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01/03/2023 | FRANCE | N°21/03515

France | France, Cour d'appel de Rouen, 1ère ch. civile, 01 mars 2023, 21/03515


N° RG 21/03515 - N° Portalis DBV2-V-B7F-I36B







COUR D'APPEL DE ROUEN



1ERE CHAMBRE CIVILE



ARRET DU 1er MARS 2023









DÉCISION DÉFÉRÉE :



19/01361

Tribunal judiciaire de Rouen du 15 juin 2021





APPELANT :



Monsieur [L] [G]

né le 7 avril 1969 à [Localité 6]

[Adresse 3]

[Adresse 3]



représenté et assisté par Me Sébastien FERIAL, avocat au barreau de l'Eure







INTIMES :
>

Monsieur [F] [O]

né le 30 novembre 1957 à [Localité 5]

[Adresse 2]

[Adresse 2]



représenté et assisté par Me Yves MAHIU de la SELARL DE BEZENAC ET ASSOCIÉS, avocat au barreau de Rouen





Madame [X] [R] épouse [O]

née le 23 mai 1957 à [...

N° RG 21/03515 - N° Portalis DBV2-V-B7F-I36B

COUR D'APPEL DE ROUEN

1ERE CHAMBRE CIVILE

ARRET DU 1er MARS 2023

DÉCISION DÉFÉRÉE :

19/01361

Tribunal judiciaire de Rouen du 15 juin 2021

APPELANT :

Monsieur [L] [G]

né le 7 avril 1969 à [Localité 6]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

représenté et assisté par Me Sébastien FERIAL, avocat au barreau de l'Eure

INTIMES :

Monsieur [F] [O]

né le 30 novembre 1957 à [Localité 5]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représenté et assisté par Me Yves MAHIU de la SELARL DE BEZENAC ET ASSOCIÉS, avocat au barreau de Rouen

Madame [X] [R] épouse [O]

née le 23 mai 1957 à [Localité 5]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée et assistée par Me Yves MAHIU de la SELARL DE BEZENAC ET ASSOCIÉS, avocat au barreau de Rouen

Samcv SMABTP

RCS de Paris n°775 684 764

[Adresse 4]

[Adresse 4]

représentée et assistée par Me Valérie GRAY de la SELARL GRAY SCOLAN, avocat au barreau de Rouen

Sarl GUILLERMAIN OUEST

RCS de Rouen n°B 441 288 206

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée et assistée par Me Valérie GRAY de la SELARL GRAY SCOLAN, avocat au barreau de Rouen

COMPOSITION DE LA COUR  :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 7 décembre 2022 sans opposition des avocats devant M. Jean-François MELLET, conseiller, rapporteur,

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée :

Mme Edwige WITTRANT, présidente de chambre,

M. Jean-François MELLET, conseiller,

Mme Magali DEGUETTE, conseillère,

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme Catherine CHEVALIER,

DEBATS :

A l'audience publique du 7 décembre 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 1er mars 2023.

ARRET :

CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 1er mars 2023, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

signé par Mme WITTRANT, présidente et par Mme CHEVALIER, greffier présent lors de la mise à disposition.

*

* *

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Courant 2001, la Sarl Cdr, assurée par la Smabtp au titre d'une police dommages ouvrage, a construit une maison située [Adresse 2]. Les travaux ont été réceptionnés le 22 novembre 2001.

Le 13 juin 2011, M. [G], propriétaire de la maison, a déclaré à la Smabtp deux désordres, et notamment la dégradation de la toiture et la présence de rouille perforante. L'assureur a désigné la Sarl Cabinet Guillermain ouest en qualité d'expert, qui a conclu le 31 juillet 2011 à l'absence de perforation. Le 11 août 2011, il a dénié sa garantie au motif de l'absence d'infiltrations, la rouille ne traduisant qu'un défaut esthétique.

M. [G] a vendu la maison à M. [F] [O] et Mme [X] [R], son épouse le 23 février 2012. Courant septembre 2013, M. et Mme [O] ont constaté que la toiture en ardoises de leur maison comportait des perforations. Le 2 octobre 2013, ils ont sollicité de la Smabtp la transmission du rapport rédigé par la Sarl Guillermain ouest. Le 15 octobre 2013, la Smabtp a dénié sa garantie à raison de l'expiration du délai décennal.

M. et Mme [O] ont obtenu la désignation d'un expert judiciaire par ordonnance de référé rendue le 15 janvier 2015. L'expert a remis son rapport le 24 avril 2017.

