N° RG 20/02408 - N° Portalis DBV2-V-B7E-IQWE
COUR D'APPEL DE ROUEN
1ERE CHAMBRE CIVILE
ARRET DU 24 AOUT 2022
DÉCISION DÉFÉRÉE :
19/01823
Tribunal judiciaire d'Evreux du 16 juillet 2020
APPELANTE :
Sas HESUS
RCS de Créteil 509 101 929
[Adresse 2]
[Localité 3]
représentée par Me Carine DESROLLES de la Scp BRULARD - LAFONT - DESROLLES, avocat au barreau de l'Eure et assistée de la Selarl DELSOL, avocat au barreau de Paris, plaidant par Me ROBBE
INTIME :
Syndicat Mixte pour l'Etude et le Traitement des Ordures Ménagères de l'Eure (SETOM)
[Adresse 7]
[Localité 1]
représenté et assisté par Me Isabelle ENARD-BAZIRE de la Selarl EBC AVOCATS, avocat au barreau de Rouen
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 4 mai 2022 sans opposition des avocats devant Mme Magali DEGUETTE, rapporteur,
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée :
Mme Edwige WITTRANT, présidente de chambre,
M. Jean-François MELLET, conseiller,
Mme Magali DEGUETTE, conseillère,
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme Catherine CHEVALIER,
DEBATS :
A l'audience publique du 4 mai 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 24 août 2022.
ARRET :
CONTRADICTOIRE
Rendu publiquement le 24 août 2022, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
signé par Mme WITTRANT, présidente et par Mme CHEVALIER, greffier.
*
* *
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
Le Syndicat mixte pour l'étude et le traitement des ordures ménagères de l'Eure exploite une installation de stockage de déchets non dangereux située à [Localité 4]) et destinée à recevoir les encombrants et les déchets industriels banals (Dib), ainsi que des terres non inertes non dangereuses (terres de recouvrement et terres faiblement polluées).
Outre les déchets des collectivités territoriales adhérentes, le Setom reçoit sur ce site des déchets de professionnels auxquels sont appliqués des tarifs type ou des conventions ad hoc pour les apports importants de déchets.
Le 21 octobre 2015, la Sas Hesus et le Setom ont conclu une convention d'apport de déchets pour l'année 2016, qui a été modifiée par un avenant n°1 du 19 mai 2016. L'article 6 de la convention et l'article 4 de l'avenant n°1 fixent les tarifs à la tonne suivants :
- pour les terres de recouvrement, 29 euros Ht par tonne,
- pour les terres faiblement polluées, 52 euros Ht par tonne,
- pour les Dib, 58 euros Ht par tonne, abaissé à 48 euros Ht par tonne par décision du président du Setom du 9 mars 2017.
Du 1er janvier au 31 octobre 2016, le Setom a facturé les terres apportées par la Sas Hesus au tarif des terres de recouvrement de 29 euros Ht par tonne. Au motif que ces terres étaient en réalité des terres faiblement polluées, il a appliqué le tarif de 52 euros Ht par tonne et a émis une nouvelle facture le 1er décembre 2016 pour un montant de 177 868,75 euros Ttc correspondant à la majoration sur ladite période.
Pour les mois de novembre et décembre 2016, il a appliqué le tarif de 52 euros Ht aux termes de deux factures du 31 décembre 2016 respectivement de 278 862,96 euros Ttc (facture n°2016-035-001782) et 385 806,53 euros Ttc (facture n°2016-037-001790).
En 2017, les dépôts de déchets de la Sas Hesus se sont poursuivis et le Setom a appliqué le tarif des terres faiblement polluées pour les terres reçues en janvier et février 2017.
L'ensemble des factures a fait l'objet de cinq titres exécutoires émis par le Setom à l'encontre de la Sas Hesus pour la somme totale de 1 348 761,12 euros.
Suivant requêtes des 17 mars et 17 juillet 2017, la Sas Hesus a saisi le tribunal administratif de Rouen aux fins d'annulation de ces titres exécutoires et de décharge des sommes réclamées, lequel, par jugement du 30 avril 2019, s'est déclaré matériellement incompétent pour en connaître.
Par acte d'huissier de justice du 13 mai 2019, la Sas Hesus a fait assigner le Setom devant le tribunal de grande instance d'Evreux.
