R.G : 05/03551 COUR D'APPEL DE ROUEN DEUXIÈME CHAMBRE ARRÊT DU 14 SEPTEMBRE 2006 DÉCISION DÉFÉRÉE : TRIBUNAL DE COMMERCE DE ROUEN du 23 Août 2005 APPELANT : Monsieur Alain X... ... 60200 COMPIEGNE représenté par la SCP DUVAL BART, avoués à la Cour assisté de Me Jean-Mary MORIN, avocat au barreau de Compiègne INTIMÉE : COOPÉRATIVE D'EXPLOITATION ET DE RÉPARTITION PHARMACEUTIQUES DE ROUEN (C.E.R.P.) 39 Rue des Augustins 76000 ROUEN représentée par Me Marie-Christine COUPPEY, avoué à la Cour assistée de Me Eric LAPORTE, avocat au barreau de Rouen COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 786 et 910 du nouveau Code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 31 Mai 2006 sans opposition des avocats devant Madame Y..., Présidente, rapporteur. Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de : Madame Y..., Présidente Monsieur LOTTIN, Conseiller Madame VINOT, Conseiller GREFFIER LORS DES DÉBATS : Madame Z..., Greffier DÉBATS : A l'audience publique du 31 Mai 2006, où la présidente a été entendue en son rapport oral et l'affaire mise en délibéré au 14 Septembre 2006 ARRÊT : CONTRADICTOIRE Prononcé publiquement le 14 Septembre 2006, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de procédure civile, signé par Monsieur LOTTIN, Conseiller de la mise en état, pour la Présidente empêchée, et par Madame DURIEZ, Greffier présent à cette audience. * * *
Exposé du litige :
Le 6 octobre 2004, une patiente s'est présentée à la pharmacie exploitée par M. X... avec une ordonnance lui prescrivant 28 injections d'un nouveau médicament dénommé "Forsteo".
M. X... a commandé le produit par téléphone auprès de la
Coopérative d'exploitation et de répartition pharmaceutiques de Rouen (ci-après CERP).
Le 7 octobre 2004, la CERP a livré 9 boîtes, les autres boîtes devant être livrées ultérieurement.
S'étant aperçu que chaque boîte contenait un stylo permettant de réaliser 28 injections, M. X..., exposant avoir présenté une réclamation le 7 octobre 2004, a retourné 6 boîtes à la CERP le 12 octobre 2004.
Une semaine plus tard, la CERP lui a retourné les médicaments au motif que la chaîne du froid n'avait pas été respectée.
Par acte d'huissier en date du 18 janvier 2005, M. X... a assigné la CERP pour obtenir sa condamnation, sous astreinte, à reprendre les six boîtes du produit Forsteo à ses frais, et à lui remettre un avoir de 2 644 ç et en paiement de dommages-intérêts pour résistance abusive.
Par jugement rendu le 23 août 2005, le tribunal de commerce de Rouen a :
- déclaré nulle l'assignation délivrée par M. X...,
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,
- condamné M. X... à payer les dépens et à payer à la CERP la somme de 1 000 ç sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
M. X... a interjeté appel de cette décision.
Pour l'exposé des prétentions et des moyens des parties, il est renvoyé aux conclusions signifiées par M. X... le 11 mai 2006 et par la CERP le 11 mai 2006.
Sur ce, la cour,
Sur la nullité de l'assignation :
Attendu que, pour accueillir l'exception de nullité de l'assignation, le jugement retient que cet acte ne contient aucun exposé des moyens
de droit, ni n'indique aucun texte de loi sur lequel la demande est fondée.
