COUR D'APPEL DE ROUEN CHAMBRE DE L'INSTRUCTION No N 2006 / 00274 DU 11 Mai 2006
AUDIENCE DU 11 Mai 2006
À l'audience de la Chambre de l'instruction de la Cour d'Appel REJET des demandes de mise en liberté de ROUEN, réunie en Chambre du Conseil le 11 mai 2006
Monsieur le Conseiller L. DUPRAY a été entendu en son rapport sur le procès instruit contre :
X... N'Gagné né le 01 / 12 / 1981 à BANJUL (GAMBIE) Fils de Abbou X... et de Sokhna Y... de nationalité gambienne Intérimaire Détenu à la maison d'arrêt de ROUEN en vertu d'un mandat de dépôt du 21 mars 2003 Accusé de vol avec arme NE COMPARAISSANT PAS lors de l'audience, en vertu d'une ordonnance rendue par le président de la chambre de l'instruction disant n'y avoir lieu à comparution Ayant pour avocat Maître RIAUTE 18 rue Joséphine-27000 EVREUX Avocat au barreau d'EVREUX
Monsieur S. GUITTARD, Substitut Général a été entendu en ses réquisitions.
Les débats étant terminés après en avoir délibéré conformément à l'article 200 du Code de procédure pénale, la Chambre de l'instruction a rendu l'arrêt suivant le 11 Mai 2006 :
LA COUR,
Vu la demande de mise en liberté faite le 26 avril 2006 par déclaration au greffe de la maison d'arrêt de ROUEN et enregistrée au greffe de la Chambre de l'instruction le 26 avril 2006
Vu la demande de mise en liberté faite le 10 mai 2006 par déclaration au greffe de la maison d'arrêt de ROUEN et enregistrée au greffe de la Chambre de l'instruction le 10 mai 2006
Vu les pièces de la procédure,
Vu le réquisitoire écrit de Monsieur le Procureur Général déposé le 9 mai 2006,
Vu la notification de la date d'audience faite à l'accusé le 26 avril 2006,
Vu la notification de la date d'audience faite par télécopie avec récépissé à l'avocat de l'accusé le 26 avril 2006,
Vu l'article 197 du Code de procédure pénale dont les dispositions ont été respectées,
N'Gagné X... a été mis en accusation pour vol avec arme par ordonnance du 4 novembre 2005. Il est détenu pour ces faits depuis le 21 mars 2003.
Il a formé le 26 avril 2006 et le 10 mai 2006 des demandes de mise en liberté.
Des investigations entreprises il résulte les faits suivants :
Le 13 mars 2003 à 21h05 la police d'ÉVREUX est avisée qu'un vol commis sous la menace d'une arme vient d'avoir lieu au bar " le Gambetta " sis 55 Boulevard Gambetta à ÉVREUX, par un individu de type africain cagoulé. L'individu ayant tiré un coup de feu dans le bar en direction des cigarettes.
Pendant que des patrouilles recherchaient l'individu, les policiers arrivés sur place interrogeaient le barman Z... Alain qui déclarait qu'alors qu'il travaillait, un individu de type africain cagoulé a fait irruption dans le débit de tabac, a tiré un coup de feu en direction des cigarettes avant de se précipiter derrière le comptoir et de s'emparer de cartes téléphoniques et d'argent liquide se trouvant dans un tiroir fermé par un code mais qu'il a forcé à l'aide de son arme.
Le propriétaire des lieux Messaoud C... faisait visionner aux policiers la cassette de surveillance vidéo de l'établissement sur laquelle apparaissait nettement le déroulement des faits. Ce même propriétaire évaluait le lendemain le montant du préjudice à 1000 euros en numéraire et à environ 200 cartes de téléphone mobiles et à code pour cabines téléphoniques.
Le 17 mars, l'adjointe technique de laboratoire en fonction au SLPT ÉVREUX déclarait avoir vu un jeune homme arriver légèrement ivre qui a discuté avec le patron et lui a dit qu'il avait vu, alors qu'il était chez Michel au bar " la Rotonde " arriver un gars essoufflé avec une veste sombre et un sac en plastique marron qui était du même type que ceux qui se trouvaient derrière le bar. Puis cette personne visionnait la cassette et indiquait qu'il était certain d'avoir croisé l'auteur des faits.
