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24/08/2022 | FRANCE | N°20/03283

France | France, Cour d'appel de Rouen, 1ère ch. civile, 24 août 2022, 20/03283


N° RG 20/03283 - N° Portalis DBV2-V-B7E-ISOU

+ 20/03357





COUR D'APPEL DE ROUEN



1ERE CHAMBRE CIVILE



ARRET DU 24 AOUT 2022









DÉCISION DÉFÉRÉE :



17/04644

Tribunal judiciaire d'Evreux du 08 septembre 2020





APPELANTES :



Sa AXA FRANCE IARD

RCS de Nanterre 722 057 460

[Adresse 3]

[Localité 5]



représentée par Me Jean-Marie MALBESIN de la Scp LENGLET, MALBESIN & Associés, avocat au barreau de Rouen
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Sa HEXAOM, anciennement dénommée MAISONS FRANCE CONFORT

RCS d'Alençon 095 720 314

[Adresse 1]

[Localité 4]



représentée par Me Vincent MOSQUET de la Selarl LEXAVOUE NORMANDIE, avocat au barreau de Rouen et as...

N° RG 20/03283 - N° Portalis DBV2-V-B7E-ISOU

+ 20/03357

COUR D'APPEL DE ROUEN

1ERE CHAMBRE CIVILE

ARRET DU 24 AOUT 2022

DÉCISION DÉFÉRÉE :

17/04644

Tribunal judiciaire d'Evreux du 08 septembre 2020

APPELANTES :

Sa AXA FRANCE IARD

RCS de Nanterre 722 057 460

[Adresse 3]

[Localité 5]

représentée par Me Jean-Marie MALBESIN de la Scp LENGLET, MALBESIN & Associés, avocat au barreau de Rouen

Sa HEXAOM, anciennement dénommée MAISONS FRANCE CONFORT

RCS d'Alençon 095 720 314

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Me Vincent MOSQUET de la Selarl LEXAVOUE NORMANDIE, avocat au barreau de Rouen et assistée par Me Jean-François SANTACROCE, avocat au barreau de Paris

INTIMES :

Monsieur [J] [R]

né le 22 décembre 1975 à [Localité 6]

[Adresse 8]

[Localité 2]

représenté et assisté par Me Isabelle GUILLOUARD, avocat au barreau de l'Eure

Madame [P] [F] épouse [R]

née le 27 Décembre 1979 à [Localité 6]

[Adresse 8]

[Localité 2]

représentée et assistée par Me Isabelle GUILLOUARD, avocat au barreau de l'Eure

Sa AXA FRANCE IARD

RCS de Nanterre 722 057 460

[Adresse 3]

[Localité 5]

représentée par Me Jean-Marie MALBESIN de la Scp LENGLET, MALBESIN & Associés, avocat au barreau de Rouen

Sa HEXAOM, anciennement dénommée MAISONS FRANCE CONFORT

RCS d'Alençon 095 720 314

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Me Vincent MOSQUET de la Selarl LEXAVOUE NORMANDIE, avocat au barreau de Rouen et assisté par Me Jean-François SANTACROCE, avocat au barreau de Paris

COMPOSITION DE LA COUR  :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 25 avril 2022 sans opposition des avocats devant Mme Magali DEGUETTE, conseillère, rapporteur,

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée de :

Mme Edwige WITTRANT, présidente de chambre

M. Jean-François MELLET, conseiller

Mme Magali DEGUETTE, conseillère

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme Catherine CHEVALIER

DEBATS :

A l'audience publique du 25 avril 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 24 août 2022

ARRET :

CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 24 août 2022, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

signé par Mme WITTRANT, présidente et par Mme CHEVALIER, greffier.

*

* *

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Le 31 mars 2006, M. [J] [R] et Mme [P] [F] ont conclu avec la Sa Maisons France Confort un contrat de construction d'une maison individuelle avec fourniture de plan sur un terrain situé [Adresse 8], [Localité 7], qu'ils ont acquis le 26 septembre 2006. Suivant procès-verbal du 16 novembre 2007, les travaux ont été réceptionnés sans réserve.

