COUR D'APPEL DE ROUEN CHAMBRE DE L'INSTRUCTION No N 2006 / 00280 DU 11 Mai 2006
AUDIENCE DU 11 Mai 2006
À l'audience de la Chambre de l'instruction de la Cour d'Appel de ROUEN, réunie en Chambre du Conseil le 11 mai 2006.
CONFIRMATION de l'ordonnance de refus de mise en liberté
Monsieur le Conseiller DUPRAY a été entendu en son rapport sur le procès instruit contre : X... Sidya né le 30 / 03 / 1985 à PARIS Fils de Faba X... et de Nanding Y... de nationalité française Sans profession Détenu à la maison d'arrêt du HAVRE en vertu d'un mandat de dépôt du 16 décembre 2005 Mis en examen du chef d'infractions à la législation sur les stupéfiants COMPARAISSANT à sa demande lors des débats, Ayant pour avocat Maître Nathalie GRARD 176, boulevard Haussmann-75008 PARIS Avocat au barreau de PARIS
Monsieur S. GUITTARD, Substitut Général, a été entendu en ses réquisitions.
La personne mise en examen a été entendue en ses explications et a eu la parole en dernier.
Les débats étant terminés après en avoir délibéré conformément à l'article 200 du Code de procédure pénale, la Chambre de l'instruction a rendu l'arrêt suivant le 11 mai 2006 :
LA COUR,
Vu l'ordonnance de rejet de demande de mise en liberté rendue le 21 avril 2006 par le juge des libertés et de la détention du Tribunal de Grande Instance du HAVRE,
Vu la notification de ladite ordonnance faite à la personne mise en examen le 24 avril 2006 par l'administration pénitentiaire et à son avocat par lettre recommandée en date du 21 avril 2006,
Vu l'appel interjeté par Sidya X... le 25 avril 2006 au greffe de la maison d'arrêt du HAVRE et enregistré au greffe du Tribunal de Grande Instance du HAVRE le 25 avril 2006,
Vu les pièces de la procédure,
Vu le réquisitoire écrit de Monsieur le Procureur Général déposé le 04 mai 2006,
Vu la notification de la date d'audience faite à la personne mise en examen le 28 avril 2006,
Vu la notification de la date d'audience faite par lettre recommandée envoyée à l'avocat de la personne mise en examen le 28 avril 2006,
Vu l'article 197 du Code de procédure pénale dont les dispositions ont été respectées,
Sidya X... a été mis en examen pour infractions à la législation sur les stupéfiants et placé en détention provisoire, le 16 décembre 2005.
Il a régulièrement fait appel le 25 avril 2006 d'une ordonnance de rejet de demande de mise en liberté rendue le 21 avril 2006.
Il résulte principalement des investigations déjà réalisées que :
Le 5 avril 2005, les services des Renseignements Généraux de Rouen informaient les gendarmes de la Brigade de Recherches de Fécamp de ce que d'importantes quantités de résine de cannabis étaient régulièrement entreposées au domicile de Grégory Z... qui procéderait à la revente avec un dénommé Pierre A..., défavorablement connu pour se livrer à ce genre de trafic. Celui-ci, mis en examen pour infractions à la législation sur les stupéfiants dans le cadre d'une autre procédure, avait été placé en détention provisoire puis remis en liberté au mois de décembre 2004.
Il était procédé à de nombreuses interpellations tant dans l'entourage des mis en cause que dans le milieu des consommateurs.
Entendu dans le cadre de sa garde à vue, Grégory Z... déclarait avoir servi d'intermédiaire pour Pierre A... auprès d'un prénommé Abdel à partir du mois de mai ou juin 2004. Il recevait alors de Pierre A... 300 ç pour avoir servi de contact. Celui-ci avait acheté à Abdel plusieurs dizaines de kilos entre mai 2004 et octobre 2004. Il s'était de nouveau rapproché de A... dès la sortie de prison en décembre 2004. Les interceptions téléphoniques révélaient que Grégory Z... s'approvisionnait auprès d'un surnommé " H " ou " J... " ainsi qu'auprès d'un individu de type africain prénommé " Joseph ". Ses clients se nommaient Anthony B..., Steve C... ; la balance de précision découverte dans son véhicule appartenait au dénommé " H " identifié en la personne de Hayati D... auprès duquel il achetait de la cocaïne pour sa consommation personnelle. Il avait vu " H " se procurer auprès de ses fournisseurs à Epinay sur Seine des blocs de 100 grammes de cocaïne, 5 kilos de résine de cannabis et 3 kilos d'herbe. Hayati D... qui lui avait été présenté par Anthony B... était selon lui, " un très gros poisson ".
Pierre A..., quant à lui, contestait avoir repris tout trafic à sa sortie de prison, le 24 décembre 2004, qu'il s'agisse de résine de cannabis ou de cocaïne. Reconnaissant consommer de petites quantités de cocaïne et de cannabis, il impliquait Grégory Z... dans un trafic de cannabis sur la région de SASSETOT. S'il ne contestait pas avoir revu un prénommé " Abdel " et Grégory Z... depuis sa mise en liberté, ces rencontres n'étaient pas liées à un quelconque trafic de stupéfiants.
