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08/12/2022 | FRANCE | N°21/01480

France | France, Cour d'appel de Rouen, Ch. civile et commerciale, 08 décembre 2022, 21/01480


N° RG 21/01480 - N° Portalis DBV2-V-B7F-IXSP







COUR D'APPEL DE ROUEN



CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE



ARRET DU 8 DECEMBRE 2022









DÉCISION DÉFÉRÉE :



18/2669

TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP D'EVREUX du 12 Janvier 2021





APPELANTE :



S.A. CNP ASSURANCES

[Adresse 4]

[Localité 6]



représentée par Me Richard DUVAL de la SCP RSD AVOCATS, avocat au barreau DE L'EURE







INTIMEE :
>

Madame [M] [H] épouse [F]

née le 22 Février 1962 à [Localité 8]

[Adresse 5]

[Localité 3]



représentée par Me Jérôme HERCE de la SELARL HERCE MARCILLE POIROT-BOURDAIN, avocat au barreau de ROUEN







COMPOSITION DE LA COUR  :

...

N° RG 21/01480 - N° Portalis DBV2-V-B7F-IXSP

COUR D'APPEL DE ROUEN

CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE

ARRET DU 8 DECEMBRE 2022

DÉCISION DÉFÉRÉE :

18/2669

TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP D'EVREUX du 12 Janvier 2021

APPELANTE :

S.A. CNP ASSURANCES

[Adresse 4]

[Localité 6]

représentée par Me Richard DUVAL de la SCP RSD AVOCATS, avocat au barreau DE L'EURE

INTIMEE :

Madame [M] [H] épouse [F]

née le 22 Février 1962 à [Localité 8]

[Adresse 5]

[Localité 3]

représentée par Me Jérôme HERCE de la SELARL HERCE MARCILLE POIROT-BOURDAIN, avocat au barreau de ROUEN

COMPOSITION DE LA COUR  :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 21 Juin 2022 sans opposition des avocats devant Madame FOUCHER-GROS, Présidente, rapporteur,

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Mme FOUCHER-GROS, Présidente

M. URBANO, Conseiller

M. MANHES, Conseiller

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme DEVELET, Greffière

DEBATS :

A l'audience publique du 21 Juin 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 20 Octobre 2022, prorogé au 24 novembre 2022, puis au 1 décembre 2022, puis au 8 décembre 2022

ARRET :

CONTRADICTOIRE

Rendu publiquement le 8 décembre 2022, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

signé par Mme Foucher-Gros, Présidente et par Mme Develet, Greffière.

*

* *

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE :

Le 3 mars 2012, Madame [M] [F] a souscrit, lors d'un emprunt immobilier, un contrat d'assurance n° 70007507656 auprès de la société CNP Asurances garantissant 1e paiement de cet emprunt en cas de décès, de perte totale et irréversible d'autonomie et d'incapacité temporaire de travail.

A compter du mois de septembre 2013 et jusqu'au mois d'août 2015, la société CNP Assurances a pris en charge 1e remboursement des échéances du prêt immobilier, Madame [M] [F] étant en arrêt maladie.

Toutefois, à compter 2 septembre 2015, CNP Assurances a notifié à Madame [M] [F] qu'elle ne prenait plus en charge ce remboursement, son médecin contrôleur, le Docteur [E] [Z] ayant fixé son taux d'incapacité permanente partielle à 15% à compter du 19 août 2015.

Par acte du 6 juillet 2018, Madame [F] a assigné devant le Tribunal de grande instance d'Evreux 1a CNP Assurances aux fins de paiement des échéances du prêt.

