N° RG 20/02475 - N° Portalis DBV2-V-B7E-IQ2H
COUR D'APPEL DE ROUEN
1ERE CHAMBRE CIVILE
ARRET DU 24 AOUT 2022
DÉCISION DÉFÉRÉE :
20/00302
Tribunal judiciaire d'Evreux du 27 avril 2020
APPELANTE :
Madame [W] [C] épouse [T]
née le 30 décembre 1965 à [Localité 6]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
représentée par Me Céline BART de la Selarl EMMANUELLE BOURDON CELINE BART Avocats Associés, avocat au barreau de Rouen
(bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro 2020/014052 du 15/02/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Rouen)
INTIMES :
Monsieur [L] [Y]
né le 08 janvier 1944 à [Localité 3]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
non constitué bien que régulièrement assigné par acte d'huissier de justice remis à l'étude le 29 octobre 2020
Madame [G] [M]
née le 16 septembre 1989 à [Localité 5]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
représentée par Me Jean-Michel EUDE de la Scp DOUCERAIN-EUDE-SEBIRE, avocat au barreau de l'Eure
Monsieur [H] [A]
né le 20 mars 1986 à [Localité 4]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
représenté par Me Jean-Michel EUDE de la Scp DOUCERAIN-EUDE-SEBIRE, avocat au barreau de l'Eure
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 2 mai 2022 sans opposition des avocats devant M. Jean-François MELLET, rapporteur,
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée :
Mme Edwige WITTRANT, présidente de chambre,
M. Jean-François MELLET, conseiller,
Mme Magali DEGUETTE, conseillère,
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme [O] [F],
DEBATS :
A l'audience publique du 2 mai 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 24 août 2022.
ARRET :
PAR DEFAUT
Rendu publiquement le 24 août 2022, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
signé par Mme WITTRANT, présidente et par Mme CHEVALIER, greffier.
*
* *
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
Suivant acte authentique du le 16 juin 2017, Mme [G] [M] et M. [H] [A] ont acquis de M. [L] [Y] et Mme [W] [T] une maison d'habitation sise à [Localité 3]. L'acte de vente stipule une clause de solidarité entre les vendeurs.
Se plaignant de l'apparition de traces de moisissures au pied d'un pignon, de l'absence de conformité des tableaux électriques, de la présence d'eau stagnante sous la baignoire et d'un engorgement du réseau d'évacuation des eaux usées, les consorts [M]-[A] ont obtenu la désignation d'un expert par ordonnance du 23 août 2018.
L'expert a déposé son rapport le 26 novembre 2019.
Par acte du 22 janvier 2020, les consorts [M]-[A] ont fait assigner M. [L] [Y] et Mme [W] [T] devant le tribunal judiciaire d'Evreux.
Par jugement réputé contradictoire en date du 27 avril 2020, le tribunal a :
- dit que les désordres affectant l'immeuble vendu par M. [L] [Y] et Mme [W] [C] épouse [T] à Mme [G] [M] et M. [H] [A] résultaient de vices-cachés au sens de l'article 1641 du code civil ;
en conséquence,
- condamné in solidum M. [L] [Y] et Mme [W] [C] épouse [T] à payer à M. [H] [A] et Mme [G] [M] les sommes de :
. 3 059,36 euros HT, au titre de la remise en état de l'installation électrique, outre indexation sur l'indice BT 01 du bâtiment à compter du 26 novembre 2019 jusqu'à parfait paiement et TVA applicable à la date du présent jugement,
. 3 790 euros HT, au titre de la remise en état du réseau des eaux usées, outre indexation sur l'indice BT 01 du bâtiment à compter du 26 novembre 2019 jusqu'à parfait paiement et TVA applicable à la date du présent jugement,
- condamné in solidum M. [L] [Y] et Mme [W] [C] épouse [T] à payer à M. [H] [A] et Mme [G] [M] la somme de 9 600 euros au titre du préjudice de jouissance ;
- dit que cette somme porterait intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement ;
- ordonné la capitalisation des intérêts échus, dus au moins pour une année entière, dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil ;
- condamné in solidum M. [L] [Y] et Mme [W] [C] épouse [T] aux entiers dépens en ce compris les dépens exposes au titre des instances en référé-expertise et le coût de l'expertise judiciaire de M. [D] [Z] ;
- condamné in solidum M. [L] [Y] et Mme [W] [C] épouse [T] à
M. [H] [A] et Mme [G] [M] la somme de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles ;
- débouté M. [H] [A] et Mme [G] [M] de toute demande plus ample ou contraire.