Par acte du 18 octobre 2017, M. et Mme [O] ont fait assigner M. [G], la Smabtp et la Sarl Guillermain ouest devant le tribunal judiciaire de Rouen.

Par jugement du 15 janvier 2021, le tribunal judiciaire de Rouen a :

- constaté que la Sarl toiture Hamel n'était pas en cause ;

- rejeté la demande formée par M. et Mme [O] contre M. [G] fondée sur les articles 1641 et suivants du code civil ;

- déclaré irrecevable la demande formée par M. et Mme [O] contre la Smabtp fondée sur la police dommages ouvrage consentie par cette dernière ;

- rejeté les autres demandes formées par M. et Mme [O] contre la Smabtp et la Sarl cabinet Guillermain ouest ;

- condamné M. [G] à payer à M. et Mme [O] solidairement :

. la somme de 27 000 euros de dommages et intérêts avec intérêts au taux légal à compter du jugement au titre de la perte de chance subie par les demandeurs à la suite de la méconnaissance par M. [G] de l'obligation d'information pesant sur lui ;

. la somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- ordonné l'exécution provisoire ;

- rejeté toute autre demande ;

- condamné M. [G] aux dépens comprenant le coût de la procédure de référé et ceux de l'expertise judiciaire et accorde un droit de recouvrement direct au profit de la Selarl Gray Scolan.

Par déclaration reçue au greffe le 3 septembre 2021, M. [G] a interjeté appel de la décision.

EXPOSE DES PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par dernières conclusions notifiées le 3 décembre 2021, M. [G] demande à la cour d'appel, au visa des articles 1641 et 1643 du code civil, d'infirmer le jugement rendu le 15 juin 2021 par le tribunal judiciaire de Rouen sauf en ce qu'il a rejeté la demande formée par M. et Mme [O] contre M. [G] fondée sur les articles 1641 et suivants du code civil, débouté M. et Mme [O] de leurs demandes d'indemnisation au titre du préjudice de jouissance et de leurs demandes visant à indexer leur préjudice sur l'indice du coût de la construction ;

statuant à nouveau des chefs infirmés,

- débouter M. et Mme [O] de leurs demandes dirigées à son encontre ;

subsidiairement et pour le cas où il serait fait droit totalement ou partiellement aux demandes dirigées contre lui ;

- limiter le montant des dommages et intérêts alloués au titre de la perte de chance à la somme de 6 984,78 euros ;

- condamner la Sarl Cabinet Guillermain ouest et la Smabtp à le garantir de toutes condamnations prononcées à son encontre au profit de M. et Mme [O] et ce y compris les frais d'expertise judiciaire ;

en tout état de cause,

- condamner toute partie succombante à lui payer une indemnité de 6 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les entiers dépens.

Il soutient en substance ce qui suit :

- il ne peut lui être reproché d'avoir méconnu son obligation d'information en ne révélant pas à M. et Mme [O] l'existence du rapport amiable établi par le cabinet Guillermain ouest, alors même que ce rapport ne contenait aucune information qui aurait pu être de nature à alerter M. et Mme [O] sur l'existence d'une pyrite de nature perforante ;

- le cabinet Guillermain ouest a conclu à l'absence de toute pyrite et, en tout état de cause, à l'absence de tout défaut d'étanchéité de la couverture ;

- la clause de non-garantie des vices cachés doit recevoir application ;

- M. [G] qui n'est pas un professionnel de la construction, ne pouvait pas supposer que les traces de rouille constituaient en réalité les prémices d'une pyrite perforante ;

- la réparation d'une perte de chance doit être mesurée à la chance perdue et ne pas être égale à l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée.

Par dernières conclusions notifiées le 28 février 2022, M. et Mme [O] demandent à la cour de réformer le jugement entrepris en ce qu'il les a :

- débouté de leur demande dirigée à l'encontre de Mr [L] [G] au visa des dispositions des articles 1641 et 1643 du code civil ;

- déclaré irrecevable leur demande contre la Smabtp fondée sur la police de dommages à l'ouvrage ;

- rejeté leur demande contre la Smabtp et la Sarl Cabinet Guillermain ouest ;

et statuant à nouveau, de :

- condamner M. [G] au visa des dispositions des articles 1641 et 1643 du code civil et subsidiairement sur le fondement de l'obligation d'information pesant sur lui, la Smabtp au visa des dispositions 1147 du code civil, et la Sarl Cabinet Guillermain ouest au visa des dispositions de l'article 1240 du code civil, conjointement et solidairement, à leur payer la somme de 39 037,53 euros ;

