N° RG 20/02910 - N° Portalis DBV2-V-B7E-IRVF
COUR D'APPEL DE ROUEN
1ERE CHAMBRE CIVILE
ARRET DU 24 AOUT 2022
DÉCISION DÉFÉRÉE :
11-18-000348
Tribunal judiciaire de Rouen du 13 mai 2020
APPELANTE :
Sa AWP P&C
[Adresse 4]
[Localité 6]
représentée et assistée par Me Jérôme VERMONT de la Selarl VERMONT TRESTARD & Associés, avocat au barreau de Rouen
INTIMES :
Madame [K] [U]
née le 17 août 1977 à [Localité 11]
[Adresse 2]
[Localité 5]
représentée et assistée par Me Caroline VELLY de la Selarl VD & Associés, avocat au barreau de Rouen
Monsieur [C] [M]
né le 1er février 1959 à [Localité 10]
[Adresse 12]
[Localité 5]
représenté et assisté par Me Caroline VELLY de la Selarl VD & Associés, avocat au barreau de Rouen
Sas VPG
RCS d'Aix en Provence 479 345 043
[Adresse 3]
[Localité 1]
représentée et assistée par Me Vincent MOSQUET de la Selarl LEXAVOUE NORMANDIE, avocat au barreau de Rouen plaidant par Me Simon MOSQUET
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 4 mai 2022 sans opposition des avocats devant Mme Magali DEGUETTE, rapporteur,
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée :
Mme Edwige WITTRANT, présidente de chambre,
M. Jean-François MELLET, conseiller,
Mme Magali DEGUETTE, conseillère,
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme Catherine CHEVALIER,
DEBATS :
A l'audience publique du 4 mai 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 24 août 2022.
ARRET :
CONTRADICTOIRE
Rendu publiquement le 24 août 2022, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
signé par Mme WITTRANT, présidente et par Mme CHEVALIER, greffier.
*
* *
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
Le 5 janvier 2017, Mme [K] [U] a réservé sur internet auprès de la Sas Vpg, exerçant sous l'enseigne Voyage Privé, une prestation touristique du 22 janvier au 4 février 2017 aux Maldives pour elle-même et son compagnon M. [C] [M], pour le prix de 7 805,80 euros. Cette prestation comprenait une assurance multirisque formule complète annulation et assistance dénommée Formule Multirisque Confort Monde.
Le 22 janvier 2017, M. [C] [M] a été victime d'un malaise au moment de l'embarquement, l'obligeant avec Mme [K] [U] à annuler leur voyage.
Par courrier daté du 24 octobre 2017, la Sa Awp P&C, assureur, a refusé la mise en oeuvre de la garantie annulation et le remboursement du prix du voyage sollicité par M. [C] [M] et Mme [K] [U]. Elle a indiqué que la situation médicale de ce dernier au jour de l'annulation n'avait pas été constatée par un médecin et n'avait pas nécessité l'observation d'un traitement médicamenteux, conditions prévues par l'article 2.1 de la police d'assurance.
Suivant acte d'huissier de justice du 29 janvier 2018, Mme [K] [U] et M. [C] [M] ont fait assigner la Sas Vpg, la Sa Awp P&C et la Sas Awp France devant le tribunal d'instance de Rouen.
Par jugement du 13 mai 2020, le tribunal judiciaire de Rouen a :
- condamné solidairement la société Awp P&C et la Sas Awp France à payer à M. [C] [M] et Mme [K] [U] la somme de 6 872,56 euros,
- condamné solidairement la société Awp P&C et la Sas Awp France à payer à M. [C] [M] et Mme [K] la somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné solidairement la société Awp P&C et la Sas Awp France à payer à la société Vpg, Société Voyage Privé, la somme de 800 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- rejeté toute demande plus ample ou contraire,
- condamné la société Awp P&C et la Sas Awp France aux dépens, qu'ils supporteront chacun pour moitié.
