R.G : 04/03338COUR D'APPEL DE ROUEN DEUXIÈME CHAMBRE ARRÊT DU 05 OCTOBRE 2006 DÉCISION DÉFÉRÉE :TRIBUNAL DE COMMERCE DE ROUEN du 13 Juillet 2004 APPELANT :Monsieur Jean-Louis X... ... représenté par la SCP GALLIERE LEJEUNE MARCHAND GRAY, avoués à la Cour assisté de Mes Gérard FREZAL et Guy FARCY, avocats au barreau de Rouen INTIMÉS :DIRECTION GÉNÉRALE DES IMPÈTS ROUEN/MADELEINE Cité Administrative Saint Sever Quai Jean Moulin 76032 ROUEN CEDEX représentée par la SCP DUVAL BART, avoués à la Cour assistée de Me BEAUREPAIRE, substituant Me Philippe BEAUSSART avocat au barreau de Rouen Me Daniel Y..., agissant en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan de Monsieur Jean-Louis X... ... Me Béatrice Z..., agissant en sa qualité de représentant des créanciers au redressement judiciaire de Monsieur Jean-Louis X... ... représentés par la SCP COLIN VOINCHET RADIGUET ENAULT, avoués à la Cour COMPOSITION DE LA COUR :En application des dispositions des articles 786 et 910 du nouveau Code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 28 Juin 2006 sans opposition des avocats devant Madame VINOT, Conseiller, rapporteur. Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :Madame BIGNON, Présidente Monsieur LOTTIN, Conseiller Madame VINOT, Conseiller GREFFIER LORS DES DÉBATS :Madame DURIEZ, Greffier DÉBATS :A l'audience publique du 28 Juin 2006, où le conseiller a été entendu en son rapport oral et l'affaire mise en délibéré au 05 Octobre 2006 ARRÊT : CONTRADICTOIRE Prononcé publiquement le 05 Octobre 2006, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de procédure civile, signé par Monsieur LOTTIN, Conseiller de la mise en état, pour la Présidente empêchée, et par
Madame DURIEZ, Greffier présent à cette audience.* * *
EXPOSÉ DU LITIGE
Par jugement du 18 novembre 1997, le tribunal de commerce de Rouen a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de Monsieur X..., artisan en peinture et décoration, Maître Y... étant désigné comme administrateur et Maître A... comme représentant des créanciers.
La recette principale des impôts de Rouen-Madeleine a, le 13 janvier 1998, adressé à Maître A... une déclaration de créance pour un montant total de 1 492 652,55 francs dont 693 152,55 francs à titre définitif, hypothécaire (correspondant à la TVA, la taxe d'apprentissage et la participation des employeurs au financement de la formation professionnelle des années 1992, 1993 et 1994 résultant d'un avis de mise en recouvrement du 21 novembre 1996) et 799 500 francs à titre provisionnel et privilégié (correspondant à la TVA, la taxe d'apprentissage et la participation des employeurs au financement de la formation professionnelle des années 1995, 1996 et 1997).
Par requête du 9 novembre 1998, la recette des impôts a informé le juge commissaire du caractère définitif des impositions relatives aux années 1995 et 1996 et demandé l'admission à titre définitif pour la somme de 1 338 549,55 francs.
Par une notification du greffe de dépôt de l'état des créances du 10 septembre 1998, elle avait été informée d'une admission de sa créance à titre privilégié pour la somme de 1 492 652,55 francs déclarée à l'origine.
Interprétant la notification comme portant sur une admission à titre provisionnel seulement, elle a sollicité qu'il soit statué à titre définitif.
Relevant que de "nombreuses actions et procédures n'avaient pas
permis de statuer sur l'admission de la créance sollicitée par la recette des impôts", le juge commissaire du tribunal de commerce de Rouen a, par ordonnance du 13 juillet 2004 :
- débouté Monsieur X... de toutes ses demandes et prétentions
- dit recevable et fondée la déclaration de créance de la recette des impôts de Rouen Madeleine à l'encontre de Monsieur X...
- admis en conséquence ladite créance au passif du redressement judiciaire de Monsieur X... pour la somme de 204 060,56 euros (1 338 549,55 francs) à titre définitif, dont 105 670,43 euros (693 152,55 francs) à titre hypothécaire et subsidiairement privilégié, et 98 390,13 euros (645 397 francs) à titre privilégié
- alloué les dépens en frais privilégiés.
Monsieur X... a interjeté appel de cette ordonnance.
Pour l'exposé des moyens des parties, il est renvoyé aux conclusions signifiées le 20 mars 2006 pour l'appelant, le 29 mai 2006 pour Maître Z... es qualité de représentant des créanciers et Maître Y... es qualité de commissaire à l'exécution du plan et le 9 juin 2006 pour la direction générale des impôts de Rouen Madeleine.
