N° RG 20/03189 - N° Portalis DBV2-V-B7E-ISIE
COUR D'APPEL DE ROUEN
1ERE CHAMBRE CIVILE
ARRET DU 1er MARS 2023
DÉCISION DÉFÉRÉE :
11-20-0314
Tribunal judiciaire d'Evreux du 10 septembre 2020
APPELANT :
Monsieur [D] [V]
né le [Date naissance 2] 1958 à [Localité 7]
[Adresse 8]
[Adresse 8]
[Localité 5]
représenté par Me Vincent PICARD de la SCP PICARD LEBEL QUEFFRINEC BEAUHAIRE MOREL, avocat au barreau de l'Eure et assisté de Me Victor DEFRANCQ de la Selarl MARTIAL RIVIERE LEBRET PICARD DEFRANCQ, avocat au barreau de Caen
INTIME :
Monsieur [H] [R]
né le [Date naissance 3] 1975 à [Localité 6]
[Adresse 1]
[Localité 4]
non constitué bien que régulièrement assigné par acte d'huissier remis le 19 janvier 2021 à l'étude
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 12 décembre 2022 sans opposition des avocats devant Mme Magali DEGUETTE, conseiller, rapporteur,
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée :
Mme Edwige WITTRANT, présidente de chambre,
M. Jean-François MELLET, conseiller,
Mme Magali DEGUETTE, conseillère,
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme Catherine CHEVALIER,
DEBATS :
A l'audience publique du 12 décembre 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 1er mars 2023.
ARRET :
RENDU PAR DEFAUT
prononcé publiquement le 1er mars 2023, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
signé par Mme WITTRANT, présidente et par Mme CHEVALIER, greffier présent lors de la mise à disposition.
*
* *
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
Le 26 février 2015, M. [D] [V] a été placé en garde à vue à la brigade de gendarmerie d'Ecos (27 630) pour des faits d'abus de confiance. Lors du placement de celui-ci en chambre de sûreté, le gendarme [H] [R] a remarqué qu'un câble électrique sortait de la chemise de M. [D] [V] sous sa cravate et était relié à un appareil caché dans un étui placé à la base de son dos. Il s'agissait d'un système artisanal d'enregistrement vidéo composé d'une micro caméra insérée dans la doublure de la cravate et reliée à un enregistreur, dont M. [D] [V] avait fait usage lors de son audition par le gendarme.
Une procédure incidente a été établie pour ces faits, qualifiés d'atteinte à l'intimité de la vie privée par captation ou transmission des paroles d'une personne préjudiciant à M. [H] [R].
M. [D] [V] en a été relaxé par le tribunal correctionnel d'Evreux par jugement irrévocable du 29 juillet 2015.
Par acte d'huissier de justice du 24 février 2020, M. [D] [V] a fait assigner M. [H] [R] devant le tribunal judiciaire d'Evreux en indemnisation de ses préjudices.
Suivant jugement du 10 septembre 2020, ledit tribunal a :
- débouté M. [V] [D] de sa demande en réparation du préjudice moral,
- débouté M. [V] [D] de sa demande en réparation des tracas occasionnés,
- débouté M. [V] [D] de sa demande en réparation du préjudice matériel,
- débouté M. [V] [D] de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné M. [V] [D] aux entiers dépens,
- rappelé que la présente décision est exécutoire de plein droit.
Par déclaration du 8 octobre 2020, M. [D] [V] a formé appel de ce jugement.
EXPOSE DES PRETENTIONS ET DES MOYENS DES PARTIES
Par dernières conclusions notifiées le 7 janvier 2021 et signifiées à M. [H] [R] le 19 janvier 2021, M. [D] [V] demande de voir en application de l'article 1382 dans sa rédaction alors applicable :
- infirmer le jugement du tribunal judiciaire d'Evreux du 10 septembre 2020,
statuant à nouveau,
- condamner M. [H] [R] à lui verser les sommes suivantes :
. 3 000 euros en réparation de son préjudice moral,
. 2 500 euros en réparation des tracas occasionnés,
. 836 euros en réparation de son préjudice matériel,
- condamner M. [H] [R] aux entiers dépens et au versement à son profit d'une somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Il fait valoir que le dispositif d'enregistrement qu'il portait lors de sa garde à vue était parfaitement licite et que M. [H] [R] a commis une faute en présentant à sa hiérarchie ce comportement comme délictueux et en se prétendant victime d'une supposée infraction.