Ayant constaté un affaissement circulaire du sol allant grandissant en bordure de leur terrasse, M. et Mme [R] ont fait assigner la Sa Maisons France Confort et son assureur, la société Axa Assurances Iard en référé expertise par actes d'huissier du 27 octobre 2015.

Par ordonnance du 6 janvier 2016, le juge des référés du tribunal de grande instance d'Evreux a fait droit à leur demande et a confié la réalisation de l'expertise à M. [O] [L]. Celui-ci a établi son rapport d'expertise le 2 janvier 2017.

Suivant actes d'huissier de justice des 19 octobre et 14 décembre 2017, M. et Mme [R] ont fait assigner la Sa Maisons France Confort et la société Axa devant le tribunal de grande instance d'Evreux en indemnisation de leurs préjudices sur la base des articles 1792 et suivants du code civil.

Par jugement du 8 septembre 2020, le tribunal judiciaire d'Evreux a :

- condamné in solidum les sociétés Hexaom anciennement dénommée Maisons France Confort et Axa France Iard à verser à M. et Mme [R] les sommes suivantes :

. 21 503 euros valeur octobre 2016 pour le comblement de la marnière avec indexation sur l'indice Bt 01,

. 1 518 euros valeur décembre 2016 pour la reconstruction du trottoir avec indexation sur l'indice Bt 01,

. 2 121,60 euros valeur du 15 juin 2017 pour l'enlèvement de la terre avec indexation sur l'indice Bt 01,

. 3 000 euros au titre du préjudice de jouissance,

. 2 000 euros au titre du préjudice moral,

- dit que l'intérêt légal sur ces sommes commencerait à courir à compter du prononcé du présent jugement,

- rejeté la demande au titre de la perte de valeur du bien immobilier,

- condamné in solidum les sociétés Hexaom anciennement dénommée Maisons France Confort et Axa France Iard à verser à M. et Mme [R] une somme de

3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné in solidum les sociétés Hexaom anciennement dénommée Maisons France Confort et Axa France Iard aux dépens, en ce compris les frais d'expertise judiciaire,

- condamné la société Axa France Iard à relever et garantir la société Hexaom anciennement dénommée Maisons France Confort des condamnations prononcées contre elle dans le présent jugement,

- ordonné l'exécution provisoire de l'entier jugement,

- rejeté toutes les autres demandes des parties.

Par déclarations respectives des 15 et 22 octobre 2020, la Sa Axa France Iard et la Sa Hexaom ont formé un appel contre ce jugement.

Ces deux instances ont été jointes le 13 avril 2021.

EXPOSE DES PRETENTIONS DES PARTIES

Par dernières conclusions notifiées le 24 juin 2021, la Sa Axa France Iard demande de voir en application des articles 1792 du code civil, L.231-1 du code de la construction et de l'habitation, A.243-1, L.124-3 et L.112-6 du code des assurances :

- réformer le jugement entrepris en ce qu'il a :

* condamné in solidum les sociétés Hexaom et Axa France Iard à verser à M. [R] et son épouse Mme [F] les sommes suivantes :

. 21 503 euros valeur octobre 2016 pour le comblement de la marnière avec indexation sur l'indice Bt 01,

. 1 518 euros valeur décembre 2016 pour la reconstruction du trottoir avec indexation sur l'indice Bt 01,

. 2 121,60 euros valeur du 15 juin 2017 pour l'enlèvement de la terre avec indexation sur l'indice Bt 01,

. 3 000 euros au titre du préjudice de jouissance,

. 2 000 euros au titre du préjudice moral,

* dit que l'intérêt légal sur ces sommes commencerait à courir à compter du prononcé du jugement,

* rejeté la demande au titre de la perte de valeur du bien immobilier,

* condamné in solidum les sociétés Hexaom et Axa France Iard à verser à M. [R] et son épouse Mme [F] une somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