Par déclaration du 11 septembre 2020, la Sa Awp P&C a formé un appel contre ce jugement.
EXPOSE DES PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Par dernières conclusions notifiées le 2 avril 2021, la Sa Awp P&C demande de voir en application de l'article R.211-6 du code du tourisme :
- infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Rouen le 13 mai 2020 en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a jugé opposables les conditions générales de vente aux consorts [U]-[M],
statuant à nouveau,
- débouter Mme [U] et M. [M] de l'ensemble de leurs demandes à son encontre,
- débouter la Sas Vpg de l'ensemble de ses demandes dirigées à son encontre,
- condamner la Sas Vpg à la garantir intégralement des condamnations qui pourraient être mises à sa charge,
- condamner Mme [U] et M. [M] ou toute partie succombante à lui payer la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
Elle expose que M. [M] ne remplit pas les conditions cumulatives pour bénéficier de la garantie annulation. Elle avance qu'il ne justifie pas d'une maladie, ni d'un accident corporel, ni des suites, séquelles, complications ou aggravations, d'une maladie ou d'un accident corporel constaté avant la réservation du 5 janvier 2017 ; que c'est à tort que le tribunal a jugé que le malaise survenu le 22 janvier 2017 serait consécutif à un syndrôme de burn out qui aurait été diagnostiqué en décembre 2012 ; que l'état dépressif de M. [M] n'est pas démontré ; que le médecin de celui-ci a seulement constaté un aspect du burn out.
S'agissant de la seconde condition, elle souligne que M. [M] ne justifie pas d'une hospitalisation, ni d'une cessation effective de son activité professionnelle ou d'un maintien à domicile, ni encore d'une consultation médicale et d'un traitement médicamenteux dès le 22 janvier 2017 ; que la consultation médicale de celui-ci a eu lieu le 24 janvier 2017 ; que le tribunal a dénaturé le contrat.
Elle ajoute que, dans la mesure où Mme [U] et M. [M] ont pu effectuer leur réservation après avoir choisi de souscrire une assurance annulation, ils ont obligatoirement eu connaissance des conditions générales par le biais du contrat conclu avec la Sas Vpg qu'ils ont pu imprimer et/ou enregistrer et qui leur sont donc opposables ; que ces derniers n'en apportent pas la preuve contraire. Elle ajoute qu'elle a envoyé ces conditions à Mme [U] par le biais d'une pièce jointe au courriel de confirmation du 11 janvier 2017.
Dans ses rapports avec la Sas Vpg, elle indique que celle-ci est responsable de plein droit à l'égard de ses clients conformément à l'article L.211-16 du code du tourisme. Elle précise enfin que, n'étant pas son assureur, elle ne peut pas être tenue de prendre en charge une condamnation personnelle de cette dernière.
Par dernières conclusions notifiées le 24 décembre 2020, M. [C] [M] et Mme [K] [U] sollicitent de voir :
- débouter la Sa Awp P&C et la Sas Vpg de leurs demandes,
- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
subsidiairement et dans l'hypothèse où la cour infirmerait le jugement,
- condamner solidairement la Sas Vpg et la Sa Awp P&C au versement de la somme de 6 872,56 euros au titre du remboursement du voyage annulé, avec taux d'intérêt légal à compter de l'assignation,
en tout état de cause,
- condamner solidairement la Sas Vpg et la Sa Awp P&C au versement de la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour la présente procédure d'appel, en plus des entiers dépens.
Ils font valoir que les conditions de la garantie annulation sont remplies : M. [M] a eu un malaise qui a été constaté par un avis médical et qui est consécutif à son état dépressif depuis 2002, son surmenage et l'aspect de burn out, indiqués le 24 janvier 2017 par son médecin traitant dans le questionnaire médical ; sa cessation d'activité professionnelle a été effective puisque le jour du malaise correspond au jour du départ et il n'a pas travaillé ensuite ; l'ensemble des consultations ont été prises en charge et remboursées à M. [M] qui a pris du Lexomil le jour même de son malaise qui lui avait été conseillé par son beau-frère, médecin à [Localité 7], et qu'il avait déjà pris en 2013-2014.