Suivant jugement du 16 juillet 2020, le tribunal judiciaire d'Evreux a :
- déclaré la Sas Hesus recevable en son action,
- débouté la Sas Hesus de sa demande d'annulation des titres exécutoires n°505 en date du 6 décembre 2016, n°552 et n°578 en date du 31 décembre 2016, n°60 en date du 13 mars 2017 et n°74 en date du 23 mars 2017 émis à son encontre par le Syndicat mixte pour l'étude et le traitement des ordures ménagères de l'Eure,
- débouté la Sas Hesus de sa demande de déchargement des sommes dues au titre des titres exécutoires n°505 en date du 6 décembre 2016, n°552 et n°578 en date du 31 décembre 2016, n°60 en date du 13 mars 2017 et n°74 en date du 23 mars 2017 émis à son encontre par le Syndicat mixte pour l'étude et le traitement des ordures ménagères de l'Eure,
- débouté le Syndicat mixte pour l'étude et le traitement des ordures ménagères de l'Eure de sa demande de dommages et intérêts,
- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,
- débouté la Sas Hesus de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la Sas Hesus à payer au Syndicat mixte pour l'étude et le traitement des ordures ménagères de l'Eure la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la Sas Hesus aux entiers dépens,
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.
Par déclaration du 28 juillet 2020, la Sas Hesus a formé un appel contre ce jugement.
EXPOSE DES PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Par dernières conclusions notifiées le 28 mars 2022, la Sas Hesus demande, en application des dispositions du code général des collectivités territoriales, du code de procédure civile et du code civil, de voir réformer le jugement entrepris en ce qu'il a :
- débouté la Sas Hesus de sa demande d'annulation des titres exécutoires n°505 en date du 6 décembre 2016, n°552 et n°578 en date du 31 décembre 2016, n°60 en date du 13 mars 2017 et n°74 en date du 23 mars 2017 émis à son encontre par le Setom,
- débouté la Sas Hesus de sa demande de déchargement des sommes dues au titre des titres exécutoires n°505 en date du 6 décembre 2016, n°552 et n°578 en date du 31 décembre 2016, n°60 en date du 13 mars 2017 et n°74 en date du 23 mars 2017 émis à son encontre par le Setom,
- débouté la Sas Hesus de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la Sas Hesus à payer au Setom la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la Sas Hesus aux entiers dépens,
et statuant à nouveau,
- se voir décharger de la somme totale de 1 348 761,12 euros correspondant aux montants cumulés des titres exécutoires contestés,
en tout état de cause,
- voir confirmer le jugement en ce qu'il a débouté le Setom de sa demande de dommages et intérêts,
- voir condamner le Setom à lui payer la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, en plus des entiers dépens.
Par dernières conclusions notifiées le 25 novembre 2020, le Setom sollicite de voir en application des articles 1134 ancien, 1180, 1240 et suivants, du code civil, L.1617-5 du code général des collectivités territoriales :
- confirmer le jugement en tant qu'il déboute la Sas Hesus de l'ensemble de ses demandes,
- dire et juger que la Sas Hesus est redevable à son égard de la somme totale de 1 348 761,12 euros,
- débouter la Sas Hesus de ses demandes présentées en appel,
- infirmer le jugement en condamnant la Sas Hesus à lui verser la somme de
100 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,
- condamner la Sas Hesus à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.
Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures visées ci-dessus conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
La clôture de l'instruction a été ordonnée le 30 mars 2022.
MOTIFS
Sur la nullité des titres exécutoires
La nullité pour incompétence de leur signataire s'agissant des titres exécutoires n°552 et 578
La Sas Hesus expose que ces deux titres datés du 31 décembre 2016 et leurs bordereaux ont été signés par M. [I], président du Setom, alors qu'à cette date, il n'avait pas cette qualité ; que M. [M] en était investi ; que le tribunal s'est placé au 1er janvier 2017, journée complémentaire comprise entre le 1er et le 31 janvier 2017, pour apprécier la compétence de l'ordonnateur, ce qui est irrégulier.