Par déclaration reçue au greffe le 31 juillet 2020, Mme [W] [C] a interjeté appel de la décision.
EXPOSE DES PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Par dernières conclusions notifiées le 29 octobre 2020, Mme [W] [C] épouse [T] demande à la cour d'appel de réformer le jugement, débouter M. [A] et Mme [M] de l'intégralité de leurs demandes, les condamner au paiement d'un indemnité de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Elle soutient que les intimés ne justifient pas de leurs demandes et qu'elle ne peut en l'absence de communication des pièces adverses, développer aucun moyen de contestation de la décision entreprise.
Par dernières conclusions notifiées le 22 janvier 2021, Mme [G] [M] et
M. [H] [A] demandent à la cour d'appel de confirmer le jugement en toute ses dispositions et de condamner Mme [W] [C] épouse [T] à payer une indemnité de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens d'appel.
Ils soutiennent que les travaux d'agrandissement de la maison ont été réalisés au cours de l'année 2008 par M. [L] [Y] et Mme [W] [C] épouse [T] ; que l'installation électrique réalisée à cette occasion était non conforme et dangereuse ; que les désordres n'ont été découverts qu'à l'occasion de travaux réalisés ultérieurement ; que s'agissant de l'assainissement, le vendeur a nécessairement eu connaissance des désordres puisque le tronçon atteint de contrepente est ancien.
Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures visées ci-dessus conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
La décision rendue sera rendue par défaut, M. [Y] ayant reçu signification de la déclaration d'appel et des conclusions de l'appelante en l'étude de l'huissier instrumentaire le 29 octobre 2020.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 6 avril 2022.
Par message électronique du 11 juillet 2022, Mme [W] [C] épouse [T] a été invitée à formuler ses observations sur le retrait possible de l'aide juridictionnelle au visa de l'article 50 de la loi 91-647 du 10 juillet 1991 avant le 27 juillet 2022.
Son conseil a répondu par message électronique du 9 août 2022 : après avoir rappelé la séparation du couple, elle souligne les difficultés liées à la gestion de la procédure et de l'expertise, son incompréhension de la décision prononcée en première instance et la communication tardive des pièces par la partie adverse.
MOTIFS
A titre liminaire, il y a leu de relever que M. [H] [A] et [G] [M] ont notifié le 22 janvier 2021 à Mme [W] [C] un bordereau de communication de 9 pièces visant le rapport amiable, l'acte de vente, six photographies, l'ordonnance de référé du 23 août 2018, le rapport d'expertise judiciaire, les actes de signification du jugement et les commandements de payer.
L'appelante, qui n'a d'ailleurs formé aucun incident en communication de pièces, ne peut donc prétendre n'avoir reçu aucune pièce. Contrairement à ce qu'elle fait plaider, elle était donc en mesure de développer une argumentation juridique au soutien de l'appel qu'elle a interjeté.
Sur la garantie des vices cachés
Le tribunal a rappelé les dispositions des articles 1641 et 1645 et 1792 du code civil, et relevé, à juste titre, que l'action fondée sur l'action en garantie décennale n'était pas exclusive de l'action en garantie des vices cachés. Il a relevé que les vendeurs avaient omis de signaler, dans la clause stipulée à cette fin à l'acte de vente, les importants travaux de nature décennale réalisés par eux, en l'occurrence l'agrandissement de la maison par l'adjonction de trois chambres en 2008-2009, à l'occasion desquels des travaux électriques non conformes et dangereux pour la sécurité des personnes ont été réalisés ; qu'ils avaient également omis de signaler la réalisation de travaux d'évacuation à l'origine de bouchages récurrents dont ils avaient nécessairement connaissance ; qu'en outre, ils avaient réalisé personnellement ces travaux ; qu'en conséquence il n'y avait pas lieu de faire application de la clause élusive des vices cachés, et que l'immeuble était partiellement rendu impropre à sa destination.
En cause d'appel, Mme [G] [M] et M. [H] [A] concluent à la confirmation sans viser aucun texte, mais reprennent les motifs du tribunal. Il doit donc être considéré que leur action est bien fondée sur le vice caché.