Jean-Charles K... déclarait que Pierre A... avait effectivement repris un trafic de cocaïne sur Fécamp depuis sa sortie de prison.
Sébastien B... dénonçait deux livraisons de résine de cannabis, d'un kilogramme chacune chez Pierre A..., la première par " Abdel " et Grégory Z..., le 3 avril 2005, la seconde, le 10 avril 2005, par ce dernier seul.
Une information judiciaire était ouverte le 1er septembre 2005 ;
Au cours de son interrogatoire de première comparution, Grégory Z... confirmait ses déclarations.
Hayati D... et trois de ses proches connaissances, Yacine L..., Scott E... et Sidya X..., étaient interpellés le 15 décembre 2005.
La perquisition effectuée au domicile de Hayati D..., le 15 décembre 2005, permettait notamment la saisie de plus de 2, 5 kilogrammes de résine de cannabis et d'une carabine 22 LR avec silencieux et lunette à visée laser.
Yacine L... qui déclarait acheter sa résine de cannabis à Hayati D..., précisait dans le cadre de sa garde à vue, le 15 décembre 2005, qu'il avait emmené celui-ci à PARIS à deux reprises auprès de ses fournisseurs en produits stupéfiants. Au cours du deuxième voyage, Hayati D... était accompagné d'un prénommé Sidya.
Scott E... confirmait l'existence d'un trafic de stupéfiants dont le fournisseur sur FECAMP était Hayati D..., lui-même se fournissant environ toutes les deux semaines auprès d'un prénommé " Moussa " à PARIS. Il l'avait accompagné à Paris à deux reprises avec une enveloppe d'environ 4000 ç pour payer ses fournisseurs. Deux ou trois semaines plus tard, celui-ci avait fini de régler ses dettes avec la remise d'une somme d'environ 1000 à 1500 ç. Il reconnaissait avoir vendu du cannabis pour le compte de Hayati D.... Il avait vu Sidya X... trois fois chez D... qui l'avait présenté comme un ami qu'il avait connu alors qu'il habitait PARIS. Selon lui, ils trafiquaient ensemble dans les produits stupéfiants.
Sydia X..., résidant à PARIS 10ème, déclarait connaître Hayata D... depuis au moins deux ans. Il achetait des produits stupéfiants auprès d'un dénommé F... envers lequel il était redevable de la somme de 7. 000 ç. Il revendait notamment à D... à raison de 20 ç en barrettes, deux à trois fois par mois depuis deux mois. Il estimait à environ 5 kilogrammes les plaquettes de cannabis achetées et évaluait à environ 1500 ç le bénéfice réalisé sur la revente. Interpellé à FECAMP, il déclarait être venu de PARIS en voiture avec Hayata D... pour vendre environ deux kilogrammes et demi de shit reçus de F... et ainsi pouvoir rembourser sa dette. Il revenait ensuite sur ses déclarations, précisant que les stupéfiants saisis au domicile de Hyata D..., appartenaient en réalité à ce dernier.
Il ne faisait aucune déclaration devant le juge d'instruction.
Confronté aux déclarations des autres mis en cause, Hayati D... reconnaissait avoir acquis et revendu environ 30 kilogrammes de résine de cannabis au cours des 10 derniers mois. Il contestait toute revente de coca'ne notamment à Grégory Z... et à Steve C.... Il se fournissait auprès des dénommés " Kilé " et " Arki ". Revenant finalement sur ses déclarations, il rejetait toute revente de cannabis. S'il faisait effectivement du commerce, il ne s'agissait que de vêtements, de caméras ou de balances et en aucun cas des produits stupéfiants.
Lors de son interrogatoire de première comparution, il estimait à 18 à 20 kilos la quantité de résine de cannabis achetée ayant pu servir à dépanner les gens. Il avait acheté une carabine parce qu'il se sentait menacé par des personnes du quartier du Ramponneau.
Outre le fait de mettre en évidence un trafic de stupéfiants organisé par Hayati D..., les interceptions téléphoniques permettaient également d'obtenir quelques renseignements sur l'identité de certains de ses rabatteurs au titre desquels figurait un certain Eddy M... dit " Lomax ".
Interpellé, ce dernier confirmait l'implication de Hayati D.... Il expliquait l'avoir emmené à Paris à plusieurs reprises pour s'approvisionner. A chaque fois, Hayati D... rapportait 2 à 3 kilogrammes de résine de cannabis, parfois de l'herbe et une fois de la cocaïne. Pour chaque voyage, Eddy M... recevait une plaquette qu'il revendait par la suite. Il admettait avoir ainsi reçu puis revendu 5 plaquettes entre septembre et décembre 2005.