Il ajoute que cette faute et les questions posées sur ce matériel ont été à l'origine du prolongement de sa garde à vue ; qu'il a dû se consacrer à la défense de son dossier devant les juridictions répressives ; qu'il a été exposé à une atteinte à son honorabilié de ce fait et qu'il a perdu son matériel qui ne lui a pas été restitué ; que les conditions de la responsabilité délictuelle de M. [H] [R] sont réunies.
M. [H] [R], à qui la déclaration d'appel avait été signifiée le 10 décembre 2020 par dépôt à l'étude, n'a pas constitué avocat.
La clôture de l'instruction a été ordonnée le 23 novembre 2022.
MOTIFS
Sur la mise en cause de la responsabilité de M. [R]
Selon l'article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
L'article 226-1 du code pénal précise qu'est puni d'un an d'emprisonnement et de
45 000 euros d'amende le fait, au moyen d'un procédé quelconque, volontairement de porter atteinte à l'intimité de la vie privée d'autrui.
En l'espèce, l'usage de son matériel d'enregistrement par M. [V] à l'égard de M. [R], exerçant ses fonctions de gendarme procédant à l'audition d'une personne gardée à vue sur des faits d'abus de confiance, n'a pas porté atteinte à l'intimité de la vie privée de ce dernier.
L'infraction de l'article 226-1 n'étant pas manifestement constituée, elle ne devait pas donner lieu à des poursuites contre M. [V].
Toutefois, cette faute civile n'a causé aucun dommage à ce dernier.
M. [V] n'établit pas que sa garde à vue a été prolongée du fait des questions posées relativement à cette captation visuelle et sonore. Aucun élément n'est versé aux débats sur la durée de cette mesure, laquelle avait principalement pour objectif son audition sur des faits d'abus de confiance pour lesquels il a d'ailleurs été condamné par le tribunal correctionnel d'Evreux, confirmé par la cour d'appel de Rouen le 9 janvier 2017. M. [V] indique que cette décision a été cassée par la Cour de cassation sans apporter aucun justificatif tel que la décision afférente.
M. [V] ne prouve pas davantage l'atteinte à son honorabilité du fait de la poursuite engagée contre lui pour atteinte à la vie privée qui a donné lieu à sa relaxe. Cette décision, étant devenue définitive car le parquet n'en était pas appelant principal, n'a d'ailleurs pas fait l'objet d'une discussion en appel.
Egalement poursuivi pour abus de confiance à l'égard de deux victimes, l'organisation de sa défense devant les juridictions pénales par M. [V] n'a pas été engagée inutilement.
Enfin, comme justement souligné par le premier juge, il n'est pas prouvé que le matériel d'enregistrement a été confisqué et non restitué à M. [V] et qu'il s'agit du kit mini enregistreur portable avec caméra cachée, dont il produit la fiche, qu'il portait le 26 février 2015.
En définitive, les conditions de la responsabilité délictuelle de M. [R] ne sont pas réunies. Les demandes indemnitaires formées contre lui seront rejetées. La décision du tribunal ayant statué en ce sens sera confirmée.
Sur les demandes accessoires
Les dispositions de première instance sur les dépens et les frais de procédure seront confirmées.
Partie perdante, M. [V] sera condamné aux dépens d'appel.
Il n'est pas inéquitable de rejeter sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt par défaut, mis à disposition au greffe,
Confirme le jugement entrepris,
Y ajoutant,
Déboute M. [D] [V] de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne M. [D] [V] aux dépens d'appel.
Le greffier, La présidente de chambre,