R.G : 06/02748
COUR D'APPEL DE ROUEN
DEUXIÈME CHAMBRE
ARRÊT DU 25 OCTOBRE 2007
DÉCISION DÉFÉRÉE :
TRIBUNAL DE COMMERCE DE DIEPPE du 04 Mai 2006
APPELANTE :
SOCIÉTÉ BANQUE PATRIMOINE ET IMMOBILIER (B.P.I.)
précédemment dénommée "CIF BANQUE" et" BANQUE WOOLWICH"
9 rue de Boudreau
75427 PARIS CEDEX 9
représentée par la SCP HAMEL FAGOO DUROY, avoués à la Cour
assistée de Me Jean-Jacques BRUMENT, avocat au barreau de Dieppe
INTIMÉ :
Me Daniel Y..., agissant en sa qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de Monsieur Bernard Z...
...
76000 ROUEN
représenté par Me COUPPEY, avoué à la Cour
assisté de Me Laurent BEUVIN, avocat au barreau de Dieppe
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 910 du nouveau Code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 18 Septembre 2007 sans opposition des avocats devant Monsieur LOTTIN, Conseiller, rapporteur, en présence de Madame VINOT, Conseiller.
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Madame BARTHOLIN, Présidente
Monsieur LOTTIN, Conseiller
Madame VINOT, Conseiller
GREFFIER LORS DES DÉBATS :
Madame DURIEZ, Greffier
DÉBATS :
A l'audience publique du 18 Septembre 2007, où le président d'audience a été entendu en son rapport oral et l'affaire mise en délibéré au 25 Octobre 2007
ARRÊT :
CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 25 Octobre 2007, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de procédure civile,
signé par Madame BARTHOLIN, Présidente et par Madame DURIEZ, Greffier.
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* *
Exposé du litige
M. Bernard Z... a été placé en liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Dieppe rendu le 5 novembre 1992.
Il a néanmoins acquis avec Madame Claire B..., par acte du 16 mai 1997, des biens et droits immobiliers situés à Lamberville (76) moyennant un prix de 700.000 francs financé partiellement par un emprunt de 600.000 francs auprès de la société Banque Woolwich.
Par acte en date du 9 septembre 2005, M. Daniel Y... es-qualités de liquidateur de la liquidation judiciaire de M. Z... a assigné la société Banque Patrimoine et Immobilier (Bpi), nouvelle dénomination de la Banque Woolwich, aux fins de lui voir déclarer inopposable le paiement de la somme de 91.469,41 € (600.000 francs) régularisé par la société Banque Woolwich le 16 mai 1997 et de voir condamner la société Bpi à lui payer la somme de 91.469,41 € avec intérêts de droit au taux légal à compter du 16 mai 1997 ainsi qu'une indemnité de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Par jugement rendu le 4 mai 2006, le tribunal de commerce de Dieppe a :
- reçu Maître Y... es-qualité de mandataire liquidateur de la liquidation judiciaire de M. Z... dans ses fins et conclusions et les a déclarées partiellement mal fondées,
- reçu la Bpi dans ses fins et conclusions et les a déclarées partiellement mal fondées,
- débouté Maître Y... es-qualité de mandataire liquidateur de la liquidation judiciaire de M. Z... de sa demande envers la Banque Patrimoine et Immobilier anciennement dénommée Banque Woolwich à payer entre ses mains la somme de 91.469,41 € avec intérêts de droit au taux légal à compter du 16 mai 1997,
- constaté que l'hypothèque détenue par la Banque Patrimoine et Immobilier est inopposable à la liquidation judiciaire,
- dit que le prix de vente de l'immeuble reviendra à la masse des liquidations judiciaires respectives de M. Z... et de Madame B... à proportion de leur droit de propriété respectif à savoir 1/4 et 3/4,
- ordonné l'exécution provisoire du jugement,
- rejeté les autres demandes des parties,
- condamné la Banque Patrimoine et Immobilier en tous les dépens.
Pour statuer comme il l'a fait, le tribunal, s'il a retenu la bonne foi de la banque quant à son absence de connaissance de la procédure collective, a néanmoins retenu que la créance de la société Bpi était inopposable à la procédure collective en application de l'article L 622-9 du code de commerce et qu'elle devrait être payée après le désintéressement des créanciers de la liquidation judiciaire.
La société Bpi a interjeté appel de cette décision.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 8 juin 2007.
Prétentions et moyens des parties
Pour l'exposé des prétentions et des moyens des parties, il est renvoyé aux conclusions signifiées le 3 octobre 2006 par la société Bpi et le 8 juin 2007 par M. Daniel Y... es-qualités de mandataire liquidateur de la liquidation judiciaire de M. Bernard Z....
