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04/12/2008 | FRANCE | N°07/1480

France | France, Cour d'appel de Rouen, Ct0044, 04 décembre 2008, 07/1480


R.G : 07/01480

COUR D'APPEL DE ROUEN

DEUXIÈME CHAMBRE

ARRÊT DU 04 DÉCEMBRE 2008

DÉCISION DÉFÉRÉE :

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DU HAVRE du 15 Février 2007

APPELANTS :

Société COVEA RISKS GROUPE MUTUELLE DU MANS

19-21, allée de l'Europe

92616 CLICHY CEDEX

Maître Catherine X...

...

76600 LE HAVRE

représentés par la SCP COLIN-VOINCHET RADIGUET-THOMAS ENAULT, avoués à la Cour

assistés de Me Y..., avocat au barreau de Paris

INTIMÉE :

Madame Agnès Z...

...

78500 SARTROUVILLE

représentée par la SCP LEJEUNE MARCHAND GRAY A..., avoués à la Cour

assistée de Me Raymond B..., avocat au barreau de Paris

COMPOSITION DE LA COUR :

En...

R.G : 07/01480

COUR D'APPEL DE ROUEN

DEUXIÈME CHAMBRE

ARRÊT DU 04 DÉCEMBRE 2008

DÉCISION DÉFÉRÉE :

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DU HAVRE du 15 Février 2007

APPELANTS :

Société COVEA RISKS GROUPE MUTUELLE DU MANS

19-21, allée de l'Europe

92616 CLICHY CEDEX

Maître Catherine X...

...

76600 LE HAVRE

représentés par la SCP COLIN-VOINCHET RADIGUET-THOMAS ENAULT, avoués à la Cour

assistés de Me Y..., avocat au barreau de Paris

INTIMÉE :

Madame Agnès Z...

...

78500 SARTROUVILLE

représentée par la SCP LEJEUNE MARCHAND GRAY A..., avoués à la Cour

assistée de Me Raymond B..., avocat au barreau de Paris

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 910 du Code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 15 Octobre 2008 sans opposition des avocats devant Madame BARTHOLIN, Présidente, rapporteur, en présence de Madame VINOT, Conseiller.

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame BARTHOLIN, Présidente

Monsieur LOTTIN, Conseiller

Madame VINOT, Conseiller

GREFFIER LORS DES DÉBATS :

Madame C..., faisant-fonction de greffier

DÉBATS :

A l'audience publique du 15 Octobre 2008, où la présidente a été entendue en son rapport oral et l'affaire mise en délibéré au 27 Novembre 2008, délibéré prorogé au 04 Décembre 2008, du fait d'un surcroît de travail de la présidente

ARRÊT :

CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 04 Décembre 2008, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

signé par Madame BARTHOLIN, Présidente et par Madame DURIEZ, Greffier.

*

* *

EXPOSÉ DU LITIGE

Faits et procédure :

Madame Agnés Z... était propriétaire d'un local commercial à usage de café situé 12 Grand quai à Fécamp, donné à bail à Monsieur Hubert D... en 1990 ; ce dernier a fait d'abord l'objet d'un jugement de redressement judiciaire le 15 mai 1996 avant que le tribunal de commerce de Fécamp prononce le 26 octobre 2001 sa liquidation judiciaire, Me X... étant désignée comme liquidateur.

Par ordonnance du 30 décembre 2001, le juge commissaire a ordonné la cession du fonds de commerce ; cette ordonnance a fait l'objet d'une opposition par la bailleresse Madame Z... ; par jugement du 20 septembre 2002, le tribunal de commerce a confirmé l'ordonnance frappée d'opposition.

La cession n'a cependant pas été réitérée par acte authentique de sorte que Me X..., après avoir mis en demeure les acquéreurs d'avoir à régulariser l'acte de vente, les a assignés en justice pour avoir paiement de dommages-intérêts en raison de leur comportement fautif.

Par jugement du 4 juin 2004, le tribunal de grande instance du Havre a notamment condamné Messieurs E... et F... à payer à Me X... es qualités la somme de 64 028,59 euros à titre de dommages-intérêts, jugement confirmé par la cour par un arrêt du 13 décembre 2007.

Précédemment, Madame Z... avait fait délivrer le 31 juillet 2002 à Me X... es qualités un commandement de payer les loyers impayés et visant la clause résolutoire prévue dans le bail, clause dont Me X... a demandé la suspension devant le juge des référés.