En application de l'article 1643 du code civil, la clause élusive de vices cachés n'est pas susceptible d'être opposée par le vendeur de mauvaise foi, en particulier s'il avait connaissance des vices antérieurement à la vente. En outre, la clause stipulée en page 9 de l'acte de vente précise que l'exclusion des vices cachés n'est pas opposable au vendeur qui a réalisé lui-même les travaux.
Il ressort du rapport d'expertise que le système électrique créé en 2008-2009 afin d'alimenter l'extension présente des anomalies nombreuses et graves et décrites par le sapiteur dans son rapport joint. Ces défauts la rendent dangereuse, si bien que le vice est établi, et interdisent son utilisation, si bien que la maison n'est pas conforme à sa destination d'habitation. Le caractère caché du vice est également établi. Ainsi que le relève l'expert, le diagnostic réglementaire annexé à l'acte de vente ne met pas en évidence les risques graves affectant le dispositif, qui ne pouvaient être détectés qu'après démontage et mise à jour de l'installation.
La cour considère comme certain que l'installation a été réalisée par les vendeurs eux-mêmes. Les constatations du sapiteur permettent d'établir que les travaux n'ont pas été réalisés par un professionnel à raison d'une 'totale méconnaissance des normes et règles de l'art'. Mme [T], qui se contente de nier les avoir réalisés, est restée taisante depuis l'expertise jusqu'en cause d'appel, sur les circonstances dans lesquelles l'extension a été construite. Elle allègue aujourd'hui ne pas retrouver la facture, mais cette circonstance n'explique pas les raisons pour lesquelles elle ne précise pas le nom de l'entreprise censée être intervenue. Enfin, les vendeurs n'ont pas fait mention, dans l'acte de vente, des travaux concernés, ce qui confirme leur volonté dolosive de dissimuler les ouvrages qu'ils avaient réalisés.
La clause élusive des vices cachés n'est donc pas opposable aux demandes concernant la reprise de ce vice.
Ainsi que l'a relevé le tribunal, par ailleurs, le dispositif d'évacuation sanitaire provoque des blocages et des refoulements réguliers à raison d'un problème de conception. L'impropriété à destination de l'ouvrage est établie, tout comme la mauvaise foi des vendeurs, qui avaient nécessairement connaissance de ce vice, contrairement à ce qu'indique Mme [T], puisqu'il est inhérent au réseau créé en 2008-2009 pour raccorder l'extension, et que les bouchages consécutifs sont récurrents.
La clause élusive de garantie des vices cachés n'est donc pas davantage opposable à cet égard.
Le montant des condamnations accordées par le tribunal au titre de la remise en état du réseau électrique de l'extension et du réseau d'évaluation ne sont pas contestées et sont conformes aux données expertales.
S'agissant du préjudice de jouissance, le tribunal a retenu un montant de
9 600 euros, correspondant à 400 euros par mois à compter du 15 juin 2017, à raison de l'impossibilité d'habiter l'extension, outre la durée de deux semaines prévue pour les travaux de remise en état. Ce montant n'est pas contesté par l'appelante et l'intimé en sollicite la confirmation. Il est adapté et sera confirmé.
La décision sera donc confirmée.
Sur les dépens et frais irrépétibles
Mme [T] succombe à l'instance et sera condamnée aux dépens d'appel
En application de l'article 50 de la loi 91-647 du 10 juillet 1991, la juridiction saisie prononce le retrait de l'aide juridictionnelle, lorsque la procédure engagée par le demandeur bénéficiant de l'aide juridictionnelle a été jugée abusive.
Compte tenu des explications fournies par Mme [T] sur demande de la cour dans le cadre de son délibéré, il n'y a pas lieu de faire application de ce texte.
En revanche, l'équité commande la condamnation de Mme [T] à payer à Mme [M] et M. [A], au titre des frais irrépétibles la somme de 4 000 euros.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt rendu par défaut, mis à disposition au greffe et en dernier ressort,
Confirme le jugement en ses dispositions,
Y ajoutant,
Condamne Mme [W] [C] épouse [T] à payer à Mme [G] [M] et M. [H] [A] la somme de 4 000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel ;
Condamne Mme [W] [C] épouse [T] aux dépens d'appel ;
Décide de ne pas faire application de l'article 50 de la loi 91-647 du 10 juillet 1991.
Le greffier,La présidente de chambre,