R. G. : 07 / 03437
COUR D'APPEL DE ROUEN
CHAMBRE DE L'URGENCE
Section de la Sécurité Sociale
ARRÊT DU 29 OCTOBRE 2008
DÉCISION DÉFÉRÉE :
Jugement du TRIBUNAL DES AFFAIRES DE SÉCURITÉ SOCIALE DE ROUEN du 31 Octobre 2006
APPELANTE :
CAISSE DU REGIME SOCIAL DES INDEPENDANTS DE HAUTE NORMANDIE
22 rue de Crosne-BP. 642
76007 ROUEN CEDEX 1
représentée par Maître DUMONTIER-SERREAU, avocat au barreau de ROUEN
INTIMÉES :
Madame Chantal X...
...
...
76000 ROUEN
représentée par Maître CHABERT, avocat au barreau de ROUEN
REUNION DES ASSUREURS MALADIE DE HAUTE NORMANDIE
65 avenue de Bretagne
Imm. Montmorency
76026 ROUEN CEDEX 1
Non comparante ni représentée bien que régulièrement convoquée par lettre recommandée
DRASS
Immeuble LE MAIL-31 rue Malouet
76107 ROUEN CEDEX
Non comparante ni représentée bien que régulièrement avisée par lettre recommandée
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 18 Juin 2008 sans opposition des parties devant Madame LEPRINCE, Conseiller, magistrat chargé d'instruire l'affaire,
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Madame LE BOURSICOT, Président de Chambre
Madame LEPRINCE, Conseiller
Madame MANTION, Conseiller
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme LOUE-NAZE, Greffier
DEBATS :
A l'audience publique du 18 Juin 2008, où l'affaire a été mise en délibéré au 01 Octobre 2008 date à laquelle le délibéré a été prorogé au 15 octobre puis à ce jour
ARRET :
REPUTE CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 29 Octobre 2008, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,
signé par Madame LE BOURSICOT, Président de Chambre et par Mme Y..., adjoint administratif principal faisant fonction de greffier, dûment assermentée à cet effet
La réunion des assureurs maladie de Haute-Normandie a établi le 5 décembre 2005, à l'encontre de Madame Chantal X..., une contrainte pour obtenir paiement de la somme de 615, 00 €, au titre des cotisations dues pour le second trimestre de l'année 2004 du régime d'assurance maladie et maternité des professions indépendantes.
Cette contrainte a été signifiée le 6 avril 2006 à Madame Chantal X..., suivant acte de Maîtres VERMONT-ROUGIER et MIROUX, Huissiers associés.
Madame Chantal X...a formé opposition par lettre reçue au greffe du Tribunal des affaires de sécurité sociale le 14 avril 2006, dans le délai de l'article R612-11 du code de la sécurité sociale.
Par jugement en date du 31 octobre 2006, le tribunal des affaires de sécurité sociale
a :
- déclaré recevable l'opposition formée par Madame Chantal X...;
- en conséquence, annulé la contrainte décernée, le 6 avril 2006, à l'encontre de Madame Chantal X..., portant sur le second semestre 2004 ;
Le jugement ayant été signifié le 10 novembre 2006, la Réunion des Assureurs Maladie de Haute-Normandie a interjeté appel, par lettre du 23 août 2007, transmise au greffe de la cour qui l'a enregistré le 27 août 2007.
Par conclusions, reçues au greffe le 19 mai 2008 et développées oralement à l'audience, la CAISSE NATIONALE DU RÉGIME SOCIAL DES INDÉPENDANTS a repris l'instance et fait valoir que son appel devra être jugé recevable, dans la mesure où, le jugement du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale a été improprement qualifié " en dernier ressort ", alors que la contestation de Madame Chantal X...portant sur la question du bien fondé de son assujettissement, était par nature indéterminée, de telle sorte que le jugement était susceptible d'appel.