- dire et juger que ladite somme sera indexée sur l'indice du coût de la construction en vigueur au jour du jugement ;

- condamner les mêmes et dans la même solidarité à leur payer la somme de

5 000 euros à titre d'indemnité pour privation de jouissance ;

- dire et juger que les condamnations pécuniaires porteront intérêts de droit à compter du jour du jugement ;

- dire et juger que dans le cas où seule la responsabilité de M. [G] serait retenue au titre d'un manquement à l'obligation d'information, la perte de chance sera évaluée à 85 % du préjudice subi, soit (39 037,53 euros + 5 000 euros) x 85 % = 37 431,90 euros

- condamner les mêmes et dans la même solidarité à leur payer la somme de

4 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, pour les frais irrépétibles en cause d'appel ;

- condamner les mêmes et dans la même solidarité à leur payer la somme de

6 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, pour les frais irrépétibles de première instance ;

- condamner les mêmes aux entiers dépens de la procédure de première instance et d'appel, en ce compris les frais de référé et d'expertise judiciaire.

Ils soutiennent en substance ce qui suit :

- le vendeur avait une parfaite connaissance du désordre puisqu'il avait fait établir un rapport d'expertise en date du 29 juillet 2011 dans lequel il est clairement indiqué que les ardoises contiennent 'des inclusions métalliques' et une présence de 'rouille' ;

- M. [G] a d'ailleurs saisi son assureur de dommages à l'ouvrage en déclarant une rouille perforante ;

- si les informations retenues par M. [G] avaient été portées à leur connaissance, ils auraient pu interroger un professionnel et s'enquérir de l'évolution de la rouille ;

- le rapport d'expertise judiciaire est opposable à l'assureur ; bien que dressé de façon non contradictoire, il a été versé aux débats et régulièrement soumis à la discussion contradictoire ; rien n'interdit au juge de fonder sa décision sur ce rapport ;

- l'action à l'encontre de la Smabtp, assureur dommages à l'ouvrage, est recevable, les désordres étant nés dans le délai de dix ans et la déclaration de sinistre était datée du 16 juin 2011 ;

- l'assureur a renoncé à invoquer la prescription biennale ;

- le désordre affectant la couverture de l'immeuble litigieux a un caractère évolutif, c'est-à-dire que sa manifestation postérieurement à l'expiration du délai d'action n'est que la suite logique ou l'aggravation des désordres d'origine ;

- le Cabinet Guillermain ouest a commis une erreur de diagnostic lors de ses investigations sur les lieux litigieux puisque la pyrite existait déjà.

Par dernières conclusions notifiées le 3 mars 2022, la Smabtp et la Sarl Guillermain ouest demandent à la cour, au visa des articles 901, 562 du code de procédure civile, de :

- constater l'absence d'effet dévolutif de l'acte d'appel régularisé par M. [G] à leur égard ;

- constater que la cour d'appel n'est saisie d'aucune demande à leur égard ;

en conséquence,

- rejeter toute demande présentée à leur encontre ;

en tout état de cause,

- débouter M. [G] de toutes ses demandes présentées à leur encontre ;

- débouter M. et Mme [O] des fins de leur appel incident ;

- les débouter de toutes leurs demandes à leur égard ;

en conséquence,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il les a mises hors de cause ;

y ajoutant,

- condamner M. [G] et M. et Mme [O] à leur régler une somme de

7 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- les condamner en tous les dépens de première instance et d'appel que la Selarl Gray Scolan, avocats associés, sera autorisée à recouvrer selon les dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Elles soutiennent en substance ce qui suit :

- conformément à l'article 901 du code de procédure civile, la déclaration d'appel doit contenir les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l'appel est limité ;

- la disposition du jugement les mettant hors de cause n'est pas visée au titre des chefs expressément critiqués dans la déclaration d'appel ;

- il appartient à l'assuré qui entend voir mobiliser la garantie dommages ouvrage de prouver l'existence d'un dommage relevant de la garantie décennale et survenu dans le délai d'épreuve ;

- les critères cumulatifs du dommage évolutif ne sont pas réunis dès lors que le désordre n'a pas atteint le seuil de gravité décennal à l'intérieur du délai décennal et n'a pas été dénoncé judiciairement dans ce délai ;

- aucun désordre de caractère décennal n'a été caractérisé dans un délai de 10 ans, et l'assurance dommages-ouvrage n'a pas été mobilisée dans ce délai, voire dans un délai maximum de 12 ans à compter de la réception ;

- toute pyrite n'évolue pas nécessairement en percement ;

- la Sarl Guillermain ouest est intervenu dans le cadre du contrat dommages-ouvrage et devait se prononcer uniquement sur l'existence d'un dommage susceptible de recevoir une qualification décennale. Il ne lui appartenait pas d'identifier d'éventuelles non-conformités ;

- la seule présence d'une pyrite ne permet pas automatiquement de conclure à l'existence d'un phénomène évolutif qui conduira à terme à un défaut d'étanchéité permettant de retenir une qualification décennale.