Par jugement du 11 juin 2019, le tribunal de grande instance d'Évreux a :

-ordonné une expertise judiciaire,

-commis pour y procéder le Dr [I], [Adresse 2], Tel : [XXXXXXXX01], email : [Courriel 7], lequel s'adjoindra si nécessaire tout sapiteur dans une spécialité distincte de la sienne, avec pour mission de

-convoquer les parties ou leur conseil en les informant de la faculté de se faire assister parle médecin conseil de leur choix,

-déterminer l'état de la victime le 19 août 2015,

-relater les constatations médicales faites depuis le 19 août 2015 ainsi que l'ensemble des interventions et soins, y compris la rééducation,

-examiner la victime, enregistrer ses doléances et décrire les constatations ainsi faites,

-déterminer compte tenu des lésions initiales et de leur évolution la durée de l'incapacité temporaire en indiquant si elle a été totale ou partielle, en ce cas en préciser le taux,

-décrire les gestes mouvements et actes rendus difficiles ou impossibles, estimer le taux de déficit fonctionnel global actuel, tous éléments confondus,

-donner un avis détaillé sur la difficulté ou l'impossibilité pour la requérante de poursuivre l'exercice de sa profession actuelle ou d'opérer une reconversion,

-déterminer la durée de l'incapacité professionnelle et si l'incapacité n'a été que partielle, en préciser le taux, étant précisé que l'incapacité professionnelle est appréciée selon la nature de l'invalidité de l'assuré par rapport à l'exercice de sa profession, en prenant en considération ses aptitudes, sa qualification professionnelle ainsi que sa capacité à effectuer une éventuelle reconversion, conformément à la notice d'information du contrat d'assurance,

-sursis à statuer, dans l'attente de l'expertise judiciaire,

-réservé les dépens.

Par jugement du 12 janvier 2021, le tribunal judiciaire d'Évreux a :

-rejeté l'exception de nullité relatif au contrat d'assurance, soulevée par la SA CNP Assurances,

-condamné la SA CNP Assurances à garantir Mme [F] au titre du contrat d'assurance souscrit le 3 mars 2012 en couverture d'un prêt immobilier, et ce à compter du 19 août 2015 jusqu'au 21 février 2023 inclus,

-condamné la SA CNP Assurances à payer à Mme [F] la somme de 4.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

-condamné la SA CNP Assurances aux dépens de l'instance en ce compris les frais de l'expertise judiciaire,

-ordonné l'exécution provisoire de l'ensemble des dispositions qui précèdent,

-débouté les parties de toutes leurs autres demandes.

La SA CNP Assurances a interjeté appel de ces deux jugements par déclaration du 8 avril 2021.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 14 juin 2022.

EXPOSE DES PRETENTIONS :

Vu les conclusions du 20 décembre 2021, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens et arguments de la SA CNP Assurances qui demande à la cour de :

-déclarer recevable et bien fondé l'appel régularisé,

-réformer le jugement rendu le 11 juin 2019 par le tribunal de grande instance d'Évreux en ce qu'il a donné à l'expert judiciaire la mission de : « Déterminer la durée de l'incapacité professionnelle et si l'incapacité n'a été que partielle, en préciser le taux, étant précisé que l'incapacité professionnelle est appréciée selon la nature de l'invalidité de l'assuré par rapport à l'exercice de sa profession, en prenant en considération ses aptitudes, sa qualification professionnelle ainsi que sa capacité à effectuer une éventuelle reconversion, conformément à la notice d'information du contrat d'assurance »,

-infirmer le jugement rendu le 12 janvier 2021 par le tribunal judiciaire d'Évreux en toutes ses dispositions,

-annuler l'adhésion de Mme [F] au contrat d'assurance,

En conséquence,

-débouter Mme [F] de toutes ses demandes,

Subsidiairement et avant dire-droit,

-désigner un expert judiciaire qui aurait pour mission de :

-se faire remettre l'entier dossier médical de Mme [F], y compris les documents détenus par des tiers,