Le Setom répond qu'à la suite de la fusion de plusieurs collectivités territoriales adhérentes, son président M. [M], ses 1er et 2ème vices-présidents, n'étaient plus en fonction le 1er janvier 2017 ; que c'est donc M. [I], 3ème vice-président et 1er vice-président dans l'ordre du tableau, qui avait vocation à assurer la présidence intérimaire à compter du 1er janvier 2017 ; que les deux titres exécutoires en cause ont été émis au titre de la journée complémentaire qui lui permettait de terminer les écritures comptables de l'exercice 2016 jusqu'au 31 janvier 2017 ; qu'ils pouvaient donc être signés par M. [I] suivant bordereau établi en janvier 2017.
Selon l'article L.1617-5, 4° du code général des collectivités territoriales, en application des articles L.111-2 et L.212-1 du code des relations entre le public et l'administration, le titre de recettes individuel ou l'extrait du titre de recettes collectif mentionne les nom, prénoms et qualité de la personne qui l'a émis ainsi que les voies et délais de recours.
Seul l'organe exécutif, ordonnateur principal de la collectivité territoriale, peut émettre en son nom des états exécutoires. Toutefois, il peut déléguer la compétence d'émettre ou de rendre exécutoire les titres de recettes de ladite collectivité.
L'article L.2122-17 du code général des collectivités territoriales, auquel renvoie l'article L.5711-1 qui régit les syndicats mixtes composés de communes et d'établissements publics de coopération intercommunale ou exclusivement d'établissements publics de coopération intercommunale, prévoit qu'en cas d'absence, de suspension, de révocation ou de tout autre empêchement, le maire est provisoirement remplacé, dans la plénitude de ses fonctions, par un adjoint, dans l'ordre des nominations et, à défaut d'adjoint, par un conseiller municipal désigné par le conseil ou, à défaut, pris dans l'ordre du tableau.
Ce texte ne donne compétence au suppléant que pour les actes dont l'accomplissement, au moment où il s'impose, serait empêché par l'absence du maire et ne permettrait donc pas un fonctionnement normal de l'administration municipale. Il doit être démontré que le maire est empêché.
En l'espèce, les titres exécutoires n°552 et 578 ont été émis le 31 décembre 2016 et signés par 'Le Président du SETOM B. [I]'. Le bordereau de titres de recettes a également été signé par ce dernier en la même qualité le 31 décembre 2016.
Or, à cette date, le président du Setom était M. [M] qui avait été élu à cet effet le 29 janvier 2016 par les délégués du comité syndical. Le Setom ne démontre pas que M. [M] était empêché de signer ces deux titres et leurs bordereaux le 31 décembre 2016, ni que ses délégataires vices-présidents dans l'ordre du tableau, en l'occurrence M. [S] et [X], respectivement 1er et 2ème vices-présidents, l'étaient également.
Le moyen de défense du Setom basé sur la journée complémentaire est inopérant, puisque celle-ci débutait seulement le 1er janvier 2017, soit après l'émission des deux titres litigieux et de leurs bordereaux. Contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, l'appréciation de la légalité d'un acte s'effectue à la date de l'émission de celui-ci, et non pas le lendemain.
L'incompétence du signataire des titres exécutoires n°552 et 578, pour défaut de pouvoir, entache leur régularité et impose de les annuler.
La nullité pour défaut de motivation
La Sas Hesus soutient que les titres exécutoires ne sont pas motivés car ils n'indiquent aucune base de calcul et se bornent à mentionner les montants Ht et Ttc du total de la somme indiquée comme étant due sans en préciser le détail. Elle ajoute que la référence à des numéros de factures est insuffisante puisque celles-ci n'indiquent pas le fait générateur et le fondement des créances réclamées, ni leurs éléments de calcul, et ne font pas référence aux bordereaux de suivi des déchets.
Le Setom réplique que les bases de la liquidation des créances sont constituées par ces bordereaux remis mensuellements par la Sas Hesus et qu'à chaque titre émis est annexée la facture correspondante comportant la période considérée, la nature des apports, les quantités, le prix unitaire par tonne, le total Ht, le montant de Tva et le montant Ttc, que toutes ces indications ont permis à la Sas Hesus de vérifier les créances réclamées.
L'article 24 du décret n°2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique prévoit que toute créance liquidée faisant l'objet d'une déclaration ou d'un ordre de recouvrer indique les bases de la liquidation.