* condamné in solidum les sociétés Hexaom et Axa France Iard aux dépens, en ce compris les frais d'expertise judiciaire,

* condamné la société Axa France Iard à relever et garantir la société Hexaom des condamnations prononcées contre elle dans le jugement,

* ordonné l'exécution provisoire de l'entier jugement,

* rejeté toutes les autres demandes des parties,

statuant à nouveau,

- rejeter l'action directe de M. et Mme [R] à son égard,

- dire sans objet l'action en garantie de la Sa Maisons France Confort à son égard,

- prononcer sa mise hors de cause,

subsidiairement et sur les préjudices,

- dire et juger que l'indemnisation ne saurait excéder le coût du comblement de la marnière résultant de l'estimation expertale,

- rejeter pour le surplus,

- dire et juger que les condamnations susceptibles d'être prononcées à son encontre interviendront sous déduction d'une franchise de 10 125 euros opposable à la Sa Hexaom au titre de la garantie Responsabilité décennale et opposable tant à la Sa Hexaom qu'à M. et Mme [R] au titre de la garantie Responsabilité pour dommages immatériels consécutifs,

- condamner M. et Mme [R] à lui payer la somme de 3 500 euros au titre des frais irrépétibles, en plus des entiers dépens de première instance et d'appel que la Scp Lenglet Malbesin et associés sera autorisée à recouvrer conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

Par dernières conclusions notifiées le 29 mars 2022, la Sa Hexaom sollicite de voir, au visa des articles 1792 et 1792-1 du code civil, A.243-1, L.124-3 et L.112-6 du code des assurances :

- réformer le jugement entrepris en ce qu'il a :

* condamné in solidum les sociétés Hexaom et Axa France Iard à verser à M. [R] et son épouse Mme [F] les sommes suivantes :

. 21 503 euros valeur octobre 2016 pour le comblement de la marnière avec indexation sur l'indice Bt 01,

. 1 518 euros valeur décembre 2016 pour la reconstruction du trottoir avec indexation sur l'indice Bt 01,

. 2 121,60 euros valeur du 15 juin 2017 pour l'enlèvement de la terre avec indexation sur l'indice Bt 01,

. 3 000 euros au titre du préjudice de jouissance,

. 2 000 euros au titre du préjudice moral,

* dit que l'intérêt légal sur ces sommes commencerait à courir à compter du prononcé du jugement,

* condamné in solidum les sociétés Hexaom et Axa France Iard à verser à M. [R] et son épouse Mme [F] une somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

* condamné in solidum les sociétés Hexaom et Axa France Iard aux dépens, en ce compris les frais d'expertise judiciaire,

* condamné la société Axa France Iard à relever et garantir la société Hexaom des condamnations prononcées contre elle dans le jugement,

* ordonné l'exécution provisoire de l'entier jugement,

- confirmer le jugement en ce qu'il a :

* rejeté la demande au titre de la perte de valeur du bien immobilier,

* condamné la société Axa France Iard à relever et garantir la société Hexaom des condamnations prononcées contre elle dans le jugement,

statuant à nouveau,

- dire que sa responsabilité ne saurait être recherchée sur le fondement de l'article 1792 du code civil,

- débouter les parties de toutes demandes de ce chef,

- débouter M. et Mme [R] sur l'application de la faute 'dolosive' et juger qu'elle n'a commis aucune faute délibérée qu'elle aurait voulu soustraire à la connaissance de ses clients,

- à titre subsidiaire et en cas de condamnation, dire et juger que les garanties de son assureur lui sont acquises et en conséquence condamner la Sa Axa France Iard à la relever et garantir indemne,

subsidiairement et sur les préjudices,

- dire et juger que l'indemnisation ne saurait excéder le coût du comblement de la marnière résultant de l'estimation expertale,

- rejeter pour le surplus,

- débouter M. et Mme [R] de leur appel incident et de la demande d'augmentation de leur préjudice de jouissance,

- condamner M. et Mme [R] à lui payer la somme de 3 500 euros au titre des frais irrépétibles outre les entiers dépens de première instance et d'appel que la Selarl Lexavoué Normandie sera autorisée à recouvrer conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

