R.G : 06/00134
COUR D'APPEL DE ROUEN
DEUXIÈME CHAMBRE
ARRÊT DU 06 DÉCEMBRE 2007
DÉCISION DÉFÉRÉE :
TRIBUNAL DE COMMERCE DE PONT AUDEMER du 09 Décembre 2005
APPELANTE :
S.C.I. CHATEAU DU LIVET, représentée par Me Georges PELLIER - agissant en sa qualité de liquidateur amiable - 27800 LIVET SUR AUTHOU
représentée par la SCP HAMEL FAGOO DUROY, avoués à la Cour
assistée de Me Julie LADO, avocat au barreau de Paris
INTIMÉE :
SCP GUERIN ET DIESBECQ, agissant en sa qualité de liquidateur aux liquidations judiciaires des sociétés SR PLUS, MENUISERIE RISLOISE, RISLOISE D'ELECTRICITÉ ET MARINE CONSTRUCTIONS
9 Rue Henri Ducy
27000 EVREUX
représentée par la SCP GALLIERE LEJEUNE MARCHAND GRAY, avoués à la Cour
assistée de Me Olivier COTE, avocat au barreau de Bernay
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 910 du nouveau Code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 10 Octobre 2007 sans opposition des avocats devant Madame BARTHOLIN, Présidente, rapporteur, en présence de Monsieur LOTTIN, Conseiller.
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Madame BARTHOLIN, Présidente
Monsieur LOTTIN, Conseiller
Madame VINOT, Conseiller
GREFFIER LORS DES DÉBATS :
Madame DURIEZ, Greffier
MINISTÈRE PUBLIC :
Auquel l'affaire a été régulièrement communiquée et qui requiert la confirmation de la décision entreprise
DÉBATS :
A l'audience publique du 10 Octobre 2007, où la présidente a été entendue en son rapport oral et l'affaire mise en délibéré au 22 Novembre 2007, délibéré prorogé au 29 Novembre 2007du fait de l'indisponibilité de la présidente puis au 06 Décembre 2007 en raison du mouvement de grève concernant la réforme de la carte judiciaire
ARRÊT :
CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 29 Novembre 2007, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de procédure civile,
signé par Madame BARTHOLIN, Présidente et par Madame DURIEZ, Greffier.
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* *
EXPOSÉ DU LITIGE
Faits et procédure :
Par jugements en date des 14 septembre 2001 et 8 février 2002, le tribunal de commerce de Pont Audemer a prononcé la liquidation judiciaire des SARL SR PLUS et MENUISERIE RISLOISE et, par jugement en date du 22 mars 2002, a converti la procédure de redressement judiciaire de la SAS MARTINE CONSTRUCTION et de SARL RISLOISE D'ELECTRICITÉ en liquidation judiciaire.
Par jugement en date du 28 juin 2002, le tribunal de commerce a déclaré communes les procédures ouvertes à l'encontre desdites sociétés, la SCP GUERIN DIESBECQ se voyant confier les fonctions de liquidateur judiciaire pour l'ensemble de ces procédures.
Par ordonnance du 22 février 2002, un expert a été désigné en la personne de Monsieur C... chargé notamment de vérifier que la totalité des travaux effectués par la société MARINE CONSTRUCTION avait bien été facturée aux clients et plus généralement apprécier la régularité des relations entre les différentes sociétés apparentées à la société MARINE CONSTRUCTION.
L'expert a déposé son rapport le 30 mai 2002.
Sur la base de ce rapport, le liquidateur la SCP GUERIN DIESBECQ a demandé au tribunal de commerce d'étendre la liquidation à l'égard de la SCI CHÂTEAU DU LIVET ; ainsi le tribunal de commerce de Pont Audemer a fait droit à la demande par jugement prononcé le 22 octobre 2002 ; ce jugement a été annulé par un arrêt de cette cour du 7 avril 2005 au motif que le gérant de la SCI à savoir Monsieur Hélianthe D... n'avait pas été appelé ni entendu en Chambre du Conseil comme le prévoit l'article L621-4 du code de commerce.
Par nouvel acte d'huissier en date du 4 mai 2005, la SCP GUERIN DIESBECQ a fait assigner à nouveau la SCI CHÂTEAU DU LIVET aux mêmes fins.