Ils exposent, à titre subsidiaire, que la responsabilité solidaire de l'agence de voyage et de l'assureur peut être engagée sur la base des articles L.221-11, L.221-5 et L.111-1 du code de la consommation, L.211-16 du code du tourisme et L.112-2 du code des assurances, que la charge de la preuve de la connaissance effective des conditions générales par le client repose sur chacun de ces professionnels ; qu'en l'espèce, ces derniers n'en justifient pas. Ils précisent qu'ils n'ont jamais reçu le contrat d'assurance et ses conditions générales et particulières, mais uniquement une attestation d'assurance, que les conditions de la garantie annulation ne peuvent donc pas leur être opposées. Ils ajoutent que, même s'il y a eu une acceptation de ces conditions sur le site internet, ils n'ont pas pu les enregistrer sur un fichier Pdf et, s'ils ont reçu un courriel de confirmation, les conditions générales n'y étaient pas jointes.
Par dernières conclusions notifiées le 19 mars 2021, la Sas Vpg demande de voir en application de l'article L.211-16 du code du tourisme :
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la Sa Awp P&C,
- condamner la Sa Awp P&C à la garantir de toutes les condamnations en principal et accessoires, ainsi qu'aux dépens, qui pourraient être prononcées à son encontre,
- condamner la Sa Awp P&C à lui payer la somme de 2 880 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en plus des entiers dépens conformément à l'article 699 du code précité.
Elle fait valoir qu'elle n'a commis aucune faute dans la procédure de validation des conditions générales de vente du contrat de réservation, que ces conditions sont disponibles avant la souscription du contrat sur son site et que Mme [U] et M. [M] ont pu en prendre connaissance ; que la Sa Awp P&C est seule responsable de l'erreur commise dans l'envoi à ces derniers du courriel contenant le contrat d'assurance et ses conditions générales.
La clôture de l'instruction a été ordonnée le 30 mars 2022.
MOTIFS
Sur la garantie annulation
- Sur ses conditions
L'article 2 des conditions générales du contrat n°340091 Multirisque Confort Monde prévoit que: 'L'annulation ou la Modification doit être consécutive à la survenance, postérieurement à la souscription de l'assurance, de l'un des Evénements garantis suivants empêchant formellement le Départ de l'Assuré :
' Evènements médicaux :
2.1. Une Maladie, y compris liée à l'état de grossesse, un Accident corporel, ainsi que les suites, séquelles, complications ou aggravations d'une Maladie ou d'un Accident corporel qui a été constaté avant la réservation de la prestation assurée,
impliquant obligatoirement :
' soit, une hospitalisation depuis le jour de l'Annulation ou de la Modification jusqu'au jour du Départ initialement prévu,
' soit,
- la cessation de toute activité professionnelle, ou le maintien à domicile si la personne ne travaille pas, depuis le jour de l'Annulation/Modification jusqu'au jour du Départ initialement prévu,
et
- une consultation médicale, ainsi que l'observation d'un traitement médicamenteux dès le jour de l'Annulation/Modification, ou la réalisation d'examens médicaux prescrits par un Médecin,
avec dans tous les cas, la prise en charge de tous ces actes par l'un des organismes d'assurance maladie auxquels l'Assuré est affilié,
survenant à :
' l'Assuré, son conjoint, Concubin notoire, ou partenaire de P.A.C.S. [...]'.
La maladie est entendue comme toute altération de l'état de santé d'une personne constatée par un médecin.
