R.G : 06/05211
COUR D'APPEL DE ROUEN
DEUXIÈME CHAMBRE
ARRÊT DU 06 DÉCEMBRE 2007
DÉCISION DÉFÉRÉE :
TRIBUNAL DE COMMERCE DE ROUEN du 23 Novembre 2006
APPELANTES :
SOCIÉTÉ CCJL exercant sous l'enseigne MR BRICOLAGE
Centre Commercial du Bois Cany
76120 LE GRAND QUEVILLY
Me Béatrice Y..., agissant en sa qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la SOCIÉTÉ CCJL
...
76000 ROUEN
représentées par la SCP DUVAL BART, avoués à la Cour
INTIMÉE :
S.A. BRED BANQUE POPULAIRE
...
75012 PARIS
représentée par la SCP GREFF PEUGNIEZ, avoués à la Cour
assistée de Me Jacques Z..., avocat au barreau de Paris
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 910 du nouveau Code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 17 Octobre 2007 sans opposition des avocats devant Madame BARTHOLIN, Présidente, rapporteur, en présence de Monsieur LOTTIN, Conseiller.
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Madame BARTHOLIN, Présidente
Monsieur LOTTIN, Conseiller
Madame VINOT, Conseiller
GREFFIER LORS DES DÉBATS :
Madame BARRAU, Greffier
DÉBATS :
A l'audience publique du 17 Octobre 2007, où la présidente a été entendue en son rapport oral et l'affaire mise en délibéré au 29 Novembre 2007, délibéré prorogé au 06 Décembre 2007 en raison du mouvement de grève concernant la réforme de la carte judiciaire
ARRÊT :
CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 29 Novembre 2007, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de procédure civile,
signé par Madame BARTHOLIN, Présidente et par Madame DURIEZ, Greffier.
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Exposé du litige
Par jugement rendu le 6 décembre 2005, le tribunal de commerce de Rouen a ouvert une procédure de redressement judiciaire de la Sarl Ccjl ayant son siège à Grand Quevilly et exerçant son activité sous l'enseigne M. Bricolage. Il a désigné Madame Béatrice Y... en qualité de représentant des créanciers.
Un jugement du 4 avril 2006 a placé la société Ccjl en liquidation judiciaire et a désigné Madame Béatrice Y... en qualité de mandataire liquidateur.
La société Bred Banque Populaire (ci-après dénommée Bred) a déclaré sa créance au titre d'un prêt de 440.000 € consenti le 23 janvier 2004 entre les mains de Madame Béatrice Y... es-qualités le 2 janvier 2006 pour la somme de 403.312,56 € outre les intérêts de retard au taux de 7,60 % correspondant au taux conventionnel de 4,60 % majoré d'une pénalité de 3 % du 6 décembre 2005 jusqu'à parfait paiement sur la somme de 391.263,93 €, ce à titre privilégié en vertu d'une inscription de nantissement sur le fonds de commerce.
Elle s'est vue notifier une contestation du représentant des créanciers le 26 mai 2006, ce dernier manifestant son intention de proposer le rejet des intérêts de retard au taux conventionnel en raison de leur calcul sur une base de 360 jours au lieu de 365 et de proposer l'admission de ces intérêts au taux légal.
Par lettre du 1er juin 2006, la société Bred a maintenu ses prétentions.
Par ordonnance rendue le 23 novembre 2006, le juge-commissaire désigné pour la procédure de liquidation judiciaire de la société Ccjl a :
- décidé d'admettre la Bred Banque Populaire pour la somme de 403.312,56 € à titre privilégié outre intérêts conventionnels,
- passé les dépens en frais privilégiés de la procédure.
Pour statuer ainsi qu'il l'a fait, le juge-commissaire a constaté que le taux effectif global mentionné dans l'acte de prêt était de 4,69 % alors qu'en réalité il était de 4,66 % pour les années de 365 jours et de 4,67 % pour les années de 366 jours.
Il a jugé que, dans ces conditions, il ne pouvait être prétendu que la banque n'avait pas respecté les obligations imposées par le code de la consommation.
La société Ccjl et Madame Béatrice Y... es-qualités de liquidateur de la liquidation judiciaire de ladite société ont interjeté appel de cette décision.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 12 octobre 2007.
Prétentions et moyens des parties
Pour l'exposé des prétentions et des moyens des parties, il est renvoyé aux conclusions signifiées le 14 septembre 2007 par la société Ccjl et Madame Béatrice Y... es-qualités de liquidateur de ladite société et le 19 septembre 2007 par la société Bred.
Leurs moyens seront examinés dans les motifs de l'arrêt.