Par dernières conclusions notifiées le 10 mars 2022, M. [J] [R] et Mme [P] [F], son épouse demandent de voir :

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

* condamné in solidum les sociétés Hexaom et Axa France Iard à verser à M. et Mme [R] les sommes suivantes :

. 21 503 euros valeur octobre 2016 pour le comblement de la marnière avec indexation sur l'indice Bt 01,

. 1 518 euros valeur décembre 2016 pour la reconstruction du trottoir avec indexation sur l'indice Bt 01,

. 2 121,60 euros valeur du 15 juin 2017 pour l'enlèvement de la terre avec indexation sur l'indice Bt 01,

. 3 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

* condamné les sociétés Hexaom et Axa France Iard aux dépens, en ce compris les frais d'expertise judiciaire,

- infirmer le jugement en ce qu'il a condamné in solidum les sociétés Hexaom et Axa France Iard à verser à M. et Mme [R] les sommes de 3 000 euros au titre du préjudice de jouissance et 2 000 euros au titre du préjudice moral et a rejeté la demande au titre de la perte de valeur du bien immobilier,

statuant à nouveau,

- condamner in solidum les sociétés Hexaom et Axa France Iard à leur payer les sommes suivantes :

. 30 000 euros en réparation du préjudice de jouissance,

. 5 000 euros en réparation du préjudice moral,

. 20 000 euros en réparation de la perte de valeur du bien immobilier, avec intérêts au taux légal à compter de la date de l'assignation,

. 4 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner les sociétés Hexaom et Axa France Iard aux entiers dépens de première instance et d'appel.

La clôture de l'instruction a été ordonnée le 30 mars 2022.

MOTIFS

Sur la garantie décennale de la Sa Hexaom

M. et Mme [R] font valoir que leur immeuble est impropre à sa destination en raison du risque certain d'effondrement de la marnière découverte à proximité et dont le toit présente des faiblesses ; que sa solidité est affectée et que leur sécurité est compromise. Ils ajoutent que, même si ce risque ne se produit pas dans le délai décennal, il suffit que l'impropriété à destination soit dénoncée au cours de ce délai pour engager la garantie du constructeur ; qu'enfin, les parties adverses ne peuvent pas invoquer la force majeure pour voir écarter ladite garantie.

La Sa Hexaom répond que, pour retenir sa responsabilité, le tribunal a étendu la garantie légale aux abords de la construction en prenant en compte le terrain qu'elle n'a pas vendu et qui n'est pas un ouvrage, ni un élément relevant de ceux définis par l'article 1792-2 du code civil. Elle ajoute qu'il n'existe aucun désordre structurel actuel affectant la construction, ni de risque futur d'effondrement imminent dans le délai décennal d'épreuve. Elle précise, à titre subsidiaire, que l'affaissement du terrain, qui résulte de la présence d'un puits d'accès à une marnière, s'analyse en un cas de force majeure qui l'exonère de sa responsabilité.

La Sa Axa France Iard fait valoir que ledit désordre n'affecte pas l'ouvrage qui s'entend de la maison ou de l'opération de construction ou encore de l'ensemble des travaux réalisés par la Sa Hexaom, que l'expert judiciaire a indiqué qu'aucun désordre n'affectait la maison d'habitation, qu'il n'existe aucun dommage à la construction dû au sol. Elle ajoute qu'il n'existe pas de risques générés par l'état de la cavité souterraine et rendant l'ouvrage impropre à sa destination, ni de désordres actuels revêtant un caractère décennal dans le délai de dix ans. Elle précise en tout état de cause que l'affaissement dénoncé revêt les caractères de la force majeure qui exonère la Sa Hexaom de sa responsabilité décennale.

Selon l'article 1792 du code civil, tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination.

En l'espèce, le premier juge a apprécié le caractère décennal du désordre au regard de la maison et de ses abords immédiats formant un ensemble immobilier unique.