Par jugement en date du 9 décembre 2005, le tribunal de commerce de Pont-Audemer a :
- dit recevable et bien fondée l'action engagée à l'encontre de la SCI Château du livet ;
- en conséquence, décidé d'étendre à la SCI Château du Livet la liquidation judiciaire déclarée commune aux sociétés SR PLUS, MENUISERIE RISLOISE , RISLOISE D'ELECTRICITÉ, et MARINE CONSTRUCTION ,
- désigné Monsieur E... comme juge commissaire et nommé Me DIESBECQ comme liquidatrice judiciaire ;
- ordonné l'exécution provisoire de la décision ;
- ordonné l'emploi des dépens en frais privilégiés de la procédure.
Par déclaration du 9 janvier 2006, la SCI CHÂTEAU DU LIVET "représentée par Monsieur Georges André PELLIER es qualité de liquidateur amiable" a fait appel de cette décision.
Contestant la recevabilité de cet appel, la SCP GUERIN DIESBECQ a saisi le conseiller de la mise en état qui, par ordonnance du 27 mars 2007, a déclaré l'appel recevable.
La SCI CHÂTEAU DU LIVET, par conclusions récapitulatives signifiées le 14 septembre 2007, demande à la cour :
- de réformer le jugement déféré en toutes ses dispositions et de :
- constater la nullité de la saisine du tribunal pour défaut de pouvoir du représentant de la personne morale,
- constater que le débiteur n'a pu être dûment appelé pour être entendu en chambre du conseil et que les droits de la défense notamment le principe du contradictoire ont été bafoués,
- annuler en conséquence purement et simplement le jugement déféré,
- subsidiairement au fond :
- de constater que ni confusion des patrimoines ni flux financiers anormaux n'ont été établis entre la SAS Marine Construction, ses filiales les sociétés SR PLUS, MENUISERIE RISLOISE et RISLOISE D'ELECTRICITÉ et la SCI CHÂTEAU DU LIVET,
- de débouter en conséquence la SCP Guerin Diesbecq de toutes ses demandes,
- en tout état de cause, réserver les dépens en frais privilégiés de la procédure.
La SCP GUERIN DIESBECQ es qualités conclut au mal fondé de l'appel et demande de confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions.
A titre subsidiaire, si par extraordinaire la cour devait annuler le jugement déféré, elle demande de dire que la cour se trouve saisie de l'entier litige, par l'effet dévolutif de l'appel en application de l'article 562 du NCPC.
Vu les dispositions des article L 620-2 et L 621-5 du code de commerce,
- d'étendre la liquidation judiciaire commune aux sociétés SR PLUS, MENUISERIE RISLOISE et RISLOISE D'ELECTRICITÉ et MARINE CONTRUCTION à la SCI CHÂTEAU DU LIVET ;
- condamner la SCI CHÂTEAU DU LIVET en tous les dépens de première instance et d'appel qui seront passés en frais privilégiés de la procédure avec le droit de recouvrement prévu par l'article 699 du NCPC au profit de la SCP MARCHAND, GRAY, SCOLAN.
Pour l'exposé complet des moyens des parties, il convient de se référer aux conclusions des parties, celles signifiées le 14 septembre 2007 par la SCI CHÂTEAU DU LIVET et celles signifiées le 27 septembre 2007 par la SCP GUERIN DIESBECQ, ces moyens seront examinés au cours de la discussion.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 5 octobre 2007.
MOTIFS
Il importe de rappeler pour la compréhension du litige que la société de droit belge European Marine Consulting détenait la totalité du capital social de la SAS MARINE CONSTRUCTION créée en mars 2000 , laquelle société a elle-même pris des participations dans trois autres sociétés que sont les SARL MENUISERIE RISLOISE, RISLOISE D'ELECTRICITÉ et SR Plus déclarées en liquidation judiciaire commune avec MARINE CONSTRUCTION SAS.
Par ailleurs, la société de droit belge SA MARINE PARTNERS a elle-même acquis 2499 parts sociales de la SCI CHÂTEAU DU LIVET propriétaire du château du même nom et de ses dépendances et dont le gérant de droit est Monsieur Hélianthe D....
I - Sur les moyens de nullité de la procédure :
La SCI CHÂTEAU DU LIVET fait valoir , eu égard à l'exécution provisoire qui s'attache au jugement du 25 octobre 2002 ayant étendu à la SCI CHÂTEAU DU LIVET la liquidation des sociétés MARINE CONSTRUCTION, SR PLUS, MENUISERIE RISLOISE ET RISLOISE D'ELECTRICITÉ, que le gérant de la SCI Monsieur Hélianthe D... n'avait plus pouvoir pour représenter la société lorsqu'elle a été assignée à nouveau le 4 mai 2005 en extension de la liquidation à la suite de l'arrêt d'annulation de cette cour en application des articles 1844-7 7o et de l'article 117 du NCPC, ce qui constitue une irrégularité de fond.