Ultérieurement, il s'était également associé aux achats réalisés par Hayati D... à concurrence d'un kilogramme moyennant un bénéfice total de 1750 ç.
Enfin, au travers de différentes auditions de consommateurs effectuées sur commission rogatoire, il apparaissait que depuis le démantèlement de l'ancien réseau de Pierre A..., les achats se faisaient ponctuellement sur le Havre ou Paris mais aussi auprès de fournisseurs locaux et notamment de Peter G....
Peter G... contestait toute revente, depuis son interpellation dans la précédente affaire, admettant néanmoins avoir continué à consommer.
Par ailleurs, les investigations téléphoniques permettaient également d'établir qu'Hayati D... était en liaison régulière avec un certain Johnny I....
Placé en garde à vue, le 21 février 2006, ce dernier reconnaissait avoir acquis environ 7 kilogrammes de résine de cannabis auprès d'Hayati D..., sur une période approximative de 18 mois. En outre, il déclarait s'être rendu à plusieurs reprises en Hollande, mais uniquement pour assouvir sa consommation personnelle.
Devant le juge d'instruction, Johnny I... réitérait ses déclarations. Il était mis en examen des chefs d'importation, transport, offre ou cession, acquisition et emploi de produits stupéfiants, et contrebande de marchandises prohibées.
De nouveau interrogés par le magistrat instructeur, Eddy M... et Scott E... confirmaient l'implication d'Hayati D....
Le 13 avril 2006, le juge d'instruction informait les parties de ce que l'information lui paraissait terminée.
Renseignements et personnalité :
Sidya X... est né le 30 mars 1985 à PARIS 20ème.
Il est célibataire, domicilié chez ses parents.
Il a commencé un BEP architecture et bâtiment qu'il a abandonné dès la première année, faute de stage.
Il est sans emploi et sans ressources
Son casier judiciaire porte mention des condamnations suivantes :-24 Janvier 2005 : Tribunal Correctionnel de PARIS : 2 mois d'emprisonnement avec sursis pour vol aggravé par deux circonstances-23 Mars 2005 : Tribunal Correctionnel de PARIS : 1 mois d'emprisonnement avec sursis assorti de l'obligation d'accomplir un T. I. G. de 60 H dans un délai de 18 mois pour vol en réunion.
M. X... déclare qu'il était sur le point d'entreprendre une formation pour une remise à niveau.
Le ministère public requiert la confirmation de l'ordonnance déférée. Reprenant la parole, Sidya X... explique qu'il ne connaît pas de dénommé F..., qu'il a inventé ses déclarations en garde à vue
SUR CE
Sidya X... a reconnu son rôle actif dans la revente de produits stupéfiants soit directement à l'occasion d'un voyage sur la région fécampoise, soit par l'intermédiaire de Hayati D.... Il a cependant évolué dans ses déclarations.
Sidya X... est actuellement sans ressources et a déjà été condamné.
Dès lors, les risques pression et de concertation avant l'audience et de réitération des faits reprochés sont importants. En outre, ses garanties de représentation apparaissent insuffisantes eu égard à la peine encourue ;
Par ailleurs, l'ordre public est perturbé d'un trouble exceptionnel et persistant par les faits en ce qu'ils portent sur un réseau organisé et sur des quantités importantes de produits stupéfiants. La mise en liberté ne pourrait que raviver ce trouble.
La détention est l'unique moyen d'éviter toute pression ou concertation entre les co-auteurs jusqu'à l'audience de jugement, de prévenir le renouvellement de l'infraction, de garantir le maintien de l'intéressé à la disposition de la justice et de mettre fin au trouble exceptionnel et persistant à l'ordre public provoqué par l'infraction, les obligations du contrôle judiciaire étant insuffisantes ;
La Chambre confirme l'ordonnance déférée.
PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DE L'INSTRUCTION,
En la forme, reçoit l'appel.
Au fond, confirme l'ordonnance de rejet de demande de mise en liberté rendue le 21 avril 2006 par le juge des libertés et de la détention du Tribunal de Grande Instance du HAVRE.
Ordonne que le présent arrêt sera exécuté à la diligence de Monsieur le Procureur Général.
Fait au Palais de Justice le 11 mai 2006, en Chambre du Conseil, où la Chambre de l'instruction était composée de :- Madame le Président M. ROULEAU-Monsieur le Conseiller M. MOUCHARD-Monsieur le Conseiller L. DUPRAY Tous trois régulièrement nommé ou désignés conformément aux dispositions de l'article 191 du Code de procédure pénale. En présence du Ministère Public. Assistés de Mademoiselle N. POIGNIE, Greffier. Le présent arrêt a été signé par Madame le Président M. ROULEAU et Mademoiselle N. POIGNIE, Greffier. Mentionnons que par lettre recommandée dont le récépissé est annexé à la minute classée au Greffe de la Cour, il a été donné immédiatement connaissance du présent arrêt à l'avocat de la personne mise en examen. Le Greffier.