Par ordonnance du 8octobre 2002, le juge des référés du tribunal de grande instance du Havre a suspendu les effets de la clause résolutoire à la condition que Me X... règle la somme de 20 159,41 euros au plus tard soit le 15 du mois suivant la réalisation de la vente, soit à la fin du troisième mois postérieur à la date à laquelle aucun recours ne pourra être formé contre la dernière décision autorisant la vente, soit à l'expiration du vingt troisième mois suivant la signification de l'ordonnance, le plus proche événement devant être retenu.

N'étant toujours pas payée de l'arriéré des loyers, Madame Z... a fait délivrer le 21 mai 2003 à Me X... es qualités un nouveau commandement de payer, rappelant la clause résolutoire pour avoir paiement de la somme de 34 329,82 euros correspondant aux loyers impayés à la date du 21 mai 2003.

Par ordonnance du 12 novembre 2003, le juge des référés a constaté l'acquisition de la clause résolutoire, ordonné l'expulsion de Me X... es qualités, la condamnant à payer la somme de 34 329,82 euros à titre de provision sur les loyers arrêtés au mois de mai 2003 inclus ; Me X... a restitué les clefs des locaux le 27 novembre 2003.

Invoquant que Me X... es qualités de liquidateur avait failli à ses obligations, Madame Z... l'a assignée en responsabilité devant le tribunal de grande instance du Havre et en réparation de l'entier préjudice né de ses manquements.

Le tribunal de grande instance du Havre, par jugement du 15 février 2007, a :

- donné acte à la compagnie Mutuelles du Mans Assurances de son intervention,

- condamné in solidum Me X... et la compagnie Mutuelles du Mans Assurances à payer à Madame Z... :

* la somme de 50 000 euros à titre de dommages-intérêts ,

* la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ,

- ordonné l'exécution provisoire du jugement à hauteur de la moitié des condamnations,

- rejeté toutes autres demandes et condamné in solidum Me X... et les Mutuelles du Mans aux dépens avec droit de recouvrement direct au profit de l'avoué de Madame Z... en application de l'article 699 du code de procédure civile .

Me X... et la compagnie Les Mutuelles du Mans assurances aux droits de laquelle se trouve aujourd'hui la société Covea risks Groupe mutuelles du Mans ont interjeté appel de cette décision.

Elles demandent à la cour d'infirmer le jugement déféré et statuant à nouveau, de débouter Madame Z... de toutes ses demandes, de recevoir Me X... en sa demande reconventionnelle, de condamner Madame Z... à lui payer la somme de 1 euro à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral et professionnel, de condamner Madame Z... à payer à la compagnie d'assurance la somme de 3 000 euros à titre de dommages -intérêts et la condamner à payer à Me X... et à la compagnie d'assurance la somme de 3 000 euros à chacune d'elles sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Madame Agnés Z... conclut au débouté des demandes de Me X... et de l'assureur Covea G... , à la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a retenu le principe de responsabilité de Me X... ; formant appel incident quant au quantum de l'indemnisation, elle demande condamnation solidaire de Me X... et de sa compagnie d'assurance Covea G... à lui payer la somme de 350 000 euros incluant les loyers et charges impayés et perdus, la dégradation et la ruine des locaux, la perte corrélative à la revente ..., le tout avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation introductive d'instance du 25 mai 2005 et capitalisation des intérêts conformément à l'article 1154 du code civil.

Madame Z... sollicite au surplus condamnation de Me X... et son assureur à lui payer la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 en cause d'appel et confirmation de la décision de première instance en ce qu'elle lui a accordé la somme de 3 000 euros sur ce même fondement.

Pour un exposé complet des prétentions et moyens des parties, il convient de se référer à leurs conclusions signifiées le 9 octobre 2008 pour les appelantes, Me X... et la société Covea Risks , le 11 septembre 2008 pour l'intimée Madame Z....

Les moyens seront examinés au cours de la discussion.

DISCUSSION

Sur la responsabilité du liquidateur :

Madame Z... soutient que Me X... a manqué à ses obligations en tant que liquidateur en ne s'assurant pas de la solvabilité des acquéreurs auxquels elle n'a pas au surplus notifié l'ordonnance portant cession du fonds de commerce et que, confrontée au refus illégitime des acquéreurs de signer l'acte authentique régularisant la vente, elle n'a pas pris les décisions nécessaires.

S'agissant de la solvabilité des acquéreurs, le juge commissaire a retenu l'offre de cession proposée par les consorts E... et F... présentée par Me X... ; la vente du fonds de commerce a été ordonnée au prix de 420 000 francs, montant relativement modique qui ne requérait pas que le liquidateur s'entoure de davantage de garantie que celle qu'elle a pu recueillir; ce qui a paru satisfactoire au juge commissaire.