Les résultats du scanner thoraco abdomino pelvien de M. [M], effectué le 18 janvier 2017 et faisant état notamment d'un aspect évocateur de lésions de BPCO (bronchopneumopathie chronique obstructive) débutantes et de deux petites formations nodulaires parenchymateuses, ne peuvent pas être pris en compte dès lors qu'ils ne permettent pas de dire avec certitude que cette maladie existait avant la réservation effectuée le 5 janvier 2017. Au surplus, M. [M] et Mme [U] affirment sans preuve que les lésions BPCO sont des lésions pulmonaires entraînant crise d'angoisse et difficulté respiratoire.
Dans le questionnaire médical qu'il a rempli le 24 janvier 2017, le docteur [T], médecin traitant de M. [M] depuis 1991, a indiqué, au titre des antécédents principaux de celui-ci, qu'il présentait un 'Etat dépressif depuis 2002 Suivi psychiatrique', lui provoquant des crises d'angoisse, et qui était en rapport avec la crise de panique qu'il avait eue à l'aéroport le 22 janvier 2017.
Ces renseignements sont uniquement corroborés par une ordonnance du 18 juillet 2014 du docteur [T] ayant prescrit à M. [M] un antidépresseur (séroplex15) et un anxiolytique (lexomil). Y figure une mention manuscrite en bas selon laquelle ces médicaments ont également été délivrés les 23 mai, 27 août et 2 décembre 2013 et le 25 février 2014.
Aucun justificatif du suivi psychiatrique visé par le docteur [T] n'est versé aux débats. Ne le sont pas davantage des pièces médicales renseignant sur l'état de santé de M. [M] après le 18 juillet 2014 et jusqu'au 5 janvier 2017.
La liste des remboursements médicaux opérés par la Mma antérieurement au 5 janvier 2017, qui ne mentionne pas le détail et la nature des actes ou frais médicaux concernés, n'apporte pas d'élément utile à la démonstration.
Toutes les autres pièces produites sont postérieures au 5 janvier 2017. Parmi celles-ci, se trouve le courrier que M. [M] a adressé le 2 septembre 2017 au médecin conseil de la Sa Awp France par lequel il l'a informé qu'il avait fait un burn out en décembre 2012 en lien avec son activité professionnelle, était en dépression, avait eu des soucis avec ses filles du fait de sa relation amoureuse avec Mme [U] débutée en juin 2014 et avait subi un épuisement en janvier 2017. Outre le fait qu'une partie ne peut pas se préconstituer une preuve à elle-même, cet écrit n'est pas corroboré par des éléments médicaux antérieurs au 5 janvier 2017.
La première condition de la garantie annulation relative au constat d'une maladie de M. [M] ou des suites ou aggravations d'une maladie avant la réservation du voyage n'est pas remplie.
N'est pas davantage justifiée la condition relative à la cessation de toute activité professionnelle depuis le 22 janvier 2017. Contrairement à ce qu'a indiqué le premier juge, la qualité de chef d'entreprise de M. [M] ne peut pas légitimer l'absence de preuve de la cessation de son activité professionnelle. Cette preuve n'est pas impossible. Il pouvait produire les justificatifs des arrêts de travail adressés aux organismes sociaux auxquels il était affilié et/ou les démarches opérées auprès de ces derniers à qui il devait déclarer sa suspension et/ou sa cessation d'activité. Il avait également la possibilité de produire des attestations de collaborateurs ou de proches témoignant de ce fait.
- Sur l'opposabilité de ces conditions
Selon l'article L.221-2, 5° du code de la consommation, le contrat portant sur un forfait touristique, au sens de l'article L.211-2 du code du tourisme, est exclu du champ d'application des dispositions relatives aux contrats conclus à distance et hors établissement.
Il est constant que le contrat du 5 janvier 2017 est un contrat dont l'objet est un forfait touristique. Sont donc seules applicables les dispositions du code du tourisme.