La société Ccjl et Madame Béatrice Y... es-qualités de liquidateur de ladite société demandent à titre principal à la cour de débouter la société Bred de sa demande d'admission de créance.
A titre subsidiaire, les appelants sollicitent l'admission de la créance à hauteur de 403.312,56 € avec intérêts au taux légal.
La société Bred conclut à l'irrecevabilité de l'appel interjeté par la société Ccjl et sollicite sur le fond la confirmation de l'ordonnance entreprise
Sur ce, la Cour,
Sur la recevabilité de l'appel de la société Ccjl
Pour conclure à l'irrecevabilité de l'appel interjeté par la société Ccjl représentée par son gérant, la société Bred, qui n'invoque pas le défaut de qualité de ce dernier, soutient que seule Madame Béatrice Y... a qualité pour représenter la société en liquidation judiciaire.
Toutefois, le débiteur en liquidation judiciaire, avant comme après l'entrée en vigueur de la loi de sauvegarde des entreprises du 26 juillet 2005 non applicable en l'espèce, dispose d'un droit propre de contester les créances déclarées et de porter devant la cour d'appel un recours contre les décisions du juge-commissaire statuant sur l'admission des créances.
La société Bred sera en conséquence déboutée de sa demande de ce chef.
Sur le montant de la créance de la banque en principal
La société Ccjl et Madame Béatrice Y... es-qualités sollicitent le rejet total de la demande d'admission de créance de la société Bred au motif que la banque ne justifie pas des conditions dans lesquelles la déchéance du terme a été prononcée, alors que le jugement d'ouverture de la procédure n'emporte pas de lui-même cette déchéance.
Toutefois la société Bred justifie avoir adressé à la société Ccjl un courrier recommandé avec demande d'avis de réception signé le 26 août 2005 pour lui signifier la déchéance du terme en raison de la cessation du remboursement des mensualités depuis le mois de mai 2005 et pour solliciter en conséquence le paiement de la somme de 411.691,66 € selon décompte joint au courrier et arrêté à la date du 24 août 2005.
Cette notification a été faite conformément à la clause d'exigibilité figurant en page 2 des conditions générales du contrat de prêt signées par la société emprunteuse.
La société Bred justifie en conséquence de la déchéance du terme à la date susvisée.
Par ailleurs, les appelants ne contestent pas le décompte actualisé de la créance de la banque, ni le caractère privilégié de cette créance.
L'ordonnance entreprise sera en conséquence confirmée en ce qu'elle a fixé le montant en principal de la créance de la société Bred à la somme de 403.312,56 €.
Sur la créance de la banque au titre des intérêts
A l'appui de leur demande subsidiaire relative aux intérêts du prêt, la société Ccjl et Madame Béatrice Y... es-qualités font valoir :
- que le taux annuel de l'intérêt doit être déterminé par référence à l'année civile comportant 365 ou 366 jours ;
- qu'en l'espèce, la société Bred a mentionné dans le prêt un taux effectif global de 4,69 % alors qu'il résulte du calcul effectué par la banque elle-même que le taux effectif global réel du prêt est de 4,66 % pour les années de 365 jours et de 4,67 % pour les années de 366 jours ;
- que le taux nominal calculé sur 360 jours n'est pas juste dans l'offre contractuelle ;
- que le calcul ramené sur la base de 365 jours représenterait une différence de 313,90 € par an en faveur du débiteur, soit 2.200 € sur la durée du prêt, soit 7 années ;
- que la cour de cassation sanctionne le non respect de ces dispositions par l'attribution de simples intérêts au taux légal.
Toutefois, il est expressément mentionné dans l'acte de prêt que les intérêts conventionnels sont "calculés sur la base de 360 jours (année bancaire)", et ces modalités qui ont été librement convenues entre les parties ne peuvent être remises en cause.
S'agissant du taux effectif global réel appliqué par la banque, qui intègre les intérêts aux taux conventionnels calculés selon les modalités mentionnées ci-dessus, la cour constate qu'il est très légèrement inférieur, tant pour les années de 365 jours que pour celles de 366 jours, au taux effectif global prévu au contrat, de telle sorte que l'inexactitude reprochée à la société Bred n'a pas porté préjudice à la société Ccjl et ne saurait entraîner la sanction sollicitée.
L'ordonnance entreprise sera en conséquence confirmée également de ce chef.
PAR CES MOTIFS
Déboute la société Bred Banque Populaire de sa demande d'irrecevabilité de l'appel interjeté par la société Ccjl,
Confirme l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions,
Condamne les appelantes aux dépens de première instance et d'appel, qui seront pris en frais privilégiés de procédure collective, avec droit de recouvrement direct au profit des avoués de la cause, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.
LE GREFFIER,LA PRÉSIDENTE,