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures visées ci-dessus conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 16 novembre 2022.

MOTIFS

Sur la saisine de la cour

Ainsi que le soulèvent la Smabtp et la Sarl Guillermain ouest, en application de l'article 901 du code de procédure civile, la déclaration d'appel n'opère dévolution que pour les chefs du jugement qu'elle critique expressément.

La déclaration d'appel régularisée par M. [G] ne vise pas le chef du jugement par lequel le tribunal a rejeté les autres demandes formées par M. et Mme [O] contre la Smabtp et la Sarl Guillermain ouest.

M. [G] n'a certes dévolu à la cour que les dispositions du jugement qui le condamnent personnellement. Toutefois, M. et Mme [O] sollicitent quant à eux, par conclusions du 28 février 2002, la condamnation de la Smabtp et de la Sarl Guillermain ouest à les indemniser, demande qui doit s'interpréter comme un appel incident.

La cour est donc bien saisie de ces dernières demandes, et le défaut d'effet dévolutif n'est d'ailleurs pas soulevé la concernant.

Sur la garantie des vices cachés

Ainsi que l'a rappelé le tribunal, la cause élusive du vice caché est opposable entre particuliers, sauf mauvaise foi avérée, notamment si le vendeur avait connaissance du vice au moment de la vente.

Il ressort notamment du rapport d'expertise qu'une grande partie de la surface de la toiture est affectée de pyrite ; que de nombreuses ardoises sont perforées et que, lors de la vente, la présence de pyrite était détectable par un professionnel mais non par un profane.

Ainsi que l'a relevé le tribunal, sur la base d'une analyse qui n'appelle pas de critique, il ne résulte pas des débats que les ardoises étaient percées au jour de la vente. Le rapport de l'expert dommages-ouvrage, la Sarl Guillermain ouest, établi le 29 juillet 2011, mentionne ce qui suit : 'aucun percement n'est observé. Aucun défaut d'étanchéité de la couverture n'est constaté.' L'expert judiciaire n'a pas infirmé cette appréciation.

Par ailleurs, ainsi que l'a relevé le tribunal, le vendeur était profane, sa bonne foi se présume donc, et rien n'indique qu'il aurait eu connaissance, au jour de la vente des perforations, ni même du caractère potentiellement infiltrant des pyrites.

Le rapport de l'expert dommages-ouvrage était d'ailleurs de nature à lever tout doute sur ce point.

La décision n'appelle donc pas de critique en ce que les demandes formées sur la garantie des vices cachés ont été rejetées.

Sur le défaut d'information précontractuelle

Après avoir visé le troisième alinéa de l'ancien article 1134 du code civil, relatif au devoir de bonne foi dans l'exécution du contrat, le tribunal a retenu la responsabilité du vendeur pour manquement à son obligation précontractuelle d'information.

Il a relevé que M. [G] n'avait pas révélé à ses acheteurs la déclaration de sinistre adressée à la Smabtp le 13 juin 2011, ne leur avait pas communiqué le rapport de l'expert de dommages-ouvrage, et n'avait pas mentionné la présence de rouille, alors qu'elle existe depuis le mois de mars 2002.

Le vendeur non professionnel doit renseigner l'acquéreur sur la chose vendue et lui communiquer les informations utiles dont il dispose.

Dans la déclaration de sinistre adressée le 13 juin 2011, M. [G] évoque la présence de rouille sur les ardoises depuis 2002. Il évoque la présence de pyrite perforante.

Dans son rapport du 4 août 2021, dressé en présence du maçon et du couvreur, l'expert amiable, la Sarl Guillermain ouest a toutefois contredit fermement l'hypothèse de perforations ou de défauts d'étanchéité. Il ne peut donc pas être reproché à M. [G] de n'avoir pas informé les acheteurs d'un défaut de perforation, ou des doutes qu'il avait sur ce point, puisqu'un professionnel de l'art avait conclu à l'absence de perforation.