L'ancien article L.211-10 de ce code dans sa version applicable au jour de la conclusion du contrat prévoit que le contrat conclu entre le vendeur et l'acheteur doit comporter, selon les modalités fixées par voie réglementaire, toutes indications relatives aux noms et adresses de l'organisateur, du vendeur, du garant et de l'assureur, à la description des prestations fournies, aux droits et obligations réciproques des parties en matière notamment de prix, de calendrier, de modalités de paiement et de révision éventuelle des prix, d'annulation ou de cession du contrat et à l'information de l'acheteur avant le début du voyage ou du séjour.
L'ancien article R.211-6 du code précité prévoit que le contrat conclu entre le vendeur et l'acheteur doit être écrit, établi en double exemplaire dont l'un est remis à l'acheteur, et signé par les deux parties. Lorsque le contrat est conclu par voie électronique, il est fait application des articles 1125 à 1127-6, 1176 et 1177 du code civil. Le contrat doit comporter les clauses suivantes :
17° Les indications concernant le contrat d'assurance couvrant les conséquences de certains cas d'annulation souscrit par l'acheteur (numéro de police et nom de l'assureur) ainsi que celles concernant le contrat d'assistance couvrant certains risques particuliers, notamment les frais de rapatriement en cas d'accident ou de maladie ; dans ce cas, le vendeur doit remettre à l'acheteur un document précisant au minimum les risques couverts et les risques exclus.
L'article 1127-1 du code civil précise que quiconque propose à titre professionnel, par voie électronique, la fourniture de biens ou la prestation de services, met à disposition les stipulations contractuelles applicables d'une manière qui permette leur conservation et leur reproduction. L'auteur d'une offre reste engagé par elle tant qu'elle est accessible par voie électronique de son fait.
L'offre énonce en outre :
1° Les différentes étapes à suivre pour conclure le contrat par voie électronique ;
2° Les moyens techniques permettant au destinataire de l'offre, avant la conclusion du contrat, d'identifier d'éventuelles erreurs commises dans la saisie des données et de les corriger ;
3° Les langues proposées pour la conclusion du contrat au nombre desquelles doit figurer la langue française ;
4° Le cas échéant, les modalités d'archivage du contrat par l'auteur de l'offre et les conditions d'accès au contrat archivé ;
5° Les moyens de consulter par voie électronique les règles professionnelles et commerciales auxquelles l'auteur de l'offre entend, le cas échéant, se soumettre.
L'article 1127-2 du même code mentionne que le contrat n'est valablement conclu que si le destinataire de l'offre a eu la possibilité de vérifier le détail de sa commande et son prix total et de corriger d'éventuelles erreurs avant de confirmer celle-ci pour exprimer son acceptation définitive. L'auteur de l'offre doit accuser réception sans délai injustifié, par voie électronique, de la commande qui lui a été adressée. La commande, la confirmation de l'acceptation de l'offre et l'accusé de réception sont considérés comme reçus lorsque les parties auxquelles ils sont adressés peuvent y avoir accès.
Enfin, selon l'article 1119 du même code, les conditions générales invoquées par une partie n'ont effet à l'égard de l'autre que si elles ont été portées à la connaissance de celle-ci et si elle les a acceptées.
En l'espèce, Mme [U] ne dénie pas être la signataire du contrat de réservation souscrit par ses soins le 5 janvier 2017 par la voie électronique. Elle conteste avoir eu connaissance des conditions générales de vente de ce contrat et du contrat d'assurance.
Toutefois, il ressort du processus contractuel, notamment de la copie d'écran constituant la pièce 2 de la Sa Awp P&C, que le contrat de réservation d'un voyage ne peut pas être finalisé si l'acheteur, après avoir procédé au paiement sécurisé de la prestation touristique, ne coche pas au préalable la mention 'J'ai pris connaissance et j'accepte les conditions générales de vente de voyageprive.com et les conditions générales de vente de l'assurance.' par un clic dans la case appropriée. Il s'agit d'un champ obligatoire dont le clic valide nécessairement l'acceptation du contrat et de ses conditions.
Mme [U] ne dit pas qu'un autre processus de réservation lui a été appliqué ou qu'elle a rencontré une difficulté informatique ne lui ayant pas permis de suivre ces modalités.