-dire que l'expert pourra, sans que le bénéfice du secret professionnel puisse lui être opposé, se faire directement communiquer avec l'accord de l'assurée, par tout tiers (médecins, personnels paramédicaux, établissements hospitaliers et de soins'), toutes pièces médicales qui ne lui auraient pas été transmises par Mme [F] et dont la production lui paraîtrait nécessaire à l'accomplissement de sa mission, en s'assurant de leur communication aux parties,

-rechercher et décrire les antécédents médicaux de Mme [F] ainsi que les traitements suivis, en particulier les antécédents médicaux et les traitements antérieurs à la date du 3 mars 2012, date de la signature du questionnaire de santé,

-relater les circonstances de la chute subie par Mme [F] en 2004 et ses conséquences (les lésions initiales, les suites et leur évolution notamment),

-rechercher et dire si le 3 mars 2012, Mme [F] était sous surveillance médicale et/ou en cours de traitement médical en précisant, dans l'affirmative, depuis quelle date,

-établir un pré-rapport afin de permettre aux parties de formuler leurs observations ou réclamations éventuelles, en application de l'article 276 du code de procédure civile,

-enjoindre à Mme [F] de produire tous les documents médicaux relatifs à la chute dont elle a été victime en 2004 et aux cervicalgies dont elle souffre (certificats médicaux, compte(s) rendu(s), dossier d'imagerie, ordonnances, avis d'arrêt de travail'),

Plus subsidiairement,

-déclarer mal fondée Mme [F] en ses demandes puisqu'elle ne démontre pas qu'elle remplit les conditions cumulatives prévues par les stipulations contractuelles pour bénéficier de la garantie ITT,

-en conséquence, débouter Mme [F] de toutes ses demandes,

-condamner Mme [F] au paiement de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel qui comprendront les frais d'expertise judiciaire avec droit de recouvrement direct,

Très subsidiairement,

-limiter toute éventuelle prise en charge à la période du 19 août 2015 au 23 septembre 2016,

-rejeter toute demande au titre de la période postérieure au 23 septembre 2016,

-condamner Mme [F] au paiement de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel qui comprendront les frais d'expertise judiciaire avec droit de recouvrement direct,

Plus subsidiairement encore,

-ordonner que toute éventuelle prise en charge s'effectuera dans les termes et conditions contractuels, notamment sous réserve que Mme [F] produise les pièces prévues par ses stipulations contractuelles,

-condamner Mme [F] au paiement de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel qui comprendront les frais d'expertise judiciaire.

Vu les conclusions du 4 octobre 2021, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens et arguments de Mme [F] qui demande à la cour de :

-déclarer recevable mais mal fondé l'appel interjeté par la société CNP Assurances,

-débouter la société CNP Assurances de toutes ses demandes tendant à la réformation du jugement du 11 juin 2019 en ce qu'il a ordonné une expertise confiée au Docteur [I], et à la réformation intégrale du jugement du 12 janvier 2021 en ce qu'il a condamné la société CNP Assurances à garantir Mme [F] au titre du contrat d'assurance souscrit le 3 mars 2012 à compter du 19 août 2015 jusqu'au 21 février 2023 inclus, l'a condamnée à payer la somme de 4.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'en tous les dépens,

-confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 11 juin 2019, avant dire droit, ayant donné à l'expert judiciaire la mission de «'déterminer la durée de l'incapacité professionnelle et si l'incapacité n'a été que partielle, en préciser le taux, étant précisé que l'incapacité professionnelle est appréciée selon la nature de l'invalidité de l'assuré par rapport à l'exercice de sa profession, en prenant en considération ses aptitudes, sa qualification professionnelle ainsi que sa capacité à effectuer une éventuelle reconversion, conformément à la notice d'information du contrat d'assurance'»,

-confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 12 janvier 2021 en ce qu'il a rejeté l'exception de nullité du contrat d'assurance, condamné la société CNP Assurances à garantir Mme [F] du 19 août 2015 jusqu'au 21 février 2023 inclus au titre de la couverture du prêt immobilier, en ce qu'il l'a condamnée à payer Mme [F] la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'en tous les dépens comprenant les frais de l'expertise,

-condamner la société CNP Assurances à payer à Mme [F] la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

-condamner la société CNP Assurances à payer à Mme [F] les entiers dépens de la procédure de première instance et d'appel, avec distraction au profit de la SELARL Herce Marcille Poirot-Bourdain, prise en la personne de Me Poirot-Bourdain, Avocat au barreau de Rouen.