Par ailleurs, la Sarl Guillermain ouest indique que 's'agissant d'ardoises naturelles, elles contiennent des inclusions métalliques qui ponctuellement coté sud, provoquent des corrosions par coulure'. M. [G] n'est pas spécialiste des ardoises et de la pyrite, et au regard de la formulation ci-dessus retenue par l'expert, il était fondé à penser que les inclusions métalliques et coulures qu'il observait depuis 2002 correspondaient à un phénomène normal 's'agissant d'ardoises naturelles' qui ne causait qu'un préjudice esthétique.

Il n'est pas contesté que ces coulures étaient visibles. Le rapport Elex, dressé sur demande des acheteurs, confirme que ces derniers avait bien repéré ces traces avant l'achat. Il ne peut donc être reproché à M. [G] un manquement à son devoir d'information sur ce point.

Enfin, contrairement à ce que soutiennent les appelants, M. [G] n'a commis aucun manquement au regard de la clause 'sinistre-assurance' stipulée en page 9 du contrat d'assurance. Cette clause lui faisait obligation de signaler les sinistres en cours, c'est-à-dire 'non réglés'.

Or, dans sa lettre de non-garantie du 11 août 2011, la Smabtp a exclu à l'existence d'un sinistre, relevant que la rouille apparente ne causait qu'un désordre esthétique, et dénié sa garantie.

M. [G] n'avait pas de raison de remettre en cause cette explication qui purgeait sa déclaration de sinistre, manifestement erronée quant à la nature et à la gravité du désordre. Il ne l'a d'ailleurs pas contestée.

Il ne peut donc lui être reproché de ne pas avoir signalé 'l'existence d'un sinistre en cours non réglé avec son assureur'. Il n'y avait en réalité, à ce stade, pas de sinistre, mais une déclaration vaine portant sur un désordre esthétique décelable par les acquéreurs.

Le vendeur n'était pas tenu de faire part de ses doutes antérieurs sur l'état de la toiture dès lors qu'ils avaient été clairement infirmés par l'expert dommages-ouvrage.

La décision sera donc infirmée en ce que l'intéressé a été condamné, pour perte de chance, à régler l'intégralité du coût de la réparation, à raison d'un manquement à la bonne foi et à une obligation précontractuelle d'information.

Sur les demandes formées à l'encontre de la Smabtp et de la Sarl Guillermain ouest

Après avoir visé les articles 1792 du code civil et L.114-1 du code des assurances, le tribunal a relevé que le délai de garantie décennale avait expiré le 22 novembre 2011 et qu'il n'était pas démontré qu'à cette date, un dommage de nature décennal était apparu.

M. et Mme [O] font plaider que la garantie de l'assureur est due s'agissant d'un désordre évolutif, dès lors que sa manifestation postérieurement à l'expiration du délai d'action est la suite logique des désordres d'origine.

S'agissant d'un délai d'épreuve, la garantie décennale ne couvre pas les conséquences futures des vices dont le caractère décennal ne s'est pas révélé dans les 10 ans de la réception.

De nouveaux désordres constatés au-delà du délai d'épreuve ne peuvent être réparés que s'ils trouvent leur siège dans l'ouvrage où si un désordre de même nature avait été constaté et sa réparation demandée en justice avant l'expiration de ce délai.

Or, ni le rapport d'expertise, ni aucune autre pièce ne démontre l'apparition de perforations ou d'infiltrations avant le 22 novembre 2011. Le rapport d'expertise amiable conclut à l'absence de toute perforation et infiltration à la date du 4 août 2011. La Smabtp a d'ailleurs dénié sa garantie sur cette base.

La décision n'appelle donc pas de critique en ce que M. et Mme [O] ont été déclarés irrecevables à l'encontre de l'assureur sur le fondement décennal.

M. et Mme [O] indiquent subsidiairement qu'ils sont subrogés dans les droits de leur auteur vis-à-vis de la Smabtp et reprochent à cette dernière une faute contractuelle, consistant à avoir diligenté une expertise insuffisante.

Ils agissent parallèlement, sur le fondement délictuel, contre la Sarl Guillermain ouest et soutiennent que l'expert de l'assureur ne pouvait ignorer que le phénomène observé en toiture dégénèrerait nécessairement en perforations à court terme.