Leurs moyens seront examinés dans les motifs de l'arrêt.
La société Bpi sollicite la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. Daniel Y... es-qualités de sa demande en paiement mais demande à la cour de le réformer pour le surplus en jugeant qu'en sa qualité de créancier hypothécaire elle sera réglée de sa créance par priorité sur le prix de vente de l'immeuble et en condamnant
M. Daniel Y... es-qualités à lui payer une somme de 5.000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure injustifiée et une somme de 5.000 € par application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
M. Daniel Y... es-qualités de mandataire liquidateur de la liquidation judiciaire de M. Bernard Z... sollicite la confirmation du jugement entrepris en toutes ses dispositions et demande à la cour de condamner la société Bpi à lui payer une somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Sur ce, la Cour,
Aucune des parties ne critique les dispositions du jugement ayant M. Daniel Y... es-qualités de sa demande de condamnation de la société Bpi à lui payer la somme de 91.469,41 € avec intérêts de droit au taux légal à compter du 16 mai 1997.
Dès lors, ces dispositions ne peuvent qu'être confirmées.
Sur la demande de la société Bpi tendant au paiement prioritaire de sa créance sur le prix de vente de l'immeuble
Si elle admet que les actes accomplis par M. Z... le 16 mai 1997 sont inopposables à la procédure collective, la société Bpi soutient qu'ils ne peuvent non plus lui profiter et que la liquidation judiciaire ne saurait se trouver ainsi, sauf inéquité ou injustice flagrante, titulaire d'un droit prioritaire sur le prix d'un immeuble qu'elle n'a jamais payé alors qu'elle-même a été délibérément trompée par M. Z... qui a déclaré ne pas être et n'avoir jamais été en liquidation.
La société Bpi prétend que la procédure collective ne peut sauf enrichissement sans cause appréhender les biens acquis par le débiteur au cours de la procédure sans que soient réglées au préalable les dettes nées des actes ainsi accomplis.
Elle fait valoir qu'elle doit d'autant plus être réglée en priorité sur le prix de vente de l'immeuble litigieux qu'elle bénéficie d'une hypothèque sur l'immeuble, droit réel qui suit le bien en quelques mains qu'il passe.
Toutefois le patrimoine du débiteur personne physique en liquidation judiciaire, qui comprend les biens qu'il a acquis pendant le cours de la procédure collective en violation des règles du dessaisissement, est indivisible et constitue le gage général des créanciers ayant régulièrement déclaré leurs créances.
Tant l'acte de prêt consenti par la société Bpi (ex-Banque Woolwich) que l'inscription d'hypothèque consentie par les emprunteurs à la banque sont inopposables à la procédure collective en application de l'article L 622-9 du code de commerce dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de la loi du 26 juillet 2005, sans que les dispositions de l'article L 621-32 du code de commerce dans cette même rédaction puissent s'appliquer dès lors que la créance de la banque est née irrégulièrement après l'ouverture de la procédure collective.
La bonne foi de la banque est sans incidence sur la mise en oeuvre de ces règles de droit.
L'enrichissement sans cause invoqué par la partie appelante ne saurait trouver application en l'espèce dès lors que la société Bpi dispose d'une action contre son emprunteur en liquidation judiciaire, le litige portant seulement sur la priorité de paiement entre les créanciers.
La cour, adoptant pour le surplus les motifs de la décision entreprise, confirmera cette dernière de ce chef.
Sur la demande de la société Bpi au titre de l'action abusive de M. Daniel Y... es-qualités
Pour justifier cette demande sur laquelle le tribunal ne s'est pas prononcé, la société Bpi fait valoir que l'action engagée par M. Daniel Y... es-qualités pour obtenir d'elle un second paiement de la somme objet du prêt n'a fait que retarder considérablement la solution du litige et la possibilité pour elle d'être réglée de sa créance.
Toutefois, l'appelante ne démontre pas la réalité du retard qu'elle invoque sur le déroulement des opérations de liquidation judiciaire et n'allègue aucun autre élément de nature à caractériser l'abus commis par M. Daniel Y... es-qualités dans l'exercice de son action. Elle sera en conséquence déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour appel abusif.
La société Bpi sera déboutée de sa demande faite sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et sera condamnée à payer une somme de 2.000 € à M. Daniel Y... es-qualités au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Déboute la société Bpi de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive et injustifiée et de sa demande au titre des frais irrépétibles,
Condamne la société Bpi à payer à M. Daniel Y... es-qualités de mandataire liquidateur de la liquidation judiciaire de M. Z... une indemnité de 2.000 € au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel,
Condamne la société Bpi à payer les dépens de première instance et d'appel, avec droit de recouvrement direct au profit des avoués de la cause, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.
LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,