MOTIFS DE LA DECISION':

Sur la demande tendant à la nullité du contrat':

Moyens des parties':

La société CNP Assurances soutient que Mme [F] a commis des fausses déclarations intentionnelles qui ont diminué l'opinion que l'assureur avait du risque à prendre en charge.

Madame [F] soutient que c'est de bonne foi qu'elle n'a pas déclaré les cervicalgies dont elle souffrait à partir de l'année 2010.

Réponse de la cour':

Aux termes de l'article L113-2 2° du code des assurances': «'L'assuré est obligé':

('.)De répondre exactement aux questions posées par l'assureur, notamment dans le formulaire de déclaration du risque par lequel l'assureur l'interroge lors de la conclusion du contrat, sur les circonstances qui sont de nature à faire apprécier par l'assureur les risques qu'il prend en charge'

Aux termes de l'article L113-8 du même code : 'Indépendamment des causes ordinaires de nullité, et sous réserve des dispositions de l'article L132-26, le contrat d'assurance est nul en cas de réticence ou de fausse déclaration intentionnelle de la part de l'assuré, quand cette réticence ou cette fausse déclaration change l'objet du risque ou en diminue l'opinion pour l'assureur, alors même que le risque omis ou dénaturé par l'assuré a été sans influence sur le sinistre.

Les primes payées demeurent alors acquises à l'assureur, qui a droit au paiement de toutes les primes échues à titre de dommages et intérêts(...)'

Au moment de l'adhésion de Mme [F], l'assureur lui a demandé de répondre à un questionnaire de santé. Mme [F] a répondu 'NON' à la question suivante : 'Etes-vous atteint ou avez-vous été atteint(e) d'une maladie chronique, d'une infirmité, d'affections récidivantes ou de séquelles de maladie ou d'un accident''

Il ressort du rapport d'expertise judiciaire que Mme [F] a eu le 4 septembre 2012 un examen radiographique du rachis cervico-dorsal qui a montré l'existence dune scoliose cervicale et dorsale, d'arthrose C5-C6 avec pincement discal. Cet examen a été suivi d'une IRM le 28 septembre 2012 qui a montré 'des lésions dégénératives cervicales'. Le 5 novembre 2013, Mme [F] a déclaré au rhumatologue qu'elle a consulté que les cervicalgies sont présentes depuis trois ans, soit depuis 2010, aggravées depuis deux mois. Le rhumatologue a noté dans le compte rendu qu'il a fait à son confrère 'A l'interrogatoire: cervicalgie depuis 3 ans; aggravation ++ depuis 2 mois. Améliorée par tt médical'. Mme [F] a été hospitalisée du 3 au 10 février 2014. Le compte rendu d'hospitalisation note dans les antécédents une 'chute il a dix ans avec cervicalgie post chute' L'anamnèse rappelle la présence de cervicalgies depuis trois ans.

Il ressort de ce rapport d'expertise que la première consultation de Mme [F] pour ses douleurs cervicales est postérieure de six mois à son adhésion au contrat d'assurance. Elle a déclaré au rhumatologue dès la première consultation suivant les examens qu'elle souffrait de cervicalgies depuis trois ans. Il en résulte que lorsqu'elle a rempli le questionnaire de santé, Mme [F] était consciente de souffrir régulièrement de cervicalgies. Ainsi, elle aurait dû répondre 'OUI' à la question lui demandant si elle souffrait d'affections récidivantes.