Elle souligne que la cour de cassation a eu l'occasion de rappeler le caractère irrévocable de la dissolution de la société qui ne peut renaître et revenir in bonis après clôture de la liquidation pour extinction du passif.
Or la cour d'appel, en annulant par un arrêt du 7 avril 2005, le jugement déféré du 25 octobre 2002 qui a étendu la liquidation judiciaire à la SCI CHÂTEAU DU LIVET, a annulé le jugement, le privant de tout effet juridique.
Il s'ensuit que postérieurement à cet arrêt dont Monsieur Hélianthe D... ne soutient pas n'avoir pas eu connaissance, le gérant de la SCI avait recouvré ses pouvoirs de représentation.
Différente est l'hypothèse invoquée par la SCI de la clôture de la liquidation pour extinction du passif qui ne fait pas revivre la société dont la liquidation a été définitivement prononcée ; d'où il suit que le moyen tiré du caractère irrévocable de la liquidation est inopérant en l'espèce , l'arrêt de la cour du 7 avril 2005 ayant eu pour effet de mettre à néant la décision de liquidation à l'égard de la SCI qui ne prétend pas n'en avoir pas eu connaissance.
Ainsi le moyen tiré de l'absence de pouvoir du gérant n'est pas fondé.
La SCI CHÂTEAU DU LIVET soutient également que c'est à tort que le gérant a été assigné à l'adresse du siège de la SCI CHÂTEAU DU LIVET alors qu'une ordonnance d'un juge d'instruction lui faisait interdiction de s'y rendre dans le cadre de son contrôle judiciaire consécutif à sa mise en examen, ce que ne pouvait ignorer le liquidateur la SCP GUERIN DIESBECQ qui s'est constituée partie civile dans la procédure pénale ; que l'assignation n'a donc pas été valablement délivrée et le gérant valablement convoqué.
Or tout en invoquant une décision d'un juge d'instruction lui faisant interdiction de paraître au siège social de la SCI CHÂTEAU DU LIVET, celle-ci qui n'invoque pas que le mandat de gérant était affecté d'autre interdiction tenant à son pouvoir de gestion de la société, n'a même pas produit aux débats de la cour le document dont celui-ci a nécessairement été destinataire et dont elle n'indique même pas la date.
Il s'ensuit que la SCP CHÂTEAU DU LIVET qui n'a d'autre obligation que de convoquer l'organe de représentation de la société au siège de celle-ci sans avoir à rechercher l'adresse personnelle du gérant dont elle n'a pas été informée, a valablement assigné le gérant de la SCI CHÂTEAU DU LIVET au siège social de celle-ci.
Il est du reste remarquable que la SCI CHÂTEAU DU LIVET qui avait soulevé en première instance le défaut de pouvoir du gérant du fait du prononcé de la l'extension de la procédure de liquidation n'avait pas invoqué le moyen de nullité tenant au fait que le gérant n'aurait pas été valablement assigné.
La circonstance que, postérieurement à cette assignation et en juillet 2005, la SCI CHÂTEAU DU LIVET ait requis auprès du président du tribunal de grande instance la désignation d'un mandataire ad'hoc improprement qualifié de liquidateur amiable en la personne de Monsieur PELLIER ne prive pas d'effet l'assignation délivrée antérieurement.
Il s'ensuit que les moyens tendant à la nullité de l'assignation du 4 mai 2007 ne sont pas fondés et doivent être rejetés.
II - Sur le fond :
* Sur le rapport d'expertise :
La société civile immobilière CHÂTEAU DU LIVET soutient que le tribunal s'est appuyé, pour prononcer l'extension de la liquidation judiciaire, sur un rapport d'expertise qui a été diligentée sans respect du contradictoire ; que Monsieur C... l'expert n'a convoqué que deux personnes, le dirigeant de droit de la société MARINE CONSTRUCTION et l'expert comptable de ladite société sans entendre Madame D... ni Monsieur F... PATTE alors pourtant qu'il s'autorise d'une part à les désigner comme dirigeants de fait sur les seules affirmations de Monsieur G... qui y avait intérêt et d'autre part à mettre en cause la Sci CHÂTEAU DU LIVET sans avoir entendu son dirigeant ni s'être fait communiquer les documents comptables.
L'expert Monsieur C... a été désigné par ordonnance du 22 février 2002 dans le cadre de la procédure concernant la société MARINE CONSTRUCTION et ses filiales afin de rechercher si la totalité des travaux effectués par la société MARINE CONSTRUCTION avait été facturée aux clients et d'apprécier la régularité des relations entre les différentes sociétés apparentées à la société MARINE CONSTRUCTION.