La Smabtp soutient que la Sarl Guillermain ouest n'est ni son mandataire ni son préposé ; qu'aucune faute de sa part n'est démontrée ; qu'il n'avait pas à se prononcer sur la non-conformité des ardoises mais uniquement sur l'existence ou non d'un désordre de nature décennale, et que rien n'infirme cet avis.

L'expert désigné par l'assureur n'est pas titulaire d'un mandat mais d'un contrat de louage d'ouvrage. Il peut engager sa responsabilité contractuelle vis-à-vis de l'assureur, notamment au titre de défaut de conseil, quand il a omis de signaler l'existence de facteurs aggravants ou déclenchant du sinistre entrant dans le champ de l'expertise qui lui est confiée. Sa responsabilité vis-à-vis des tiers est de nature délictuelle.

Sa faute doit être démontrée.

L'argumentation de M. et Mme [O] repose sur une appréciation formulée par l'expert judiciaire, rappelée par le tribunal, selon laquelle 'la présence de rouille est un signe de présence de pyrite, ou d'inclusions métalliques, qui de fait à terme est traversante'. La Sarl Guillermain ouest aurait donc dû signaler, dans l'exercice de sa mission, la perspective de perforations à venir.

Il y a toutefois lieu de relever, ainsi que l'a fait le tribunal, que le rapport d'expertise judiciaire n'est opposable ni à l'assureur ni à la Sarl Guillermain ouest puisqu'il n'a pas été réalisé contradictoirement à leur égard. Le juge des référés a en effet refusé de leur rendre communes ces opérations. Les parties concernées ne soulèvent pas l'inopposabilité du rapport.

Par ailleurs, l'expert judiciaire ne s'est pas prononcé sur l'existence d'une faute de diagnostic de la Sarl Guillermain ouest. Cette dernière n'a pu faire valoir ses observations sur l'affirmation très générale de l'expert selon laquelle la présence de rouille impliquerait nécessairement l'apparition de perforations, sans d'ailleurs que le terme de cette apparition ne soit précisé.

La Sarl Guillermain ouest, qui a été saisie afin de décrire l'existence d'un désordre décennal à la date de son rapport, a répondu à l'objet de sa mission, par la négative, ce qui traduit aucune faute, puisqu'aucune perforation infiltrante n'est établie dans le délai d'épreuve. Il n'est pas démontré que l'apparition de perforations à court terme était prévisible à la date de son intervention, et qu'elle aurait dû les anticiper. Le moyen tiré d'une omission d'alerter sur un facteur d'aggravation du désordre n'est pas démontré.

La décision n'appelle donc pas de critique en ce que le tribunal a rejeté les demandes formées contre la Smabtp et de la Sarl Guillermain ouest.

Sur les frais de procédure

Les dispositions du jugement relatives aux dépens et frais irrépétibles doivent être infirmées puisque M. [G] n'est pas condamné au principal.

M. et Mme [O] succombent à l'instance et seront condamnés aux dépens de première instance et d'appel, dont distraction au bénéfice de la Selarl Gray Scolan, avocats associés.

Ils seront en outre condamnés à payer une somme pour frais irrépétibles qu'il est équitable de fixer à 3 000 euros au bénéfice de M. [G] et à 1 500 euros au bénéfice conjoint de la Smabtp et de la Sarl Guillermain ouest.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe,

Infirme le jugement en ce que le tribunal a :

- condamné M. [G] à payer à M. et Mme [O] solidairement la somme de 27 000 euros à titre de dommages et intérêts outre 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné M. [G] aux dépens comprenant le coût de la procédure de référé et ceux de l'expertise judiciaire et accorde un droit de recouvrement direct à la Selarl Gray Scolan ;

- rejeté tout autre demande ;

Confirme le jugement pour le surplus de ses dispositions soumises à la cour ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés, y ajoutant,

Rejette les demandes formées par M. [F] [O] et Mme [X] [R], son épouse ;

Condamne M. [F] [O] et Mme [X] [R], son épouse, à payer la somme de 3 000 euros à M. [L] [G] et la somme de 1 500 euros à la Smabtp et la Sarl Guillermain ouest, pris ensemble, en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. [F] [O] et Mme [X] [R], son épouse, aux dépens de première instance et d'appel, comprenant le coût de la procédure de référé et ceux de l'expertise judiciaire, dont distraction au bénéfice de la Selarl Gray Scolan, avocats associés.

Le greffier La présidente de chambre,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rouen
Formation : 1ère ch. civile
Numéro d'arrêt : 21/03515
Date de la décision : 01/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-01;21.03515 ?
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