Toutefois, la société CNP Assurances ne démontre pas que Mme [F] a consulté ou pris un traitement pour ces cervicalgies avant le mois de septembre 2012. Lorsqu'elle a rempli le questionnaire, elle était âgée de 50 ans, âge auquel de petits maux intermittents n'apparaissent par nécessairement comme une affection récidivante. Il en résulte que Mme [F] a pu, lorsqu'elle a rempli le questionnaire, ne pas avoir conscience de la gravité de son mal, et de ce qu'elle devait le déclarer comme affection. Ceci d'autant moins que le lien de causalité entre la chute et les cervicalgies apparues sept ans plus tard ne ressort pas des pièces médicales.

Il appartient à la société CNP Assurances de démontrer que l'omission de déclaration a été faite de mauvaise foi, dans l'intention de tromper l'assureur sur la nature du risque. L'expertise du Dr [I] est complète et détaillée sur les commémoratifs de soin et une mesure d'instruction supplémentaire sur l'ensemble des antécédents de santé de l'assuré, ou une injonction donnée à Mme [F] de produire tous les documents relatifs à sa chute et ses cervicalgies ne peut avoir pour objet de pallier l'insuffisance de preuve rapportée par la société CNP Assurances. L'opposition de Mme [F] à cette mesure d'instruction de nature ne vient aucunement corroborer la mauvaise foi alléguée, pour laquelle il n'est produit aucun commencement de preuve.

A défaut pour la société CNP Assurances de démontrer que c'est de mauvaise foi que Mme [F] a omis de déclarer ses cervicalgies, le jugement entrepris sera, sans qu'il soit besoin d'ordonner une nouvelle mesure d'instruction, confirmé en ce qu'il a débouté la société CNP Assurances de sa demande tendant au prononcé de la nullité du contrat.

Sur la prise en charge:

La société CNP soutient que :

*Mme [F] ne rapporte pas la preuve qu'elle rempli les conditions cumulatives de la garantie ITT prévue au contrat.

*Mme [F] ne démontre pas qu'elle aurait perçu des prestations en espèces du régime de protection sociale dont elle relève, au titre des périodes du 19 août 2015 au 23 septembre 2016, et du 3 octobre au 3 novembre 2019;

*les dispositions contractuelles prévoient une période de franchise de 90 jours au titre de laquelle aucune prestation n'est due.

*aucune prestation n'est due au-delà du 3 novembre 2019.

Mme [F] répond que:

*l'objet du contrat est de garantir l'emprunteur dans l'impossibilité de percevoir une rémunération tirée de son travail, sans exiger une inaptitude à tout emploi;

*elle bénéficie d'une pension d'invalidité 2ème catégorie qui rapporte la preuve qu'elle a bénéficié pendant 3 ans avant l'attribution de cette pension, d'indemnités journalières versées par la caisse de sécurité sociale.

Réponse de la cour:

Sur le jugement du 11 juin 2019:

La mission donnée à l'expert de 'déterminer la durée de l'incapacité professionnelle et si cette incapacité n'a été que partielle, en préciser le taux (') conformément à la notice d'information du contrat d'assurance' ne fait aucunement obstacle à ce que le juge se prononce au regard des dispositions contractuelles.

Le jugement du 11 juin 2019 sera confirmé en toutes ses dispositions.

Sur la mobilisation de la garantie :

Les conditions générales du contrat définissent ainsi l'incapacité temporaire totale : 'Un assuré est en état d'ITT lorsque les trois conditions suivantes sont réunies:

1. Il se trouve, à la suite d'un accident ou d'une maladie, dans l'incapacité reconnue médicalement d'exercer une activité quelconque, professionnelle ou non, même à temps partiel.

2.Cette incapacité est continue et persiste au delà de la période de franchise. Par période de franchise on entend une période d'interruption continue d'activité au titre de laquelle aucune prestation n'est due. Elle débute au premier jour de cette interruption et sa durée est indiquée aux dispositions particulières.