Attendu, cependant, que l'inobservation des formalités prescrites par l'article 56 du nouveau code de procédure civile ne constitue qu'une irrégularité de forme ; que, selon l'article 117 du nouveau code de procédure civile, la nullité d'un acte de procédure pour vice de forme ne peut être prononcée qu'à charge pour celui qui l'invoque de prouver le grief que lui cause l'irrégularité ;
Attendu, en l'espèce, que non seulement la CERP n'a allégué l'existence d'aucun grief, et qu'il résulte, en outre, de ses conclusions qu'elle a été en mesure d'organiser sa défense, mais que le jugement constate que, dans ses dernières conclusions, M. X... expose que la livraison n'a pas été conforme à la commande et qu'il demande, sur le fondement des articles 1582 et 1583 du code civil, la condamnation de la CERP à reprendre les boîtes excédentaires et à lui consentir un avoir ;
Qu'il s'ensuit que le jugement sera infirmé et que l'exception de nullité de l'assignation sera écartée ;
Sur le fond :
Attendu que, selon le règlement intérieur de la coopérative, les commandes sont passées par téléphone ou par télétransmission et qu'elles ne font l'objet d'aucune signature sauf opération particulière dont la délivrance de stupéfiants ;
Que les réclamations concernant les quantités et les prix portés sur les factures sont à signaler dans les 48 heures suivant la livraison et que le défaut de contestation dans ce délai équivaut à l'approbation définitive des mentions qui figurent tant sur le bon de livraison que sur la facture ;
Attendu que l'ordonnance de la cliente de M. X... prescrivait 28
injections du médicament Forsteo ;
Que, le 6 octobre 2004, la CERP a livré neuf boîtes de Forsteo, au prix de 444 ç la boîte, à M. X..., chaque boîte contenant un stylo permettant 28 injections ; qu'ainsi, et compte tenu de la prescription, M. X... n'avait besoin que d'une seule boîte ;
Attendu que l'attestation établie par la pharmacienne assistant M. X... prouve que, le jour de la livraison le 7 octobre 2004, ce dernier a, téléphoniquement, présenté une réclamation à la CERP quant à la quantité des médicaments livrés, se conformant ainsi au règlement intérieur de la coopérative ;
Attendu que le médicament Forsteo, périssable, était un médicament nouveau récemment mis sur le marché ; que la fiche technique n'a été publiée dans le quotidien du pharmacien que le 8 novembre 2004 et qu'il n'a été présenté aux pharmaciens dans le cadre des médicaments d'exception qu'au mois de décembre de la même année ; qu'ainsi, et en dépit de sa qualité de pharmacien, M. X... ne connaissait ni ce médicament, ni a fortiori son conditionnement à la date du 6 octobre 2004 ;
Attendu, en revanche, qu'en sa qualité de distributeur, la CERP était informée du conditionnement du produit puisque la plaquette publicitaire qu'elle produit mentionne qu'un stylo suffit pour 28 injections, correspondant à 28 jours de traitement ;
Qu'eu égard à la nouveauté du médicament, il appartenait à la CERP, qui disposait de l'information utile, de s'enquérir des besoins de son client et de l'informer du conditionnement du produit de façon à ne lui livrer que la quantité nécessaire à la prescription ;
Attendu que, compte tenu du renouvellement de la prescription à la cliente, M. X... a pu vendre trois boîtes ;
Qu'ayant été informée de la contestation du pharmacien dans le délai de réclamation, il appartenait à la CERP de reprendre les boîtes de
médicament ;
Attendu que la CERP sera condamnée à reprendre, à ses frais, les six boîtes de Forsteo invendues et à consentir à M. X... un avoir de 2 644 ç ;
Attendu que la défense en justice ne peut, sauf circonstances particulières, dégénérer en abus lorsque sa légitimité a été reconnue par les premiers juges, malgré l'infirmation dont leur décision fait l'objet ;
Que M. X..., qui n'allègue aucune circonstance particulière caractérisant l'abus de la CERP de se défendre en justice, sera
Que M. X..., qui n'allègue aucune circonstance particulière caractérisant l'abus de la CERP de se défendre en justice, sera débouté de sa demande de dommages-intérêts ;
PAR CES MOTIFS :
Infirme le jugement entrepris ;
Ecarte l'exception de nullité de l'assignation ;
Condamne la Coopérative d'exploitation et de répartition pharmaceutiques de Rouen, "CERP", à reprendre les six boîtes de Forsteo, dans un délai d'un mois à compter de la signification du présent arrêt, sous astreinte de 15 ç (quinze euros) par jour de retard ;
Condamne la Coopérative d'exploitation et de répartition pharmaceutiques de Rouen, "CERP", à consentir à M. X... un avoir de 2 644 ç et dit qu'à défaut, le présent arrêt vaudra avoir ;
Déboute M. X... de sa demande de dommages-intérêts pour résistance abusive ;
Vu l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
Condamne la Coopérative d'exploitation et de répartition pharmaceutiques de Rouen, "CERP", à payer les dépens de première instance et d'appel, avec droit de recouvrement direct au profit des
avoués de la cause, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.