Il est constant qu'aux titres exécutoires ont été annexées les factures correspondantes lesquelles avaient d'ailleurs été antérieurement adressées à la Sas Hesus. Elles renseignent systématiquement sur :
- la période facturée,
- la nature, la quantité et le prix unitaire Ht des apports,
- les montants Ht, le montant de la Tva et le total net à payer.
Ces éléments, rapprochés des bordereaux de suivi des déchets dont l'établissement et la remise étaient à la charge de la Sas Hesus, étaient suffisants pour vérifier que la créance réclamée avait ou non un caractère exigible, certain et liquide.
Le grief selon lequel le fait générateur et le fondement des créances réclamées n'est pas précisé n'est pas fondé, les relations entre les parties étant régies par la convention du 21 octobre 2015 et l'avenant du 19 mai 2016, auxquels la Sas Hesus pouvait aisément se reporter.
Cette dernière s'est d'ailleurs fondée sur l'ensemble de ces éléments pour asseoir sa contestation.
Le défaut de motivation allégué par la Sas Hesus n'est pas démontré. Elle sera déboutée de sa demande de nullité des titres exécutoires n°505 émis le 6 décembre 2016, n°60 émis le 13 mars 2017 et n°74 émis le 23 mars 2017. Le jugement du tribunal ayant statué en ce sens sera confirmé.
Sur le bien-fondé des titres exécutoires
La Sas Hesus conteste le tarif de 52 euros Ht par tonne appliqué par le Setom pour des terres faiblement polluées, alors qu'elle lui a livré en 2016 et 2017 des terres de recouvrement devant être facturées au prix de 29 euros Ht par tonne, que l'article 3 de la convention du 21 octobre 2015 n'a pas prévu qu'elle devait apporter un minimum de 10 000 tonnes de terres non inertes non dangereuses pour 2016, mais un minimum de 10 000 tonnes de terres de recouvrement ce qu'elle a respecté comme le démontrent les factures établies par le Setom entre janvier et octobre 2016 après la réception de ces terres, que, lorsqu'elle emploie le vocable 'terres polluées' dans ses bordereaux de suivi de déchets et lors de la réunion du 17 novembre 2016, elle fait référence aux terres de recouvrement au sens de la convention. Elle en conclut que le tribunal a fait une interprétation erronée du contrat et des pièces produites.
Le Setom fait valoir que la Sas Hesus fait une confusion entre les terres faiblement polluées et les terres de recouvrement, alors que les premières, à la différence des secondes, sont des déchets dont le traitement est soumis à la taxe générale sur les activités polluantes (Tgap) instituée par le code des douanes. Elle précise qu'elle a fait une exacte application de la convention en fonction de la nature exacte des terres apportées déclarées polluées par la Sas Hesus elle-même lors de leur entrée sur le site, que cette dernière n'a pas respecté ses engagements d'apports de terres de recouvrement.
L'article 6 de la convention du 21 octobre 2015 définit les conditions de la facturation qui s'établit conformément aux spécifications de l'article 3 :
'' pour les apports, dès la première tonne, sur la base de l'estimation définie à l'article 3 de la présente convention au tarif de :
' 29 €HT par tonne pour les terres de recouvrement. Toutefois, dans le cas où l'Entreprise ne respecterait pas le tonnage apporté, le tarif s'établirait à 36 €HT par tonne.
' 52 €HT par tonne y compris TGAP 2016 pour les terres faiblement polluées.'.
L'article 3 relatif aux apports dispose que : 'L'entreprise estime ses apports à 25 000 tonnes de terres non inertes non dangereuses (terres de recouvrement et terres faiblement polluées) pour l'année 2016 sur l'ISDND de [Localité 4].
La capacité de réception de l'ISDND exploité par le SETOM de l'Eure à [Localité 4] (27) est de 85000 tonnes.
A concurrence de 20% de cette capacité, soit 17 000 tonnes pour un taux de remplissage optimal, le SETOM de l'Eure est en mesure d'accepter des déchets terreux en recouvrement du massif de déchets.
Le SETOM de l'Eure prévoit dans son budget de réceptionner environ 50 000 tonnes de déchets sur l'année 2016.
L'Entreprise prend l'engagement de livrer sur l'ISDND de [Localité 4] entre 18 et 20% de la quantité réellement réceptionnée par le SETOM (ci-après nommée capacité réservée), soit un minimum de 10 00 tonnes.