Toutefois, l'ouvrage doit être défini strictement par référence à l'objet du contrat du 31 mars 2006 lequel vise la construction d'un immeuble à usage d'habitation par la Sa Hexaom.

Lors de sa visite des lieux le 16 mars 2016, l'expert judiciaire a constaté l'existence d'un puits circulaire de plus de deux mètres de profondeur et d'environ un mètre de diamètre, situé à un mètre environ de la façade nord de la maison et partiellement sous le trottoir en béton entourant celle-ci.

Il n'a relevé aucun indice visuel pouvant indiquer un tassement local de la maison à l'extérieur ou au niveau de la cave.

La présence de désordres à l'intérieur de la maison, tels qu'une fissure et/ou un affaissement, n'a pas davantage été dénoncée par les maîtres de l'ouvrage. La Sarl Explor-e, que ces derniers avaient sollicitée en février 2014 pour effectuer un état des lieux, avait indiqué qu'à ce stade, l'habitation ne présentait pas de signes avant-coureurs d'une déstabilisation menaçant la sécurité des personnes et qu'il ne semblait pas opportun en l'état d'envisager de solliciter un arrêté de péril.

L'expert judiciaire a ensuite précisé qu'à compter du 19 septembre 2016, ce puits avait été dégagé à l'aide d'une pelle à grappin jusqu'à 37 mètres de profondeur où avait été trouvée une galerie descendant en oblique à environ 1,50 mètre et atteignant une marnière, laquelle s'éloignait de la maison sur environ cinq mètres. Le volume à combler de celle-ci a été défini à 120 m3. L'expert judiciaire a relevé que la galerie qui virait ensuite à gauche s'étendait sur environ dix mètres de long et deux à trois mètres de large. Il a constaté une fracture importante sur le toit de cette galerie avant son virage et le déversement de quelques veines verticales remplies d'argile rouge au fil du temps sur le fond de la galerie. Mais, il a indiqué qu'au niveau de la stabilité, aucun indice ne laissait présager un risque d'effondrement imminent, même si la tenue à terme de la galerie ne pouvait pas être garantie étant donné la présence de fissures au toit et d'arrivées d'argile et nécessitait le comblement de la cavité pour assurer la stabilité à long terme de la maison des maîtres de l'ouvrage et de celles de leurs voisins les plus proches.

L'existence d'un désordre ou d'un risque de désordre compromettant la solidité de l'ouvrage construit par la Sa Hexaom et/ou le rendant impropre à sa destination au cours du délai décennal n'est pas prouvée. La seule présence de cavités souterraines viciant le sol d'assiette de la construction n'est pas suffisante pour l'établir. La garantie décennale de la Sa Hexaom n'est donc pas mobilisable contrairement à ce qu'a jugé le tribunal.

Sur la responsabilité contractuelle de la Sa Hexaom

M. et Mme [R] reprochent à la Sa Hexaom de n'avoir effectué aucune étude de sol préalablement à l'édification de leur maison, alors qu'elle était indispensable du fait de la nature crayeuse du terrain et du risque important de la présence de marnières dans la région et notamment sur le territoire de la commune ; que la Sa Hexaom a donc gravement manqué à ses obligations ; qu'au mépris de leurs intérêts et dans le souci de préserver sa marge, elle a commis une faute dolosive.

La Sa Hexaom réplique qu'elle n'a commis aucune faute dans la construction de l'ouvrage et le respect des règles en la matière ; qu'en tout état de cause, une étude de sol n'aurait pas permis de déceler la présence de la marnière du fait de sa profondeur et de sa localisation hors de l'emprise de la construction ; qu'elle n'a pas eu l'intention caractérisée de causer un dommage ou de tromper les maîtres de l'ouvrage.