Elle a donc bien eu connaissance des conditions générales tant du contrat de vente de la prestation touristique que du contrat d'assurance. Ces conditions lui sont opposables. Par suite, les conditions édictées à l'article 2.1 précité n'étant pas remplies, la garantie annulation n'est pas mobilisable.
Sur la responsabilité de la Sas Vpg et de la Sa Awp P&C
Mme [U] et M. [M] recherchent la responsabilité contractuelle de la Sas Vpg sur le fondement de l'ancien article L.211-16 du code du tourisme en vigueur au jour du contrat en cause. Celui-ci dispose que toute personne physique ou morale qui se livre aux opérations mentionnées à l'article L. 211-1 est responsable de plein droit à l'égard de l'acheteur de la bonne exécution des obligations résultant du contrat, que ce contrat ait été conclu à distance ou non et que ces obligations soient à exécuter par elle-même ou par d'autres prestataires de services, sans préjudice de son droit de recours contre ceux-ci et dans la limite des dédommagements prévus par les conventions internationales. Toutefois, elle peut s'exonérer de tout ou partie de sa responsabilité en apportant la preuve que l'inexécution ou la mauvaise exécution du contrat est imputable soit à l'acheteur, soit au fait, imprévisible et insurmontable, d'un tiers étranger à la fourniture des prestations prévues au contrat, soit à un cas de force majeure.
Ils mettent également en cause la responsabilité contractuelle de la Sa Awp P&C. Selon l'article 1231-1 du code civil, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure.
Si Mme [U] a bien pris connaissance des conditions générales des deux contrats et les a acceptées, il n'est pas justifié qu'elle a pu avec son compagnon disposer des conditions du contrat d'assurance après la souscription effectuée le 5 janvier 2017.
Le message électronique du 17 octobre 2017, produit par la Sas Vpg et par lequel le courtier d'assurance Mondial Assistance '[Courriel 9]' a transféré en interne à l'une de ses salariées '[Courriel 8]' le message prétendument envoyé à Mme [U] et contenant notamment l'attestation d'assurance et les conditions générales par le biais d'un lien hypertexte, ne comporte aucune indication sur la date de cet envoi. Au contraire, Mme [U] fait la preuve qu'elle n'a été destinataire le 11 janvier 2017 que d'un message électronique de confirmation de la part de '[Courriel 9]' ne contenant pas la pièce jointe 'policyVPGFR9000412747.pdf' et visant l'attestation et les conditions générales, mais sans insertion d'un lien hypertexte, la privant de toute possibilité d'y accéder en vue notamment de les télécharger ou de les imprimer sur papier.
L'attestation d'assurance produite par Mme [U] et M. [M], qui n'est pas la notice d'information valant conditions générales, ne leur a pas davantage permis d'en disposer.
La production par la Sas Vpg de ladite notice d'information, constituant un fichier Pdf sous le lien 'Voir les Conditions Générales' lors de la souscription de la formule Multirisque Premium n'apporte pas d'élément probant. D'une part, ce n'est pas cette formule qui a été choisie par Mme [U], mais la 'Formule Multirisque Confort Monde'. D'autre part, la copie d'écran correspondante, constituant la pièce 2 de la Sas Vpg, ne permet pas de vérifier qu'en cliquant sur ce lien, le souscripteur pouvait enregistrer et/ou imprimer lesdites conditions. La production du procès-verbal de constat dressé le 24 mai 2018 par Me [F], huissier de justice, qui relate les étapes à suivre sur le site internet voyage-prive.com pour procéder à la réservation d'une prestation touristique et qui vise à démontrer que les conditions générales d'utilisation du site et du contrat de vente sont téléchargeables, n'est pas non plus utile à la démonstration. En effet, la vérification de ce processus a été effectuée plus d'un an après la conclusion du contrat en cause et porte uniquement sur les conditions générales du contrat de vente et non pas sur celles du contrat d'assurance, l'option de l'absence d'assurance ayant été choisie (page 32/56).