3. Cette incapacité doit être justifiée par la production des pièces prévues à l'article 6-2 'pièces justificatives à fournir'

Il est prévu à l'article 6-2 des conditions générales que, en cas d'ITT, l'assuré doit produire une attestation médicale d'incapacité-invalidité pré-établie, tenue à sa disposition au Crédit Agricole, à compléter avec l'aide de son médecin;

En cas de refus du médecin d'utiliser ce document, l'assuré doit fournir, en plus de l'attestation incomplète, un certificat médical indiquant:

-la nature de la maladie ou de l'accident ayant provoqué l'ITT

-la date de l'accident ou le début de la maladie

-la durée probable de l'incapacité.

L'assuré salarié doit joindre également les bordereaux de paiement d'indemnités journalières ou une attestation de l'employeur en cas de subrogation, ou une copie de la notification par la sécurité sociale de sa mise en invalidité 2ème ou 3ème catégorie, ou une copie de la notification d'une rente correspondant à une taux d'invalidité supérieur à 66%.

Sur l'incapacité d'exercer une activité quelconque:

Le 17 juin 2015, le médecin traitant de Mme [F] a coché la case 'oui' à la question de savoir si sa patiente pourrait reprendre une activité professionnelle adaptée autre que son activité actuelle.

Le Dr [Z], medecin mandaté par la société CNP Assurances pour procéder à l'examen de contrôle a estimé le 20 août 2015 que la patiente pouvait exercer une activité sans port de charge et sans avoir à tendre les bras.

Le Dr [I] a examiné Mme [F] le 15 janvier 2020. Il expose dans son rapport que Mme [F] exerçait l'activité de conditionneuse en Entreprise, et que la symptomatologie douloureuse n'est pas compatible avec la poursuite de l'exercice de cette profession. Il a ajouté qu'une reconversion professionnelle apparaît illusoire, compte tenu de la symptomatologie douloureuse et de l'âge de la victime (57 ans), et que la reconversion à un poste adapté pourrait être considérée comme difficile en raison des capacités de la patiente à effectuer cette reconversion. L'expert décrit une symptomatologie douloureuse constante du rachis cervical, des épaules, du rachis lombaire. Il a exposé dans le corps de son rapport que cet état est inchangé depuis le 19 août 2015.

Outre que l'avis du médecin traitant n'est pas circonstancié et que le Dr [Z] fait état d'une gêne fonctionnelle requérant des précautions lors de tout mouvement, il ressort du rapport du Dr [I] que toute reconversion est illusoire au regard de la symptomatologie de Mme [F]. La mention de l'âge ne vient que corroborer l'impossibilité de rémission, et en tout état de cause dans une durée compatible avec la reprise d'un emploi.

Il résulte de ces constatations médicales que la première des conditions contractuelle est satisfaite.

Sur les pièces à fournir:

La société CNP Assurances soutient que Mme [F] ne démontre pas qu'elle a reçu des prestations en espèces de l'organisme de protection sociale ont elle relève pour les périodes du 19 août 2015 au 23 septembre 2016 et du 23 septembre 2016 au 21 février 2023.

Mme [F] verse aux débats un titre de pension d'invalidité qui lui a été attribuée le 9 août 2016. Elle soutient que conformément aux dispositions du code de la sécurité sociale, cette pension se substitue aux indemnités journalières qui cessent d'être dues àl'expiration d'un délai de trois ans. Elle produit le rapport médical d'attribution d'invalidité du 20 juin 2016 qui précise que le mode d'entrée en invalidité est 'la fin des trois ans' et conclu à un avis favorable 'par forclusion du 23/09/2016'.