Me X... précise que Monsieur E... exerçait alors la profession de VRP multi-cartes "dans le vin" et Monsieur F... celle de navigateur, qu'ils souhaitaient constituer une société avec Monsieur H... architecte et Monsieur I... également navigateur pour assurer l'exploitation du café dans lequel ils comptaient effectuer des travaux de rénovation.

Statuant sur l'opposition de Madame Z... à l'ordonnance du juge commissaire ordonnant la vente, le tribunal de commerce a d'ailleurs écarté l'argument de Madame Z... suivant lequel les acquéreurs n'auraient pas présenté de garantie suffisante de solvabilité.

Il s'ensuit que Madame Z... échoue à démontrer à cet égard que Me X... aurait failli à sa mission.

Madame Z... soutient également que Me X... aurait dû notifier aux acquéreurs l'ordonnance autorisant la cession du fonds dans la mesure où les acquéreurs se sont prévalus ensuite de l'inopposabilité de l'ordonnance pour dire qu'ils étaient recevables à rétracter leur offre.

Il sera rappelé que la nécessité de notifier l'ordonnance autorisant la cession du fonds n'incombe pas au liquidateur ; que Me X... a informé dès le 2 octobre 2002 les acquéreurs de ce que l'ordonnance autorisant la vente avait été confirmée par le jugement du 20 septembre 2002 statuant sur l'opposition formée par Madame Z..., leur demandant de prendre contact avec le notaire Me TURBE J... chargé de rédiger l'acte authentique.

Elle écrivait ainsi au notaire le 21 novembre 2002 : "Vous avez reçu les acquéreurs en votre étude. Pouvons nous signer prochainement ?" puis le 2 décembre 2002 : "Je vous remercie de bien vouloir procéder à la convocation des acquéreurs pour une signature rapide" et enfin le 20 janvier 2003 : "Il devient urgent de signer cette vente ? Rencontrez-vous un problème avec les acquéreurs ? Je vous remercie de m'indiquer une date prochaine de signature."

A ce stade de la procédure, Me X... n'a donc ni perdu de temps ni négligé de prendre les décisions nécessaires ; elle avait logiquement, dans l'attente de la décision du tribunal de commerce statuant sur l'opposition de Madame Z... , saisi le 20 août 2002 le juge des référés pour demander la suspension des effets de la clause résolutoire rappelée dans le commandement de payer qui lui avait été délivré le 31 juillet 2002 en invoquant précisément la vente à intervenir qui devait par son prix permettre de payer l'arriéré des loyers, ce qui lui a été accordé sous condition de délai par l'ordonnance du 8 octobre 2002.

Enfin, le 4 février 2003, Me X... mettait en demeure les acquéreurs de signer l'acte de cession chez le notaire sous huitaine et face à l'inertie des acquéreurs, les a assignés par acte d'huissier du 12 mars 2003 pour voir dire la vente parfaite et obtenir en réparation de la défaillance des acquéreurs des dommages-intérêts du montant de la cession.

Me X... n'a donc commis à cette date au regard des diligences qui lui incombaient quant aux actes à accomplir aucune négligence.

Le juge des référés, dans son ordonnance du 8 octobre 2002, a suspendu la clause résolutoire au paiement de la somme de 20 519,41 euros au plus tard soit le 15 du mois suivant la réalisation de la vente qui n'a jamais été régularisée de sorte que ce délai est sans effet, soit à la fin du troisième mois suivant la date à laquelle aucun recours ne peut plus être exercé contre la dernière décision statuant sur l'autorisation de vente contestée , soit à l'expiration du vingt troisième mois suivant la signification de l'ordonnance, le plus proche événement devant être retenu.

Madame Z... fait observer que le plus proche événement est constitué par l'expiration du troisième mois suivant le jugement du 20 septembre 2002 qui a rejeté son opposition à l'ordonnance autorisant la cession , lequel n'est susceptible d'aucun recours ; elle fait valoir que le bail s'est donc trouvé résilié au 15 janvier 2003 par l'effet de la clause résolutoire rappelée dans le commandement de payer délivré le 31 juillet 2002 et que Me X... aurait dû à cette date et faute de paiement de la somme représentant les loyers impayés restituer les locaux.

Il sera fait observer que nonobstant l'expiration du délai le plus proche qui peut être situé au 20 janvier 2003, sans avoir obtenu paiement de quelque somme que ce soit, Madame Z... a délivré un nouveau commandement le 21 mai 2003 rappelant à nouveau la clause résolutoire contenue dans le bail, demandant au liquidateur le règlement de la somme de 34 329,82 euros représentant les loyers impayés sans se prévaloir de ce que la clause résolutoire lui avait été acquise précédemment.