Au fond, la Caisse Nationale du Régime Social des Indépendants indique que :
- Madame Chantal X...exerce une activité commerciale en tant qu'associée d'une SARL et relève du régime d'assurance maladie et d'assurance maternité des travailleurs non salariés des professions non agricoles ;
- en effet, il résulte de l'article L311-3 11o du code de la Sécurité Sociale que dès lors que l'assurée détient avec son conjoint la totalité des parts sociales, elle est considérée comme associée majoritaire et doit de ce fait être affiliée au Régime Social des Indépendants ;
- à ce titre, Madame Chantal X...est donc redevable des cotisations d'assurance maladie maternité mentionnées aux articles L612-4 et D612-2 du code de la Sécurité Sociale ;
- à la suite de la mise en demeure qui lui a été adressée par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 18 janvier 2005, Madame Chantal X...n'a pas saisi la commission de recours amiable d'une contestation ;
- la discrimination invoquée par Madame Chantal X...entre les règles applicables aux conjoints mariés et aux concubins n'est pas établie ;
- en effet, les différences dénoncées par Madame Chantal X...résultent des différences de statut entre personnes mariées ou non, alors que la discrimination suppose un traitement différent appliqué à des personnes se trouvant dans des situations comparables.
Ainsi la caisse nationale du régime social des indépendants demande à la cour d'appel de :
- déclarer l'opposition recevable en la forme ;
- débouter l'opposante de toutes ses demandes et prétentions ;
- valider la contrainte signifiée le 6 avril 2006 se rapportant au second trimestre 2004 pour son entier montant, sans préjudice des autres majorations de retard complémentaires définies à l'article D. 621-20 du code de la Sécurité Sociale ;
- condamner Madame Chantal X...au paiement de la somme de 500 € par application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Par conclusions reçues au greffe le 21 mai 2008 et développées oralement à l'audience par son conseil, Madame Chantal X...fait valoir que l'appel est irrecevable dans la mesure où le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale, rendu en dernier ressort, était seulement susceptible d'un pourvoi en cassation.
Au fond, elle fait valoir que :
- l'article 55 de la Constitution rappelle que les traités internationaux prévalent sur les règles de droit interne ;
- les principes d'égalité et de non discrimination tels qu'il résultent des articles 14 et 21 de la Convention de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés Fondamentales, excluent toute différence de traitement ne reposant pas sur un critère objectif et raisonnablement justifié ;
- or, le critère du mariage est discriminatoire en l'espèce puisqu'il aboutit à faire peser sur les époux une présomption selon laquelle, ils forment une seule entité au regard de l'obligation d'assujettissement au régime d'assurance obligatoire des travailleurs non salariés alors que la situation des concubins est appréciée en tenant compte des seuls parts détenues par la personne ;
Ainsi, Madame Chantal X...demande à la cour d'appel de :
A titre principal,
- déclarer irrecevable l'appel formé par la Caisse Nationale du Régime Social des Indépendants ;
A titre subsidiaire,
- débouter la Caisse Nationale du Régime Social des Indépendants de son recours et confirmer le jugement du tribunal des affaires de
sécurité sociale de ROUEN ;
SUR CE,
1o) Sur la recevabilité de l'appel :
Attendu que le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale, en date du 31 octobre 2006, a été improprement qualifié " en dernier ressort ", alors que la contestation de Madame X...tendait à remettre en cause le principe de son assujettissement au régime d'assurance maladie et maternité des travailleurs non salariés des professions non agricoles ;
Que la demande par nature indéterminée justifiait que le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale soit rendu en dernier ressort ;
Attendu qu'aux termes de l'article 536 du code de procédure civile, la qualification inexacte d'un jugement par les juges qui l'ont rendu est sans effet sur le droit d'exercer un recours ; qu'en outre, le délai pour exercer la voie de recours résultant de la requalification court à partir de la décision qui constate l'irrecevabilité du recours exercé au regard d'une qualification erronée ;