Dans la mesure où l'Entreprise souhaite augmenter sa capacité de recouvrement à concurrence de 17 000 tonnes, l'Entreprise devra d'abord approvisionner le centre en terres faiblement polluées. Ces terres intégreront le quota global annuel des déchets admis sur le centre, tous déchets confondus.'.
L'article 5 prévoit enfin que : 'L'Entreprise fournira avant tout apport le Certificat d'Acceptation Préalable relatif au déchet traité afin de juger de son adéquation avec les prescriptions de l'APE en vigueur.'.
Il se déduit de l'économie de ce contrat que la Sas Hesus apporte des terres de recouvrement et des terres faiblement polluées. S'agissant des premières, elle s'est engagée à en apporter un minimum de 10 000 tonnes pour l'année 2016 facturées à 29 euros Ht par tonne. Dans l'hypothèse où ce seuil serait atteint et qu'elle souhaiterait en augmenter le tonnage jusqu'à 17 000, elle devrait d'abord apporter des terres faiblement polluées facturées à 52 euros Ht par tonne. Par contre, dans l'hypothèse où ce seuil ne serait pas atteint, le prix serait majoré de 29 à 36 euros Ht par tonne.
La Sas Hesus n'a pas fait part de son intention d'augmenter sa capacité d'apport de terres de recouvrement au-delà des 10 000 tonnes, de sorte qu'elle n'était pas tenue d'apporter des terres faiblement polluées jusqu'à 17 000 tonnes.
Toutefois, le Setom établit que la Sas Hesus n'a pas effectué des apports de terres de recouvrement, mais de terres polluées lesquelles étaient donc soumises à la tarification de 52 euros prévue pour les terres faiblement polluées.
D'une part, l'acceptation donnée à la Sas Hesus aux termes du certificat d'acceptation préalable n°2016-083, valable du 5 juillet 2016 au 4 juillet 2017, l'a été pour le site de [Localité 4] et pour le déchet : Terres polluées dont le code nomenclature est le 17 05 04. Celui-ci correspond à la désignation du déchet 'Terres et cailloux' avec la précision que 'Si faiblement contaminés : [Localité 4] (ISDND), Si non contaminés : [Localité 5] (ISDI), [Localité 6] (ISDI)'.
Ce code a été sytématiquement mentionné dans les bordereaux de suivi des déchets versés aux débats et dressés par la Sas Hesus entre le 29 novembre et le 7 décembre 2016, avec la mention, dans l'encadré réservé à la dénomination du déchet : 'terres polluées'.
D'autre part, cette dénomination a été visée par la Sas Hesus dans la synthèse de son rendez-vous avec le Setom le 17 novembre 2016. Dans son développement sur les 'Terres Polluées', elle a indiqué que 'Notre convention nous engage à livrer 10 000 tonnes de terres polluées avant le 31 Décembre 2016 au tarif terres de recouvrement.'.
Pour combattre ces éléments, la Sas Hesus n'apporte pas la preuve contraire de son apport de terres de recouvrement.
Contrairement à ce qu'elle avance, il ne ressort pas des termes de la convention d'apports de déchets que le prix des terres apportées a été arrêté à 29 euros Ht par tonne quelle que soit la nature des terres livrées. L'article 6 prévoit une alternative des tarifs en fonction de la nature de chaque apport. Le fait que le Setom a initialement appliqué le tarif de 29 euros Ht par tonne du 1er janvier au 31 octobre 2016 ne peut pas exonérer la Sas Hesus de l'inexécution de son obligation contractuelle d'apporter des terres de recouvrement. Cette facturation initiale ne vaut pas comme renonciation du Setom à réclamer aujourd'hui l'application du tarif de
52 euros Ht par tonne prévu pour l'apport de terres faiblement polluées, ce qu'elle a d'ailleurs rappelé à la Sas Hesus dans sa réponse écrite faite à l'issue de leur rendez-vous du 17 novembre 2016 dans le paragraphe relatif aux terres polluées :
'Tonnage et tarif 2016
- 10859 Tonnes (à confirmer)
- 52€ ht la tonne
Tonnage et Tarif 2017
Tonnage : Nous partons sur une base de 10.000 t /an soit 2500 t /trimestre.
