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01/02/2023 | FRANCE | N°20/04300

France | France, Cour d'appel de Rouen, 1ère ch. civile, 01 février 2023, 20/04300


N° RG 20/04300 - N° Portalis DBV2-V-B7E-IUPY







COUR D'APPEL DE ROUEN



1ERE CHAMBRE CIVILE



ARRET DU 1er FEVRIER 2023











DÉCISION DÉFÉRÉE :



11-20-626

Tribunal judiciaire d'Evreux du 16 décembre 2020





APPELANT :



Monsieur [Z] [Y] [J]

né le 21 avril 1956 à [Localité 6] (Cameroun)

[Adresse 1]

[Localité 3]



représenté et assisté par Me Christophe OHANIAN de la Selarl CAMPANARO OHANIAN, avocat

au barreau de l'Eure









INTIME :



Monsieur [C] [T]

né le 30 octobre 1972 à [Localité 5] (Algérie)

[Adresse 4]

[Localité 2]



représenté par Me Nour Edine EL ATMANI, avocat au barreau de l'Eure



(bénéficie d'un...

N° RG 20/04300 - N° Portalis DBV2-V-B7E-IUPY

COUR D'APPEL DE ROUEN

1ERE CHAMBRE CIVILE

ARRET DU 1er FEVRIER 2023

DÉCISION DÉFÉRÉE :

11-20-626

Tribunal judiciaire d'Evreux du 16 décembre 2020

APPELANT :

Monsieur [Z] [Y] [J]

né le 21 avril 1956 à [Localité 6] (Cameroun)

[Adresse 1]

[Localité 3]

représenté et assisté par Me Christophe OHANIAN de la Selarl CAMPANARO OHANIAN, avocat au barreau de l'Eure

INTIME :

Monsieur [C] [T]

né le 30 octobre 1972 à [Localité 5] (Algérie)

[Adresse 4]

[Localité 2]

représenté par Me Nour Edine EL ATMANI, avocat au barreau de l'Eure

(bénéficie d'une aide juridictionnelle partielle numéro 2021/4594 du 17/05/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Rouen)

COMPOSITION DE LA COUR  :

Lors des débats et de la mise à disposition :

Mme Edwige WITTRANT, présidente de chambre,

M. Jean-François MELLET, conseiller,

Mme Magali DEGUETTE, conseillère,

après rapport de Mme WITTRANT,

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme Catherine CHEVALIER

DEBATS :

A l'audience publique du 16 novembre 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 1er février 2023

ARRET :

CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 1er février 2023, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

signé par Mme WITTRANT, présidente de chambre et par Mme CHEVALIER, greffier présent lors de la mise à disposition.

*

* *

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Par acte sous seing privé du 11 janvier 2019, M. [Z] [Y] [J] et M. [C] [T] ont pris accord sur le paiement par ce dernier de la somme 9'490 euros comme suit': deux virements à cette date respectivement de 1'550 et 1'900 euros et deux chèques de 2'350 et 3'690 euros. Cette transaction avait pour contrepartie le retrait de plainte de M. [Y] [J] à l'encontre du fils du débiteur, stagiaire dans son entreprise, ayant été suspecté d'avoir tiré des chèques à hauteur de la somme susvisée à ses dépens.

Les chèques n'ont pas été crédités au profit du créancier'; un chèque frauduleux a, selon M. [Y] [J], de nouveau été débité à hauteur de 2'450 euros. La situation a donné lieu à différents échanges et une tentative vaine d'obtention d'un titre de la part de M. [C] [T] devant le juge des référés alors qu'il demandait le remboursement de la somme de 9'490 euros.

Par acte d'huissier du 27 mai 2020, M. [C] [T] a fait assigner M. [Z] [Y] [J] afin d'obtenir l'annulation de la transaction, le remboursement de la somme versée et des indemnités.

Par jugement du 16 décembre 2020, le tribunal judiciaire d'Evreux a':

- déclaré M. [C] [T] recevable en son action,

- constaté la nullité de la transaction régularisée par les parties le 11 janvier 2019,

- condamné M. [Y] [J] à payer à M. [T] la somme de 9'490 euros au titre de la restitution de l'indemnité transactionnelle versée en application de la transaction régularisée par les parties le 11 janvier 2019,

- rejeté toute demande plus ample ou contraire des parties,

- débouté M. [Y] [J] de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté M. [T] de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire du jugement.

Par déclaration reçue au greffe le 28 décembre 2020, M. [Y] [J] a formé appel de la décision.