Attendu qu'il ressort de ce qui précède que l'appel de la Caisse nationale de régime social des indépendants venant aux droits de la Réunion des Assureurs Maladie de Haute-Normandie, doit être déclaré recevable ;
2o) Sur la contestation au fond :
Attendu que Madame Chantal X...a saisi le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale par suite de la délivrance d'une contrainte en date du 6 avril 2006 d'un montant de 615, 00 € du au titre des cotisations pour le second trimestre de l'année 2004 au titre du régime d'assurance maladie et maternité des professions indépendantes ;
Attendu que Madame X...fait valoir que l'application des articles L311-3 et R241-2 du code de la Sécurité Sociale crée une discrimination, entre la situation des couples mariés et celle des concubins, incompatibles avec les exigences des articles 14 de la Convention de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés Fondamentales et 21 de la Charte des Droits Fondamentaux, qui ont une valeur supérieure aux règles issues du droit national ;
Attendu en effet que l'article L311-3 11o du code de la Sécurité sociale prévoit que sont compris, parmi les personnes auxquelles s'impose l'obligation prévue à l'article L311-2, les gérants de société à responsabilité limitée et de sociétés d'exercice libéral à responsabilité limitée, à condition que lesdits gérants ne possèdent pas ensemble plus de la moitié du capital social, étant entendu que les parts appartenant, en toute propriété ou en usufruit, au conjoint et aux enfants mineurs non émancipés d'un gérant, sont considérées comme possédées par ce dernier ;
Attendu qu'en l'espèce, Madame X..., gérante non rémunérée de la Sarl Normandie Administration détient 750 parts sociales sur 1052, son conjoint en détenant pour sa part 752 de telle sorte que, prenant en considération la situation du couple, il apparaît que celui-ci détient la totalité des parts de la société ;
Que dès lors l'épouse ne saurait valablement contester le caractère obligatoire de son assujettissement au régime d'assurances des travailleurs indépendants ;
Attendu en effet que la discrimination invoquée ne peut résulter des conséquences que la loi détermine pour les conjoints dont le statut juridique diffère sensiblement de celui des concubins ; qu'en effet, seule est prohibée la discrimination qui opère des différences injustifiées entre des personnes dont le statut juridique est identique ; qu'ainsi, Madame X...ne saurait tirer argument de la situation différente faite aux concubins associés d'une SARL, alors même que ceux-ci détiendraient la majorité des parts de la société, pour refuser de régler les sommes mises à sa charge au titre du régime des travailleurs indépendants ;
Attendu en conséquence qu'il y a lieu de réformer le jugement entrepris et de valider la contrainte délivrée le 6 avril 2006, se rapportant aux cotisations dues par Madame X...au titre du second semestre 2004, sans préjudice des éventuelles majorations de retard, cette dernière étant déboutée de l'ensemble de ses demandes ;
3o) Sur l'article 700 du code de procédure civile :
Attendu qu'il paraît inéquitable de laisser à la charge de la Caisse nationale du régime social des indépendants, les frais qu'elle a du exposer non compris dans les dépens ; Qu'il y a lieu de lui allouer la somme de 500 € par application de l'article 700 du code de procédure civile :
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire, en dernier ressort ;
Déclare recevable l'appel formé le 23 août 2007 par la réunion des assureurs maladie de Haute-Normandie ;
Infirme le jugement du Tribunal des affaires de sécurité sociale en date du 31 octobre 2006 ;
Valide la contrainte délivrée à Madame Chantal X...en date du 6 avril 2006, sans préjudice des éventuelles majorations de retard ;
Déboute Madame Chantal X...de l'ensemble de ses demandes ;
Rappelle que la présente procédure est gratuite et sans frais et dit n'y avoir lieu à paiement du droit prévu à l'article R144-10 du code de la Sécurité Sociale.
Le Greffier Le Président