me Xavier BARGE, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND
APPELANTE
ET :
M. [L] [K]
[Adresse 2]
[Localité 4]
Non représenté, assigné à étude
INTIMÉ
DÉBATS :
Après avoir entendu en application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, à l'audience publique du 23 Mai 2024, sans opposition de leur part, les avocats des parties, Madame THEUIL-DIF, magistrat chargé du rapport, en a rendu compte à la Cour dans son délibéré.
ARRET :
Prononcé publiquement le 04 Septembre 2024 par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
Signé par Mme Annette DUBLED-VACHERON, Présidente de chambre, et par Mme Christine VIAL, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
Par acte en date du 27 septembre 2022, la société Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Centre France (Crédit Agricole) a fait assigner M. [L] [K] devant le juge des contentieux de la protection au tribunal de proximité de Thiers aux fins d'obtenir la condamnation du défendeur au paiement d'une somme totale de 22 964,42 euros outre intérêts au taux contractuel de 1,490 % à compter du 9 juin 2022, au titre d'un contrat conclu le 28 janvier 2021 signé par voie électronique, le cas échéant, après prononcé de la résiliation judiciaire.
Par jugement réputé contradictoire du 20 février 2023, le JCP a débouté le Crédit Agricole de l'ensemble de ses demandes.
Le tribunal a énoncé que le Crédit Agricole ne produisait pas l'attestation de fiabilité des pratiques délivrée par l'ANSSI ou un organisme habilité par l'ANSSI au tiers certifiant les étapes du processus de signature électronique utilisé par le Crédit Agricole ; qu'ainsi, le procédé utilisé ne garantissait pas suffisamment la fiabilité de la signature imputée à M. [K] ; que cette signature n'était corroborée par aucun élément objectif extrinsèque ; qu'en l'absence de certitude sur l'identité du signataire, que ce soit par écrit ou par voie électronique, l'acte fondant la demande ne pouvait être valablement opposé à M. [K] ; que les demandes fondées uniquement sur un écrit non imputable avec certitude à M. [K] ne pourraient qu'être rejetées.
La société Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Centre France a interjeté appel de cette décision le 23 mars 2023.
Par conclusions déposées le 31 mai 2023 et signifiées le 1er juin 2023 en même temps que la déclaration d'appel, l'appelante demande à la cour, au visa des articles L.312-39 et L.312-40 du code de la consommation, 1217, 1224 et 1367 du code civil, de :
- infirmer le jugement en toutes ses dispositions ;
- statuant à nouveau :
- à titre principal, constater l'acquisition de la clause résolutoire et la déchéance du terme ;
- en conséquence, condamner M. [K] à lui payer au titre du contrat du 28 janvier 2021, la somme de 22 964,42 euros, outre les intérêts contractuels au taux de 1,490 % à compter du 9 juin 2022 ;
- à titre subsidiaire, prononcer la résiliation du contrat et la déchéance du terme pour manquement aux obligations contractuelles ;
- en conséquence, condamner M. [K] à lui payer la somme de 22 964,42 euros, outre intérêts contractuels au taux de 1,49 % à compter du 9 juin 2022 ;
- en tout état de cause, condamner M. [K] à lui payer la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
Le Crédit Agricole expose avoir accepté, par contrat du 28 janvier 2021, de consentir à M. [K] un contrat de prêt personnel d'un montant de 24 550 euros, remboursable en 72 mensualités de 370,15 euros, au TEG de 1,500 %; que les engagements de remboursement ne sont plus respectés depuis le mois de février 2022, date du 1er incident de paiement non régularisé, c'est pourquoi il a prononcé la déchéance du terme le 9 juin 2022. A titre subsidiaire, dans l'hypothèse où la cour considérerait que la déchéance du terme n'est pas acquise, elle prononcera la résiliation du contrat pour inexécution contractuelle sur le fondement des articles 1217 et 1224 du code civil, la condition résolutoire étant toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques pour le cas où l'une des parties ne satisfait pas à son engagement.
Il soutient qu'il s'est assuré de l'identité du signataire, à savoir M. [L] [K] puisqu'il a recueilli des éléments sur l'identité de ce dernier, notamment sa carte d'identité. De plus, il indique verser aux débats les conditions générales d'utilisation du service de signature électronique et il certifie l'exactitude des renseignements communiqués.