EXPOSE DES PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par dernières conclusions notifiées le 22 mars 2021, M. [Z] [Y] [J] demande à la cour, au visa des articles 2044 et suivants du code civil, de':

à titre principal,

- dire n'y avoir lieu à annulation de la transaction régularisée le 11 janvier 2019,

- déclarer l'action de M. [T] irrecevable,

à titre subsidiaire,

- constater que M. [T] ne justifie que du règlement de la somme de

3'690 euros,

- dire et juger que M. [Y] [J] ne saurait être condamné à une somme supérieure,

en tout état de cause,

- condamner M. [T] à lui payer la somme de 1'000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [T] aux dépens.

Il soutient que le premier juge a retenu à tort que M. [T] avait commis une erreur de droit en entendant transiger à la fois sur les intérêts civils et l'action publique s'agissant d'un délit commis par son fils'; que les faits délictueux sont démontrés'; que M. [T] a agi spontanément et délibérément et savait que la transaction était inopposable au ministère public'; qu'en réalité, au visa des articles 2044, 246 et 2052 du code civil, la transaction est régulière et a autorité de la chose jugée.

A titre subsidiaire, il discute le montant de la condamnation en ce qu'il n'a reçu que la somme de 3'690 euros au lieu de celle de 9'490 euros, retenue dans la transaction.

Par dernières conclusions notifiées le 7 juin 2021, M. [C] [T] demande à la cour, au visa des articles 1104, 1132, 1133, 1188, 2044, 2046 du code civil, de confirmer la décision entreprise et de condamner M. [Y] [J] à lui payer la somme de 1'500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Il fait valoir que l'objectif de la transaction était d'éviter que son fils ne fasse l'objet de poursuites pénales, qu'il a commis une erreur juridique dans la mesure où les parties ne pouvaient influer sur les décisions relevant de l'action publique'; que M. [Y] [J] est de mauvaise foi en soutenant que le montant visé dans l'accord concernait l'ensemble des préjudices et non seulement le remboursement des chèques'; que le compte de l'appelant n'a pas été débité de l'ensemble des chèques évoqués'; que M. [Y] [J] a indiqué dans ses déclarations qu'il manquait 22 chèques dont 5 avaient été encaissés et qu'il avait formé opposition pour les autres'; qu'il a versé les fonds intégralement, le chèque émis par Mme [I] [D] ayant été provisionné par ses soins.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 27 avril 2022.

MOTIFS

Sur la recevabilité de l'action

L'article 122 du code de procédure civile dispose que constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

Selon l'article 2052, la transaction fait obstacle à l'introduction ou à la poursuite entre les parties d'une action en justice ayant le même objet.

Toutefois, au visa de l'article 2044 du code civil, la transaction est un contrat par lequel les parties, par des concessions réciproques, terminent une contestation née, ou préviennent une contestation à naître. Elle peut dès lors être frappée de nullité dans le cas d'un vice du consentement.

M. [T] se prévalant d'une erreur de droit, l'action entreprise est recevable.

Sur la validité de la transaction

L'article 1132 du code civil dispose que l'erreur de droit ou de fait, à moins qu'elle ne soit inexcusable, est une cause de nullité du contrat lorsqu'elle porte sur les qualités essentielles de la prestation due ou sur celles du cocontractant.

L'article 1133 du même code précise que les qualités essentielles de la prestation sont celles qui ont été expressément ou tacitement convenues et en considération desquelles les parties ont contracté. L'erreur est une cause de nullité qu'elle porte sur la prestation de l'une ou de l'autre partie. L'acceptation d'un aléa sur une qualité de la prestation exclut l'erreur relative à cette qualité.

L'article 2046 du code civil expose que l'on peut transiger sur l'intérêt civil qui résulte d'un délit'; que la transaction n'empêche pas la poursuite du ministère public.

Après avoir rappelé ce texte, et la charge de la preuve incombant à celui qui se prétend victime de l'erreur, le premier juge a considéré qu'il résultait des termes de la transaction la volonté de M. [T] d'obtenir la fin de toute action y compris de l'action publique par erreur.

Le 10 janvier 2019, M. [Y] [J] a été entendu par les militaires de la gendarmerie de [Localité 7] sur sa plainte à l'encontre de M. [G] [T], stagiaire de l'entreprise et de Mme [I] [D], qu'il ne connaissait pas, sur le vol de chèques émis et débités de son compte, au bénéfice de ces deux personnes.

Le 11 janvier 2019, M. [T] a formé par écrit, une proposition ''en qualité de père de [G] [T]'' en 'règlement du préjudice subi par M. [Y] [Z] pour le vol de chèque dont l'auteur est mon fils et demande de retirer la plainte.' L'accord est proposé sous la condition suivante': 'Je vous prie pour conséquence de retirer votre plainte en assurant que vous arrêté toute procédures judiciaires que vous avez engagé à la gendarmerie de [Localité 7] et auprès du procureur de la République.''