La Sa Awp P&C n'établit pas avoir valablement rempli son obligation de transmission des conditions générales du contrat d'assurance à Mme [U] et à M. [M] selon des modalités présentant des garanties suffisantes de pérennité et d'inaltérabilité. Elle ne leur a pas permis de s'y reporter en ligne, de les reproduire et de les conserver. Du fait de ce manquement contractuel, elle engage sa responsabilité.
Quant à la Sas Vpg, professionnel qui a vendu un forfait touristique, elle engage sa responsabilité de plein droit à l'égard des acheteurs pour cette inexécution des obligations résultant du contrat. A défaut de démontrer que celle-ci est imputable à une faute imprévisible et insurmontable de la Sa Awp P&C, elle ne peut pas s'en exonérer.
En conséquence, la Sa Awp P&C et la Sas Vpg seront condamnées in solidum à rembourser à Mme [U] et à M. [M] le prix de leur forfait touristique de 6 872,56 euros conformément à leur demande. Les intérêts au taux légal courront sur cette somme à compter de l'assignation du 29 janvier 2018. Le jugement du tribunal sera infirmé.
Sur les recours en garantie entre la Sa Awp P&C et la Sas Vpg
La responsabilité de la Sas Vpg a été engagée du fait du non-respect de son obligation contractuelle par la Sa Awp P&C à l'égard de Mme [U] et de M. [M].
La Sa Awp P&C ne caractérise aucune faute de la Sas Vpg. La circonstance qu'elle n'est pas son assureur est inopérante, dès lors qu'elle répond de l'inobservation d'une obligation qui lui est personnelle.
En définitive, la Sa Awp P&C sera condamnée à garantir la Sas Vpg de toutes les condamnations prononcées à son encontre en principal, accessoires et dépens.
Sur les dépens et frais irrépétibles
Les dispositions de première instance sur les dépens et les frais irrépétibles, qui ne sont pas critiquées par les parties, seront confirmées.
Parties perdantes, la Sa Awp P&C et la Sas Vpg seront condamnées in solidum aux dépens d'appel avec bénéfice de distraction au profit de l'avocat qui en a fait la demande.
Il n'est pas inéquitable de les condamner également in solidum à payer à Mme [U] et à M. [M] la somme de 3 000 euros au titre des frais non compris dans les dépens qu'ils ont engagés pour cette procédure d'appel. Les autres demandes présentées à ce titre seront rejetées.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire, rendu publiquement par mise à disposition au greffe, et en dernier ressort :
Infirme le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a :
- condamné solidairement la société Awp P&C et la Sas Awp France à payer à M. [C] [M] et Mme [K] [U] la somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné solidairement la société Awp P&C et la Sas Awp France à payer à la société Vpg, Société Voyage Privé, la somme de 800 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la société Awp P&C et la Sas Awp France aux dépens, qu'ils supporteront chacun pour moitié,
Confirme le jugement de ces chefs,
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,
Condamne in solidum la Sa Awp P&C et la Sas Vpg à payer à Mme [K] [U] et à M. [C] [M] la somme de 6 872,56 euros en remboursement du forfait de leur voyage annulé avec intérêts au taux légal à compter du 29 janvier 2018,
Condamne la Sa Awp P&C à garantir la Sas Vpg de toutes les condamnations prononcées à son encontre en principal, accessoires et dépens,
Condamne in solidum la Sa Awp P&C et la Sas Vpg à payer à Mme [K] [U] et à M. [C] [M] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel,
Rejette le surplus des demandes,
Condamne in solidum la Sa Awp P&C et la Sas Vpg aux dépens d'appel, avec bénéfice de distraction au profit de la Selarl Lexavoué Normandie, avocats, en application de l'article 699 du code de procédure civile.
Le greffierLa présidente