La Sa Axa France Iard expose de son côté que la cavité souterraine existant sur le fond des maîtres de l'ouvrage n'ayant pas été recensée par la Direction départementale des territoires et de la mer (Ddtm) de l'Eure et n'étant liée à aucun indice existant avant la vente du terrain et la construction de l'immeuble, rien ne justifiait de procéder à une étude de sol en recherche de cavité profonde, que son assurée n'a nullement violé une règle professionnelle en ne la faisant pas réaliser et n'a commis aucune faute dolosive. Elle précise, en tout état de cause, que le contrat d'assurance ne s'applique pas dans la mesure où la garantie facultative 'Responsabilité pour dommages matériels intermédiaires affectant un ouvrage soumis à assurance obligatoire' n'a pas été souscrite.

L'ancien article 1147 du code civil dans sa rédaction en vigueur à la date du contrat précise que le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part.

Dans le cas présent, l'expert judiciaire a précisé qu'il n'était pas impossible que les terrassements, effectués préalablement à l'édification de la maison, aient recoupé le puits en surface, mais que la similitude entre les matériaux limoneux de remplissage du puits et les matériaux limoneux environnants faisait que la présence du puits n'avait pas été apparente. Il a conclu à l'absence d'élément permettant de déterminer si le puits était apparent ou non au moment des terrassements. Il a enfin précisé que l'effondrement ayant eu lieu en bordure de terrasse n'était lié à aucun indice existant avant la construction de la maison et donc a fortiori avant la mise en vente du terrain.

De plus, le dossier d'information communal des risques majeurs de la commune de [Localité 7], établi en 2005, n'a mentionné aucun indice de cavité sur la parcelle acquise par M. et Mme [R]. Il indiquait que de nombreuses marnières restaients inconnues ; que le phénomène d'effondrement de terrain était complexe et nécessitait étude et expertise poussées pour être appréhendé, et que, dans bien des cas, son évolution restait malgré tout imprévisible. De même, la marnière en cause n'a pas été recensée par la Ddtm avant la construction de la maison.

Aucune règle légale ou conventionnelle n'imposait à la Sa Hexaom de faire réaliser une étude de sol avant l'édification de la construction envisagée. En outre, M. et Mme [R] n'établissent pas l'existence, préalablement et lors des travaux de construction de leur maison, d'un élément laissant penser qu'une cavité souterraine existait dans le sol de leur parcelle et justifiait la réalisation d'une étude de celui-ci. Aucune faute de la Sa Hexaom n'est prouvée. Sa responsabilité contractuelle ne peut pas être engagée. M. et Mme [R] seront déboutés de toutes leurs demandes indemnitaires. Le jugement du tribunal sera infirmé, sauf en ce qu'il a rejeté leur demande au titre de la perte de valeur du bien immobilier.

Sur les demandes accessoires

Les dispositions de première instance sur les dépens et les frais irrépétibles seront infirmées.

Parties perdantes, M. et Mme [R] seront condamnés solidairement aux dépens de première instance et d'appel avec bénéfice de distraction au profit des avocats qui en ont fait la demande.

Il n'est pas inéquitable de les condamner également à payer à la Sa Hexaom et à la Sa Axa France Iard chacune la somme de 3 000 euros au titre des frais non compris dans les dépens qu'elles ont engagés pour les procédures de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, rendu publiquement par mise à disposition au greffe, et en dernier ressort,

Infirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a rejeté la demande au titre de la perte de valeur du bien immobilier,

Confirme le jugement de ce chef,

Et statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

Déboute M. [J] [R] et Mme [P] [F], son épouse de leurs demandes indemnitaires,

Prononce la mise hors de cause de la Sa Axa France Iard,

Condamne solidairement M. [J] [R] et Mme [P] [F], son épouse à payer à la Sa Hexaom et à la Sa Axa France Iard, chacune, la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne solidairement M. [J] [R] et Mme [P] [F], son épouse aux dépens de première instance et d'appel, avec bénéfice de distraction au profit de la Scp Lenglet Malbesin & Associés et de la Selarl Lexavoué Normandie, avocats, en application de l'article 699 du code de procédure civile.

Le greffierLa présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rouen
Formation : 1ère ch. civile
Numéro d'arrêt : 20/03283
Date de la décision : 24/08/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-08-24;20.03283 ?
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