Cette personne était identifiée comme étant Jonathan A..., employé au bar " le Gambetta ". Interrogé le même jour il confirmait les faits et donnait le nom de l'individu qu'il avait vu essoufflé et reconnu sur la cassette : X... N'Gagné.
Le 18 mars la gardienne de l'immeuble... à ÉVREUX... avisait les services de police qu'elle avait découvert une arme dans le placard d'une colonne technique de la cage d'escalier du.... Sur place la police trouvait une cagoule à l'intérieur duquel se trouvait un pistolet 7, 65 mm.
Interrogé à nouveau puis mis en garde à vue, Jonathan A... finissait par avouer qu'il avait remonté en voiture N'Gagné X... et l'avait déposé à la fromenterie. En partant X... N'Gagné lui avait dit " surtout, tu ne m'as pas vu ".
Le 19 mars 2003 X... N'Gagné était appréhendé et conduit à l'hôtel de police pour y être entendu. Placé en garde à vue, il niait être l'auteur de ce vol à main armé, indiquait qu'il venait régulièrement de PARIS à ÉVREUX pour y voir sa copine Mademoiselle Jamila B... et que le soir du vol il était passé au bar " la Rotonde " après être descendu du train, il y avait rencontré Jonathan A... qui l'avait remonté à la Madeleine où il était allé dans un bar avant d'aller louer une chambre d'hôtel à l'établissement EVROSTEL. Il niait avoir dit à Jonathan A... " surtout tu ne m'as pas vu ". Confronté à ce dernier, il maintenait sa version et menaçait A... de représailles. Lors de l'interrogatoire de première comparution il maintenait également sa version et refusait un prélèvement de salive aux fins d'analyse de l'A. D. N. et de comparaison avec celui en cours d'examen sur la cagoule.
Monsieur X... N'Gagné a été placé en détention provisoire le 21 mars 2003.
Entendu le 13 octobre 2004 Monsieur A... confirmait ses premières déclarations indiquant que X... lui avait dit de déclarer qu'il ne l'avait pas vu le jour des faits, il précisait que ce dernier l'avait menacé de mort.
Lors d'une confrontation le 16 novembre 2004, X... disait ne pas avoir demandé à M. A... de dire qu'il ne l'avait pas vu. Il maintenait également qu'il venait de la gare où il était descendu du train de PARIS, bien que les investigations aient démontré qu'il n'y avait pas de train en correspondance à l'heure qu'il indiquait.
L'article 175 a été signifié aux parties le 19 août 2005 et le dossier a été communiqué pour règlement au parquet le 9 septembre 2005.
Le juge d'instruction a rendu le 4 novembre 2005 une ordonnance de mise en accusation devant la Cour d'Assises.
Renseignements et Personnalité :
X... N'Gagné est né le 1er décembre 1981à BANJUL en GAMBIE de Abdou et Sokhna Y....
Il est de nationalité française, a six frères et soeurs, déclare habiter chez sa mère ... à ÉVREUX (27000), exerce la profession d'intérimaire, est célibataire, a fait l'objet de nombreuses procédures devant le tribunal pour enfants d'Évreux.
A son casier judiciaire figurent les mentions suivantes :-7 avril 2003- Tribunal Correctionnel d'ÉVREUX : 600 euros d'amende pour outrage à une personne dépositaire de l'ordre public et rébellion-28 novembre 2003- Tribunal de Police d'ÉVREUX : 500 euros d'amende pour conduite d'un véhicule sans permis,-8 novembre 2004- Tribunal Correctionnel d'ÉVREUX : 2 mois d'emprisonnement avec sursis pour outrage à une personne dépositaire de l'ordre public.
M. X... a fait l'objet d'une expertise psychiatrique dont le rapport a été déposé le 30 juin 2003. Les conclusions de ce rapport sont les suivantes :
Le sujet ne présente pas d'affection psychiatrique à caractère aliénant, mais il présente des troubles graves de la personnalité de type psychopatique. Ces troubles s'expliquent principalement sur le mode d'une toute puissance absolue ne trouvant aucune limite. Le sujet présente un état dangereux :
sur le plan psychiatrique, il exprime un régime de pulsions désordonné avec une violence qui s'adresse autant aux autres qu'à lui-même,
sur le plan criminologique, il passe à l'acte sans aucun barrage représentant les interdits.