Monsieur X... conclut à l'irrecevabilité de la déclaration de créance, subsidiairement à son mal fondé et en conséquence à son rejet ainsi qu'à la condamnation de la recette principale des impôts à lui payer la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Maître Z... et Maître Y... concluent à ce que soit jugé bien fondé leur appel incident, à la réformation de l'ordonnance, au débouté de la recette des impôts de sa demande d'admission de créance au titre de la pénalité de 40 %, faute par elle d'administrer la
preuve de la mauvaise foi de Monsieur X..., au débouté de la demande d'admission de créance correspondant aux pénalités mentionnées dans les avis de mise en recouvrement émis le 8 juillet 1998 soit après l'ouverture du redressement judiciaire et à la confirmation de l'ordonnance pour le surplus.
Le comptable de la direction générale des impôts de Rouen Madeleine conclut à la réformation partielle de l'ordonnance en ce que le juge ne pouvait statuer une nouvelle fois sur l'admission au passif de créances précédemment admises s'agissant des impositions des années 1992, 1993 et 1994 définitivement admises par l'ordonnance notifiée le 10 septembre 1998 et en conséquence à l'irrecevabilité de l'appel, à la confirmation de l'ordonnance pour le surplus et au rejet des prétentions concernant la non admission au passif de la majoration de 40 %.
SUR CE
Sur la recevabilité des conclusions déposées par le comptable des impôts de Rouen Madeleine
Il est soutenu par Monsieur X... que les conclusions prises à la requête du comptable des impôts de Rouen Madeleine qui n'a jamais été intimé devant la cour seraient irrecevables.
Il est constant qu'était partie en première instance la recette des impôts de Rouen Madeleine.
C'est bien elle qui conclut, régulièrement représentée par le comptable des impôts aux termes des dispositions vantées (décret du 29 juin 2004) qui ont supprimé le grade de receveur des impôts.
Les conclusions déposées le 8 février 2005 et postérieurement sont donc recevables.
Sur la créance correspondant à l'avis de mise en recouvrement du 21
novembre 1996 d'un montant déclaré de 693 152,55 francs
La recette des impôts, comme Maîtres Y... et Z..., font valoir que, par l'ordonnance apposée au bas de l'état des créances et notifiée le 10 septembre 1998, le juge commissaire s'était déjà prononcé pour l'admission à titre définitif de cette créance, que sa décision qui n'a été frappée d'aucun recours est devenue définitive et qu'aucune contestation ne peut plus être émise.
De l'examen des pièces produites, il ressort que le 28 août 1998 a été déposé au greffe du tribunal de commerce de Rouen un état des créances signé du représentant des créanciers et du juge commissaire, état portant les mentions suivantes s'agissant de la créance de la RPI Rouen Madeleine : "proposition d'admission à titre priv général :
799 500, proposition d'admission à titre priv spécial : 693 152,55, observations : priv général provisionnel hypothèque sur immeuble sis à Bouville et à Barentin" et au bas la décision suivante : "ratifions les propositions du représentant des créanciers et disons que chaque créancier sera avisé par lettre du greffier lui notifiant le dépôt de l'état des créances, avec indication de la somme pour laquelle il est admis" suivie de la signature du juge commissaire ; que la RPI Rouen Madeleine a reçu notification du dépôt de l'état des créances le 10 septembre 1998.
En l'état des signatures et notification susvisées, les intimés sont effectivement fondés à faire valoir que, en ce qui concerne la créance déclarée à titre privilégié spécial pour 693 152,55 francs, le juge commissaire s'était alors prononcé sur son admission sollicitée à titre définitif, sa décision n'étant par la suite frappée d'aucun recours.
Dès lors que l'état des créances n'avait pas à être notifié au débiteur et que ce dernier n'avait pas de recours contre son dépôt, les observations de Monsieur X... relatives à l'absence de notification et de justification de la publication sont dénuées de
pertinence.
L'est également son observation relative à l'envoi au juge commissaire, en 2001, de courriers de la recette des impôts sollicitant son admission à titre définitif pour la totalité de la créance dès lors que ces courriers procèdent manifestement, ainsi que la recette le reconnaît, d'une erreur de lecture de sa part de la notification du 10 septembre 1998.
Il n'est pas soutenu que Monsieur X... aurait, dans le cadre de la vérification du passif antérieure à septembre 1998, élevé une contestation qui aurait dû être soumise par le représentant des créanciers au créancier puis tranchée par le juge commissaire après débat contradictoire.