Au surplus, il fait valoir qu'il résulte de la convention de preuve versée aux débats et des éléments précités que l'identité du destinataire a été vérifiée ; que le fichier de convention de preuve Protect&sign détaille parfaitement les différentes étapes du consentement ; qu'un protocole de consentement est mis en place dans le cadre des transactions ; qu'ainsi, la signature électronique bénéficie de la présomption de fiabilité, d'autant que cette dernière n'a pas été remise en cause par M. [K].
Si la cour ne devait pas reconnaître la fiabilité du processus de signature électronique, il estime néanmoins que l'existence d'un lien contractuel entre les parties ne fait aucun doute ; que M. [K] ne nie pas avoir contracté avec le Crédit Agricole ; que celui-ci a régulièrement réglé ses mensualités jusqu'au 1er incident de paiement non régularisé ; que ces éléments factuels démontrent que M. [K] était juridiquement engagé auprès de lui. Il ajoute que la signature du contrat de crédit à la consommation, fut-ce par voie électronique, n'est pas une condition de validité ou de formation de ce dernier, l'exigence de l'écrit n'étant pas imposée à peine de nullité en matière de crédit à la consommation.
M. [L] [K] n'a pas constitué avocat.
Il sera renvoyé pour l'exposé complet des demandes et moyens de l'appelante, à ses dernières conclusions.
La procédure a été clôturée le 11 avril 2024.
MOTIFS :
En application de l'article 1174 du code civil, lorsqu'un écrit est exigé pour la validité d'un contrat, il peut être établi et conservé sous forme électronique dans les conditions prévues aux articles 1366 et 1367 et, lorsqu'un acte authentique est requis, au deuxième alinéa de l'article 1369. Lorsqu'est exigée une mention écrite de la main même de celui qui s'oblige, ce dernier peut l'apposer sous forme électronique si les conditions de cette apposition sont de nature à garantir qu'elle ne peut être effectuée que par lui-même..
L'article 1366 précité dispose que l'écrit électronique a la même force probante que l'écrit sur support papier, sous réserve que puisse être dûment identifiée la personne dont il émane et qu'il soit établi et conservé dans des conditions de nature à en garantir l'intégrité.
Enfin, l'article 1367 prévoit que la signature nécessaire à la perfection d'un acte juridique identifie son auteur. Elle manifeste son consentement aux obligations qui découlent de cet acte. Quand elle est apposée par un officier public, elle confère l'authenticité à l'acte.
Lorsqu'elle est électronique, elle consiste en l'usage d'un procédé fiable d'identification garantissant son lien avec l'acte auquel elle s'attache. La fiabilité de ce procédé est présumée, jusqu'à preuve contraire, lorsque la signature électronique est créée, l'identité du signataire assurée et l'intégrité de l'acte garantie, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat.
En l'espèce, la signature dont le Crédit Agricole se prévaut est une signature électronique simple. Il en résulte que cette signature ne bénéficie pas d'une présomption de fiabilité et que celui qui entend s'en prévaloir doit rapporter la preuve de cette fiabilité.
Aux termes de l'article 1367 précité, cette preuve est rapportée dès lors que :
- l'identité du signataire a pu être vérifiée
- la fiabilité du processus de signature électronique est démontrée.
En ce qui concerne l'identité du signataire du contrat produit par l'appelant, elle est corroborée par la production de plusieurs pièces, au premier rang desquelles figure la copie de la carte nationale d'identité de M. [L] [K]. Il est en outre versé l'avis d'impôts sur les revenus de 2019 établi en 2020, pièce aux nom et adresse de l'intimé contemporaine de la signature du contrat.
En ce qui concerne la fiabilité du processus de signature électronique, le Crédit Agricole verse aux débats un fichier de preuve créé par la société DocuSign, prestataire de services de certification électronique (PSCE) qui retrace les différentes étapes de la signature électronique, organisme habilité à authentifier des signatures comme service de confiance (enveloppes de preuve Service Protect&Sign).
Aux termes de ce document, ce fichier de preuve permet d'attester de la signature électronique du document par le signataire désigné ci-après : '[K] [L] ([Courriel 5]) a signé le 28 janvier 2021 11:42:51 CET - référence de la transaction associée H02SCADO-0000868-00086800PJ1489-20210128114156-GJSH76JE9HGP5479".
