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01/03/2023 | FRANCE | N°21/02112

France | France, Cour d'appel de Rouen, 1ère ch. civile, 01 mars 2023, 21/02112


N° RG 21/02112 - N° Portalis DBV2-V-B7F-IY4K







COUR D'APPEL DE ROUEN



1ERE CHAMBRE CIVILE



ARRET DU 1er MARS 2023









DÉCISION DÉFÉRÉE :



20/03512

Tribunal judiciaire d'Evreux du 30 mars 2021





APPELANTE :



SAS BELFOR (France)

RCS de Créteil 327 753 281

[Adresse 5]

[Adresse 5]

[Localité 4]



représentée par Me Yannick ENAULT de la SELARL YANNICK ENAULT-CHRISTIAN HENRY, avocat au barreau de Rouen et

assistée de Me Olivier POUPET, avocat au barreau de Paris







INTIME :



Monsieur [E] [B]

[Adresse 1]

[Localité 2]



représenté par Me Vincent MOSQUET de la SELARL LEXAVOUE NORMANDIE, avocat au barreau de Rouen
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N° RG 21/02112 - N° Portalis DBV2-V-B7F-IY4K

COUR D'APPEL DE ROUEN

1ERE CHAMBRE CIVILE

ARRET DU 1er MARS 2023

DÉCISION DÉFÉRÉE :

20/03512

Tribunal judiciaire d'Evreux du 30 mars 2021

APPELANTE :

SAS BELFOR (France)

RCS de Créteil 327 753 281

[Adresse 5]

[Adresse 5]

[Localité 4]

représentée par Me Yannick ENAULT de la SELARL YANNICK ENAULT-CHRISTIAN HENRY, avocat au barreau de Rouen et assistée de Me Olivier POUPET, avocat au barreau de Paris

INTIME :

Monsieur [E] [B]

[Adresse 1]

[Localité 2]

représenté par Me Vincent MOSQUET de la SELARL LEXAVOUE NORMANDIE, avocat au barreau de Rouen

COMPOSITION DE LA COUR  :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 12 décembre 2022 sans opposition des avocats devant Mme Magali DEGUETTE, conseiller, rapporteur,

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée :

Mme Edwige WITTRANT, présidente de chambre,

M. Jean-François MELLET, conseiller,

Mme Magali DEGUETTE, conseillère,

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme Catherine CHEVALIER,

DEBATS :

A l'audience publique du 12 décembre 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 1er mars 2023.

ARRET :

CONTRADICTOIRE

prononcé publiquement le 1er mars 2023, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

signé par Mme WITTRANT, présidente et par Mme CHEVALIER, greffier présent lors de la mise à disposition.

*

* *

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

A la suite d'un orage, M. [E] [B] a subi une inondation dans son immeuble d'habitation situé [Adresse 3].

La Sas Belfor a établi les devis et factures suivants au nom de ce dernier :

- devis de travaux de réhabilitation de cet immeuble du 11 juillet 2018 de

46 181,85 euros TTC et facture correspondante référencée VTC 18-6985 du 27 novembre 2018 de 34 746,25 euros TTC,

- devis de travaux de réhabilitation complémentaires du 23 août 2018 de

16 380,32 euros TTC et facture correspondante référencée VTC 18-6410 du 30 octobre 2018 de 19 488,37 euros TTC,

- devis de travaux de réhabilitation d'une dépendance du 10 octobre 2018 de

11 777 euros TTC et facture correspondante référencée VTC 19-3516 du 28 mai 2019 de 12 954,70 euros TTC.

Par acte d'huissier de justice du 23 novembre 2020, la Sas Belfor a fait assigner

M. [E] [B] devant le tribunal judiciaire d'Evreux en paiement de la somme de 37 700,93 euros au titre de la première facture (VTC 18-6985) et du solde de la troisième (VTC 19-3516).

Suivant jugement du 30 mars 2021, ledit tribunal a :

- déclaré recevable la requête formée par la Sas Belfor à l'encontre de M. [E] [B],

- débouté la Sas Belfor de l'ensemble de ses demandes,

- dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la Sas Belfor aux dépens de l'instance,

- rappelé que l'exécution provisoire de la présente décision est de droit.

Par déclaration du 19 mai 2021, la Sas Belfor a formé appel de ce jugement.