La SCI CHÂTEAU DU LIVET ne conteste cependant pas les données chiffrées relatives aux travaux réalisés par la société MARINE CONSTRUCTION et réglés par European Marine Consulting - EMC - ni aux apports en compte courant effectués par EMC ; le temps consacré aux travaux par les ouvriers travaillant en 2001 sur les chantiers d'une part de l'usine appartenant à EMC et d'autre part du château et du moulin appartenant à la SCI CHÂTEAU DU LIVET ne sont pas davantage contestés ; seules les conclusions qu'en tire l'expert sont contestées en ce qu'il déduit que les fiches de travail ne font pas la distinction entre les temps de travail passés sur l'un ou l'autre chantier et en ce qu'elles mettent en cause notamment Madame D... comme dirigeante de fait sans que l'expert l'ait entendue.
Or il n'appartient pas à l'expert de tirer les conséquences juridiques de ses constations, sa mission étant de fournir aux juridictions les éléments de fait ou techniques qui vont permettre à la juridiction de statuer en fait et en droit.
Sur ce, dans la mesure où la SCI CHÂTEAU DU LIVET ne remet pas en cause les données de fait telles que recueillies par l'expert dans le cadre de sa mission , qu'elle ne demande pas l'annulation du rapport de l'expert, les données chiffrées que l'expert a mises à jour et soumises à la discussion des parties peuvent être utilisées dans le débat dès lors qu'elles ne font pas l'objet de contestation sans qu'aucune violation du caractère contradictoire ne peut être invoquée utilement à leur propos.
Il s'ensuit que le moyen tiré de la violation du caractère contradictoire de l'expertise dont la nullité n'est pas sollicitée est mal fondé.
* Sur la confusion des patrimoines :
C'est sur le fondement de l'article L 621-5 ancien du code de commerce dans sa rédaction antérieure à la loi du 26 juillet 2005 que la chambre commerciale a consacré l'extension de la procédure collective d'une personne physique ou morale à une autre personne, en cas de confusion de patrimoine ou de facticité de la personne morale.
La confusion des patrimoines est caractérisée soit par la confusion des comptes, c'est-à-dire un désordre généralisé des comptes ou un état d'imbrication inextricable des éléments d'actif et de passif des personnes considérées soit par l'existence de relations financières anormales.
La SCP GUERIN DIESBECQ allègue que la famille D... (le père Patrick D... dont toutes les parties s'accordent à dire qu'il était le dirigeant de fait des sociétés EUROPEAN MARINE CONSULTING société holding détenant le capital de MARINE CONSTRUCTION et MARINE PARTNERS détenant le capital de SCI CHÂTEAU DU LIVET et qui est décédé, mais aussi Madame D..., l'épouse de Patrick PATTE et leur fils Hélianthe PATTE gérant de droit desdites sociétés) a opéré un véritable dépouillement de la société MARINE CONSTRUCTION et de ses filiales au profit de la SCI CHÂTEAU DU LIVET.
Elle soutient en effet que la société MARINE CONSTRUCTION a effectué d'importants travaux de construction au profit de la SCI CHÂTEAU DU LIVET sans recevoir de contrepartie financière.
Elle fait valoir que l'expert a ainsi pu mettre en évidence que la société MARINE CONSTRUCTION a établi une facturation de travaux pour 9 565 734,80 francs se rapportant à des travaux d'aménagement, de restauration ou de restructuration sur le site "AUTHOU-LIVET" sans que puissent être distingués ceux des travaux se rapportant à l'usine appartenant à EMC Européan Marine Consulting de ceux concernant le château appartenant à la SCI CHÂTEAU DU LIVET ;
Que bon nombre de ces travaux n'ont pas fait l'objet de facturation , celle-ci étant établie à Paris par Marine consulting ou Marine Communication, ce qui représente une somme totale de plus de trois millions de francs qui n'a pas été réglée à la SAS MARINE CONSTRUCTION et qui a profité sans contrepartie à la SCI CHÂTEAU DU LIVET.
Elle invoque donc l'existence de flux financiers anormaux pour demander l'extension de la procédure collective prononcée contre MARINE CONSTRUCTION et les autres sociétés filiales.