Le même jour, M. [Y] [J] a accepté cette proposition de façon explicite en précisant': 'A défaut de ces conditions d'encaissement, mon accord de plus poursuivre et de retirer la plainte sera caduque et non avenu. Je me réserverai le droit de poursuivre l'affaire.'

Les signatures des parties ont ensuite été apposées.

Le même jour, M. [Y] [J] s'est de nouveau présenté auprès de la gendarmerie en indiquant que M. [T] l'avait supplié de retirer sa plainte et qu'il acceptait moyennant remboursement de la dette.

Contrairement à l'analyse retenu par le premier juge, il ne résulte pas de ces écrits, de façon intrinsèque, la démonstration d'une erreur de droit commise par M. [T]': ce dernier a admis sans ambiguïté que son fils, mineur pour être né le 25 septembre 2001, était l'auteur du ''vol', s'est engagé à rembourser la dette et s'est montré particulièrement avisé en demandant un retrait de plainte devant les gendarmes et le procureur de la République compte tenu de la faculté pour une victime d'effectuer la double démarche. La formulation de l'accord passé, en tant que telle, ne révèle rien de sa perception des risques éventuels de poursuites pénales puisque sa demande porte expressément sur les poursuites judiciaires dont M. [Y] [J] pourrait prendre l'initiative.

M. [T] a pris l'initiative de solliciter M. [Y] [J]'; aucune pièce ne démontre les compétences juridiques supérieures de l'un ou de l'autre permettant de retenir une influence voire une contrainte viciant le consentement donné par le débiteur de la somme discutée.

M. [T] ne vise pas dans son acte la liste des chèques dont son fils et son amie ont bénéficié mais explique en utilisant à quatre reprises le mot préjudice les conditions de paiement de la dette.

L'existence d'un vice du consentement s'apprécie au jour de la signature de l'acte.

Il n'est pas sans intérêt de relever toutefois qu'au cours des mois suivant la transaction, M. [T] n'a, à aucun moment, invoqué une erreur dans la convention, ce alors même qu'il était en possession de la convocation de son fils du 27 mars 2019 pour une composition pénale fixée au 19 juin 2019. Il a exclusivement posé le débat, amiablement par l'intermédiaire de son conseil, puis judiciairement en référé, sur la réalité des impayés et donc le décompte de la créance.

La demande en nullité de la transaction est rejetée, le jugement étant en conséquence infirmé de ce chef et des conséquences retenues par le tribunal.

Sur l'exécution de la transaction

Dans le dispositif de ses conclusions, M. [T] sollicite exclusivement la confirmation du jugement ayant statué sur la nullité de la transaction et ses conséquences et ne forme pas de demande subsidiaire relative à ses conditions d'exécution dans l'hypothèse d'une infirmation.

M. [Y] [J] ne formule aucun chef de demande au titre de l'exécution de la transaction et se limite à des prétentions concernant les frais de procédure.

La cour n'est dès lors pas saisie de la discussion relative au paiement des sommes dues.

Sur les frais de procédure

Le premier juge n'a pas statué dans son dispositif sur les dépens de la procédure.

M. [T] succombe à l'instance et supportera les dépens de première instance et d'appel.

L'équité commande sa condamnation à payer au titre de sa participation aux frais irrépétibles supportés par M. [Y] [J], en application de l'article 700 du code de procédure civile, la somme de 1'000 euros.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe,

Infirme le jugement entrepris en ce qu'il a':

- constaté la nullité de la transaction régularisée par les parties le 11 janvier 2019,

- condamné M. [Y] [J] à payer à M. [T] la somme de 9'490 euros au titre de la restitution de l'indemnité transactionnelle versée en application de la transaction régularisée par les parties le 11 janvier 2019,

Le confirme pour le surplus,

Statuant à nouveau des chefs infirmés, et y ajoutant,

Déboute M. [C] [T] de sa demande portant sur la nullité de la transaction signée par les parties le 11 janvier 2019, et de façon subséquente, de sa demande en remboursement de la somme de 9'490 euros,

Condamne M. [C] [T] à payer à M. [Z] [Y] [J] la somme de 1'000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. [C] [T] aux dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés selon les dispositions applicables en matière d'aide juridictionnelle.

Le greffier, La présidente de chambre,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rouen
Formation : 1ère ch. civile
Numéro d'arrêt : 20/04300
Date de la décision : 01/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-01;20.04300 ?
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