Le sujet relève de soins psychiatriques en raison des troubles graves de la personnalité, cependant il est illusoire qu'il puisse être demandeur de soins en dehors des périodes de crises. Les soins qui lui ont été prodigués l'ont été sous la contrainte.
Sa réadaptation sociale reste aléatoire car le sujet n'exprime pas de désir durable d'intégration.
Une expertise psychologique a été effectuée et le rapport déposé le 15 juin 2005 Les conclusions en sont les suivantes : Monsieur X... est un jeune homme extrêmement introverti qui ne veut pas et ne sait pas trouver du plaisir dans la relation humaine. Il se perçoit comme un marginal ; quoiqu'il fasse ses actes sont toujours l'expression d'une tension interne et contiennent dans leur effectuation ce qui ne leur permettra pas de réussir. Il est difficile de lui proposer des soins car il est beaucoup plus apte à refouler et à refuser qu'à accepter
Depuis septembre 2005, Monsieur X... a fait l'objet de trois procédures disciplinaires à la maison d'arrêt de ROUEN.
Le Ministère Public requiert le rejet des demandes de mise en liberté.
SUR CE :
Attendu que depuis la dernière demande présentée par M. X..., celui-ci ne fait état d'aucun élément nouveau en sa faveur,
Attendu que le vol à main armé reproché à X... est d'une exceptionnelle gravité puisque les faits ont été commis de nuit dans un bar tabac en pleine ville d'ÉVREUX, alors qu'il y avait des consommateurs et qu'un coup de feu a été tiré en direction du personnel présent,
Que X... dénie les faits qui lui sont reprochés malgré les indices concordants et les mises en cause qui le désignent,
Que le mis en examen pourrait exercer des pressions sur les victimes et les témoins, et qu'en particulier il convient de garantir des risques réels de représailles Monsieur A... et sa famille, qui ont déjà été menacés et qu'il semble vouloir poursuivre de sa vindicte,
Que les faits reprochés font suite à de très nombreux faits qui lui ont été imputés pendant sa minorité,
Attendu que X... N'Gagné était déjà placé sous contrôle judiciaire et qu'il ne l'a pas respecté en venant à ÉVREUX alors qu'il lui était interdit d'y venir,
Que sa situation n'évolue pas favorablement en détention puisqu'il y a multiplié les actes de violence, a fait l'objet de deux changements de lieu d'incarcération, et a fait l'objet de six rapports d'incidents depuis sa précédente comparution devant la chambre de l'instruction,
Qu'il ne présente aucune garantie de représentation en justice n'ayant pas de domicile personnel certain et vérifiable ni de ressources,
Qu'enfin l'instruction est terminée et une ordonnance de mise en accusation devant la Cour d'Assises a été prise,
Que dès lors la détention provisoire reste l'unique moyen ;- d'empêcher une pression sur les témoins et les victimes,- de garantir le maintien de la personne mise en examen à la disposition de la justice,- de mettre fin au trouble exceptionnel à l'ordre public qu'a provoqué l'infraction en raison de sa gravité et des circonstances de sa commission.
PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DE L'INSTRUCTION,
Rejette les demandes de mise en liberté présentées le 26 avril 2006 et le 10 mai 2006 par X... N'Gagné,
Ordonne que le présent arrêt sera exécuté à la diligence de Monsieur le Procureur Général.
Fait au Palais de Justice le 11 mai 2006, en Chambre du Conseil, où la Chambre de l'instruction était composée de :- Madame le Président M. ROULEAU-Monsieur le Conseiller M. MOUCHARD-Monsieur le Conseiller L. DUPRAY Tous trois régulièrement nommé ou désignés conformément aux dispositions de l'article 191 du Code de procédure pénale. En présence du Ministère Public. Assistés de Mademoiselle N. POIGNIE, greffier Le présent arrêt a été signé par Madame le Président M. ROULEAU et Mademoiselle N. POIGNIE Greffier. Mentionnons que par lettre recommandée dont le récépissé est annexé à la minute classée au Greffe de la Cour, il a été donné immédiatement connaissance du présent arrêt à l'avocat de la personne mise en examen. Le Greffier.