EXPOSE DES PRETENTIONS ET DES MOYENS DES PARTIES

Par dernières conclusions notifiées le 13 août 2021, la Sas Belfor (France) demande de voir en application des articles 1103 et 1353 du code civil :

- déclarer recevable et bien fondé son appel,

- infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal judiciaire d'Evreux le 30 mars 2021,

- à titre principal, condamner M. [E] [B] à lui payer la somme de

34 700,93 euros au titre des factures restant dues, avec intérêts au taux légal à compter du 4 août 2020, date de la mise en demeure,

- à titre subsidiaire, en vertu de l'article 1303 du code civil, condamner M. [E] [B] à lui payer la même somme sur le fondement de l'enrichissement sans cause,

- à titre encore plus subsidiaire, en application de l'article 263 du code de procédure civile :

. désigner tel expert qu'il plaira à la cour d'appel à l'effet de se rendre sur place [Adresse 3], se faire communiquer tous documents et pièces que l'expert estimera utiles à l'accomplissement de sa mission, dire si les travaux prévus aux devis et facturés ont bien été effectués, donner son avis sur la facturation finale et dire si elle est en adéquation avec les travaux et prestations réalisés, dire s'il subsiste des réserves, rapporter toutes autres constatations utiles à l'examen des prétentions des parties, donner son avis sur la date de réception des travaux et sur les comptes entre les parties en considération des constats ainsi effectués, se faire assister par tout sapiteur de son choix, et dire que les frais d'expertise seront avancés par la Sas Belfor,

. condamner M. [E] [B] à lui payer une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- en tout état de cause, condamner M. [E] [B] à lui payer une somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de première instance et d'appel.

Elle ne développe aucun moyen sur l'irrecevabilité de ses demandes soulevée par l'intimé.

Elle fait valoir que le contrat d'entreprise n'obéit à aucun formalisme et est présumé conclu à titre onéreux ; que l'absence d'un devis signé peut être suppléée par un commencement de preuve par écrit corroboré par un autre moyen de preuve ; que les courriels de M. [E] [B] des 8 et 23 juin et 16 août 2020 constituent la preuve écrite de l'existence des deux contrats d'entreprise qu'il a conclus avec elle respectivement sur la réhabilitation de la maison et sur la dépendance ; que ce dernier n'a jamais contesté son intervention ; qu'il lui a d'ailleurs remis les clés pour qu'elle exécute les travaux.

Elle ajoute que le contenu de ces contrats peut être prouvé par tous moyens, notamment par les devis et les factures correspondants ; que leur montant a été validé par l'expert intervenant pour le compte de l'assureur de M. [E] [B] ; que ce dernier a reçu une indemnité intégrant le montant des travaux facturés ; qu'il n'a fait valoir aucun argument précis pour contester la bonne exécution des travaux et a réclamé la remise des clés, ce qui traduit une acceptation tacite des travaux ; que

M. [E] [B] a reconnu dans son courriel du 16 août 2020 qu'il procédait à une rétention du solde dû sans aucun motif valable lequel vaut comme reconnaissance de dette ; que le paiement direct des travaux par l'assureur n'était qu'une option et qu'aucune délégation d'assurance n'a été mise en place pour les deux devis en cause.

Elle expose à titre subsidiaire que son exécution des travaux a entraîné son appauvrissement au profit de l'enrichissement sans cause de M. [E] [B] qui a bénéficié d'un solde de travaux sans payer le moindre centime.

Par dernières conclusions notifiées le 21 octobre 2021, M. [E] [B] sollicite de voir en application des articles 410 du code de procédure civile, 1315 et 1359 du code civil :

- à titre principal, déclarer la Sas Belfor irrecevable en ses entières demandes,

- à titre subsidiaire, confirmer le jugement du tribunal judiciaire d'Evreux du 30 mars 2021 et, en conséquence, débouter la Sas Belfor de l'ensemble de ses demandes et la condamner à lui verser la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, en plus des entiers dépens de l'instance.

Il fait valoir que les demandes de la Sas Belfor sont irrecevables car elle lui a fait signifier le jugement du 30 mars 2021 et a ainsi acquiescé à l'ensemble des dispositions de celui-ci.

S'agissant du fond, il indique qu'il n'a signé aucun des devis de travaux invoqués par l'appelante au soutien de sa demande ; qu'elle devait recueillir son acceptation avant d'entreprendre les travaux ; que, même s'il a payé une partie de ceux-ci, cela n'équivaut pas à une acceptation du contrat et des demandes en paiement.

La clôture de l'instruction a été ordonnée le 23 novembre 2022.

MOTIFS

Sur l'irrecevabilité des demandes

Après avoir interjeté appel du jugement du 30 mars 2021, la Sas Belfor a fait signifier celui-ci à M. [B] par exploit du 31 mai 2021.

Toutefois, l'article 681 du code de procédure civile prévoit que la notification, même sans réserve, n'emporte pas acquiescement.

En conséquence, la demande d'infirmation formée par la Sas Belfor contre le jugement et ses prétentions sont recevables.

Sur la demande de paiement des travaux

L'article 1353 du code civil prévoit que celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.

Selon l'article 1359 du même code, l'acte juridique portant sur une somme ou une valeur excédant un montant de 1 500 euros doit être prouvé par écrit sous signature privée ou authentique. Il ne peut être prouvé outre ou contre un écrit établissant un acte juridique, même si la somme ou la valeur n'excède pas ce montant, que par un autre écrit sous signature privée ou authentique. Celui dont la créance excède le seuil mentionné au premier alinéa ne peut pas être dispensé de la preuve par écrit en restreignant sa demande.