Il est notamment relaté que dans le cadre de la transaction référencée H02SCADO-0000868-00086800PJ1489-20210128114156-GJSH76JE9HGP5479 réalisée via Protect&Sign, DocuSign atteste que le signataire identifié comme [K] [L] et dont l'adresse email est [Courriel 5], a procédé le 28 janvier 2021 11:42:51 CET à la signature électronique des documents présentés à la demande du client Crédit Agricole. La transaction a été effectuée suivant le niveau d'assurance défini dans la politique de signature et de gestion de preuve identifiée par l'OID 1.3.6.1.4.1.22234.2.4.6.1.5.
Par ailleurs, figure un récapitulatif des documents précontractuels et contractuels signés électroniquement mentionnant en bas de page : 'signé électroniquement par [K] [L] - référence : H02SCADO-0000868-00086800PJ1489-20210128114156-GJSH76JE9HGP5479 - Date : 20/01/2021 11:42/50 (UTC+01) - Motif : acceptation des conditions.'
Il résulte de l'ensemble de ces pièces que la signature du contrat de prêt par M. [L] [K] est suffisamment établie.
A cette signature, s'ajoute le fait que M. [K] a honoré plusieurs échéances du prêt pendant environ une année.
Le Crédit Agricole sollicite la condamnation de M. [K] à lui payer la somme de 22 964,42 euros, outre les intérêts au taux contractuel au taux de 1,49 % à compter du 9 juin 2022.
La demande visant à voir constater l'acquisition de la clause résolutoire et la déchéance du terme sera rejetée à défaut de justifier d'une mise en demeure adressée par lettre recommandée avec accusé de réception à l'emprunteur.
Néanmoins, en raison du défaut de règlement des mensualités du prêt depuis février 2022, la résiliation du contrat sera prononcée judiciairement.
Au vu notamment du tableau d'amortissement et des décomptes de créance produits en pièces n°2, 3, 4 et 6, il sera fait droit à la demande du Crédit Agricole dans les limites suivantes :
- capital restant à échoir au jour du prononcé de la résiliation : 10 522,97 euros ;
- mensualités échues impayées : 167,21 + (31 x 370,15) euros = 167,21 +11 474,65 = 11 641,68 euros ;
soit un total de 22 164,65 euros.
Ainsi, M. [K] sera condamné à payer au Crédit Agricole la somme de 22 164,65 euros avec intérêts au taux contractuel de 1,49 % sur la somme de 10 522,97 euros à compter de l'arrêt au vu du prononcé de la résiliation du contrat (les mensualités prises en compte jusqu'à cette date incluant les intérêts contractuels).
Aux termes de l'article 1231-5 alinéa 2 du code civil, le juge peut, même d'office, modérer ou augmenter la pénalité convenue si elle est manifestement excessive ou dérisoire.
Le caractère manifestement excessif de la peine peut notamment résulter de la comparaison de celle-ci avec le préjudice effectivement subi par le créancier, ou encore du cumul de l'indemnité avec d'autres charges majorant les coûts financiers supportés par le débiteur.
En l'espèce, l'indemnité de 8 % sollicitée par le Crédit Agricole, qui serait de 841,84 euros selon calcul tel que prévu par les textes, apparaît manifestement excessive au vu du préjudice subi par le prêteur, et sera en conséquence réduite à la somme de 170 euros.
M. [K] sera condamné au paiement de cette somme augmentée des intérêts au taux légal à compter de l'arrêt.
Enfin, il sera condamné aux dépens de première instance et d'appel, sans qu'il y ait lieu à condamnation sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant par mise à disposition au greffe, par arrêt rendu par défaut et en dernier ressort ;
Infirme le jugement en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau :
Condamne M. [L] [K] à payer à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Centre France la somme de 22 164,65 euros avec intérêts au taux contractuel de 1,49 % sur la somme de 10 522,97 euros à compter de l'arrêt, et celle de 170 euros avec intérêts au taux légal à compter de l'arrêt au titre de la clause pénale ;
Dit n'y avoir lieu à faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne M. [L] [K] aux dépens de première instance et d'appel.
Le greffier, La présidente,