Aux termes de l'article L'article L341-3 du code de la sécurité sociale : 'L'état d'invalidité est apprécié en tenant compte de la capacité de travail restante, de l'état général, de l'âge et des facultés physiques et mentales de l'assuré, ainsi que de ses aptitudes et de sa formation professionnelle :

1°) soit après consolidation de la blessure en cas d'accident non régi par la législation sur les accidents du travail ;

2°) soit à l'expiration de la période pendant laquelle l'assuré a bénéficié des prestations en espèces prévues à l'article L321-1;

3°) soit après stabilisation de son état intervenue avant l'expiration du délai susmentionné ;

4°) soit au moment de la constatation médicale de l'invalidité, lorsque cette invalidité résulte de l'usure prématurée de l'organisme'

L'article L312-1 de ce code précise que l'assurance maladie assure le versement d'indemnités journalières à l'assuré qui se trouve dans l'incapacité physique constatée par le médecin traitant, selon les règles définies par l'article L. 162-4-1, de continuer ou de reprendre le travail.

Il résulte ainsi des pièces produites par Mme [F] qu'elle a perçu des indemnités journalières pendant trois ans avant le 23 septembre 2016, soit à compter du 23 septembre 2013.

Les dispositions particulières du contrat souscrit par Mme [F] prévoient une période de franchise de 90 jours, cette période recouvrant une période d'interruption continue d'activité, et débute au premier jour de cette interruption.

L'ITT de Mme [F] au sens du contrat ayant débutée le 19 août 2015, la période de franchise a expiré le 19 novembre 2015. Le jugement du 12 janvier 2021 sera infirmé en ce qu'il a fixé au 19 août 2015 le début de la prise en charge des échéances du prêts par la compagnie d'assurances.

Pour le surplus, les conditions contractuelles étant remplies, la société CNP Assurances ne peut utilement se prévaloir de ce que le Dr [I] n'a pas relevé de période d'ITT entre le 23 septembre 2016 et le 3 octobre 2019. Par ailleurs, Mme [F] bénéficiant d'une pension d'invalidité, la société CNP ne peut utilement se prévaloir des dispositions de l'article 4-2 des conditinos générales du contrat qui prévoient que les prestations cessent d'être versée dès que l'assuré n'est plus en mesures de justifier de versements en espèces de sa caisse de protection sociale.

Les conditions particulières du contrat prévoyant que la société CNP Assurances prend en charge les échéances du prêt de l'assuré qui rempli les conditions de la garantie, la société CNP Assurances sera condamnée à garantir Mme [F] dans la limite d'âge contractuelle, sans qu'il y ait lieu d'assortir cette prise en charge de la condition de production de pièces par Mme [F].

La société CNP Assurances sera condamnée à garantir Mme [F] à compter du 19 novembre 2015 jusqu'au 21 février 2023, veille du 61ème anniversaire de l'assurée.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant par arrêt contradictoire ;

Confirme le jugement entrepris du 11 juin 2019 en toutes ses dispositions ;

Infirme le jugement entrepris du 12 janvier 2021 en ce qu'il a :

-condamné la société CNP Assurances à garantir Mme [F] au titre du contrat d'assurance souscrit le 3 mars 2012 en couverture d'un prêt immobilier, et ce à compter du 19 août 2015 jusqu'au 21 février 2023 inclus ;

Statuant à nouveau :

Condamne la société CNP Assurances à garantir Mme [F] au titre du contrat d'assurance souscrit le 3 mars 2012 en couverture d'un prêt immobilier, et ce à compter du 19 novembre 2015 jusqu'au 21 février 2023 inclus ;

Confirme le jugement entrepris pour le surplus de ses dispositions ;

Y ajoutant ;

Condamne la société CNP Assurances aux dépens en cause d'appel avec application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

Condamne la société CNP Assurances à payer à Mme [F] la somme de 3 000 euros au titre de ses frais irrépétibles en cause d'appel.

La greffière La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rouen
Formation : Ch. civile et commerciale
Numéro d'arrêt : 21/01480
Date de la décision : 08/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-08;21.01480 ?
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