Or Me X... qui , dès l'assignation du 12 mars 2003, savait que les acquéreurs étaient opposés à la régularisation de la vente par acte authentique puisqu'ils n'avaient pas déféré à ses mises en demeure, ne pouvait raisonnablement espérer qu'ils prendraient possession des locaux et paieraient les loyers ; elle les a d'ailleurs assignés pour les voir condamner à lui payer des dommages-intérêts résultant de leur attitude fautive.

Me X... est à cet égard mal fondée à prétendre que la cession n'a été paralysée qu'en raison de l'opposition de Madame Z... à l'ordonnance du juge commissaire ; il résulte en effet de l'arrêt de cette cour du 13 décembre 2007 que, pour justifier le retrait de leur offre, les acquéreurs ont invoqué l'existence d'une clause suspensive contenue dans leur offre ou encore le fait que le bail avait été résilié du fait de la négligence du liquidateur, sans remettre en cause l'attitude de la bailleresse ; ils n'ont, en particulier, mis en avant ni le montant excessif du loyer demandé par celle-ci ni son opposition à la vente.

Ainsi en s'obstinant, nonobstant l'aggravation constante de l'arriéré des loyers, à s'opposer à la constatation de la résiliation du bail et à demander la suspension de la clause résolutoire rappelée dans le dernier commandement de payer du 21 mai 2003, Me X... a manqué à son obligation de diligence à l'égard de la bailleresse.

Au surplus, les acquéreurs qui n'ont pas signé l'acte de vente n'ayant jamais pris possession des lieux, le liquidateur en a conservé la garde jusqu'à leur restitution à la bailleresse après l'ordonnance du 12 novembre 2003 constatant la résiliation du bail.

Me X... conteste cependant être redevable de quelque indemnisation que ce soit en raison de l'état des lieux restitués qui étaient, selon elle, déjà dégradés lorsque le précédent preneur Monsieur D... les a délaissés ainsi qu'il résulte d'un constat d'huissier du 16 septembre 1996.

Or, les deux constats qui ont été effectués à la demande de Madame Z... après la remise des clefs les 30 janvier et 9 avril 2004 laissent apparaître que les lieux ont subi diverses dégradations à la suite de l'occupation de squatters qui y ont mis le feu ; Madame Z... justifie à cet égard avoir dû intervenir durant l'été 2003 pour clore la porte qui avait été fracturée, des personnes ayant pénétré dans les lieux ; les photographies qu'elle a alors prises attestent de l'état de saleté repoussante des lieux à la suite de leur occupation clandestine et notamment au rez-de-chaussée dont le précédent locataire avait affirmé au terme du constat du 16 septembre 1996 qu'il était en bon état locatif.

Me X... ne justifie cependant pas, alors que les lieux ont été libres de toute occupation pendant de nombreux mois et laissés sans surveillance, avoir pris quelque mesure que ce soit, ne serait-ce que pour renforcer les ouvertures, de façon à empêcher toute intrusion dans les lieux inoccupés par des personne susceptibles d'y causer des dommages.

Elle a donc également méconnu l' obligation qui lui incombait en tant que gardienne des locaux.

Madame Z... fait reproche enfin à Me X... de ne pas avoir suffisamment assuré les locaux ; or Me X... indique sans être démentie n'avoir fait que reprendre l'assurance précédemment contractée par le locataire ; en tout état de cause, la cour ne possède pas d'élément pour trancher sur le point relatif à la déclaration de sinistre, Madame Z... faisant également grief à Me X... d'avoir fait des déclarations inférieures au montant des dommages réellement causés.

Sur le préjudice :

Madame Z... invoque que son préjudice est constitué par son obligation d'avoir à vendre les murs compte tenu de leur dégradation et des réparations auxquelles elle ne pouvait faire face et par la perte qu'elle a subie du fait de leur état ; elle estime cette perte au moins au coût des réparations évalué à un montant de 130 000 euros, cette somme représentant la différence entre le prix de vente effectif de 240 000 euros et la valeur réelle du bien dans un état normal.

Madame Z... réclame en outre la perte des loyers s'établissant selon elle à la somme de 65 553,66 euros correspondant aux loyers qui auraient dû lui être versés entre le mois d'octobre 2001 et le mois d'avril 2005, date de la vente des murs commerciaux.

Me X... fait observer que le préjudice éventuellement subi par la bailleresse s'analyse en réalité en une perte de chance de pouvoir obtenir soit la location des locaux s'ils avaient été restitués plus tôt soit leur vente à meilleur prix.