Sur ce, le rapport d'expertise fait apparaître après analyse des données comptables des sociétés MARINE CONSTRUCTION et ses filiales rendue difficile par l'absence de comptabilité analytique que :
- il n'existe aucune facturation directe de travaux à la SCI CHÂTEAU DU LIVET mais uniquement des facturations de MARINE CONSTRUCTION à EMC
- EMC a versé sur un total de travaux facturés de 9 565 734, 80 francs une somme de 13 577 756, 50 francs, essentiellement sous forme d'apports en compte courant, ce qui aboutit à un compte créditeur selon l'expert de 4 012 021, 70 francs
- Marine Consulting reste devoir en revanche à MARINE CONSTRUCTION et autres sociétés dépendant de celle-ci en règlement de diverses factures la somme totale de 2 017 581, 94 francs.
Le rapport d'expertise fait également apparaître qu'en 2001, des heures de travail ont été accomplies sur les chantiers tant de l'usine que du château de Authou sur Livet pour un total de plus de 8 000 heures, ce qui représente une somme de plus deux millions de francs , somme à laquelle s'ajoutent le coût des matières premières et des fournitures , ce qui aboutit à une somme de plus de trois millions de francs , non facturée ni payée.
Vainement, la SCI CHÂTEAU DU LIVET fait-elle valoir que les prestations peuvent être distinguées selon les feuilles de temps des ouvriers alors que ceux-ci travaillaient indifféremment pour l'un ou l'autre chantier - l'ancienne usine appartenant à EMC et le château ou le moulin appartenant à la SCI - sans que des feuilles de suivi permettent d'opérer une distinction.
L'absence de facturation des travaux réalisés en 2001 renforce cette confusion tandis que sur le plan comptable, EMC procédait à des apports en compte courant à la SAS MARINE CONSTRUCTION pour financer les travaux, apports qui au moins en 2000 et 2001 ont été supérieurs au montant des travaux réalisés jusqu'en 2000 par MARINE CONSTRUCTION pour EMC mais ont totalement cessé ensuite, ce qui a conduit MARINE CONSTRUCTION à la cessation des paiements.
Cette absence de facturation par MARINE CONSTRUCTION et ses filiales et de règlements correspondant par EMC en 2001 ne suffit cependant pas, nonobstant l'absence de comptabilité analytique et l'identité des dirigeants de fait, à caractériser l'existence de relations financières anormales entre les deux sociétés MARINE CONSTRUCTION et SCI CHÂTEAU DU LIVET.
En effet, si MARINE CONSTRUCTION a été créée pour procéder aux opérations de travaux immobiliers auprès des sociétés du groupe, il ne peut cependant être soutenu qu'ait été concédé par MARINE CONSTRUCTION un avantage particulier et systématique à la SCI CHÂTEAU DU LIVET, la notion de "relations financières anormales" impliquant un caractère d'habitude qui n'est pas constitué en l'espèce.
Des paiements sous la forme d'apports en compte courant sont intervenus en 2000 et 2001 en règlement de travaux réalisés au bénéfice de la SCI et Me H... représentant des créanciers faisait observer dans son rapport en février 2002 à l'issue de la période d'observation suivant le redressement judiciaire de la société MARINE CONSTRUCTION que cette pratique des apports en compte courant n'avait cessé qu'au décès de Monsieur D..., dirigeant de fait de EMC par suite du refus de ses héritiers de financer l'activité de MARINE CONSTRUCTION, d'où une créance de MARINE CONSTRUCTION de plus d'un million d'euros au début 2002.
La preuve n'est pas rapportée que cette créance trouve son origine dans des pratiques distinctes de celle constitué par l'arrêt des créances en compte courant et pouvant caractériser l'existence de relations financières anormales.
En conséquence, il n'est pas démontré que l'investissement dont a pu ainsi bénéficier la SCI CHÂTEAU DU LIVET au cours de l'année 2001 au détriment de la SAS MARINE CONSTRUCTION et de ses filiales soit constitutif de relations financières anormales entre les deux sociétés ; il traduit davantage et plus justement un abus de bien social par son dirigeant de fait.
Il y a donc lieu de débouter la SCP GUERIN DIESBECQ de ses demandes et d'employer les dépens en frais privilégiés de la procédure.
PAR CES MOTIFS
Dit n'y avoir lieu à nullité de l'acte de saisine du tribunal et de la procédure subséquente ;
Dit que le débiteur a été régulièrement convoqué et qu'il n'y a eu aucune violation des droits de la défense à cet égard et rejette la demande d'annulation du jugement ;
Déboute la SCP GUERIN DIESBECQ de ses demandes ;
Dit que les dépens qui pourront être recouvrés directement en application de l'article 699 du NCPC seront employés en frais privilégiés de la procédure collective.
LE GREFFIER,LA PRÉSIDENTE,