Tarif : tarif 2016 prolongé jusqu'à fin Mars 2017".
La Sas Hesus indique qu'en appliquant le tarif de 52 euros Ht par tonne, et non pas de 29 euros euros Ht par tonne, le Setom a unilatéralement en cours de contrat répercuté sur elle les charges supportées du fait du paiement de la Tgap de manière totalement irrégulière et en méconnaissance de la convention.
Cependant, le fait générateur de cette taxe est la réception d'un déchet dans l'installation de stockage, de sorte que celle-ci était due. Elle a d'ailleurs été prévue par l'article 6 de la convention comme incluse dans le tarif de 52 euros Ht pour les terres faiblements polluées et pas pour les terres de recouvrement qui ne constituent pas un déchet.
En définitive, en application de la convention du 21 octobre 2015, la Sas Hesus est débitrice des créances réclamées par le Setom par le biais de ses titres exécutoires n°505 émis le 6 décembre 2016, n°60 émis le 13 mars 2017 et n°74 émis le 23 mars 2017. Le jugement du tribunal ayant rejeté les demandes de la Sas Hesus relativement à ceux-ci sera confirmé.
Sur la demande indemnitaire du Setom pour résistance abusive
Le Setom avance que l'échec de la conciliation préalable à la saisine du tribunal administratif est imputable à la seule Sas Hesus qui s'est évertuée à refuser de reconnaître la nature des terres qu'elle a elle-même qualifiées de polluées, que celle-ci a agi ainsi dans le but de se soustraire à ses obligations contractuelles et fiscales et qu'elle lui a causé un manque de trésorerie et un préjudice moral.
La Sas Hesus répond que, malgré l'absence d'obligation d'engager une procédure préalable de conciliation, elle a tenté de trouver un terrain d'entente avec le Setom avant la saisine du tribunal administratif, procédure soumise à des délais de prescription, que sa mauvaise foi n'est pas établie pas plus qu'un soit-disant préjudice moral de son adversaire.
En application de l'article 1240 du code civil, toute faute dans l'exercice des voies de droit, même dépourvue d'intention de nuire, est de nature à engager la responsabilité de son auteur. Il incombe au demandeur d'en apporter la preuve.
Comme l'a justement relevé le premier juge, la Sas Hesus a exercé les recours ouverts par la loi et a eu partiellement gain de cause relativement à deux titres exécutoires émis à son encontre. Les moyens qu'elle a soulevés pour contester les trois autres titres n'ont pas été abusifs, ni constitutifs d'une faute.
Enfin, le Setom ne justifie pas du préjudice qu'il allègue.
Sa demande indemnitaire sera rejetée. Le jugement ayant statué en ce sens sera confirmé.
Sur les demandes accessoires
Les dispositions de première instance sur les dépens seront infirmées. Chaque partie ayant été partiellement accueillie en ses demandes, il sera fait masse des dépens de première instance et d'appel qui seront partagés par moitié entre les parties.
Il n'est pas inéquitable que chaque partie supporte la charge de ses frais non compris dans les dépens engagés pour les procédures de première instance et d'appel. Les demandes présentées à ce titre seront rejetées.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire, rendu publiquement par mise à disposition au greffe, et en dernier ressort,
Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a :
- débouté la Sas Hesus de sa demande d'annulation des titres exécutoires n°552 et n°578 en date du 31 décembre 2016 émis à son encontre par le Syndicat mixte pour l'étude et le traitement des ordures ménagères de l'Eure,
- débouté la Sas Hesus de sa demande de déchargement des sommes dues au titre des titres n°552 et n°578 en date du 31 décembre 2016 émis à son encontre par le Syndicat mixte pour l'étude et le traitement des ordures ménagères de l'Eure,
- condamné la Sas Hesus à payer au Syndicat mixte pour l'étude et le traitement des ordures ménagères de l'Eure la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la Sas Hesus aux entiers dépens,
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,
Annule les titres exécutoires n°552 et 578 émis le 31 décembre 2016 par le Setom à l'encontre de la Sas Hesus,
Rejette le surplus des demandes,
Fait masse des dépens de première instance et d'appel et condamne la Sas Hesus et le Setom chacun à en supporter la moitié.
Le greffierLa présidente