L'état de dégradation des locaux tel qu'il résulte de leur occupation par des squatters et de l'incendie attesté par les procès-verbaux de constat de l'état des lieux a contraint Madame Z... à envisager la vente des murs commerciaux à un moindre prix que si les locaux avaient été en bon état de réparations ; le préjudice qu'elle invoque à cet égard est certain dans son principe.

Elle ne peut cependant prétendre que l'évaluation de la réfection des lieux pour un montant de 130 000 euros permet d'apprécier la perte qu'elle a subie.

En effet, Madame Z..., en s'opposant à la cession du fonds, avait invoqué que les locaux avaient été laissés dans un état déplorable par le locataire ; celui-ci avait fait dresser un état des lieux le 16 septembre 1996 dont il résulte que dans les étages, de nombreuses traces d'humidité apparaissaient, ce qu'a confirmé le notaire chargé de dresser l'acte de vente, qui a visité les lieux en février 2002 puisqu'il écrivait à cette date à Madame Z... :

"Dans certaines pièces, des problèmes d'humidité sont apparents, ce qui laisse supposer des travaux de toiture et d'étanchéité des murs" qui incombaient à la bailleresse pour rendre les locaux en bon état de salubrité.

Madame Z... ne donne au surplus pas d'autre élément de comparaison permettant d'apprécier la perte subie lors de la vente que d'une part l'estimation du bien par l'agent immobilier auquel elle a donné mandat de vendre et d'autre part le prix de vente effectif.

Il s'ensuit qu'il y a lieu de considérer que la différence de 47 442 euros constitue le préjudice subi.

Madame Z... est en outre fondée à invoquer qu'elle a été privée, après la restitution des clefs, de toute indemnité alors qu'elle ne pouvait envisager d'emblée de relouer ou vendre sans avoir fait au moins évaluer les travaux nécessaires à la remise en état ; il lui fallait donc réaliser des constats.

L'évaluation de la perte qu'elle a ainsi subie ne peut cependant se faire que par rapport au montant du loyer antérieur à la liquidation.

L'état des locaux à cette date, alors qu'elle n'a elle-même réalisé aucun des travaux préconisés par le notaire, ne permet pas d'envisager que les locaux auraient pu justifier le prix du loyer qu'elle revendique en fonction de leur situation ou de l'évolution alléguée des facteurs locaux de commercialité.

Il lui sera alloué au titre de ce préjudice et pour une période allant du mois de novembre 2003 au mois d'avril 2004 une somme représentant 6 mois de l'ancien loyer soit :

5919, 90 : 2 = 2 959,95 euros.

S'agissant de l'arriéré locatif qu'elle réclame, il sera fait observer que la liquidation n'a pas été clôturée, que l'huissier à la suite de la condamnation prononcée à l'encontre des acquéreurs, a recouvré une partie des sommes qui doivent être distribuées prochainement dès que la décision de condamnation deviendra définitive ; le préjudice invoqué de ce chef n'est donc certain ni dans son principe ni dans son montant.

Il s'ensuit que le préjudice subi par Madame Z... s'établit à la somme de 50 401,95 euros très voisine de celle arbitrée par le premier juge.

Il y a lieu de confirmer en outre le jugement déféré en ce qu'il prononcé une condamnation du liquidateur et de sa société d'assurance in solidum et non solidaires.

Me X... et la société Covea Risks, qui succombent et supporteront les entiers dépens, seront déboutées de leur demande en dommages-intérêts et fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

Elles paieront à Madame Z... une somme de 7 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles exposés en cause d'appel en outre de celle allouée en première instance et qui est confirmée.

PAR CES MOTIFS

Réformant le jugement déféré en ses seules dispositions relatives au montant des dommages-intérêts alloués à Madame Z...,

Statuant à nouveau,

Condamne Me X... et la société Covea Risks à payer in solidum à Madame Z... une somme de 50 401,95 euros ;

Confirme le jugement déféré en toutes ses autres dispositions,

Déboute Me X... et la société Covea Risks Groupe Mutuelle du Mans de leurs demandes en dommages-intérêts et fondée sur l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne Me X... et la société Covea Risks à payer les entiers dépens de première instance et d'appel avec droit de recouvrement direct au profit de la SCP Le jeune Marchand Gray A... avoués par application de l'article 699 du code de procédure civile et à payer à Madame Z... une somme de 7 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rouen
Formation : Ct0044
Numéro d'arrêt : 07/1480
Date de la décision : 04/12/2008

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance du Havre, 15 février 2007


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.rouen;arret;2008-12-04;07.1480 ?
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