L'article 1361 du même code mentionne qu'il peut être suppléé à l'écrit par l'aveu judiciaire, le serment décisoire ou un commencement de preuve par écrit corroboré par un autre moyen de preuve.

L'article 1362 du même code précise que constitue un commencement de preuve par écrit tout écrit qui, émanant de celui qui conteste un acte ou de celui qu'il représente, rend vraisemblable ce qui est allégué. Peuvent être considérés par le juge comme équivalant à un commencement de preuve par écrit les déclarations faites par une partie lors de sa comparution personnelle, son refus de répondre ou son absence à la comparution.

En l'espèce, M. [B] indique à la page 2 de ses dernières écritures qu'il a fait appel à la Sas Belfor pour faire estimer les travaux concernant les désordres subis, laquelle lui a adressé les devis et les factures précités.

Il ressort également de ses courriels successifs suivants, adressés à Mme [P] [Y], salariée de la Sas Belfor en charge des recouvrements, qu'il a confirmé l'existence de travaux confiés à la Sas Belfor même s'il n'a pas signé les devis afférents :

- le 8 juin 2020, soit après avoir été destinataire de plusieurs relances de la Sas Belfor et d'une mise en demeure recommandée datée du 28 mai 2020, il émet des critiques sur la réalisation des travaux dans la dépendance et dans la maison principale, ainsi que sur l'absence de réception des travaux qui selon lui ne sont pas finis bien que ce chantier soit en cours depuis 18 mois,

- le 23 juin 2020, il indique qu'il lui envoie un chèque de 4 000 euros et annonce qu'il ira voir la maison quelques jours après,

- le 16 août 2020, soit après avoir été destinataire d'une mise en demeure datée du 4 août 2020 par laquelle lui a été réclamée le solde débiteur de 37 700,95 euros correspondant aux factures VTC18-6985 et VTC19-3516, il répond en ces termes : 'Nous ne refusons pas de payer d ailleurs vous avez déjà reçu des chèques , et vu le temps d attente de réception de chantier il est normal que vous attendiez en retour.'. Il réclame un décompte général et indique qu'il attend toujours les clés.

Ces écrits constitutifs d'un commencement de preuve par écrit des marchés de travaux sont corroborés par les règlements effectués par M. [B] à la Sas Belfor :

- le 30 janvier 2019, la somme de 19 488,37 euros en paiement de la facture VTC 18'6410 du 30 octobre 2018 de travaux de réhabilitation complémentaires,

- le 11 septembre 2019, la somme de 6 000 euros,

- le 7 juillet 2020, la somme de 4 000 euros au moyen du chèque adressé le 23 juin 2020,

- le 23 novembre 2020, la somme de 3 000 euros au moyen du chèque constituant la pièce 22 de l'appelante.

Ces marchés sont également confirmés par l'absence de contestation de M. [B], dans ses écrits précités, de l'existence et de l'exécution des travaux discutés.

Par ailleurs, aux termes des devis des 11 juillet et 10 octobre 2018, le paiement pouvait être effectué par le versement d'un acompte à la commande et du solde à réception de la facture ou par l'acceptation d'un bon de délégation à la commande en vue d'un paiement direct par l'assureur.

M. [B] n'a à aucun moment invoqué l'usage de cette seconde option, ne déniant pas sa qualité de débiteur et son obligation subséquente de règlement des travaux et ne prouvant pas qu'il s'en est valablement acquitté en totalité.

En définitive, M. [B] sera condamné à payer le reliquat des travaux effectués par la Sas Belfor pour son compte à hauteur de 34 700,93 euros avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure recommandée du 28 août 2020 émanant de l'avocat de cette dernière. Le jugement du tribunal ayant rejeté cette réclamation sera infirmé.

Sur les demandes accessoires

Les dispositions de première instance sur les dépens et les frais de procédure seront infirmées.

Partie perdante, M. [B] sera condamné aux dépens de première instance et d'appel.

Il n'est pas inéquitable de le condamner également à payer à l'appelante la somme de 5 000 euros au titre des frais non compris dans les dépens qu'elle a engagés pour cette procédure d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe,

Déclare recevables les demandes de la Sas Belfor (France),

Infirme le jugement entrepris,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Condamne M. [E] [B] à payer à la Sas Belfor (France) la somme de

34 700,93 euros avec intérêts au taux légal à compter du 28 août 2020,

Condamne M. [E] [B] à payer à la Sas Belfor (France) la somme de

5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel,

Déboute les parties du surplus des demandes,

Condamne M. [E] [B] aux dépens de première instance et d'appel.

Le greffier, La présidente de chambre,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rouen
Formation : 1ère ch. civile
Numéro d'arrêt : 21/02112
Date de la décision : 01/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-01;21.02112 ?
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