Dans ces conditions, la recette des impôts soutient à juste titre que le juge commissaire avait, par la décision notifiée le 10 septembre 1998, statué sur l'admission de la créance déclarée à titre définitif et que sa décision était devenue définitive comme n'ayant fait l'objet d'aucun recours de sorte qu'il n'avait pas à statuer à nouveau en 2004.
Sur la créance correspondant à l'avis de mise en recouvrement du 8 juillet 1998
Pour conclure à l'irrecevabilité de l'admission au passif de la créance de la recette des impôts, Monsieur X... se prévaut en premier lieu de l'autorité de chose jugée qui serait attachée au jugement du tribunal de commerce en date du 26 octobre 1999 ayant arrêté le plan de redressement par continuation de Monsieur X..., lequel jugement n'aurait pas pris en compte la dette fiscale.
Outre qu'aucune démonstration n'est opérée quant au fait que le plan de continuation n'intégrerait pas la dette fiscale (alors que, comme le soutient la recette des impôts, le chiffre du passif retenu dans le plan de continuation est d'un montant sensiblement équivalent à
celui porté dans l'état des créances intégrant la dette fiscale), il sera relevé que l'autorité du jugement arrêtant le plan n'est attachée qu'à l'organisation de la continuation de l'entreprise et à son exécution par les personnes qu'il désigne.
Monsieur X... soutient en second lieu qu'il ne serait pas justifié d'une créance fiscale définitive exigible à son égard dans la mesure où il n'est pas justifié de ce que la procédure de mise en recouvrement a été menée dans le respect du livre des procédures fiscales en l'absence de notification régulière des avis de mise en recouvrement.
Or il est justifié par l'intimée de la signature le 8 juillet 1998 d'un avis de mise en recouvrement rendu exécutoire et d'un envoi en recommandé avec accusé de réception adressé à Monsieur X... le 10 juillet 1998, lequel a été retourné signé.
L'intimée observe sans être contredite que, pour les rappels visés sur cet avis de mise en recouvrement, Monsieur X... a été condamné pour fraude fiscale aux termes d'un arrêt définitif, lequel énonce que la preuve de la matérialité du délit de fraude est établie ainsi que sa reconnaissance par le prévenu.
Ainsi donc, comme elle le soutient et comme le soutiennent également Maître Z... et Y..., Monsieur X... a connaissance depuis des années de l'existence d'un titre exécutoire à l'encontre duquel il n'a formé aucune réclamation devant l'administration seule compétente pour trancher la contestation qu'il élève concernant la signature figurant sur l'accusé de réception ou le contenu du pli recommandé.
Il est donc justifié d'un titre exécutoire établi conformément aux dispositions de l'article L 256 du livre des procédures fiscales.
Maîtres Y... et Z..., qui ne contestent pas l'existence d'un titre exécutoire, s'opposent cependant quant à eux à ce que le Trésor
puisse inclure dans sa créance des pénalités et intérêts de retard.
Or, l'intimée oppose à juste titre les dispositions de l'article 1740 octiès du code général des impôts et celles de l'article 1728-3 en application desquelles les majorations en l'espèce réclamées ne sont pas de celles remises en cas de redressement ou liquidation judiciaire.
Elle observe encore à juste titre que le fait générateur des majorations en question est constitué par le défaut de déclaration du contribuable dans les 30 jours de la mise en demeure de déposer le document qui lui a été adressée, et non par l'avis de mise en recouvrement, et qu'il est justifié par la chronologie figurant dans la notification de redressement du 23 février 1998 de la délivrance des mises en demeure visées à l'article 1728-3 antérieurement au redressement judiciaire.
En conséquence, l'admission au passif de la créance au titre de l'avis de mise en recouvrement du 8 juillet 1998 est justifiée et l'ordonnance sera sur ce point confirmée.
Sur la créance correspondant à l'avis de mise en recouvrement du 20 octobre 1998
Aucun motif de critique de la décision autre que celui déjà examiné et relatif à la prétendue autorité du jugement adoptant un plan n'est développé.
L'ordonnance sera donc confirmée sur ce point.
PAR CES MOTIFS
Confirme l'ordonnance entreprise sauf en ce qu'elle a admis la créance pour la somme de 105 670,43 euros à titre hypothécaire et subsidiairement privilégié.
Statuant sur le chef infirmé :
Dit qu'il a été statué définitivement sur l'admission à titre définitif de la créance de 105 670,43 euros par décision notifiée à la direction générale des impôts de Rouen Madeleine le 10 septembre 1998.
Déclare irrecevable la contestation de Monsieur X....
Déboute Monsieur X... de sa demande au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Ordonne l'emploi des dépens de première instance et d'appel en frais privilégiés de la procédure collective avec droit de recouvrement direct au profit des avoués de la cause, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.